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22/11/2017 | FRANCE | N°16-12729

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 22 novembre 2017, 16-12729


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'article L. 1226-10 du code du travail, en sa rédaction applicable en la cause ;

Attendu que les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée et invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement

; que cette application n'est pas subordonnée à la reconnaissance par la...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'article L. 1226-10 du code du travail, en sa rédaction applicable en la cause ;

Attendu que les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée et invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement ; que cette application n'est pas subordonnée à la reconnaissance par la caisse primaire d'assurance maladie du caractère professionnel d'un accident ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 21 juillet 2009 en qualité d'agent à domicile par l'association ADMR Senonches ; qu'ayant déclaré un accident du travail, elle a été placée en arrêt de travail à ce titre par son médecin traitant à compter du 29 octobre 2009 ; que le 21 décembre 2009, la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir a refusé la prise en charge de l'accident au titre de la législation sur les risques professionnels ; que déclarée inapte à son poste par le médecin du travail à l'issue de deux examens des 7 et 21 septembre 2012, la salariée a été licenciée, le 26 octobre suivant, pour inaptitude et impossibilité de reclassement ;

Attendu que pour rejeter l'application de la législation protectrice des victimes d'accidents du travail, l'arrêt retient que le caractère professionnel de l'accident dépend de la reconnaissance faite par la caisse primaire d'assurance maladie en application des articles L. 411-1 et suivants du code du travail, qu'en l'espèce, la caisse a refusé la prise en charge de l'accident survenu le 29 octobre 2009 au titre de la législation sur les risques professionnels, que la salariée a saisi la commission de recours amiable qui a rejeté sa contestation le 26 octobre 2010, cette décision étant devenue définitive, faute d'avoir exercé un recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, que les mentions portées sur les bulletins de salaire au titre de l'accident du travail sont sans incidence sur le litige dès lors que l'employeur a l'obligation d'établir la déclaration et les bulletins dans ce sens, en l'attente de la décision qui incombe à la caisse d'assurance maladie, qu'il résulte de ces éléments que les arrêts de travail depuis le 29 octobre 2009 ne présentent pas de caractère professionnel ;

Qu'en statuant ainsi, par référence aux seules décisions de la caisse primaire d'assurance maladie refusant de reconnaître le caractère professionnel de l'accident, sans apprécier elle-même l'origine professionnelle ou non de l'inaptitude, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et attendu qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif rejetant l'application des la législation protectrice des victimes d'accidents du travail entraîne par voie de dépendance la cassation du chef de dispositif disant que l'employeur a satisfait à son obligation de reclassement ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette l'application de la législation protectrice des accidentés du travail ainsi que les demandes en paiement d'une indemnité en application de l'article L. 1226-15 du code du travail, d'une indemnité compensatrice et d'une indemnité spéciale de licenciement et dit que l'employeur a satisfait à son obligation de reclassement, l'arrêt rendu le 14 décembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne l'association ADMR Senonches aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'association ADMR Senonches et condamne celle-ci à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils, pour Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rejeté l'application de la législation protectrice des accidentés du travail et de ses conséquences pécuniaires ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur l'origine professionnelle de l'inaptitude : qu'à la suite de son appel, Mme X... fait valoir que les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail s'appliquent dès lors que l'inaptitude a, au moins partiellement pour origine cet accident, et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement ; que Mme X... ajoute que la décision de la commission de recours amiable ne saurait lui être opposable alors que l'association avait reconnu l'accident du travail en portant cette mention sur les bulletins de salaire et que la décision de recours a pour origine le refus de réponse de l'employeur et des particuliers auprès desquels Mme X... intervenait ; qu'en réplique, l'ADMR de Senonches soutient que la décision de la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure et Loir, qui a refusé de reconnaître l'accident du travail, est devenue définitive et qu'il appartenait à Mme X... de contester cette décision, ce qu'elle n'a pas fait ; qu'il convient de rappeler en effet que le caractère professionnel de l'accident dépend de la reconnaissance faite par la caisse primaire d'assurance maladie en application des articles L. 411-1 et suivants du code de la sécurité sociale ; qu'en l'espèce, la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir a refusé la prise en charge de l'accident survenu le 29 octobre 2009 au titre de la législation sur les risques professionnels, par décision notifiée à Mme X... le 21 décembre 2009 ; que Mme X... a saisi la commission de recours qui a rejeté sa contestation le 26 octobre 2010, cette décision étant devenue définitive faute d'avoir exercé un recours devant le tribunal des affaires de la sécurité sociale ; que les motifs adoptés par la commission résultent des contradictions figurant dans le dossier, et non pas du défaut de réponse de l'employeur, Mme X... n'ayant pas entendu contester cette décision devant le tribunal ; que les mentions portées par l'ADMR sur les bulletins de salaire au titre de l'accident du travail, sont sans incidences sur le litige, dès lors que l'employeur a l'obligation d'établir la déclaration et les bulletins dans ce sens, dans l'attente de la décision qui incombe à la caisse d'assurance maladie ; qu'il résulte de ces éléments que les arrêts de travail depuis le 29 octobre 2009 ne présentent pas de caractère professionnel, et qu'en conséquence les dispositions protectrices des accidentés du travail sont inapplicables au cas d'espèce ; qu'il s'ensuit également que la consultation des délégués du personnel, applicable uniquement dans le cadre des accidents du travail, ne s'imposait pas » ;

ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QUE « sur l'origine professionnelle de l'inaptitude : qu'en droit, les règles protectrices des victimes d'accident du travail ou de maladies professionnelles s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement ; que l'application de l'article L. 1226-10 du Code du travail n'est pas subordonné à la reconnaissance par la caisse primaire d'assurance maladie du lien de causalité entre l'accident du travail et l'inaptitude (Cass. soc. 30 novembre 2010, pourvoi n° 09-42703) ; qu'en l'espèce, il s'agit pour le Conseil d'identifier si l'origine professionnelle de l'inaptitude provient de l'accident du travail ou pas alors que la réponse est clairement notifiée à Madame X... Eliane par la CPAM d'Eure et Loir par le refus de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident du travail notifié le 21 décembre 2009 ; que celle-ci aurait contesté cette notification en saisissant la commission de recours à l'amiable qui a confirmé le refus de prise en charge de cet accident ; que la salariée aurait pu saisir le TASS à la suite de cette décision ; que le conseil estime que ce n'était pas à l'employeur de contester la décision de la CPAM mais bien à l'intéressée concernée par l'accident Madame X... Eliane ; qu'en conséquence, rejette les demandes de Madame X... Eliane afférentes à l'application de la législation protectrice des accidentés du travail et de ses conséquences pécuniaires » ;

ALORS QUE les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'employeur a connaissance de l'origine professionnelle de la maladie ou de l'accident, et cela alors même qu'à la date du licenciement, il était informé d'un refus de prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie ; qu'en retenant que les arrêts de travail de Mme X... depuis le 29 octobre 2009 ne présentent pas de caractère professionnel faute pour la salariée d'avoir exercé un recours contre la décision rendue le 26 octobre 2010 par la commission de recours amiable de la CPAM d'Eure et Loir ayant refusé de reconnaître un tel caractère, la cour d'appel a violé les articles L. 1226-14 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que l'association ADMR Senonches a satisfait à son obligation de reclassement et rejeté, en conséquence, la demande de Mme X... tendant à voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et les demandes annexes.

