LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu l'arrêt n° 955 FS-D du 8 novembre 2016 (pourvois n° D 14-28.234, G 14-29.273, W 14-29.354, K 14-29.482, V 14-29.491, Q 14-29.509, A 14-29.542, V 14-50.076) de la Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation qui a partiellement cassé l'arrêt rendu le 20 novembre 2014 par la cour d'appel de Paris ;
Attendu que, par suite d'une erreur non imputable aux parties, la chambre a omis de prendre en considération le fait que la déclaration de pourvoi n° Q 14-29.509 ne mentionne pas, comme défendeurs au pourvoi, les sociétés Moulins Soufflet et Grands Moulins Storione ;
Qu'il convient dès lors de rabattre l'arrêt du 8 novembre 2016 ;
Et, statuant à nouveau sur les pourvois :
Joint les pourvois n° Q 14-29.509 formé par le président de l'Autorité de la concurrence, n° A 14-29.542 formé par la société Axiane meunerie, anciennement Groupe meunier X... (la société Axiane), n° W 14-29.354 formé par la société Grands Moulins de Strasbourg (la société GMS), n° G 14-29.273 formé par les sociétés Grain Millers GmbH et Co KG devenue la société Roland Mills United GmbH et Co KG (la société Grain Millers), Mills United Hovestadt et Munstermann GmbH (la société Mills United) et Heyl GmbH et Co KG (la société Heyl), n° D 14-28.234 formé par la société VK-Mühlen AG devenue la société Goodmills Deutschland GmbH (la société VK Mühlen), n° V 14-29.491, formé par les sociétés Flechtorfer Mühle Walter Thönebe GmbH (la société Flechtorfer) et Bliesmühle GmbH (la société Bliesmühle), n° V 14-50.076 formé par la société Karl Y...
Y... GmbH (la société Y...) et n° K 14-29.482 formé par la société Friessinger Mühle GmbH (la société Friessinger) qui attaquent le même arrêt ;
Statuant tant sur ces pourvois que sur les pourvois incidents relevés, d'une part, par la société Nutrixo et par la société Grands Moulins de Paris (la société GMP), cette dernière, agissant tant en son nom personnel qu'au nom de la société Euromill Nord (la société Euromill) aux droits de laquelle elle vient, et, d'autre part, par la société France farine, aux droits de laquelle est venue la société GMP ;
Donne acte au président de l'Autorité de la concurrence du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les sociétés Flechtorfer, France farine, Grain Millers, Bliesmühle, Friessinger, Heyl, Y..., Saalemühle Alsleben GmbH (la société Saalemühle), VK-Mühlen et Mills United ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite d'une demande de clémence effectuée par la société Wilh. Werhahn Mühlen GmbH et Co (la société Werhahn) et ses filiales, le Conseil de la concurrence, devenu l'Autorité de la concurrence (l'Autorité), s'est saisi d'office, le 23 avril 2008, de pratiques mises en oeuvre dans le secteur des farines alimentaires ; qu'après notification de trois griefs à différentes entreprises, l'Autorité, par décision n° 12-D-09 du 13 mars 2012, a, sur le premier grief, dit établi que les sociétés Axiane, Bach Mühle, Bindewald, Bliesmühle, Flechtorfer, France farine, Friessinger, Mills United, Grain Millers, GMP, GMS, Heyl, Saalemühle, VK Mühlen et Werhahn avaient enfreint les dispositions de l'article 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE)
et de l'article L. 420-1 du code de commerce en participant à une entente anticoncurrentielle visant à limiter les importations de farine en sachets entre l'Allemagne et la France, l'infraction ayant duré du 14 mai 2002 au 17 juin 2008 ; que, par cette même décision, l'Autorité a, sur le deuxième grief, dit établi que les sociétés Axiane, Euromill, GMP, GMS, Z... Cantin et Nutrixo avaient enfreint ces mêmes dispositions en participant, au travers de la société commune de commercialisation France farine, à une entente anticoncurrentielle visant à fixer le prix de la farine en sachets vendue à la grande et moyenne distribution en France, à répartir les clients et à limiter la production de ce produit et ce, pendant une période allant de janvier 1966 à janvier 2012, et sur le troisième grief, que ces mêmes sociétés, ainsi que les sociétés Grands Moulins Storione et Moulins Soufflet, avaient mis en oeuvre des pratiques similaires, par le biais de l'entreprise commune Bach Mühle, s'agissant de la farine en sachets vendue aux enseignes du hard discount en France, cette infraction ayant duré du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2011 ; que des sanctions pécuniaires ont été prononcées ; que, saisie de recours, la cour d'appel a rejeté ceux formés au titre du grief n° 1, sauf en ce qui concerne les montants des sanctions infligées à trois sociétés, qu'elle a réduits ; que, s'agissant des pratiques visées aux deuxième et troisième griefs, elle a dit qu'il n'était pas établi que les sociétés sanctionnées par l'Autorité avaient enfreint les dispositions des articles 101 TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;
Sur la recevabilité du pourvoi incident n° Q 14-29.509 en tant que relevé par la société Nutrixo, d'une part, et par la société Euromill, aux droits de laquelle vient la société GMP, d'autre part, examinée d'office après avertissement délivré aux parties :
Vu l'article 31 du code de procédure civile ;
Attendu que la société Nutrixo et la société GMP, cette dernière en tant que venant aux droits de la société Euromill, sont sans intérêt à critiquer l'arrêt qui les met hors de cause ; que leur pourvoi incident n'est pas recevable ;
Sur les premiers moyens des pourvois n° W 14-29.354 et A 14-29.542 et les premiers moyens des pourvois incidents n° Q 14-29.509 et D 14-28.234, pour partie rédigés en termes similaires ou identiques, réunis :
Attendu que la société GMS, la société Axiane et la société GMP, cette dernière agissant tant en son nom personnel qu'en tant que venant aux droits de la société France farine, font grief à l'arrêt du rejet de leurs recours alors, selon le moyen :
1°/ que toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée n'a point de Constitution ; qu'il résulte du principe d'impartialité, lequel est indissociable de l'exercice de fonctions juridictionnelles, qu'une juridiction ne saurait, en principe, disposer de la faculté d'introduire spontanément une instance au terme de laquelle elle prononce une décision revêtue de l'autorité de chose jugée ; que si la Constitution ne confère pas à cette interdiction un caractère général et absolu, la saisine d'office d'une juridiction ne peut trouver de justification, lorsque la procédure n'a pas pour objet le prononcé de sanctions ayant le caractère d'une punition, qu'à la condition qu'elle soit fondée sur un motif d'intérêt général et que soient instituées par la loi des garanties propres à assurer le respect du principe d'impartialité ; que la déclaration d'inconstitutionnalité de l'article L. 462-5 du code de commerce, dans sa version applicable au litige, par le Conseil constitutionnel, à venir en application de l'article 61-1 de la Constitution et de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, modifiée par la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009, privera de toute base légale l'arrêt attaqué fondé sur le texte susvisé ;
2°/ que le principe d'impartialité du tribunal impose en matière répressive la séparation des fonctions de poursuite et d'instruction, d'une part et de jugement, d'autre part, et prohibe, pour le juge devant statuer, toute faculté d'intervention, dans les fonctions de poursuite et d'accusation, de nature à faire naître pour le justiciable un doute légitime sur son impartialité ; que les règles encadrant le pouvoir de se saisir d'office d'une juridiction doivent être suffisamment précises pour que soit exclue toute appréhension raisonnable du justiciable quant à une éventuelle confusion des fonctions de poursuite et de jugement ; que la cour d'appel a constaté que le Conseil de la concurrence « s'est saisi d'office de pratiques mises en oeuvre dans le secteur des farines alimentaires par décision n° 08-SO-05 du 23 avril 2008 », à une date, antérieure à l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008, portant modernisation de la régulation de la concurrence, où l'article L. 462-5 du code de commerce se bornait à prévoir que « Le Conseil de la concurrence peut être saisi par le ministre chargé de l'économie de toute pratique mentionnée aux articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 420-5. Il peut se saisir d'office ou être saisi par les entreprises ou, pour toute affaire qui concerne les intérêts dont ils ont la charge, par les organismes visés au deuxième alinéa de l'article L. 462-1 » ; qu'en rejetant cependant le recours en annulation formé par la société GMS à l'encontre de la décision n° 12-D-09 du 13 mars 2012 de l'Autorité, lui ayant infligé une sanction pécuniaire de nature pénale, prononcée en suite de la saisine d'office du Conseil de la concurrence, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
3°/ que les garanties constitutionnelles des droits de la défense et du procès équitable interdisent au Conseil de la concurrence qui prononce une sanction ayant le caractère d'une punition de se saisir d'office de faits sans offrir aux entreprises mises en cause la moindre garantie d'indépendance et d'impartialité ; que les dispositions de l'article L. 462-5 ancien du code de commerce pris dans sa rédaction applicable le 12 novembre 2007 étaient contraires à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
4°/ que le principe d'impartialité garanti par l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, impose la séparation des fonctions de poursuite et d'instruction d'une part, et de jugement d'autre part, et prohibe, pour le tribunal devant statuer, toute faculté d'intervention dans les fonctions de poursuite et d'accusation, de nature à faire naître pour le justiciable un doute légitime sur son impartialité ; qu'en l'espèce il résulte des constatations de l'arrêt que « le conseil de la concurrence s'est saisi d'office de pratiques mises en oeuvre dans le secteur des farines alimentaires par décision n° 08-50-05 du 23 avril 2008 » c'est-à-dire sous l'empire de l'article L. 462-5 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008, autorisant le conseil de la concurrence à se saisir d'office et à sanctionner ensuite les entreprises qu'il avait ainsi lui-même mises en cause sans assurer aucune séparation au sein du conseil entre les fonctions de poursuites des manquements et celle de jugement des mêmes manquements ; qu'en rejetant cependant [leur] recours en annulation à l'encontre de la décision n° 12-D-09 du 13 mars 2012 de l'Autorité, lui ayant infligé une sanction pécuniaire prononcée à la suite de la saisine d'office du Conseil de la concurrence, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Mais attendu, en premier lieu, que dans sa décision n° 2015-489 QPC du 14 octobre 2015, le Conseil constitutionnel a énoncé que les mots « se saisir d'office » figurant à l'article L. 462-5 du code de commerce, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2000-912 du 18 septembre 2000, ne portent aucune atteinte aux principes d'indépendance et d'impartialité découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et les a déclarés conformes à la Constitution ;
