LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite de la publication, sur le site internet de l'association Confédération mondiale des sports de boules (l'association), d'un communiqué la mettant en cause, la société Pulz (la société) a demandé à exercer un droit de réponse ; qu'un refus lui ayant été opposé, elle a assigné en référé M. Y..., en qualité de directeur de la publication, M. Z..., en qualité de représentant légal de l'association, et cette dernière, en qualité d'éditeur du site litigieux, aux fins d'obtenir l'insertion forcée de sa réponse ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à référé et de rejeter ses demandes formées à l'encontre de M. Y..., alors, selon le moyen :
1°/ que la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique renvoie expressément, relativement aux conditions d'insertion de la réponse, au texte de l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881, celui-ci prévoyant que l'insertion pourra atteindre cinquante lignes, alors même que l'article incriminé serait d'une longueur moindre ; que l'article 3 du décret du 24 octobre 2007, limitant la longueur de la réponse à celle du message qui l'a provoquée, ne peut déroger à ce texte ; qu'en décidant le contraire pour exclure tout trouble manifestement illicite, la cour d'appel a violé les articles 6 de la loi du 21 juin 2004 et 13 de la loi du 29 juillet 1881, ensemble les articles 3 du décret du 24 octobre 2007 et 809, alinéa 1er, du code de procédure civile ;
2°/ que la société avait, dans ses conclusions d'appel, soutenu que « le décret de 2007 ne peut restreindre ce que la LCEN de 2004 offre largement aux justiciables, la hiérarchie des normes ayant toujours pleine vigueur » ; qu'en laissant sans réponse ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'article 6, IV, de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique a institué, au profit de toute personne nommée ou désignée dans un service de communication au public en ligne, un droit de réponse, distinct de celui prévu, en matière de presse périodique, par l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ; que, s'il renvoie à ce dernier texte la détermination des conditions d'insertion de la réponse, il énonce, en son dernier alinéa, qu'un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application des dispositions qu'il édicte ; que l'article 3 du décret n° 2007-1527 du 24 octobre 2007, pris pour l'application de l'article 6, IV, précité, prévoit que la réponse sollicitée est limitée à la longueur du message qui l'a provoquée ou, lorsque celui-ci ne se présente pas sous une forme alphanumérique, à celle de sa transcription sous forme d'un texte ; que la cour d'appel a retenu, à bon droit, que ce texte réglementaire spécifique à la communication au public en ligne excluait, sur ce point, l'application des dispositions de l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881 et a, ainsi, répondu aux conclusions prétendument omises ; qu'ayant constaté que la taille de la réponse dont l'insertion était demandée dépassait manifestement la taille autorisée pour l'exercice du droit de réponse, elle a pu en déduire que le refus d'insertion n'était pas constitutif d'un trouble manifestement illicite au sens de l'article 809, alinéa 1er, du code de procédure civile ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen :
Vu les articles 6, IV, de la loi du 21 juin 2004 précitée et 93-2 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable l'action de la société dirigée contre M. Z... et l'association, l'arrêt retient que le relevé des mentions légales du site internet litigieux, qui, initialement, désignait M. Y... comme directeur de la publication, indique désormais que celui-ci est le "webmaster" et le désigne expressément comme la personne à contacter par l'utilisateur pour obtenir une modification des données personnelles apparaissant sur le site, ce qui confirme sa qualité de directeur de la publication, sous une autre dénomination ;
Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir la qualité de directeur de la publication de M. Y... et sans rechercher, comme il le lui était demandé, si M. Z..., en tant que représentant légal de l'association, ne devait pas se voir reconnaître cette qualité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable l'action de la société Pulz dirigée contre M. Z..., l'arrêt rendu le 3 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;