AUX MOTIFS PROPRES QU'« il s'ensuit également que la consultation des délégués du personnel, applicable uniquement dans le cadre des accidents du travail, ne s'imposait pas ; Sur l'obligation de reclassement : que la lettre de licenciement du 26 octobre 2012 est fondée sur l'inaptitude de Mme X... et l'absence de disponibilité de poste de reclassement ; que Mme X... conteste le licenciement au motif que l'ADMR emploie plus de cent mille salariés en France et n'a pas fait de recherches sérieuses de reclassement ; que l'ADMR de Senonches répond qu'aucune des association d'Eure et Loir ne possède de personnel administratif et qu'elle a adressé des lettres aux Fédérations en vue de rechercher un poste disponible qui n'a pas été trouvé ; qu'il sera rappelé que selon l'avis du 25 septembre 2012 du médecin du travail, Mme X... a été déclarée inapte au poste d'aide à domicile mais apte sur un poste administratif avec restrictions ; que Mme X... fait référence aux cent mille salariés des ADMR en France mais ces postes correspondent aux postes d'aide à domicile pour lesquels elle a été déclarée inapte ; que l'ADMR justifie par les courriers qu'elle a adressés, qu'elle a effectué auprès des Fédérations qui emploient les personnels administratifs des recherches de reclassement qui ont toutes reçu des réponses négatives ; que le licenciement se trouve donc fondé sur une cause réelle et sérieuse ; que le jugement qui a rejeté les demandes présentées à ce titre, sera confirmé à cet égard » ;

ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QUE « sur la recherche de reclassement : qu'en droit, l'article L. 1226-10 du Code du Travail dispose « Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités ; que cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail. En conséquence, le licenciement de Madame X... Eliane est bien fondé » ; que l'article L. 1226-15 du Code du travail dispose : « Lorsqu'un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions relatives à la réintégration du salarié déclaré apte, prévues à l'article L. 1226-8, le tribunal peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis ; Il en va de même en cas de licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L. 1226-10 à L. 1226-12. En cas de refus de réintégration par l'une ou l'autre des parties, le tribunal octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité ne peut être inférieure à douze mois de salaires. Elle se cumule avec l'indemnité compensatrice et, le cas échéant, l'indemnité spéciale de licenciement prévu à l'article L. 1226-14. Lorsqu'un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 1226-12, il est fait application des dispositions prévues par l'article L. 1235-2 en cas d'inobservation de la procédure de licenciement » ; qu'en l'espèce, il ressort de la deuxième visite de la médecine du Travail du 25 septembre 2012, que Madame X... Eliane est : « inapte au poste d'aide à domicile – inaptitude prononcée après la deuxième visite médicale et l'étude de poste. Elle peut travailler sur un poste administratif avec alternance de position assise et debout (pas plus de 30 mn chacune) sans positions contraignantes » ; que cependant, au regard de la mission de l'employeur, aucune association ADMR d'Eure et Loir ne possède de personnel administratif ; qu'au vu des pièces (8 à 19), l'ADMR a effectué des recherches de reclassement à proximité et aux fédérations ADMR pour Madame X... sans aboutir à un résultat ; qu'en conséquence, le Conseil rejette sa demande en dommages-intérêts pour absence de reclassement » ;

1°/ ALORS QU'est irrégulier le licenciement d'un salarié dont l'inaptitude est consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle lorsque l'employeur n'a pas sollicité l'avis des délégués du personnel concernant les possibilités de reclassement de ce salarié ; qu'alors qu'il est constant que l'association ADMR Senonches n'a pas sollicité un tel avis dans le cadre de sa recherche d'un reclassement de Mme X..., la cassation à intervenir sur le premier moyen, relatif au caractère professionnel de l'accident subi par la salariée, entraînera, par voie de conséquence, celle du second moyen, se rapportant au respect par l'employeur de l'obligation de reclassement mise à sa charge, ceci en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

2°/ ALORS QUE pour satisfaire à l'obligation de reclassement mise à sa charge, l'employeur doit proposer un emploi aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail ; qu'en se bornant à retenir, pour juger que l'association ADMR Senonches avait satisfait à son obligation de reclassement, que l'employeur justifie par les courriers qu'il a adressés, qu'il a effectué auprès des fédérations qui emploient les personnels administratifs de recherches de reclassement qui ont toutes reçu des réponses négatives, sans rechercher – comme il lui était demandé – si l'employeur avait, afin de trouver un emploi susceptible de correspondre aux capacités de Mme X..., tenté de mettre en oeuvre des mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-2 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-12729
Date de la décision : 22/11/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 14 décembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 22 nov. 2017, pourvoi n°16-12729


Composition du Tribunal
Président : Mme Guyot (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.12729
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