Attendu, en second lieu, que la décision par laquelle le Conseil de la concurrence, exerçant sa mission de contrôle du bon fonctionnement des marchés, se saisit d'office de certaines pratiques anticoncurrentielles n'a pas pour objet ni pour effet d'imputer une pratique à une entreprise déterminée ; que l'instruction de l'affaire étant ensuite assurée sous la seule direction du rapporteur général, dont les dispositions de l'article L. 461-4 du code de commerce garantissent l'indépendance à l'égard de la formation de jugement, et menée dans des conditions et selon les garanties prévues par les articles L. 463-1 et L. 463-2 du même code, il s'ensuit qu'aucune confusion n'est opérée entre les fonctions de poursuite et d'instruction et les pouvoirs de sanction ; que, dès lors, la circonstance que le Conseil de la concurrence se soit, par décision du 23 avril 2008, saisi d'office de pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la farine alimentaire ne caractérise aucune atteinte au principe d'impartialité garanti par l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
D'où il suit que le moyen, sans portée en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi n° A 14-29.542 :
Attendu que la société Axiane fait grief à l'arrêt du rejet de son recours alors, selon le moyen :
1°/ que ni le régime français des visites domiciliaires de concurrence antérieur à l'ordonnance du 13 novembre 2008, ni même le régime transitoire institué par l'article 5 IV de ce texte, ne répond aux exigences de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en affirmant « qu'en n'interjetant pas appel des ordonnances en cause devant les premiers présidents de cour d'appel compétents, et ainsi en ne faisant pas usage des dispositions transitoires qui leur étaient applicables, dont elles n'ignoraient pas l'existence et qui avaient été instaurées afin de garantir au mieux leurs droits et de donner l'effet le plus large possible à une destinée à tirer les conséquences d'un constat d'inconventionnalité effectué par la Cour européenne des droits de l'homme, les requérantes doivent être considérées comme ayant renoncé à exercer leur droit de recours » la cour d'appel, qui a estimé que les dispositions transitoires étaient de nature à remédier à l'inconventionnalité de l'ancien système, a violé l'article 6 § 1 de la convention susvisée ;
2°/ que la renonciation à un droit ne se présume pas et doit résulter d'actes positifs manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; qu'ainsi la renonciation à un droit ne peut résulter ni d'une abstention ni même d'une croyance erronée ; qu'en considérant que le non usage par les requérantes dont la société Axiane des dispositions transitoires instituant une voie d'appel valait renonciation à exercer leur droit de recours, la cour d'appel a violé l'article L. 450-4 du code de commerce, ensemble l'article 5 IV de l'ordonnance du 13 novembre 2008 ;
3°/ que l'acquiescement à une décision emportant renonciation à exercer une voie de recours ou le désistement d'une voie de recours ne se présume pas ; que seul l'appel formé contre une ordonnance d'autorisation de visite vaut désistement du pourvoi ; qu'en considérant au contraire que le non usage par les requérantes dont la société Axiane des dispositions transitoires instituant une voie d'appel valait renonciation à exercer leur droit de recours, quand la société Axiane ne s'était jamais désistée du pourvoi en cassation qu'elle avait valablement formé avant l'entrée en vigueur des dispositions transitoires, la cour d'appel a violé l'article 5 IV de l'ordonnance du 13 novembre 2008 ;
Mais attendu, en premier lieu, que selon les dispositions transitoires prévues à l'article 5 IV, alinéa 1er, de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008, les parties ayant formé, contre une ordonnance ayant autorisé la visite prévue à l'article L. 450-4 du code de commerce, un pourvoi, pendant devant la Cour de cassation au jour de la publication de ce texte, disposaient d'un délai d'un mois, à compter de la date de cette publication, pour interjeter appel de la décision, objet dudit pourvoi ; que ces dispositions, qui ont ainsi ouvert un appel permettant d'obtenir un contrôle juridictionnel effectif, dans un délai raisonnable, de la décision ayant prescrit la mesure autorisant la saisie, ne méconnaissent pas les dispositions de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Et attendu, en second lieu, qu'ayant constaté que la société Axiane, alors Groupe meunier X..., avait formé un pourvoi contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant autorisé des opérations de visite et saisies dans ses locaux et relevé que ce pourvoi était pendant devant la Cour de cassation, au jour de la publication de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008, la cour d'appel a retenu à bon droit, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les deuxième et troisième branches, que cette société, qui n'avait pas fait usage de son droit de relever appel de l'autorisation, ne pouvait utilement faire grief à l'Autorité d'avoir utilisé, dans la procédure, les pièces saisies en exécution de cette ordonnance ;
D'où il suit que le moyen, non fondé en sa première branche, est inopérant pour le surplus ;
Sur le troisième moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches, du pourvoi n° A 14-29.542, les deuxième et troisième moyens du pourvoi n° W 14-29.354, les premier et deuxième moyens du pourvoi n° D 14-28.234 et le troisième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° V 14-29.491, réunis :
Attendu que les sociétés Axiane, GMS, VK Mühlen, Flechtorfer et Bliesmühle font grief à l'arrêt du rejet de leurs recours alors, selon le moyen :
1°/ que les dispositions du code de procédure civile ne cèdent que devant les dispositions expressément contraires du code de commerce ou aménageant des modalités propres aux recours contre les décisions de l'Autorité de la concurrence ; qu'aucune disposition spéciale ne limite l'usage du français devant l'Autorité ; que l'ordonnance de Villers-Cotterêts du 25 août 1539 fonde la primauté et l'exclusivité de la langue française devant les juridictions nationales ; que le juge est fondé à écarter comme élément de preuve écrit en langue étrangère faute de traduction en langue française ; qu'en décidant au contraire que l'Autorité pouvait se contenter des seules traductions partielles qu'elle juge nécessaire des pièces de la procédure en langue allemande, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble les articles 2 de la Constitution et 1er de la loi n° 94 - 665 du 4 août 1994 ;
2°/ que l'Autorité ne saurait se retrancher derrière son propre règlement intérieur qu'elle a elle-même rédigé pour ne procéder qu'à une traduction partielle des pièces de procédure et des éléments de preuve en langue étrangère opposés aux parties ; qu'en décidant le contraire après avoir constaté que la langue de procédure devant l'Autorité est le français, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé les articles de la Constitution et 1er de la loi n° 94 - 665 du 4 août 1994 ;
3°/ que les garanties de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales s'imposent à l'Autorité ; qu'en affirmant, pour refuser aux parties mises en cause devant l'Autorité le bénéfice de l'article 6 de la Convention que la décision de l'Autorité « n'intervient pas au terme d'une procédure pénale proprement dite », la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
4°/ que la langue de la République est le français ; que les particuliers ne peuvent être contraints, dans leurs relations avec des personnes assurant une mission de service public, à l'usage d'une langue autre que le français ; qu'aucune disposition n'autorise les services de poursuite et d'instruction de l'Autorité à verser au dossier d'instruction et à communiquer aux parties mises en cause des documents rédigés en langue étrangère non accompagnés d'une traduction ; que la cour d'appel a rappelé que « conformément aux exigences résultant tant de l'article 2 de la Constitution, qui dispose que la langue de la République est le français que, s'agissant notamment des services publics, de l'article 1er de la loi n° 94-665 du 4 août 1994, la langue de procédure devant l'Autorité est le français, ainsi que le rappelle l'article 26 de son règlement intérieur » ; qu'en retenant cependant, pour rejeter la demande d'annulation de la décision de l'Autorité, que les pièces en langue allemande non traduites communiquées aux parties le 15 février 2010 et qui sont issues de la demande de clémence, ne viennent pas au soutien de la démonstration des griefs par le rapporteur et que celles venant au soutien des analyses avancées dans la notification des griefs ou du rapport ont été ou traduites intégralement, ou accompagnées de résumés succincts en français, soit, conformément aux préconisations de l'article 26 du règlement intérieur de l'Autorité, en ne procédant ainsi qu'aux traductions strictement nécessaires, la cour d'appel a violé, par refus d'application l'article 2 de la Constitution, l'article 1er de la loi n° 94 -665 du 4 août 1994, ensemble, et par fausse application, l'article 26 du règlement intérieur de l'Autorité de la concurrence ;
