LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 31 mars 2016), que Mme X... et M. Y... ont constitué à parts égales la société civile immobilière Les Flamants roses (la SCI) alors qu'ils vivaient en concubinage ; que Mme X... a assigné son associé et la SCI en dissolution anticipée de la société et en désignation d'un liquidateur ;
Attendu que M. Y... et la SCI, représentée par son liquidateur, font grief à l'arrêt d'accueillir ces demandes ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant souverainement retenu que les dernières conclusions de Mme X... avaient été signifiées par voie électronique le 7 décembre 2015, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'ordonner la réouverture des débats, ni de répondre à une demande dont elle n'était pas régulièrement saisie aux fins de révocation de l'ordonnance de clôture prononcée le 4 février 2016, a pu, sans encourir les griefs du moyen, statuer au vu de ces écritures ;
Et attendu, d'autre part, qu'ayant constaté que la mésentente entre les associés avait son origine dans leur séparation en 2011 et relevé l'absence de réunion de l'assemblée générale et de prise de décision depuis cette séparation, ainsi que le non-paiement total ou partiel des impôts et taxes, que les remboursements des crédits connaissaient des retards, que les comptes sociaux étaient grevés par des pénalités et intérêts de retard et que des loyers étaient versés directement sur le compte de M. Y... et non sur celui de la SCI, la cour d'appel, devant laquelle il n'était pas soutenu que Mme X... était la seule responsable de la mésentente des associés, a pu en déduire que le fonctionnement de la société était paralysé et a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... et Mme Z..., prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SCI Les Flamants roses, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y... et Mme Pascale Z..., ès qualités, à payer la somme globale de 3 000 euros à Mme X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze septembre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour M. Hubert Y... et la société Les Flamants Roses
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR prononcé la dissolution de la SCI LES FLAMANTS ROSES, D'AVOIR ordonné sa liquidation, conformément aux dispositions de l'article 1844-8 du code civil et en conséquence, D'AVOIR désigné Maître Michèle A... en qualité de liquidateur, D'AVOIR dit que le liquidateur aura les pouvoirs conformes aux lois en usage en la matière et notamment, ceux de gérer et d'administrer la société dans le but de sa liquidation ; D'AVOIR fixé à sa rémunération et D'AVOIR condamné Monsieur Y... au paiement des frais irrépétibles à l'égard de Madame X...
AUX MOTIFS QUE « Madame Chleng X... fait valoir que monsieur Y... n'a pas respecté ses obligations notamment en ne payant pas les échéances des prêts de sorte qu'ils sont tous deux assignés en remboursement de la somme de 244.042,60 euros par le Crédit Logement ; le Cautionnement Mutuel de l'Habitat leur demande également le remboursement anticipé de la somme restant due au titre d'un autre prêt, soit la somme de 146.651 euros ; elle se plaint également du manquement de monsieur Y... à ses obligations d'associé et lui reproche d'avoir utilisé la carte bancaire de la société pour ses besoins personnels et de percevoir les loyers sur son compte personnel ainsi que d'occuper un des biens sans verser d'indemnité d'occupation ; elle ajoute qu'il n'y a aucune réunion régulière des organes sociaux, aucune convocation aux assemblées, aucune délibération et aucune décision collective ; ces faits caractérisent selon elle une paralysie du fonctionnement de la société ; subsidiairement, elle demande la nomination d'un administrateur provisoire compte tenu du péril imminent et le paiement par monsieur Y... d'un loyer ; enfin, infiniment subsidiairement elle demande son retrait de la société et la nomination d'un expert pour évaluer les parts sociales ; aux termes des dispositions de l'article 1844-7 du code civil le tribunal peut ordonner la dissolution anticipée d'une société à la demande d'un associé pour justes motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société ; en l'espèce, il n'est pas contestable qu'il existe une mésentente entre les associés ; il convient en conséquence d'examiner si cette mésentente paralyse le fonctionnement de la société ; il ressort des pièces versées aux débats que les parties, qui vivaient en concubinage au moment de la constitution de la société et de l'acquisition des biens immobiliers, se sont séparées depuis 2011 ; à la suite de cette séparation, des difficultés sont apparues dans la gestion de ces biens ; les impôts et taxes n'étaient plus payés ou partiellement, les crédits immobiliers connaissaient également des retards de paiements et c'est ainsi que le compte ouvert au nom de la SCI à la Société Générale a été clôturé ; de même, des hypothèques ont été prises sur les biens en sûreté du remboursement des prêts ; du fait de ces carences, et en l'espèce il n'est pas soutenu que madame X... en serait la seule responsable, des pénalités et intérêts de retard ont grevé les comptes sociaux entraînant ainsi un vrai manque à gagner pour la société ; il ressort par ailleurs d'un courriel de la société Arthurimmo, gérant des biens appartenant à la SCI, que