LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 2 avril 1990 par la Société ACM, aux droits de laquelle vient la Société nouvelle ACM, a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident du salarié, ci-après annexé :
Attendu que le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de fait et de preuve dont elle a, sans méconnaître les règles spécifiques de preuve et exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 2141-5 du code du travail, déduit que le salarié n'établissait pas de faits qui permettaient de présumer l'existence d'une discrimination syndicale ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal de l'employeur :
Vu les articles L. 3211-1 et L. 1221-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au litige ;
Attendu que pour condamner l'employeur au paiement d'un rappel de primes de vacances et de fin d'année, l'arrêt retient que le montant de la prime versée au salarié entre 1990 et 2001 par l'employeur n'était nullement régulier mais représentait une moyenne de 94,23 % du salaire, que la prime n'a pas été versée en 2002 ni même en 2003 et n'était pas du même montant suivant les années, que néanmoins, compte tenu de la durée de versement de la prime lorsque le salarié était lié à la Société ACM, la Société nouvelle ACM ne pouvait se soustraire à son versement en ce qu'elle était effectivement devenue un usage entre les parties ;
Qu'en statuant ainsi, sans constater la généralité, la constance et la fixité au sein de l'entreprise de ces primes, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence d'un usage, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la Société nouvelle ACM à payer à M. X... pour les années 2011 à 2013 la somme de 5797,69 euros outre 579,76 euros au titre des congés-payés y afférents, l'arrêt rendu le 11 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour la société Nouvelle ACM, demanderesse au pourvoi principal.
La société Nouvelle ACM fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer à M. X... la somme de 5.797,69 euros, outre celle de 579,76 euros au titre des congés payés y afférents, à titre de rappel de prime de vacances et de fin d'année pour les années 2011 à 2013, avec intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur en conciliation ;
AUX MOTIFS QU'aucun contrat de travail écrit ne liait les parties de sorte que la société nouvelle ACM ne peut valablement soutenir que cette prime ne résulte pas du contrat de travail ; que des bulletins de salaire versés aux débats, il apparaît que la prime qui était versée à M. X... entre 1990 et 2001 par la société ACM était qualifiée de prime exceptionnelle de vacances (en juillet) ou prime exceptionnelle de fin d'année (en décembre), dont le montant n'était nullement régulier et dont le total annuel ne correspondait pas à un mois de salaire mais représentait une moyenne de 94,23 % dudit salaire, suivant les dispositions portées au jugement du conseil de prud'hommes d'Argentan du 4 janvier 2011 opposant ce salarié à la société ACM et ayant conduit au règlement de cette prime pour les années 2004 à 2007 ; que la prime n'a pas été versée en 2002 ni même en 2003 et n'était pas du même montant suivant les années ; que néanmoins, compte tenu de la durée de versement de la prime lorsque le salarié était lié à la société ACM, la société nouvelle ACM ne peut se soustraire à son versement en ce qu'elle est effectivement devenue un usage entre les parties de sorte qu'il convient de faire droit à la demande de M. X... en réduisant la prime à la somme de 5.797,69 euros représentant 94,23 % du salaire perçus durant les 3 années où cette prime est due, outre les congés-payés y afférents ;
1°) ALORS QUE le versement par l'employeur d'une prime n'acquiert la valeur contraignante d'un usage que si cette prime présente les caractères de constance, fixité et généralité dans l'entreprise ; qu'en énonçant, pour condamner la société Nouvelle ACM à payer à M. X... une prime de vacances et de fin d'année durant les années 2011 à 2013, que cette dernière est devenue un usage entre les parties compte tenu de la durée de son versement lorsque le salarié était lié à la société ACM, tout en relevant par ailleurs que cette prime n'avait été versée ni en 2002, ni même en 2003 et que son montant, nullement régulier, variait suivant les années, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations desquelles il résultait que cette prime exceptionnelle ne revêtait aucun caractère de fixité et de constance, susceptible de la rendre obligatoire pour l'employeur, et a ainsi violé ensemble les articles L. 3211-1 et L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil ;
2°) ALORS QU'en tout état de cause, en se bornant, pour condamner la société Nouvelle ACM à payer à M. X... une prime de vacances et de fin d'année durant les années 2011 à 2013, que cette dernière est devenue un usage entre les parties compte tenu de la durée de son versement lorsque le salarié était lié à la société ACM, sans vérifier, ainsi qu'elle y était invitée, si les conditions d'attribution de cette prime ne dépendait pas tant de la rentabilité de l'entreprise que du comportement individuel de chacun des salariés et donc, de critères qui, subjectifs et aléatoires, révélaient l'absence de constance et de fixité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3211-1 et L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil.