5°/ que la partie destinataire d'une notification des griefs a droit à la traduction immédiate, dans une langue qu'elle comprend, par l'Autorité, de ladite notification, des pièces sur lesquelles elle s'appuie, ainsi que du rapport et du rapport complémentaire ; que le vice né du non-respect de ce droit à traduction n'est pas rétroactivement effacé par la circonstance que, dans les faits, la partie en cause s'est efforcée de pallier les carences de l'Autorité ; qu'au cas présent, il est constant que la société VK Mühlen est une entreprise allemande, dont aucun des membres ne comprend le français ; que, pour justifier le défaut de traduction des pièces et documents visés, ainsi que le défaut de fourniture, à l'audience, de l'assistance gratuite d'un interprète, la cour d'appel s'est appuyée sur la circonstance que, s'agissant d'une personne morale dotée de moyens, VK Mühlen, comme les autres entreprises visées, aurait réussi de fait, avec l'aide de ses conseils, à comprendre la portée des accusations portées contre elle, et à y répondre ; qu'en considérant ainsi que l'Autorité aurait pu être déliée d'une obligation parce que sa victime aurait réussi, par ses propres moyens, à minimiser son préjudice, la cour d'appel a violé les principes du respect des droits de la défense et de l'égalité des armes, les articles 6 § 1 et 6 § 3 de la CEDH, l'article 14 § 3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, les articles 47 et 48 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ensemble les articles L. 463-1, L. 463-2 et L. 463-7 du code de commerce ;
6°/ que l'article L. 463-2 du code de commerce prévoit que le rapporteur général ou un rapporteur général adjoint désigné par lui notifie les griefs aux intéressés ainsi qu'au commissaire du Gouvernement, qui peuvent consulter le dossier sous réserve des dispositions de l'article L. 463-4 et présenter leurs observations dans un délai de deux mois ; qu'il résulte de cette disposition que le délai de deux mois, dans lequel la personne mise en cause peut présenter des observations en réponse à la notification de griefs, ne peut courir qu'à compter de la date à laquelle la personne mise en cause peut consulter l'entier dossier d'instruction; que, par courrier en date du 18 mai 2010, les services d'instruction de l'Autorité ont communiqué aux parties de nouveaux documents constituant un « complément de preuves concernant le grief n° 1 », sans que le délai de réponse à la notification de griefs ne soit prorogé, seul étant accordé un délai de deux mois pour des « observations éventuelles concernant ces seules pièces » ; qu'en retenant cependant, pour rejeter la demande d'annulation de la décision de sanction, que les parties avaient disposé, « conformément à l'article L. 463-2 du code de commerce », d'un délai autonome de deux mois pour présenter des observations au sujet des pièces nouvellement communiquées, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les dispositions de ce texte ;
7°/ que le respect du principe de loyauté de la procédure, ensemble le respect de la loi s'imposent, en tant que tels, à toute autorité de poursuite, d'instruction et de jugement ; qu'en ce qu'elle se serait fondée, pour rejeter la demande d'annulation de la décision de sanction tirée de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 463-2 du code de commerce, sur l'affirmation que le versement au dossier, postérieurement à la notification des griefs, des nouvelles pièces transmises par le Bundeskartellamt n'a pas pu porter atteinte aux droits de la défense, dès lors que ces pièces n'incriminent aucune nouvelle pratique et ne viennent pas modifier le champ et la portée des griefs et que les entreprises en cause ont également pu formuler de nouvelles remarques sur ces pièces dans leurs observations sur le rapport, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, privant sa décision de toute base légale au regard du principe de loyauté de la procédure, ensemble l'article L. 463-2 du code de commerce ;
8°/ que l'entreprise qui ne fait l'objet d'aucune mesure lors de la phase d'enquête précédant la notification des griefs, et qui reste dès lors dans l'ignorance de l'existence d'une enquête jusqu'à la réception de la notification des griefs à elle destinée, perd une chance de solliciter le bénéfice d'une demande de clémence ; que l'Autorité a reconnu l'existence d'une difficulté de ce chef, puisqu'elle a pris un communiqué de procédure, le 3 avril 2015, indiquant que, désormais, elle divulguerait l'existence d'une enquête en cours afin de permettre à celles des entreprises qui le souhaitent de se manifester et de bénéficier de la procédure de clémence ; qu'en considérant que la société VK Mühlen n'aurait en rien pâti de l'absence d'audition la concernant, de demande de renseignement, ou de visite et saisie, lors de la phase d'enquête, quand elle avait irrémédiablement perdu l'occasion de solliciter la clémence, la cour d'appel, qui a inexactement conclu à l'absence d'atteinte aux droits de la défense, a violé le principe du respect des droits de la défense, les articles L. 464-2-IV et R. 464-5 du code de commerce, ainsi que le principe d'égalité de traitement, ensemble les articles 47 et 48 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et l'article 6 § 1 de la CEDH ;
9°/ qu'en ne répondant pas au moyen des conclusions d'appel de la société VK Mühlen pris de ce qu' "en n'étant informée de l'enquête et des soupçons contre elle qu'au stade de la notification des griefs, VK Mühlen a été irrémédiablement privée par l'Autorité de la possibilité de déposer une demande de clémence, à supposer qu'elle ait eu des éléments pour le faire, contrairement aux meuniers français", la cour d'appel a méconnu l'article 455 du code de procédure civile ;
10°/ que les sociétés Bliesmühle et Flechtorfer faisaient valoir qu'elles n'ont pas été entendues ni en France, ni en Allemagne, sur les faits reprochés dans le cadre de l'enquête de concurrence, qu'elles n'ont pu, à la différence des meuniers français et de l'entreprise allemande Y..., ni faire connaître leur position, ni leurs moyens de défense, ayant été laissées dans une totale ignorance de la procédure jusqu'à la notification des griefs faites dans une langue qu'elles ne comprennent pas ; qu'en retenant que, de manière générale, le rapporteur n'est pas tenu de procéder à des auditions s'il s'estime suffisamment informé pour déterminer les griefs susceptibles d'être notifiés et que plus particulièrement, l'audition de personnes intéressées constitue une faculté laissée à l'appréciation du rapporteur, eu égard au contenu du dossier, qu'ainsi, le fait que les dirigeants d'une entreprise n'aient, comme cela lui est reproché au cas d'espèce, pas été entendus au cours de l'enquête et de l'instruction est sans incidence sur la régularité de la procédure, dès lors qu'à compter de la notification de griefs et lors des différentes phases de la procédure, les deux requérantes ont conformément aux exigences prévues à l'article L. 463-2 du code de commerce été en mesure de faire valoir leurs observations en temps utile sans s'expliquer sur le traitement différencié fait entre elles et les sociétés françaises et la société Y... la cour d'appel a violé les articles 6-1 et 6-3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ensemble les articles L. 463-1 et suivants du code de commerce ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt constate, s'agissant des pièces issues de la demande de clémence, non traduites en français, que ces pièces ne viennent pas au soutien des griefs retenus par les rapporteurs ; qu'il relève, s'agissant des procès-verbaux d'audition de meuniers allemands et des pièces transmises par l'autorité de concurrence allemande, le Bundeskartellamt, rédigés en langue allemande, que ces documents, qui viennent au soutien des analyses avancées dans la notification des griefs, ont été entièrement traduits pour les uns et accompagnés de résumés en français pour les autres ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'a pas refusé aux parties mises en cause devant l'Autorité le bénéfice de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dont elle a fait l' exacte application, a pu déduire qu'aucune atteinte aux droits de la défense des sociétés Axiane et GMS, prise de la présence au dossier de certains documents en langue étrangère, n'était caractérisée ;
Attendu, en deuxième lieu, qu'ayant constaté qu'un délai supplémentaire de quinze jours avait été accordé aux entreprises pour répondre à la notification des griefs, en vue de leur permettre d'effectuer tous travaux de traduction de pièces jugés nécessaires et que ce délai avait ultérieurement été prolongé, les entreprises ayant ainsi bénéficié d'un délai de quatre mois après la notification des griefs, l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que la société VK Mühlen a formulé des observations détaillées en réponse à cette notification et au rapport, sous le timbre d'un conseil l'ayant assistée dans leur rédaction et que, représentée par un conseil lors de la séance des 10 et 11 octobre 2011, elle a fait part au collège de ses observations sur les griefs ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire qu'aucune atteinte aux droits de la défense de la société VK Mühlen n'était caractérisée ;
Attendu, en troisième lieu, qu'ayant constaté que les nouvelles pièces transmises par le Bundeskartellamt, portées à la connaissance des parties postérieurement à la notification des griefs, ne révélaient aucune nouvelle pratique et ne modifiaient ni le champ ni la portée des griefs notifiés et relevé que les parties avaient bénéficié d'un délai supplémentaire de deux mois pour présenter leurs observations à leur sujet et qu'elles avaient pu encore les commenter dans leurs observations après rapport, la cour d'appel a pu en déduire l'absence de toute atteinte aux droits de la défense des parties mises en cause ;
Et attendu, en dernier lieu, qu'après avoir énoncé que le rapporteur n'est pas tenu de procéder à des auditions s'il s'estime suffisamment informé pour déterminer les griefs susceptibles d'être notifiés et que l'audition des personnes intéressées est une faculté laissée à son appréciation, eu égard au contenu du dossier, l'arrêt retient à bon droit que l'absence d'audition des dirigeants de certaines entreprises, au stade de l'enquête et de l'instruction, est sans incidence sur la régularité de la procédure dès lors qu'à compter de la notification des griefs et lors des différentes phases de la procédure, lesdites entreprises ont été mises en mesure de faire valoir leurs droits, conformément aux dispositions de l'article L. 463-2 du code de commerce ; qu'ayant constaté que tel était le cas des sociétés VK Mühlen, Flechtorfer et Bliesmühle, c'est sans méconnaître les principes dont la violation est alléguée que la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre au moyen inopérant invoqué à la neuvième branche, dès lors que le participant à une entente peut, même s'il n'a pas été entendu, la dénoncer pour demander le bénéfice de la clémence, a écarté toute atteinte aux droits de la défense des sociétés concernées ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur les deuxième moyens, pris en leur première et deuxième branches, des pourvois incidents n° Q 14-29.509 et D 14-28.234, le quatrième moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches, du pourvoi n° W 14-29.354, le quatrième moyen, pris en ses première et deuxième branches, du pourvoi n° V 14-29.491 et le quatrième moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi n° A 14-29.542, rédigés pour partie en termes identiques ou similaires, réunis :