Condamne M. Y..., M. Z... et l'association Confédération mondiale des sports de boules aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit octobre deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour la société Pulz
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré la SASU Pulz irrecevable en son action à l'égard de monsieur Claude Z... et de la Confédération mondiale des sports de boule ;
AUX MOTIFS QUE l'article 6 IV de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique prévoit que la demande d'exercice du droit de réponse est adressée au directeur de la publication et que l'obligation d'insertion du droit de réponse incombe à ce dernier; qu'il y a lieu de constater, à l'instar du premier juge, que si le relevé des mentions légales du site www.cmsboules.org, édité le 13 novembre 2015, ne comporte plus la mention de monsieur Claude Y... comme directeur de publication alors qu'il y figurait comme tel sur un relevé du 08 juillet 2015, ce relevé du 13 novembre 2015 mentionne toutefois monsieur Y... comme «webmaster de la CMSB » en le désignant expressément comme la personne à contacter par l'utilisateur du site pour obtenir une modification des données personnelles apparaissant sur le contenu ou les images du site, ce qui confirme sa qualité de directeur de la publication sous une autre dénomination, cette qualité étant aussi revendiquée par la CMSB, propriétaire du site ; que d'ailleurs, la société PULZ ne s'y est pas trompée, ayant adressé sa demande d'insertion du droit de réponse à monsieur Claude Y... « directeur de la publication » et conclu tant en première instance qu'en appel contre monsieur Y... ès qualités de directeur de la publication même si dans le corps de ses dernières écritures, elle indique, non sans contradiction, que c'est monsieur Z..., président de la CMSB qui serait le véritable directeur de publication ; qu'en conséquence, le juge des référés a considéré à bon droit que la société PULZ n'avait pas d'intérêt à agir à l'encontre de monsieur Claude Z... et de la CMSB qui n'étaient pas directeur de la publication et que sa décision déclarant l'action irrecevable à l'encontre de ces deux parties doit être confirmée ;
1°) ALORS QUE le droit de réponse incombe au directeur de la publication ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a déclaré l'action de la société Pulz irrecevable en tant qu'elle était dirigée contre monsieur Z..., motif pris de ce que monsieur Y... figurait comme « webmaster de la CMSB » et était « expressément désigné comme la personne à contacter par l'utilisateur du site » ; qu'en déduisant de cette mention qu'elle « confirme sa qualité de directeur de publication », après avoir pourtant relevé que le site de la confédération ne comportait plus la mention de monsieur Y... comme directeur de la publication, la cour d'appel a violé l'article 6. IV de la loi du 21 juin 2004 ;
2°) ALORS QUE le droit de réponse incombe au directeur de la publication ; qu'en matière de service de communication au public par voie électronique, le directeur de publication d'une personne morale est « le président du directoire ou du conseil d'administration, le gérant ou le représentant légal, suivant la forme de la personne morale » ; qu'en l'espèce, la société Pulz avait soutenu d'une part, que la mention selon laquelle monsieur Y... aurait été webmaster ne lui conférait aucunement la qualité de directeur de la publication et, d'autre part, que monsieur Z..., en sa qualité de représentant légal, était le véritable directeur de la publication (conclusions d'appel p. 29) ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher, comme elle y avait été invitée, si la Confédération n'était pas représentée par son directeur général, monsieur Z..., la cour d'appel a, en toute hypothèse, privé sa décision de base légale au regard des articles 6 de la loi du 29 juillet 1881 et 93-2 de la loi du 29 juillet 1982.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit n'y avoir lieu à référé et débouté la SASU Pulz de ses demandes à l'encontre de monsieur Y... ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'article 3 du décret du 24 octobre 2007 pris pour l'application de l'article 6 IV de la loi du 21 juin 2004 dispose : « la réponse sollicitée prend la forme d'un écrit quelle que soit la nature du message auquel elle se rapporte. Elle est limitée à la longueur du message qui l'a provoqué ou, lorsque celui-ci ne se présente pas sous une forme alphanumérique, à celle de sa transcription sous forme d'un texte. La réponse ne peut pas être supérieure à 200 lignes » ; que contrairement à l'avis de la société PULZ, ce texte réglementaire spécifique à la communication en ligne déroge à l'article 13 de la loi du 29 juillet 1981 sur la presse écrite ; qu'en l'espèce, le premier juge, par comparaison entre l'article incriminé et la réponse dont l'insertion était demandée, a justement constaté que la taille de cette dernière dépassait manifestement la taille autorisée pour l'exercice du droit de réponse et que le refus du directeur de publication du site de procéder à son insertion, dans la mesure où il n'avait pas la possibilité de modifier le contenu du texte qui lui était soumis, n'était pas constitutif d'un trouble manifestement illicite pouvant justifier une mesure de remise en état en référé ; que sa décision sera donc également confirmée de ce chef ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'aux termes de l'article 809 du Code de procédure civile, le juge des référés peut, même en présence d'une contestation sérieuse, ordonner toute mesure conservatoire ou de remise en état qui s'impose pour faire cesser un trouble manifestement illicite ou prévenir un dommage imminent ; qu'en l'espèce, le constat d'huissier produit aux débats par la Sasu Pulz démontre qu'un article intitulé « communiqué du président Claude Z... » a été publié le 17 mai 2015 sur le site www.cmsboules.org dans les termes suivants : « chers amis, si vous arrivez sur notre site après avoir utilisé un lien placé sur celui d'une société dénommée « Pulz » sachez que ce lien y a été installé sans notre autorisation et que nous n'avons rien à voir avec cette société ni avec ses dirigeants et que nous n'avons nullement l'intention de travailler ni d'avoir la moindre relation avec elle », ce texte étant accompagné de la photographie d'une femme mimant le geste « stop » avec sa main dirigée vers l'avant ; que si la société Pulz qui est désignée dans cette publication peut légitimement exercer un droit de réponse dans les conditions prévues par l'article 6.IV de la loi du 21 juin 2004, l'article 3 du décret du 24 octobre 2007 pris pour son application, qui déroge sur ce point au texte général de l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881 dispose toutefois que la réponse prend la forme d'un écrit quelle que soit la nature du message auquel elle se rapporte et qu'elle est limitée à la longueur du message qui l'a provoquée ou, lorsque celui-ci ne se présente pas sous une forme alphanumérique à celle de sa transcription sous forme d'un texte, la réponse ne pouvant être supérieure à 200 lignes ; qu'or, la réponse dont la demanderesse sollicite l'insertion est constituée, même après le retrait de la phrase dont le contenu a été critiqué par les défendeurs, d'un écrit d'au moins 23 lignes alors que le communiqué incriminé n'excède pas dix lignes en y intégrant la taille de la photographie qui représente un nombre de lignes sensiblement équivalent à celui du texte, la retranscription textuelle de cette photographie étant même faite en une seule ligne par la société Pulz dans son assignation ; que son écrit dépassant manifestement la taille autorisée pour l'exercice du droit de réponse, le refus du directeur de publication du site de procéder à son insertion n'est donc pas illégitime, d'autant qu'il n'a par ailleurs pas la possibilité de modifier le contenu du texte qui lui est notifié, et la SASU Pulz n'est dès lors pas fondée à solliciter une mesure de remise en état à ce titre par le juge des référés ;
1°) ALORS QUE la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique renvoie expressément, relativement aux conditions d'insertion de la réponse, au texte de l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881,celui-ci prévoyant que l'insertion pourra atteindre cinquante lignes, alors même que l'article incriminé serait d'une longueur moindre ; que l'article 3 du décret du 24 octobre 200, limitant la longueur de la réponse à celle du message qui l'a provoquée, ne peut déroger à ce texte ; qu'en décidant le contraire pour exclure tout trouble manifestement illicite, la cour d'appel a violé les articles 6 de la loi du 21 juin 2004 et 13 de la loi du 29 juillet 1881, ensemble les articles 3 du décret du 24 octobre 2007 et 809, alinéa, 1er, du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE la société Pulz avait, dans ses conclusions d'appel, soutenu que « le décret de 2007 ne peut restreindre ce que la LCEN de 2004 offre largement aux justiciables, la hiérarchie des normes ayant toujours pleine vigueur » ; qu'en laissant sans réponse ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.