des loyers étaient directement versés sur le compte de monsieur Y... et non sur celui de la SCI ; et la cour relève qu'aucune assemblée ne s'est tenue et aucune décision n'a été prise par les associés depuis leur séparation ; il résulte de ces éléments, non paiement des charges, non encaissement des loyers, absence de tenue des assemblées générales, que le fonctionnement de la société est paralysé ; il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et de prononcer la dissolution de la société ; pour ce qui concerne la charge du paiement des loyers par monsieur Y..., la cour constate d'une part que cette demande ne peut être formulée que par la SCI elle-même et d'autre part qu'en tout état de cause elle ne dispose d'aucun élément sur ce point et qu'il appartiendra en conséquence à l'administrateur désigné pour procéder aux opérations de liquidation d'examiner cette demande » ;
1°/ ALORS, D'UNE PART, QUE le juge, tenu de respecter le principe du contradictoire, doit vérifier que les conclusions ont été signifiées à l'autre partie et effectivement reçues par elle, et écarter des débats celles qui ne l'ont pas été ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel ne pouvait prendre en considération les conclusions de Mme X... « signifiées par voie électronique le 7 décembre 2015 », quand le conseil des exposants contestait les avoir reçues nonobstant l'accusé de réception RPVA invoqué par le conseil de celle-ci, contestation dont le bien fondé était confirmé par le fait – relaté dans un courrier du conseil de Mme X... – que la Cour d'appel avait elle-même indiqué, lors de l'audience de plaidoiries, ne pas avoir trace de la régularisation de ces conclusions ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile, l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le principe de la contradiction ;
2°/ ALORS, D'AUTRE PART, QU' aucune conclusion ne peut être déposée après l'ordonnance de clôture, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office ; qu'en prenant en considération les conclusions de Mme X... « signifiées par voie électronique le 7 décembre 2015 », après avoir elle-même indiqué, lors de l'audience de plaidoiries, ne pas avoir trace de leur régularisation, ce dont il résultait nécessairement que ces conclusions avaient été déposées à l'audience de plaidoiries du 2 mars 2016 donc après l'ordonnance de clôture prononcée le 4 février 2016, ce qui les rendait irrecevables, la Cour d'appel a violé l'article 783 du code de procédure civile, ensemble l'article 16 du même code, l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le principe de la contradiction ;
3°/ ALORS, EN OUTRE, QUE si les juges du fond disposent d'un pouvoir souverain pour apprécier si des conclusions ont été déposées en temps utile, ils sont tenus de respecter et de faire respecter le principe de la contradiction et de répondre à la demande de l'autre partie qui sollicite la révocation de l'ordonnance de clôture et la réouverture des débats afin de pouvoir y répliquer, que cette demande soit déposée avant ou après le prononcé de l'ordonnance de clôture ; qu'en ne répondant pas à la demande du conseil des exposants qui sollicitait, par message RPVA du 3 mars 2016, la révocation de l'ordonnance de clôture et la réouverture des débats afin de pouvoir répliquer aux conclusions adverses datées du 7 décembre 2015 qu'il indiquait ne jamais avoir reçues, la Cour d'appel a violé, ensemble, les articles 15, 16 et 455 du code de procédure civile, 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le principe de la contradiction ;
4°/ ALORS, SUBSIDIAIREMENT ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE la dissolution judiciaire d'une société pour mésentente suppose que celle-ci ne trouve pas sa cause exclusive dans les agissements de celui qui s'en prévaut et qui paralyse son fonctionnement ; qu'en se bornant à affirmer qu'« il n'est pas contestable qu'il existe une mésentente entre les associés »
pour retenir que cette condition nécessaire au prononcé de la dissolution était remplie, sans déterminer l'origine de la dissension ni vérifier si, comme le soutenait l'exposant, sa cause résultait des seuls agissements de Mme X... qui s'en prévalait ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1844-7 et suivants du code civil ;
5°/ ALORS, ENFIN, QUE la circonstance que l'associé qui exerce l'action en dissolution soit à l'origine de la paralysie du fonctionnement de la société qu'il invoque fait obstacle à ce que celle-ci soit regardée comme un juste motif de dissolution ; que la Cour d'appel ne pouvait retenir comme juste motif de dissolution l'absence de tenue des assemblées générales et de prise de décision par les associés depuis leur séparation, quand il résultait, d'une part, de ses propres constatations que Mme X... était co-gérante de la société (arrêt p. 2 § 1), et d'autre part, des motifs du jugement entrepris qu'en cette qualité, celle-ci avait la faculté d'agir et de convoquer, seule, une assemblée générale, en vertu des statuts (jugement p. 5 § 8), ce qu'elle s'était abstenue de faire, de sorte qu'elle ne pouvait invoquer au soutien de sa demande de dissolution la paralysie des organes sociaux qui lui était tout autant imputable qu'à M. Y..., l'autre co-gérant et associé ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé l'article 1844-7 du code civil.