Attendu que la société GMP, agissant tant en son nom personnel qu'en tant que venant aux droits de la société France farine, et les sociétés GMS, Bliesmühle, Flechtorfer et Axiane font grief à l'arrêt du rejet de leurs recours alors, selon le moyen :
1°/ qu'en application du principe de présomption d'innocence garanti par l'article 6 § 2 de la Convention européenne des droits de l'homme et par l'article 48 § 1 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, il appartient à l'Autorité de prouver non seulement l'existence de l'entente mais aussi sa durée ; que l'existence d'une infraction continue s'étendant sur plusieurs années doit résulter d'éléments de preuve se rapportant à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon qu'il puisse être raisonnablement admis que l'infraction s'est poursuivie de façon ininterrompue entre deux dates précises ; que l'accord de volonté constitutif d'une entente s'entend d'une offre et d'une acceptation ; que le défaut de concordance de volontés entre les parties à un accord sur la poursuite de celui-ci exclut la perpétuation de l'accord ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que la dernière réunion s'était tenue le 21 septembre 2004, la cour d'appel a retenu que la poursuite de l'entente jusqu'au 17 juin 2008 serait établie par la surveillance avérée, jusqu'à cette date, de l'accord par les membres français de l'entente ; qu'en statuant ainsi, tout en constatant que « les importations allemandes de farine en sachets en France ont effectivement augmenté et dépassé le quota de 15 000 tonnes convenu » pour être constituées « de près de 50 000 tonnes en 2006, d'environ 55 000 tonnes et de 60 000 tonnes respectivement en 2007 et 2008 », ce dont il résulte que les meuniers allemands n'appliquaient plus l'accord et qu'il n'y avait donc plus d'accord sur l'objectif anticoncurrentiel, la cour d'appel, qui a fondé la persistance de l'accord sur les seules mesures unilatérales de surveillance de certains meuniers français, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 6 § 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article 48 § 1 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ensemble des articles 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L. 420-1 du code de commerce ;
2° / que le principe de la présomption d'innocence, consacré par l'article 6 § 2 de la Convention européenne des droits de l'homme et par l'article 48 § 1 de la Charte des droits fondamentaux de l' Union européenne et applicable, eu égard à la nature des infractions en cause ainsi qu'à la nature et au degré de sévérité des peines, aux procédures relatives à des infractions anticoncurrentielles, impose que soient établis par l'autorité de poursuite les faits constitutifs et la durée de l'infraction ; que si dans le cadre d'une infraction unique et continue, au sens du droit de la concurrence, s'étendant sur plusieurs années, le fait que les manifestations de l'entente interviennent à des périodes différentes, pouvant être séparées pendant des laps de temps plus ou moins longs, demeure sans incidence sur l'existence de l'entente, pour autant que les différentes actions faisant partie de cette infraction poursuivent une seule finalité et s'inscrivent dans le cadre de cette infraction, la durée de l'entente ne peut, en l'absence d'élément de preuve directe, qu'être établie par des éléments de preuve se rapportant à des faits suffisamment rapprochés dans le temps pour qu'il puisse en être raisonnablement déduit que l'infraction s'est poursuivie de façon ininterrompue entre deux dates précises ; qu'à supposer même que l'infraction commise soit qualifiée de « pacte de non-agression qui n'allait pas jusqu'à un partage exact des clients et une fixation en commun et précise des prix », de sorte qu'elle « ne nécessitait pas, eu égard à sa nature, des réunions aussi régulières que celles qui ont eu lieu les deux premières années et pouvait parfaitement se suffire de surveillances des marchés et de contact ‘'en cas de besoin'' », la cour d'appel n'a relevé aucun acte de surveillance du marché ni contact quelconque pendant plus de deux ans, soit entre septembre 2004, date de la dernière réunion et octobre 2006, date à laquelle l'entreprise allemande Y... aurait, selon ses dires, subi des pressions ; qu'en retenant cependant une durée globale de l'infraction, courant du 24 juin 2002 au 17 juin 2008, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article 6 § 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'article 48 § 1 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ensemble les articles 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L 420-1 du code de commerce ;
3°/ que, dans ses observations devant la cour d'appel, la société GMS faisait valoir qu'aucun indice ou fait quelconque n'avait été relevé, même dans le cadre d'une simple surveillance, par la Décision attaquée pour une période de plus de deux années, entre septembre 2004 et octobre 2006, de sorte que la « persistance » de l'objectif anticoncurrentiel n'était nullement établie ; qu'en se bornant, pour retenir une durée globale de l'infraction, courant du 24 juin 2002 au 17 juin 2008, à affirmer que le fonctionnement de l'entente en cause « ne nécessitait pas, eu égard à sa nature, des réunions aussi régulières que celles qui ont eu lieu les deux premières années et pouvait parfaitement se suffire de surveillances des marchés et de contact ‘'en cas de besoin'' », sans rechercher, comme il lui était demandé, s'il ne ressortait pas de l'absence de tout contact ou acte de surveillance, pendant la période courant de septembre 2004 et octobre 2006, l'absence de preuve de la persistance de l'objectif anticoncurrentiel, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et de l'article L. 420-1 du code de commerce ;
4°/ que les sociétés Bliesmühle et Flechtorfer faisaient valoir que pendant la période de deux ans et neuf mois précédant le 6 juin 2007, il n'a été rapporté aucun élément de preuve établissant la mise en oeuvre de l'entente reprochée après le 21 septembre 2004, alors qu'il avait été relevé la tenue de douze réunions entre meuniers français et allemands pendant la période du 14 mai 2002 au 21 septembre 2004 ; qu'en se contentant de relever que s'agissant "des éléments de preuve se rapportant à des faits suffisamment rapprochés dans le temps", ce « rapprochement dans le temps » n'est pas fixé in abstracto mais il dépend des circonstances de l'espèce et doit prendre en compte la nature des faits en cause qui, ainsi que l'a rappelé l'Autorité dans ses observations (point 111) sont caractérisés par un « pacte de non agression » qui n'allait pas jusqu'à un partage exact des clients et une fixation en commun et précise des prix, ne nécessitait pas, eu égard à sa nature, des réunions aussi régulières que celles qui ont eu lieu les deux premières années, et pouvait parfaitement se suffire de surveillances des marchés et de contacts « en cas de besoin» la cour d'appel qui n'a relevé aucun fait au cours de la période s'étant écoulée entre le mois de septembre 2004 et le mois de juin 2007, a violé les article 6-2 de la convention européenne des droits de l'homme ensemble les articles 48 § 1 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 101 TFUE et L 420-1 du code de commerce ;
5°/ qu'en retenant que les importations allemandes de farine en sachets en France ont augmenté de façon "progressive jusqu'en 2008, avant de subir une augmentation en 2009" pour atteindre alors de près de 90 000 tonnes et que ces "données sont de nature à corroborer le fait que l'accord passé entre meuniers français et allemands en cause a contribué à ralentir la pénétration des farines allemandes en sachets en France jusqu'en 2008", tout en constatant que "le chiffre de 90 000 tonnes atteint en 2009 par les importations de farine auprès des meuniers allemands qui est mentionné à la Décision concerne, au-delà de la farine en sachets, l'ensemble de la farine", la cour d'appel n'a pas tiré ses conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L. 420-1 du code de commerce ;
6°/ qu'en affirmant, pour considérer que l'entente avec les meuniers allemands concernant la farine en sachet n'avait pris fin que le 17 juin 2008, que si les chiffres, fournis par les parties à propos des importations allemandes de farine en sachets en France, ont effectivement augmenté et dépassé le quota de 15 000 tonnes convenu, ils montrent néanmoins, de façon globale et concordante, que cette augmentation a été progressive jusqu'en 2008, avant de subir une augmentation en 2009 (…) que « l'Allemagne est devenue le premier pays exportateur en France en 2009 » avec 49,6 % des importations totales et que l'entreprise Grands Moulins de Paris, en se basant sur les données publiques de l'ANMF, elle fait état de chiffres de près de 50 000 tonnes en 2006, d'environ 55 000 tonnes et de 60 000 tonnes respectivement en 2007 et 2008, et de près de 90 000 tonnes en 2009, avant d'en déduire que ces données sont de nature à corroborer le fait que l'accord passé entre meuniers français et allemands en cause a contribué à ralentir la pénétration des farines allemandes en sachets en France jusqu'en 2008, tout en admettant par ailleurs que le chiffre de 90 000 tonnes atteint en 2009 par les importations de farine auprès des meuniers allemands qui est mentionné par la Décision (paragraphe 813) ne concerne pas seulement la farine en sachets, mais l'ensemble de la farine, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé les articles 101 TFUE et L 420-1 du code de commerce ;