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X..., demandeur au pourvoi incident.
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les éléments produits par le salarié au soutien de sa demande de reconnaissance d'une discrimination syndicale étaient insuffisants à démontrer l'existence de cette discrimination, et de l'avoir en conséquence débouté des demandes indemnitaires afférentes à cette demande.
AUX MOTIFS QUE M. X... se plaint de discrimination syndicale et rappelle qu'il a été délégué du personnel de 1995 à novembre 2013 et délégué syndical CFDT de 2002 à novembre 2013 et énumère les nombreuses fonctions représentatives qu'il occupe à l'extérieur de l'entreprise où il est salarié ; Le salarié invoque à ce titre :
1 -le fait d'être affecté à un travail essentiellement de nettoyage et d'entretien des moules tandis que les deux autres ajusteurs sont au montage d'outillage neuf.
2- l'embauche d'un ajusteur en contrat à durée déterminée pour surcroît d'activité alors qu'en réalité il effectue son travail habituel pendant qu'il doit faire du « bricolage »
3 -le reproche de faire des heures supplémentaires dans son intérêt alors qu'elles lui sont demandées
4 -les remarques désobligeantes de certains actionnaires à son encontre
5 - certains salariés qui ont bénéficié d'augmentation de salaire pour diminuer les écarts mais pour lui c'est plutôt le contraire qui s'est produit
6 - le 28 août 2012, une partie de ses congés-payés lui a été refusée au motif qu'elle risquerait d'induire des congés de fractionnement et l'amenant à être le seul salarié à voir ses dates de congés imposées
7 -l'absence de réaction de l'employeur alors qu'il a appris la bousculade causée par M. Y... à son encontre
8 -l'évolution de son salaire de 1,19% contre 5,52% pour d'autres salariés
9 -la nomination de M. Y... comme conseiller technique auprès du chef d'atelier alors qu'il n'a aucune formation supérieure à la sienne
10 - la menace de la suspension de l'intéressement en raison de la saisine qu'il a faite du conseil de prud'hommes
M. X... ne verse aucune pièce - autre que sa propre lettre écrite à son employeur le 12 août 2012- pour étayer les reproches qu'il formule sous les n° 1 à 4, En ce qui concerne les griefs 5 et 8 sur les écarts de salaire, il produit en pièce 38 deux bulletins de salaire que la cour ne peut apprécier du fait que les caractéristiques de l'emploi occupé par leurs titulaires ont été biffées alors que la cour l'a débouté ci-dessus de ses demandes de rappel de salaire et de prime d'ancienneté. En ce qui concerne le grief 6, il apparaît que l'employeur lui a demandé le 28 août de prendre ses congés avant le 31 octobre 2012 et celui-ci a répondu le 30 août 2012 qu'il souhaitait être en vacances du 24 au 28 septembre 2012, dates dont il ne dit pas qu'elles lui ont été refusées ; il ne justifie donc pas que la société nouvelle ACM SARL lui ait imposé d'autres dates de congés-payés. Aucune discrimination n'est rapportée. En ce qui concerne le grief 7, il produit l'attestation de M. Z... qui atteste que le 17 mai 2011, M. Y... a bousculé et menacé M. X... de lui « casser la gueule dehors » et que le responsable de l'ajustage, M. A..., est intervenu pour l'en empêcher; ainsi, il ressort de cette attestation que la hiérarchie a normalement répondu et protégé le salarié des menaces proférées à son encontre ; il ne justifie d'aucune autre scène avec M. Y... ; compte tenu de l'intervention justifiée et adéquate de M. A..., l'employeur n'avait pas à plus réagir et d'ailleurs, il n'a informé officiellement son employeur de cette scène que le 21 novembre 2013, ce qui démontre qu'il n'avait pas estimé utile que celui-ci réagisse au-delà. Il n'y a pas lieu à discrimination. En ce qui concerne le grief 9, M. X... verse le certificat établi par la société Helier qui l'a employé comme ajusteur mouliste de 1975 à 1977 puis de 1978 à 1986 et soutient qu'il a plus d'ancienneté que M. Y... ; mais la cour a retenu ci-dessus les raisons du choix de l'employeur de nommer ce dernier comme chef d'atelier compte tenu de sa polyvalence et aucun grief de discrimination n'est ainsi constitué. En ce qui concerne le grief 