LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, suivant acte notarié des 24 septembre 1980 et 6 novembre 1981, Euphrasie X..., veuve Y..., a vendu à Mmes Marie Z..., Roseline Z..., Sylvette Z..., MM. José Z..., Julien Marius Z...et Mme Marie-Françoise Z...(les consorts Z...) deux parcelles de terre ; que Mme Martine A...et M. Côme A...ont assigné les consorts Z...en nullité de l'acte de vente et, subsidiairement, en résolution de la vente ; qu'ils ont formé une inscription de faux incidente contre cet acte ; que M. Hilaire Z...est intervenu volontairement ;
Sur les premier et deuxième moyens, ci-après annexés :
Attendu que ces moyens ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;
Attendu que tout jugement doit être motivé, à peine de nullité ;
Attendu que, pour rejeter la demande en nullité, pour absence de cause, de l'acte des 24 septembre 1980 et 6 novembre 1981, l'arrêt retient que la contrepartie de la vente est un prix de 240 000 francs, lequel n'a rien d'un prix vil ou dérisoire ;
Qu'en statuant ainsi, sans énoncer aucun motif à l'appui de sa décision, alors que Mme A...faisait valoir que le prix de vente ne correspondait pas au prix du marché à la date de la vente, ce qu'elle offrait de prouver, la cour d'appel a méconnu les exigences des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du troisième moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes en nullité et en résolution de l'acte des 24 septembre 1980 et 6 novembre 1981, juge valide cet acte et dit que les consorts Z...sont propriétaires depuis le 6 novembre 1981 des parcelles objets du même acte, l'arrêt rendu le 14 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, sur ces points la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre, autrement composée ;
Condamne Mmes Marie Z..., Roseline Z..., Sylvette Z..., MM. José Z..., Julien Marius Z..., Mme Marie-Françoise Z...et M. Hilaire Z...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à Mme Martine et M. Côme A...la somme globale de 2 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour Mme Martine A...et M. Côme A...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté l'incident de faux portant sur l'acte dressé le 24 septembre 1980 et le 6 novembre 1981 par Me Tony B...d'une portion de terre située aux Abymes lieu-dit Besson cadastrée section BZ n° 137 d'une contenance de 10 ha 25 a et 84 ca et d'une seconde sise à Gosier lieu-dit Besson cadastrée section AH n° 146 d'une contenance de 5 ha 84 a et 48 ca ainsi que les demandes en nullité et en résolution de cet acte présentées par les consorts A...,
AUX VISAS QUE « COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 779-3 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état, à la demande des parties, a autorisé les avocats à déposer leur dossier au greffe de la chambre civile avant le 18 janvier 2016.
Par avis du 18 janvier 2016, la présidente a informé les parties que l'affaire était mise en délibéré devant la chambre civile de la cour composée de :
Mme Catherine Dupouy, président de chambre, Mme Joelle Sauvage, conseillère, Mme Claire Prigent, conseillère, rédactrice, qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 14 mars 2016.
GREFFIER
Lors des débats : Mme Maryse Plomquitte, greffière »,
ALORS QUE les délibérations des juges devant lesquels l'affaire a été débattue sont secrètes et cette formalité doit être observée à peine de nullité ; que l'arrêt attaqué mentionne, après avoir expressément visé l'article 779-3 du code de procédure civile relatif à la procédure de dépôt de dossier sans plaidoirie, la présence, lors des débats, de Mme Plomquitte, greffière, dont il résulte que le greffier a assisté au délibéré des magistrats, la cour a violé les articles 447, 448 et 458 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté l'incident de faux portant sur l'acte dressé le 24 septembre 1980 et le 6 novembre 1981 par Me Tony B...d'une portion de terre située aux Abymes lieu-dit Besson cadastrée section BZ n° 137 d'une contenance de 10 ha 25 a et 84 ca et d'une seconde sise à Gosier lieu-dit Besson cadastrée section AH n° 146 d'une contenance de 5 ha 84 a et 48 ca
AUX MOTIFS QUE « Après réouverture des débats, l'original de l'acte authentique argué de faux a été produit aux débats.
Mme Martine A...a également versé aux débats l'original d'un coupon de mandat postal signé le 16 décembre 1981.
Malgré la réouverture des débats, les consorts A...à qui il incombe puisqu'ils allèguent la signature de Mme Y...de faux, de démontrer la fausseté de la signature, n'ont pas produit d'autres pièces de comparaison.
Faute de produire des éléments de comparaison multiples et fiables à confronter à la signature sur l'acte authentique, d'une part, les consorts A...ne démontrent pas que l'acte authentique est affecté de faux et qu'ainsi, une personne présente devant le notaire a usurpé l'identité de Mme Y...et, d'autre part, une expertise judiciaire en vérification d'écriture serait inopérante en raison du défaut d'élément de comparaison, étant ajouté qu'il va en effet de soi qu'une signature devant notaire est d'une valeur probante meilleure que celle donnée devant un agent de la poste.