7°/ que les sociétés Bliesmühle et Flechtorfer faisaient valoir que pendant la période de deux ans et neuf mois précédant le 6 juin 2007, il n'a été rapporté aucun élément de preuve établissant la mise en oeuvre de l'entente reprochée après le 21 septembre 2004, alors qu'il avait été relevé la tenue de douze réunions entre meuniers français et allemands pendant la période du 14 mai 2002 au 21 septembre 2004, ce qui excluait toute continuité de l'accord ; qu'en retenant une durée globale de l'accord du 24 juin 2002 au 17 juin 2008 en relevant que si les chiffres, fournis par les parties à propos des importations allemandes de farine en sachets en France, ont effectivement augmenté et dépassé le quota de 15 000 tonnes convenu, ils montrent néanmoins, de façon globale et concordante, que cette augmentation a été progressive jusqu'en 2008, avant de subir une augmentation en 2009, qu'à cet égard, Friessinger souligne, dans ses observations sur le rapport, que « l'Allemagne (...) est devenue le premier pays exportateur en France en 2009 » avec 49,6 % des importations totales, que quant à l'entreprise Grands Moulins de Paris, en se basant sur les données publiques de I'ANMF, elle fait état de chiffres de près de 50 000 tonnes en 2006, d'environ 55 000 tonnes et de 60 000 tonnes respectivement en 2007 et 2008, et de près de 90 000 tonnes en 2009, que ces données sont de nature à corroborer le fait que l'accord passé entre meuniers français et allemands en cause a contribué à ralentir la pénétration des farines allemandes en sachets en France jusqu'en 2008, date à laquelle le cartel a pu cesser d'exister, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses constatations dont il ressortait que les importations allemandes n'ont cessé de croître depuis 2006, au-delà des termes de l'accord, ce qui excluait qu'il ait perduré et elle a violé les articles 101 TFUE et L 420-1 du code de commerce ;
Mais attendu qu'après avoir rappelé, d'abord, que dans le cadre d'une infraction s'étendant sur plusieurs années, le fait que les manifestations de l'entente interviennent à des périodes différentes, pouvant être séparées par des laps de temps plus ou moins longs, demeure sans incidence sur l'existence de cette entente, pour autant que les différentes actions qui font partie de cette infraction poursuivent une seule finalité et s'inscrivent dans le cadre d'une infraction unique et continue, ensuite, qu'en l'absence d'éléments de preuve susceptibles d'établir directement la durée d'une infraction, l'Autorité doit se fonder sur des éléments de preuve se rapportant à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon qu'il puisse être raisonnablement admis que cette infraction s'est poursuivie dans le temps de manière ininterrompue, l'arrêt retient que l'appréciation de l'existence de tels éléments ne s'opère pas in abstracto mais doit prendre en compte la nature des faits en cause et que, s'agissant en l'espèce d'un pacte de non-agression n'allant pas jusqu'à un partage exact des clients et une fixation en commun et précise des prix, il ne nécessitait pas, eu égard à sa nature, des réunions aussi régulières que celles ayant eu lieu les deux premières années et pouvait se suffire de surveillances des marchés et de contacts "en cas de besoin" ; qu'ayant constaté que l'Autorité avait rapporté la preuve de la tenue de douze réunions entre meuniers allemands et français, relatives à la conclusion et au fonctionnement de l'accord anticoncurrentiel, entre les mois de mai 2002 et de septembre 2004, et ayant procédé à une analyse globale des éléments qui lui étaient soumis, portant sur la constatation de pressions exercées sur l'entreprise Y... en octobre 2006 et juin 2007 et sur des documents saisis, datés de juin 2007 et juin 2008, ainsi que sur les déclarations du demandeur de clémence et la non-contestation des griefs par certaines entreprises, qui corroboraient ces éléments, l'arrêt retient, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve soumis au débat contradictoire, que l'accord franco-allemand a été surveillé, postérieurement à la dernière réunion du cartel constatée et jusqu'au jour des opérations de visite et saisies, le 17 juin 2008 ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, rendant inopérante la recherche invoquée à la troisième branche, la cour d'appel a pu retenir que la persistance de l'objectif commun anticoncurrentiel poursuivi par les meuniers français et allemands, après la dernière réunion collusoire, était établie et que l'entente, initiée le 14 mai 2002, avait duré, de manière continue, jusqu'au 17 juin 2008, peu important l'absence d'actes matériels l'établissant entre les mois de septembre 2004 et octobre 2006 et abstraction faite des motifs, erronés mais surabondants, relatifs au volume de farine en sachets importée en 2009, critiqués par les cinquième et sixième branches ; que le moyen, inopérant en ses quatre dernières branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le quatrième moyen, pris en sa sixième branche, du pourvoi n° W 14-29.354 et le premier moyen, pris en ses première, troisième et cinquième branches, du pourvoi n° K 14-29.482, réunis :
Attendu que les sociétés GMS et Friessinger font grief à l'arrêt du rejet de leurs recours alors, selon le moyen :
1°/ que le principe de la présomption d'innocence, consacré par l'article 6 § 2 de la Convention européenne des droits de l'homme et par l'article 48 § 1 de la Charte des droits fondamentaux de l' Union européenne et applicable, eu égard à la nature des infractions en cause ainsi qu'à la nature et au degré de sévérité des peines, aux procédures relatives à des infractions anticoncurrentielles, impose que soit établie, pour chaque entreprise mise en cause, la durée de sa participation à l'infraction ; que la constatation qu'une entreprise ne s'est pas distanciée publiquement de l'entente ne peut devenir pertinente avant que ne soit établie, en l'absence de preuve directe de la durée de la participation, la présentation d' éléments de preuve se rapportant à des faits suffisamment rapprochés dans le temps de façon à ce qu'il puisse en être raisonnablement déduit que la participation de l'entreprise à l'infraction s'est poursuivie de façon ininterrompue entre deux dates précises ; qu'en se fondant, pour dire que la participation de la société GMS était établie du 24 juin 2002 au 17 juin 2008 sur la seule absence de distanciation publique de l'entente et sans constater aucune élément établissant cette participation depuis septembre 2004, la cour d'appel a violé l'article 6 § 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'article 48 § 1 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les articles 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L. 420-1 du code de commerce, ensemble les règles régissant la charge de la preuve ;
2°/ que l'accord constitutif d'une entente prohibée suppose que soit établie la concordance de deux volontés au moins, de telle sorte qu'en l'absence d'éléments de preuve susceptibles d'établir directement la durée de l'infraction, l'Autorité et, à sa suite, la cour d'appel de Paris, doivent se fonder sur des éléments de preuve de nature à établir la persistance de la volonté anticoncurrentielle après l'acte initial et suffisamment rapprochés dans le temps pour caractériser la poursuite de l'infraction entre deux dates précises ; que pour retenir que la société Friessinger avait participé à une entente du 14 mai 2002 au 17 juin 2008, l'Autorité et la cour d'appel ont retenu sa participation à des réunions jusqu'au 21 septembre 2004, sans relever aucune autre circonstance postérieure à cette date de nature à établir la volonté de la société Friessinger de participer à l'entente prohibée ;
qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 420-1 du code de commerce et l'article 101, paragraphe 1, TFUE, ensemble le principe de sécurité juridique ;
3°/ que la preuve de la participation d'une entreprise à une entente pendant une certaine durée suppose que soit établie la persistance de sa volonté anticoncurrentielle après l'acte initial par des éléments de preuve susceptibles d'établir directement la durée de sa participation à l'infraction ou suffisamment rapprochés dans le temps pour caractériser cette participation entre deux dates précises ; qu'ainsi, le fait qu'une entente ait été ininterrompue pendant une certaine période ne permet pas d'exclure qu'un de ses participants ait interrompu sa propre participation à une date antérieure à celle à laquelle l'infraction a pris fin ; qu'en retenant, pour considérer que la société Friessinger avait participé à une entente postérieurement au 21 septembre 2004 et jusqu'au 17 juin 2008, des éléments établissant que la société France Farine « surveillait » les importations allemandes de farine en sachets en exerçant des pressions, au demeurant non suivies d'effet, sur une autre société allemande que la société Friessinger et de la mention d'un volume d'importation de farine de quatre entreprises allemandes dans des notes de M. X... (Groupe Meunier X...) établies en marge d'une assemblée générale de France farine en juin 2007, au demeurant très en-deçà de la réalité, la cour d'appel, qui n'a relevé aucun élément de preuve de nature à établir la volonté de la société Friessinger de participer à l'entente prohibée du 21 septembre 2004 au 17 juin 2008, n'a pas établi l'existence d'une volonté anticoncurrentielle de la part de cette entreprise pour cette période, peu important que l'entente ait pu par ailleurs se poursuivre entre certaines entreprises jusqu'au 17 juin 2008, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L. 420-1 du code de commerce et l'article 101, paragraphe 1, TFUE, ensemble le principe de sécurité juridique ;
4°/ que la distanciation publique constitue un élément d'exonération de responsabilité, de sorte que doit être préalablement établie la volonté de participer à l'infraction, tant dans son principe que dans sa durée ; qu'en retenant, pour juger établie la participation de la société Friessinger à l'entente poursuivie jusqu'au 17 juin 2008 lorsqu'elle ne relevait par ailleurs aucune circonstance postérieure au 18 août 2004 de nature à établir la volonté de la société Friessinger de participer à l'entente prohibée, que cette société n'établissait pas s'être distanciée de l'action anticoncurrentielle, la cour d'appel a violé les articles L. 420-1 du code de commerce et l'article 101, paragraphe 1, TFUE ;