10, il verse le compte rendu de la réunion des DP du 27 septembre 2013 qui mentionne « le conseil d'administration a décidé de suspendre l'intéressement suite à des menaces (?) de mettre l'entreprise au conseil de prud'hommes. Suivant les suites données, la société se réserve le droit de remettre ou pas un nouveau contrat d'intéressement » et estime dans ses écritures que s'il n'est pas cité dans ces propos « c'est pire » ; il résulte de la procédure qu'en effet, M. X... a saisi le conseil de prud'hommes d'Argentan le 23 décembre 2013 ; s'il convient de fustiger les propos rapportés dans ce compte-rendu comme étant inadmissibles, en l'absence du nom du salarié qu'aurait proféré lesdites « menaces », aucune discrimination n'est constituée à l'encontre de quiconque. En l'état des pièces fournies, la matérialité de faits précis et concordants laissant supposer l'existence de discrimination directe ou indirecte n'est pas démontrée, et les demandes de M. X... seront rejetées.
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE Sur la demande de dommages et intérêts pour discrimination syndicale : Attendu que l'article L. 2141-5 du Code du Travail stipule: « Il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail. » ; M. Jacques X... a été élu Délégué du Personnel de novembre 1995 à novembre 2013 et désigné Délégué Syndical de janvier 2002 au 19 novembre 2013 ; Monsieur X... soutient qu'il a été victime d'une discrimination syndicale, se traduisant notamment par un refus d'une prime de ses congés payés ; selon les termes de 1'article L. 3141-19 du Code du Travail : « Lorsque le congé est fractionné, la fraction d'au moins douze jours ouvrables continus est attribuée pendant la période du 1er mai au 31 octobre de chaque année. Les jours restant dus peuvent être accordés en une ou plusieurs fois en dehors de cette période. Il est attribué deux jours ouvrables de congé supplémentaire lorsque le nombre de jours de congé pris en dehors de cette période est au moins égal à six et un seul lorsque ce nombre est compris entre trois et cinq jours. Les jours de congé principal dus en plus de vingt-quatre jours ouvrables ne sont pas pris en compte pour l'ouverture du droit à ce supplément. Des dérogations peuvent être apportées aux dispositions du présent article, soit après accord individuel du salarié, soit par convention ou accord d'entreprise ou d'établissement » ; Les parties peuvent déroger à cette règle par une convention particulière explicite et 1'employeur peut subordonner à une renonciation au bénéfice du congé supplémentaire son acquiescement à une demande de fractionnement de congé ; La Société Nouvelle ACM demande à ses salariés de remplir une feuille de congés payés, qui leur permet de poser des vacances en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre à condition de renoncer aux jours de congés supplémentaires générés par le fractionnement; (pièces défendeur n° 25-26-27 et 28) ; Monsieur Jacques X... a refusé de renoncer à ses jours supplémentaires de fractionnement; (pièces n°24 et 29) ; Monsieur Jacques X... évoque également une différence de traitement avec Monsieur Y...; que le Conseil a écarté précédemment ce grief et débouté Monsieur Jacques X... de cette demande ; Enfin à la lecture des pièces fournies aux débats par Monsieur Jacques X... et les réponses apportées par la Société Nouvelle ACM dans son dossier, le Conseil ne relève pas de faits de discrimination probants et suffisamment établis ; En conséquence, M Jacques X... sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination syndicale.
ALORS QUE, lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en l'espèce, le salarié faisait valoir qu'il avait été victime d'une discrimination syndicale en étayant sa demande sur le fondement de 10 éléments de fait qui laissaient présager l'existence d'une discrimination syndicale ; que pour débouter le salarié de sa demande, la Cour d'appel a examiné chacun des griefs allégués par le salarié et les a examinés isolément, les uns après les autres, sans les apprécier dans leur ensemble ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé l'article L. 2141-5 du Code du travail.