La preuve n'étant pas rapportée de la fausseté de la signature de Mme Y..., le jugement querellé devra être infirmé en ce qu'il a fait droit à la déclaration de faux »,
ALORS PREMIEREMENT QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut retenir dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement ; que la partie qui fait état d'une pièce s'oblige à la communiquer à toute autre partie à l'instance ; qu'en constatant que l'original de l'acte authentique argué de faux a été produit aux débats quand il ne résulte d'aucune pièce de la procédure, ni du bordereau de communication de pièces du 28 août 2014, que cet acte aurait été régulièrement communiqué par les consorts Z...aux consorts A...en temps utile pour qu'ils puissent en débattre, la cour a violé les articles 16 et 132 du code de procédure civile ainsi que les droits de la défense.
ALORS DEUXIEMEMENT (subsidiairement) QU'en tout état de cause, à supposer même que cet acte ait été communiqué aux consorts A..., il ressort des pièces du dossier, notamment de la lettre adressé par Me C...le 24 septembre 2015 à la présidente, que cette communication a été tardive de sorte qu'en n'indiquant pas à quelle date ce document a été communiqué aux consorts A...et produit aux débats, ce qui aurait permis de vérifier s'il l'avait été en temps utile pour permettre aux consorts A..., sur lesquels reposait la charge de la preuve de l'inexactitude des énonciations de cet acte authentique à l'encontre duquel ils avaient formé une inscription de faux incidente de conclure utilement, la cour a privé sa décision de base légale au regard des articles 15 et 132 du code de procédure civile.
ALORS TROISIEMEMENT QUE le juge est tenu d'admettre ou de rejeter l'acte authentique litigieux argué de faux au vu des éléments de comparaison dont il dispose ; qu'en reprochant aux consorts A..., pour rejeter leur inscription de faux incidente et écarter toute expertise judiciaire en vérification d'écritures, de ne pas produire des éléments de comparaison multiples et fiables comportant la signature de Mme
X...
, veuve Y...à confronter à la signature de cette dernière sur l'acte authentique sans examiner plusieurs documents que les consorts Z...produisaient qui comportaient la signature de celle-ci et avec lesquels une comparaison de signature pouvait être effectuée, notamment les deux actes sous seing privé de vente du 29 mars 1981 entre Mme Y...et MMes Jacqueline et Roselyne Z...(pièces adverses n° 43 et 44) et la promesse de vente du 6 décembre 1965 entre Mme Euphrasie X...et M. D...(pièce adverse n° 41), la cour a violé l'article 308 du code de procédure civile.
ALORS QUATRIEMEMENT QU'en constatant, pour rejeter l'inscription de faux incidente des consorts A..., « … qu'une signature devant notaire est d'une valeur probante meilleure que celle donnée devant un agent de la poste … », la cour a statué par motif inopérant dès lors que ces deux documents sont des originaux et a privé sa décision de base légale au regard des articles 1319 du code civil et 308 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté les consorts A...de leurs demandes en nullité et résolution de l'acte de vente du 24 septembre 1980 et 6 novembre 1981, de l'avoir jugé valide et d'avoir dit en conséquence que les consorts Z...sont propriétaires depuis le 6 novembre 1981 des parcelles objets de cet acte,
AUX MOTIFS QUE « Les consorts A...se prévalent de la nullité de l'acte pour absence de cause, en ce que le prix de vente ne correspondait pas au prix du marché, alors qu'à cette époque, le mètre carré se négociait à 100 F.
Or, le contrat n'est pas dénué de cause car la contrepartie de la vente est un prix de 240 000 francs lequel n'a rien de vil ou de dérisoire.
Enfin, les consorts A..., tiers à l'acte, font valoir que la preuve n'est pas rapportée du paiement du prix et demandent à ce titre la résolution de la vente, sur le fondement de l'article 1184 du code civil.
Au terme de l'acte critiqué, le prix a fait l'objet d'une conversion en obligation de soins et d'entretien jusqu'au décès de Mme Y....
Les consorts A...ne dénient pas l'existence de soins mais indiquent simplement que Mmes Jacqueline et Roseline Z...avaient déjà contractées précédemment cette obligation à un autre titre et admettent en outre le paiement prouvé par les consorts Z...des obsèques de Mme Y....
Il est, en tout état de cause, démontré par les nombreuses attestations produites aux débats, que les consorts Z...se sont occupés de Mme Y...jusqu'à son décès en 1984.
Elle était selon Mme E...et Mme Jacques F..., hébergée gratuitement depuis 1974 chez Mme Roseline Z...au rez-de-chaussée de la maison de celle-ci.
Mme Jeannick G...précise : « Elle a été logée gracieusement par Mme Z...Roseline. Toute la famille Z...venait régulièrement voir Mme Y...pour veiller à son bien-être et subvenir à ses besoins ».