Mais attendu que l'arrêt retient que l'Autorité a établi l'existence d'une entente anticoncurrentielle entre meuniers allemands et français, visant à limiter les importations de farine en sachets entre l'Allemagne et la France, et ayant eu une durée de six ans et un mois, l'entente s'étant d'abord matérialisée par douze réunions collusoires, entre le 14 mai 2002 et le 21 septembre 2004, puis s'étant poursuivie, au-delà de la dernière réunion, par la mise en place d'une surveillance des volumes de farine commercialisés entre les deux pays et ce, jusqu'au 17 juin 2008, date des opérations de visite et saisies ; qu'il énonce que, dans le cadre d'une infraction continue, dès lors qu'une entreprise participe, même sans y prendre une part active, à une ou plusieurs réunions ayant un objet anticoncurrentiel et qu'elle ne se distancie pas sans délai et publiquement du contenu de celles-ci, donnant ainsi à penser aux autres participants qu'elle souscrit au résultat des réunions et s'y conformera, il est établi qu'elle participe à l'entente résultant de ces réunions ; qu'il retient, par motifs propres et adoptés, que la participation de la société GMS à neuf des douze réunions collusoires est établie et que cette société a joué un rôle actif dans la surveillance de l'accord et a participé aux pressions exercées en 2007 sur l'entreprise Y... pour qu'elle se retire du marché et ce, à deux reprises ; qu'il retient encore que la société Friessinger a participé à l'essentiel des réunions à objet anticoncurrentiel, participant activement aux discussions sur les prix au moins à deux reprises et relève que son nom est mentionné dans les notes prises en marge de l'assemblée générale de la société France farine du 6 juin 2007, en rapport avec la surveillance du quota de 14 000 tonnes attribué aux meuniers allemands depuis 2002 ; qu'il ajoute que la société Friessinger ne peut prétendre s'être distanciée valablement et qu'au demeurant, elle n'a jamais produit le moindre document de nature à démontrer qu'elle avait montré son désaccord ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu retenir que l'Autorité avait à suffisance de droit établi la participation des sociétés GMS et Friessinger à l'entente jusqu'à la fin de celle-ci ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° G 14-29.273, le second moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi n° K 14-29.482 et le cinquième moyen, pris en ses deux premières branches, du pourvoi n° V 14-29.491, réunis :
Attendu que les sociétés Friessinger, Grain Millers, Mills United et Heyl, d'une part, et les sociétés Bliesmühle et Flechtorfer, d'autre part, font grief à l'arrêt du rejet de leurs recours, pour les premières, et de la réformation seulement partielle de la décision, pour les deux dernières, s'agissant du montant des sanctions infligées, alors, selon le moyen :
1°/ que les sanctions pécuniaires infligées par l'Autorité doivent, en vertu de l'article L. 464-2 du code de commerce, être proportionnées à la gravité des faits reprochés ainsi qu'à l'importance du dommage causé à l'économie ; que lorsque l'Autorité sanctionne les membres d'une entente sur le fondement combiné des articles 101 TFUE et L. 420-1 du code de commerce, le dommage causé à l'économie dont il lui appartient de tenir compte, pour la détermination des sanctions encourues, se limite nécessairement au seul dommage localisé sur le territoire national dès lors que l'Autorité n'est territorialement compétente pour connaître de pratiques anticoncurrentielles qu'à la condition qu'elles affectent le territoire national et dans cette seule mesure ; qu'il suit de là que l'Autorité, qui s'était reconnue compétente pour instruire et sanctionner les membres d'un « pacte de non-agression » conclu entre des meuniers français et des meuniers allemands, ne pouvait retenir, comme assiette de calcul des sanctions pécuniaires qu'elle infligeait, la valeur de l'ensemble des ventes réalisées par les sociétés du groupe Grain Millers, tant en France qu'en Allemagne, dès lors qu'une telle méthode revenait nécessairement à prendre en considération le dommage causé à l'économie allemande et à excéder ainsi les limites de sa compétence territoriale ; qu'en jugeant néanmoins l'Autorité fondée à procéder de la sorte, au motif erroné que la valeur des ventes serait une donnée «neutre en soi », la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce, ensemble l'article L. 420-1 du même code, l'article 101 TFUE et l'article 5 du règlement CE n° 1/2003 ;
2°/ que les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées par le présent titre ; que l'économie affectée par le dommage causé par la pratique prohibée s'entend de l'économie de l'Etat sur le territoire duquel cette pratique est sanctionnée ; qu'après avoir constaté qu'elle devait circonscrire son appréciation à la gravité des faits et l'importance du dommage causé à l'économie sur le seul territoire français, la cour d'appel, qui a néanmoins pris en considération le chiffre d'affaires correspondant aux ventes réalisées non seulement en France, mais aussi à l'intégralité de celles réalisées en Allemagne, soit également celles qui seraient sans lien avec l'infraction retenue, motifs pris de ce que l'entente avait conduit les meuniers allemands à renoncer à vendre sur le marché français, sans prendre en considération la part du chiffre d'affaires correspondant aux ventes effectivement réalisées sur le marché français, ni celle qui aurait été de toute façon destinée au marché allemand, indépendamment de la politique d'exportation des meuniers allemands sanctionnée, la cour d'appel a ainsi pris en compte, au moins pour partie, le dommage causé à l'économie allemande, en violation de l'article L. 464-2 du code de commerce ;
3°/ que seul le dommage à l'économie française doit être réparé à l'exclusion de celui pouvant avoir été subi par un autre Etat membre ; qu'en décidant que le cartel, en ce qu'il comprenait une répartition des marchés, a visé à conduire les meuniers allemands à s'abstenir d'effectuer des livraisons de farine en sachets en France au-delà d'un quota de livraison convenu, que, de même, la limitation des expéditions de farine des meuniers français vers l'Allemagne a pu avoir un impact sur les ventes réalisées par les meuniers allemands, tel étant aussi leur objectif, que, dans ces conditions, les ventes réalisées par les meuniers français et allemands en France ne peuvent clairement pas être considérées comme reflétant de façon appropriée l'ampleur économique de l'infraction ou le poids relatif des entreprises impliquées dans cette dernière, que si cette assiette doit donc inclure tant les ventes réalisées en France que celles intervenues en Allemagne, pour tenir compte du fait que les meuniers allemands et français se sont réservé leur marché national respectif et ont renoncé à vendre sur l'autre marché national en cause, il ne s'ensuit pas que l'Autorité doit prendre en compte la gravité et le dommage causé à l'économie en ce qui concerne le marché allemand, qu'au contraire, eu égard à la compétence qui lui est conférée par le code de commerce, l'Autorité s'en tiendra à la gravité des faits et l'importance du dommage causé à l'économie sur le seul territoire français, qu'il convient de prendre en compte, pour chacune des entreprises, ses ventes de farine de blé tendre en sachets, qu'il s'agisse de farines « classiques » ou de préparations sucrées ou salées « mixes », destinées à être commercialisées aux consommateurs finals tant en France qu'en Allemagne, indépendamment du canal de distribution utilisé, la cour d'appel a violé les articles L. 420-1 et L. 464-2 du code de commerce et 101 du TFUE ;
4°/ qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel qui retient l'ensemble des produits écoulés en France et en Allemagne au lieu des seules importations de farine des ... a violé les articles L. 420-1 et L. 464-2 du code de commerce et 101 du TFUE ;
Mais attendu qu'ayant constaté que l'Autorité avait retenu, comme assiette de la sanction individuelle infligée à chacune des entreprises, la valeur des ventes des produits en relation avec l'infraction effectuées par chacune d'entre elles pendant un exercice donné, l'arrêt retient qu'au regard des caractéristiques des pratiques poursuivies, visant à empêcher les meuniers allemands d'exporter de la farine en sachets vers la France et les meuniers français d'en exporter vers l'Allemagne, l'Autorité a, à juste titre, pris en considération tant la valeur des ventes réalisées en France que celle des ventes intervenues en Allemagne, les seules ventes effectuées en France ne reflétant pas de façon appropriée l'ampleur économique de l'infraction ou le poids relatif des entreprises impliquées ; qu'en cet état, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la proportionnalité des sanctions que la cour d'appel a estimé que l'assiette retenue par l'Autorité comme montant de base du calcul des sanctions devait être validée ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le cinquième moyen, pris en ses quatrième, sixième et septième branches, du pourvoi n° W 14-29.354, le second moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, du pourvoi n° V 14-50.076 et le cinquième moyen, pris en sa cinquième branche, du pourvoi n° A 14-29.542, réunis :
Attendu que les sociétés Axiane, GMS et Y... font grief à l'arrêt du rejet de leurs recours quant au montant des sanctions infligées alors, selon le moyen :
1°/ que le montant de la sanction d'une pratique, ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence doit être proportionné à l'importance du dommage causé par cette pratique à l'économie ; que ce dommage ne peut être présumé ; qu'en retenant cependant, pour dire que l'importance du dommage causé à l'économie par les pratiques visées au grief n° 1 était significative, partant fixer le montant de base de la sanction prononcée à 19 % de la valeur des ventes de farine en sachets effectuée par la société GMS en 2007, que, concernant l'ampleur de l'infraction, l'Autorité a relevé à suffisance de droit que l'infraction était bien « susceptible, par sa nature même », en limitant les quantités de farine en sachets échangées entre la France et l'Allemagne de priver les consommateurs des bénéfices qu'ils pouvaient attendre d'une libre concurrence entre les meuniers français et allemands, sans rechercher ni constater quelle avait été l'ampleur effective de l'infraction, partant du dommage causé à l'économie, la cour d'appel, qui a présumé du dommage causé à l'économie, a violé l'article L. 464-2 du code de commerce ;
2°/ que le montant de la sanction d'une pratique, ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence doit être proportionné à l'importance du dommage causé par cette pratique à l'économie ; que ce dommage ne peut être présumé ; que la cour d'appel a constaté, quant aux conséquences structurelles et conjoncturelles de l'entente, que les meuniers allemands avaient largement dépassé le quota convenu et que le montant de 90 000 tonnes de farine en sachets exporté en France par les meuniers allemands en 2009, sur lequel l'Autorité s'était fondée pour en déduire que « le cartel franco-allemand a pu se traduire par une réduction des volumes échangés entre les deux pays d'au moins un tiers (soit de 90 000 tonnes à 60 000 tonnes) », était erroné, ce montant de 90 000 tonnes, atteint en 2009, concernant non pas l'importation des seules farines en sachet mais l'importation de l'ensemble de la farine ; qu'en retenant néanmoins, pour dire que l'importance du dommage à l'économie causé par l'entente était significative, partant fixer le montant de base de la sanction prononcée à 19 % de la valeur des ventes de farine en sachets effectuées par la société Grands Moulins de Strasbourg en 2007, que « le fait que les meuniers allemands aient, en pratique, largement dépassé leur quota ne réduit en rien les effets potentiels du cartel, qui était d'autant plus dommageable qu'il ne permettait, en théorie, aux meuniers allemands de vendre qu'une très faible quantité sur le marché », que « l'Autorité n'est à l'évidence pas tenue de tenir compte d'une telle circonstance qui concerne, tout au plus, les conditions d'exécution d'un accord violant les règles de la concurrence dont l'efficacité se serait avérée moindre que celui escompté par ses auteurs » et que l'erreur commise sur le chiffre de 90 000 tonnes « n'est pas de nature à invalider les appréciations tirées des conséquences conjoncturelles et structurelles de l'entente qui ont été formulées par l'Autorité sur l'importance du dommage causé à l'économie, alors qu'il a été rappelé que les quotas établis par les auteurs de l'infraction prévoyaient une limitation de la vente en France de farine en sachet produite en Allemagne à 15 000 tonnes par an », la cour d'appel, qui a confondu « gravité de l'infraction » et « dommage causé à l'économie », a présumé de ce dommage, en violation de l'article L. 464-2 du code de commerce ;
3°/ que le montant de la sanction d'une pratique, ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence doit être proportionné à l'importance du dommage causé par cette pratique à l'économie ; que ce dommage ne peut être présumé ;qu'en affirmant, pour dire que l'importance du dommage à l'économie causé par l'entente était significative, partant fixer le montant de base de la sanction prononcée à 19 % de la valeur des ventes de farine en sachets effectuées par la société GMS en 2007, que l'accord franco-allemand avait significativement réduit les échanges entre l'Allemagne et la France, sans constater aucun élément de nature à établir une telle réduction, la cour d'appel a encore privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce ;
4°/ que le dommage à l'économie qui n'est pas présumé doit faire l'objet d'une appréciation concrète comprenant l'analyse des effets tant potentiels qu'avérés des pratiques litigieuses ; qu'en affirmant, pour décider que l'importance du dommage causé à l'économie par les pratiques litigieuses devait être considérée comme significative, que ces pratiques étaient susceptibles par leur nature même de priver les consommateurs des bénéfices qu'ils pouvaient attendre d'une libre concurrence entre les meuniers français et allemands, qu'elles étaient de nature à empêcher la stimulation des prix et de la compétitivité des meuniers, et que les effets potentiels du cartel étaient d'autant plus dommageables qu'ils ne permettaient, en théorie, aux meuniers allemands de vendre qu'une très faible quantité sur le marché, peu important à cet égard que les quotas convenus aient été en réalité dépassés, sans rechercher concrètement la consistance et l'importance du dommage causé par les pratiques litigieuses à l'économie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce ;
5°/ qu'en relevant, pour apprécier l'importance du dommage à l'économie des pratiques litigieuses, que la liberté des échanges entre l'Allemagne et la France avait été significativement réduite pendant l'entente, et que l'augmentation conséquente des importations de farine en France après cette dernière telle que constatée par l'Autorité était susceptible de faire baisser le prix des farines vendues par les meuniers français, tout en constatant que les accords passés entre meuniers et français n'avaient pas été respectés, dans la mesure où il avait été fait état d'échanges de près de 50 000 tonnes en 2006, d'environ 55 000 et 60 000 tonnes respectivement en 2007 et 2008, alors que les quotas prévoyaient une limitation à 15 000 tonnes, et que le chiffre de 90 000 tonnes relevé par l'Autorité comme étant celui atteint en 2009 par les importations de farine auprès des meuniers allemands, était erroné, la cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce ;
6°/ que la gravité de l'infraction et le dommage causé à l'économie ne se présument pas et ne sauraient donc être déduits de statistiques erronées : qu'en considérant que l'Autorité avait pu valablement apprécier les conséquences conjoncturelles et structurelles de l'entente sur les importations de farine en sachets à partir de statistiques concernant l'ensemble de la farine et non pas seulement la farine en sachets seule visée par l'entente, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce ;
Mais attendu que l'arrêt relève que les pratiques anticoncurrentielles étaient susceptibles, par leur nature même, de priver les consommateurs des bénéfices qu'ils pouvaient attendre d'une libre concurrence entre les meuniers français et allemands ; qu'il retient, s'agissant des conséquences conjoncturelles et structurelles de l'infraction, que le fait que les quotas aient été largement dépassés ne réduit en rien les effets potentiels du cartel, qui était d'autant plus dommageable qu'il ne permettait, en théorie, aux meuniers allemands de ne vendre qu'une très faible quantité sur le marché français ; qu'il retient encore, dans le cadre de son appréciation souveraine, que l'erreur contenue dans la décision de l'Autorité, s'agissant du chiffre de 90 000 tonnes de farine allemande importée en France en 2009, n'est pas de nature à invalider l'analyse des conséquences conjoncturelles et structurelles de l'entente à laquelle a procédé l'Autorité, aux termes de laquelle elle a retenu que, bien que le respect des quotas instaurés par le cartel franco-allemand n'ait pas été total, la liberté des échanges entre l'Allemagne et la France avait été significativement réduite, ce qui avait été de nature à empêcher que les prix et la compétitivité des meuniers français soient stimulés par la concurrence des meuniers allemands comme ils auraient pu l'être en l'absence des pratiques ; qu'il relève encore que la demande est relativement peu élastique au prix et que les meuniers allemands, dont la production n'était pas limitée par des droits de mouture, étaient les seuls susceptibles de venir animer la concurrence en France ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, dont il résulte qu'elle a procédé à une appréciation concrète du dommage causé à l'économie par l'entente sans en présumer l'existence, la cour d'appel a pu approuver l'Autorité d'avoir retenu que l'importance du dommage à l'économie était significative ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le cinquième moyen, pris en ses première et deuxième branches, du pourvoi n° A 14-29.542 :
Attendu que la société Axiane fait grief à l'arrêt du rejet de son recours contre la décision quant au montant de la sanction pécuniaire infligée alors, selon le moyen :
1°/ que les principes de légalité des délits et des peines, ou encore de proportionnalité des délits et des peines, garantis notamment par les articles 8 et 9 de la Déclaration de 1789 s'opposent à ce que le plafond de la sanction pécuniaire pouvant être prononcée par l'Autorité soit calculé par référence au montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé par l'entreprise ou le groupe auquel elle appartient au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en oeuvre en cas de restructurations d'entreprises et spécialement en cas de successions de plusieurs sociétés mères entre la commission d'une infraction par une filiale et sa sanction par l'Autorité ; que les dispositions de l'article L 464-2 § I du code de commerce sont contraires aux articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
2°/ que la notion d'entreprise participant à l'infraction ou d'appartenance à un groupe ne peut pas être interprétée de manière différente selon qu'il s'agit d'imputer l'infraction ou de déterminer le plafond de la sanction encourue ; qu'en cas de restructurations ou de changement de contrôle de la filiale seule responsable de l'infraction, le plafond légal de l'amende ne peut pas être déterminé en fonction des comptes consolidés de la nouvelle société mère totalement étrangère aux faits sanctionnés ou lorsque celle-ci n'a acquis la filiale condamnée qu'à la fin de la période infractionnelle mais avant le prononcé de la sanction ; qu'en considérant que l'Autorité avait pu valablement déterminer le plafond légal de la sanction qu'elle pouvait prononcer au titre de l'entente à laquelle elle a reproché à Groupe Meunier X... d'avoir participé entre le 24 juin 2002 et le 17 juin 2008 par référence au chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxe le plus élevé de la société Axiane dont les comptes sont consolidés au sein de ceux du groupe Epis-Centre, après avoir admis par des motifs propres et adoptés que la société Axiane n'a pris la suite de Groupe Meunier X... que le 3 juillet 2008, la cour d'appel a violé les articles 49 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 101 du TFUE et L. 464-2 du code de commerce ;
Mais attendu, d'une part, que par décision n° 2015-489 QPC du 14 octobre 2015, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution l'article L. 464-2, I, alinéa 4, du code du commerce en ce qu'il prévoit que, lorsque les comptes de l'entreprise concernée ont été consolidés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d'affaires pris en compte pour calculer le maximum de la sanction encourue est celui figurant dans les comptes consolidés de l'entreprise consolidante ; qu'il a précisé que cette disposition avait pour objet de prévenir des stratégies consistant à réduire, par des restructurations du capital des sociétés, le chiffre d'affaires des entreprises se livrant à des pratiques anticoncurrentielles afin de minorer le maximum de la sanction encourue, qu'elle visait, en outre, à prendre en compte la taille et les capacités financières de l'entreprise visée dans l'appréciation du montant maximal de la sanction et, qu'eu égard à l'objectif ainsi poursuivi, elle ne méconnaissait pas les principes de nécessité et de proportionnalité des peines ;