M. Roland H...indique : « J'étais locataire de Mayoute Roslyne au ... au 1er étage pendant la période de 1989 à 1992. Dans la même période au rez-de-chausssée, habitait Mme Y...Euphrasie. Une dame s'occupait d'elle tous les jours et Mme Mayoute I...passait tous les soirs lui rendre visite (…). Compte tenu des visites régulières de la famille Z..., je pensais même que Mme Y...Euphrasie faisait partie de la famille Z...».
Mme Anne J...atteste : « Je confirme avoir vu Mme Y...Euphrasie dans les années 1989 jusqu'à son décès, domiciliée au ..., dans la maison de la famille Z...au rez-de-chaussée. Cette famille la visitait, la véhiculait, afin d'effectuer ses diverses démarches de la vie quotidienne en d'autres termes l'aidait à assumer son bien être vital ».
L'argument tiré de l'existence d'une obligation antérieure est inopérant, étant remarqué que les deux actes sous seing privés du 29 mars 1981 concernent des maisons sur la commune des Abymes lieu-dit Besson et qui peuvent être assises sur les terrains objets de l'acte authentique du 24 septembre 1980 et 6 novembre 1981.
En tout état de cause, l'obligation souscrite par Jacqueline et Roseline Z..., soit n'avait pas à être exécutée du fait de l'absence d'acte authentique translatif de propriété suite aux actes sous seing privé, soit concerne les mêmes parcelles, l'acte authentique reprenant ces engagements.
La réalisation de l'obligation de soins et d'entretien est ainsi établie.
Les demandes en nullité et résolution de l'acte objet du litige seront, donc, rejetées. »,
ALORS PREMIEREMENT QU'en se contentant d'affirmer que le contrat n'est pas dénué de cause car la contrepartie de la vente est un prix de 240 000 francs lequel n'a rien d'un prix vil ou dérisoire sans répondre au chef des conclusions des consorts A...faisant valoir que les consorts Z...produisaient eux-mêmes aux débats une promesse de vente du 6 décembre 1965 consentie par Mme Euphrasie X...(pièce n° 41 adverse), soit 15 ans plus tôt, où le prix du mètre carré était déjà fixé à 3 francs et non à 1, 60 francs comme dans l'acte de vente, la cour a statué par voie de pure affirmation et a violé l'article 455 du code de procédure civile.
ALORS DEUXIEMEMENT QU'en constatant que l'argument tiré du fait de l'existence antérieure à l'acte de vente litigieux d'une obligation de soins et d'entretien de Mme Y...à la charge de MMes Jacqueline et Roselyne Z...au terme des actes de vente de deux maisons en date du 29 mars 1981 démontrait la vileté du prix de vente consistant en une absence de prix pour deux des six acquéreurs de l'acte litigieux auxquelles elles étaient parties était inopérant au motif que « les deux actes sous seing privé du 29 mars 1981 concernent des maisons sur la commune des Abymes lieu-dit Besson et qui peuvent être assises sur des terrains objets de l'acte authentique du 24 septembre 1980 et 6 novembre 1981 », motif inopérant à expliquer comment le prix de vente des deux maisons puis celui des parcelles sur lesquelles elles seraient assises avait pu être converti en une seule et même obligation d'entretien et de soins de Mme Z...pour deux des six acquéreurs, la cour a privé sa décision de base légale au regard des articles 1131 et 1591 du code civil.
ALORS TROISIEMEMENT QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'en écartant l'argument tiré du fait de l'existence antérieure à l'acte de vente litigieux d'une obligation de soins et d'entretien de Mme Y...à la charge de MMes Jacqueline et Roselyne Z...au terme des actes de vente de deux maisons en date du 29 mars 1981 démontrait la vileté du prix de vente consistant en une absence de prix pour deux des six acquéreurs de l'acte litigieux auxquelles elles étaient parties au motif que « les deux actes sous seing privé du 29 mars 1981 concernent des maisons sur la commune des Abymes lieu-dit Besson et qui peuvent être assises sur des terrains objets de l'acte authentique du 24 septembre 1980 et 6 novembre 1981 », dont il résulte que l'on ne sait pas si lesdites maisons sont ou non effectivement assises sur les terrains objet de la vente litigieuse, la cour a statué par un motif hypothétique et violé l'article 455 du code de procédure civile.
ALORS ENFIN QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'en constatant qu'en tout état de cause, l'obligation souscrite par Jacqueline et Roseline Z..., soit n'avait pas à être exécutée du fait de l'absence d'acte authentique translatif de propriété suite aux actes sous seing privé, soit concerne les mêmes parcelles, l'acte authentique reprenant ces engagements, la cour a statué par un motif inintelligible et partant, a méconnu l'article 455 du code de procédure civile.