Et attendu, d'autre part, qu'il résulte de l'article L. 464-2, I, alinéa 4, du code de commerce que lorsque les comptes de l'entreprise sanctionnée ont été consolidés, le plafond de la sanction pécuniaire est déterminé par référence au chiffre d'affaires mondial hors taxe le plus élevé figurant dans les comptes de l'entreprise consolidante, réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en oeuvre ; qu'ayant constaté que la société Groupe meunier X..., devenue la société Axiane, avait été rachetée par la société Epis-centre, le 3 juillet 2008, c'est sans violer ces dispositions, dont elle a fait l'exacte application, ni prononcer une sanction disproportionnée, que la cour d'appel a approuvé l'Autorité d'avoir déterminé le maximum légal de la sanction encourue par la société Axiane par référence au chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes réalisé en 2009 par la société Épis-centre, peu important que cette dernière société ait pris le contrôle de la société Axiane après la cessation des pratiques sanctionnées ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les autres moyens des pourvois principaux n° A 14-29.542, W 14-29.354, G 14-29.273, V 14-29.491, V 14-50.076 et K 14-29.482 et pourvoi incident n° D 14-28.234, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le cinquième moyen, pris en sa huitième branche, du pourvoi n° D 14-28.234 et le deuxième moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi incident n° Q 14-29.509, réunis :
Vu les articles 101, paragraphe 1, TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;
Attendu que si la preuve d'une distanciation publique peut permettre de renverser la présomption du caractère illicite de la participation d'une entreprise à une réunion anticoncurrentielle, l'absence d'une telle distanciation ne peut, dans le cas d'une entente se poursuivant dans le temps et se caractérisant par une succession de réunions collusoires, être le seul élément retenu pour établir qu'une entreprise a continué de participer à l'infraction, lorsque cette entreprise a cessé, pendant une période significative, de participer à ces réunions ;
Attendu que pour rejeter le recours des sociétés VK Mühlen et GMP, l'arrêt relève que l'entente s'est d'abord matérialisée par la tenue, entre le 14 mai 2002 et le 21 septembre 2004, de douze réunions entre meuniers allemands et français, relatives à la conclusion de l'accord de limitation des importations et à son fonctionnement, puis qu'une surveillance de cet accord a été mise en place, au moins par les membres français de l'entente, jusqu'au 17 juin 2008, date des opérations de visite et saisies ; qu'il énonce que, dès lors qu'une entreprise participe, même sans y prendre une part active, à une ou plusieurs réunions ayant un objet anticoncurrentiel et qu'elle ne se distancie pas sans délai et publiquement du contenu de celles-ci, donnant ainsi à penser aux autres participants qu'elle souscrit au résultat des réunions et s'y conformera, il est établi qu'elle participe à l'entente en résultant ; qu'il retient, par motifs propres et adoptés, qu'il est établi que la société VK Mühlen a participé à la réunion n° 6 du 24 septembre 2003, en étant informée à l'avance de son objet, et que les invitations aux réunions n° 7 et 10, qui lui ont ensuite été adressées, montrent qu'elle ne s'est pas distanciée de l'entente ; qu'il retient encore que la société GMP a participé, en toute connaissance de cause, à la réunion anticoncurrentielle du 24 septembre 2003 et qu'après cette réunion, elle ne s'est pas distanciée de l'entente et qu'elle a même été invitée à la réunion suivante, sans, à aucun moment, faire savoir aux autres participants que l'optique dans laquelle elle était venue à la réunion était différente de la leur, ainsi qu'elle le prétendait ; qu'il en déduit que la participation des sociétés VK Mühlen et GMP à l'entente est établie à compter du 24 septembre 2003 et jusqu'au 17 juin 2008 et ajoute qu'il importe peu que la première n'ait pas été citée par le demandeur à la clémence comme ayant participé à l'entente ;
Qu'en se déterminant ainsi, en se fondant sur la seule absence de distanciation publique des sociétés VK Mühlen et GMP à l'issue de la seule réunion du 24 septembre 2003 à laquelle elles avaient assisté, sans relever aucun élément factuel établissant la poursuite du comportement anticoncurrentiel de ces sociétés jusqu'au terme général de l'infraction et alors qu'il n'était pas contesté qu'elles n'avaient pas participé aux six réunions collusoires qui s'étaient tenues postérieurement à celle du 24 septembre 2003, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Et sur la recevabilité des premier et second moyens du pourvoi n° Q 14-29.509, en ce qu'ils sont dirigés contre les sociétés Grands Moulins Storione et Moulins Soufflet :
Vu les articles 974 et 975 du code de procédure civile ;
Attendu que les sociétés Moulins Soufflet et Grands Moulins Storione ne sont pas visées dans la déclaration de pourvoi déposée, au greffe de la Cour de cassation, au nom du président de l'Autorité ;
Que ces sociétés n'étant pas parties à l'instance, le président de l'Autorité n'est pas recevable à soutenir la cassation de l'arrêt en ce qu'il dit qu'elles n'ont pas enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101, paragraphe 1, TFUE ;
D'où il suit que les moyens sont irrecevables en ce qu'ils sont dirigés contre les sociétés Moulins Soufflet et Grands Moulins Storione ;
Et sur le second moyen, pris en ses deux premières branches, de ce pourvoi, en tant que dirigé contre les autres sociétés :
Vu les articles L. 420-1 du code de commerce et 101, paragraphe 1, TFUE ;
Attendu que pour dire qu'il n'est pas établi que les sociétés Axiane, Euromill, GMP, GMS, Z... Cantin et Nutrixo ont noué, autour des sociétés France farine et Bach Mühle, une entente ayant un objet anticoncurrentiel, l'arrêt retient que ces entreprises, qui n'avaient pas la capacité de proposer une offre crédible aux acheteurs, se sont trouvées placées dans la nécessité de présenter des offres groupées, quel que soit le lieu de livraison géographique, dans le cadre de structures de commercialisation commune, en soi licites au regard des règles du droit de la concurrence, afin de mettre en oeuvre puis de poursuivre une coopération leur permettant de répondre, selon le cas, à la demande nationale et aux exigences des centrales d'achat de la grande distribution puis des entreprises du hard discount ;
Qu'en se déterminant ainsi, alors qu'elle avait constaté que les modalités d'organisation et de fonctionnement des sociétés Bach Mühle et France farine permettaient aux meuniers, actionnaires de ces sociétés, de pratiquer un prix unique pour la vente de farine en sachets à destination de la grande distribution et du hard discount et de se répartir les clients et volumes de livraison en fonction de zones géographiques pré-attribuées à chacun des meuniers, la cour d'appel, qui n'a pas vérifié si la création et le mode de fonctionnement de ces structures de commercialisation commune n'excédaient pas ce qui était strictement nécessaire à la pénétration et au maintien des entreprises sur ces marchés, a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les
autres griefs :
RABAT l'arrêt n° 955 FS-D du 8 novembre 2016 rendu par la Chambre commerciale, financière et économique ;
Et statuant, à nouveau :
DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi incident n° Q 14-29.509 en tant que formé par la société Nutrixo et par la société Grands Moulins de Paris en ce qu'elle vient aux droits de la société Euromill Nord ;
REJETTE les pourvois principaux n° A 14-29.542, W 14-29.354, G 14-29.273, V 14-29.491, V 14-50.076 et K 14-29.482 et le pourvoi incident n° D 14-28.234 ;
Et sur les pourvois principaux n° Q 14-29.509 et n° D 14-28.234 et le pourvoi incident n° Q 14-29.509, formé par la société Grands Moulins de Paris en son nom personnel :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, réformant la décision n° 12-D-09 de l'Autorité de la concurrence, il dit, d'une part, qu'il n'est pas établi que les sociétés Axiane meunerie SAS, Euromill Nord, Grands Moulins de Paris SA, Grands Moulins de Strasbourg, Z... Cantin et Nutrixo SAS ont enfreint les dispositions de l'article 101 TFUE et l'article L. 420-1 du code de commerce en participant à une entente anticoncurrentielle visant à fixer le prix de la farine en sachets vendue à la grande et moyenne distribution en France, à répartir les clients et à limiter la production de ce produit, et, d'autre part, qu'il n'est pas établi que les sociétés Axiane meunerie SAS, Euromill Nord, Grands Moulins de Paris SA, Grands Moulins de Strasbourg, Z... Cantin et Nutrixo SAS ont enfreint les dispositions de l'article 101 TFUE et l'article L. 420-1 du code de commerce en participant à une entente anticoncurrentielle visant à fixer le prix de la farine en sachets vendue aux enseignes du hard discount en France, à répartir les clients et à limiter la production de ce produit, et en ce que, rejetant leurs recours, il dit établi que les sociétés VK Mühlen AG et Grands Moulins de Paris ont participé à une entente anticoncurrentielle visant à limiter les importations de farine en sachets entre l'Allemagne et la France et leur inflige des sanctions ainsi qu'en ses dispositions relatives à la publication de la décision de l'Autorité de la concurrence, l'arrêt rendu le 20 novembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne les sociétés Axiane meunerie, Grands Moulins de Strasbourg, Grain Millers GmbH et Co KG devenue la société Roland Mills United GmbH et Co KG, Mills United Hovestadt et Münstermann GmbH, Heyl GmbH et Co KG, Flechtorfer Mühle Walter Thönebe GmbH, Bliesmühle GmbH, Karl Y...
A... GmbH et Friessinger Mühle GmbH, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les sociétés Axiane meunerie, Grands Moulins de Strasbourg, Karl Y...
A... GmbH et Friessinger Mühle GmbH à payer chacune la somme de 3 000 euros au président de l'Autorité de la concurrence, les sociétés Roland Mills United GmbH et Co KG, Mills United Hovestadt et Münstermann GmbH et Heyl GmbH et Co KG à lui payer la somme globale de 3 000 euros et les sociétés Flechtorfer Mühle Walter Thönebe GmbH et Bliesmühle GmbH à lui payer la même somme globale de 3 000 euros et condamne le président de l'Autorité de la concurrence à payer à la société VK-Mühlen AG devenue la société Goodmills Deutschland GmbH la somme de 3 000 euros ; rejette les autres demandes ;
Vu l'article R. 470-2 du code de commerce, dit que sur les diligences du directeur de greffe de la Cour de cassation, le présent arrêt sera notifié, par lettre recommandée avec accusé de réception, à la Commission européenne, à l'Autorité de la concurrence et au ministre chargé de l'économie ;
Dit que le présent arrêt sera transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt rabattu ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre octobre deux mille dix-sept.