LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
La société La Fourche aux Pierres, qui exploite dans les locaux du GAEC du Rongeant (le GAEC) une installation photovoltaïque de production d'électricité, a souscrit auprès de la caisse régionale d'assurance mutuelle agricole du Grand-Est Groupama Grand-Est (l'assureur) une assurance garantissant, notamment, ses pertes d'exploitation liées à l'interruption de la production d'électricité dans la limite de 96 817 euros ; qu'un incendie ayant endommagé l'installation, la société La Fourche aux Pierres a assigné l'assureur, d'une part, en paiement de l'indemnité d'assurance, d'autre part, en responsabilité pour avoir, par son inertie dans le traitement de sa réclamation, contribué à l'ampleur de ses pertes d'exploitation évaluées par expert à 172 810 euros ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la première branche du moyen unique annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour condamner l'assureur à payer à la société La Fourche aux Pierres, outre l'indemnité d'assurance de 96 817 euros, une somme de 75 993 euros au titre des pertes d'exploitation liées à la fourniture d'électricité arrêtées au 31 mai 2013, l'arrêt se borne à énoncer que le montant des indemnités réclamées en exécution de la police d'assurance n'est pas contesté par l'assureur ;
Qu'en statuant ainsi, par une énonciation générale et imprécise ne constituant pas une motivation permettant à la Cour de cassation d'exercer son contrôle sur la conformité de la décision attaquée aux règles de droit, alors que, pour fonder sa demande, la société La Fourche aux Pierres invoquait tant l'exécution du contrat que la responsabilité de l'assureur, la cour d'appel a méconnu les exigences des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la caisse régionale d'assurance mutuelle agricole du Grand-Est Groupama Grand-Est à payer à la société La Fourche aux Pierres la somme de 75 993 euros, l'arrêt rendu le 10 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;
Condamne la société La Fourche aux Pierres et le GAEC du Rongeant aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne in solidum à payer à la caisse régionale d'assurance mutuelle agricole du Grand-Est Groupama Grand-Est la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Ohl et Vexliard, avocat aux Conseils, pour la caisse régionale d'assurance mutuelle agricole du Grand-Est Groupama Grand-Est.
Il est fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'avoir condamné Groupama Grand Est à payer à la Sarl La Fourche aux Pierres la somme de 75 993 € au titre des pertes d'exploitation liées à la fourniture d'électricité arrêtées au 31 mai 2013,
Aux motifs que, sur les garanties dues par l'assureur à la SARL La Fourche aux pierres, à titre principal, les appelants revendiquent, au bénéfice de la SARL La Fourche aux pierres, l'application de la police « MR des professionnels » en faisant valoir que la garantie de ce contrat a pris effet antérieurement au sinistre ; qu'ils rappellent que le contrat d'assurance est parfait dès la rencontre des volontés de l'assureur et de l'assuré et que l'acceptation par l'assureur de la proposition du candidat à l'assurance n'a pas à revêtir une forme spécifique ; qu'ils prétendent que la SARL La Fourche aux pierres s'est rapprochée de la compagnie Groupama au cours du mois de septembre 2011, avant toute mise en service de l'installation à assurer, et qu'une étude personnalisée a été réalisée par l'assureur le 23 septembre 2011, stipulant comme date d'effet le 1er octobre 2011, et, qu'à cette date, l'assureur et l'assuré étaient d'accord sur l'ensemble des éléments essentiels de la police de sorte que le contrat était réputé conclu ; qu'ils ajoutent que la police d'assurance n'a finalement été formalisée par écrit que le 5 janvier 2012 mais avec une prise d'effet au 15 octobre 2011, antérieure au sinistre incendie du 26 octobre 2011 ; que la compagnie Groupama Grand Est objecte que les contrats dont se prévaut la SARL La Fourche aux pierres ont été signés postérieurement au sinistre et approuve le tribunal d'avoir considéré qu'aucune des pièces antérieures au sinistre ne permettait de démontrer l'existence d'un accord des parties sur le contrat dans ses composantes essentielles, la mention d'un effet rétroactif des polices d'assurance ne pouvant valoir ratification d'un accord d'assurance conclu antérieurement au sinistre, et d'avoir retenu qu'à la date de réalisation du contrat, le bien assuré était détruit et que l'aléa, qui est l'essence même du contrat d'assurance, n'existait plus ; qu'elle ajoute qu'à supposer qu'une quelconque valeur puisse être donnée à l'effet rétroactif prévu par le contrat, cet effet ne pouvait concerner une éventuelle reprise du passé au titre de la responsabilité civile pour des faits dommageables qui ne se seraient révélés que postérieurement à la signature du contrat ; que l'étude personnalisée sur laquelle se fondent les appelants pour prétendre à la formation du contrat d'assurance dès le 23 septembre 2011 est datée du 4 novembre 2011, qu'elle fait référence à un projet du 23 septembre 2011 et prévoit une prise d'effet au 1er octobre 2011, sans être toutefois revêtue de ta signature du représentant de la compagnie d'assurance ; que, comme le relèvent à juste titre les appelants, les éléments de cette étude personnalisée sont toutefois repris à l'identique dans le contrat signé le 5 janvier 2012, à la fois en ce qui concerne le montant du chiffre d'affaires déclaré constituant le montant de la garantie et le montant de la cotisation annuelle, la date d'effet étant toutefois reportée au 15 octobre 2011 ; que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la signature de la police d'assurance, postérieurement à la réalisation du sinistre dont l'assureur était informé, avec effet rétroactif au 15 octobre 2011 sans exclusion de garantie du sinistre réalisé, impliquait nécessairement la ratification d'un accord formé antérieurement au sinistre, sauf à priver le contrat d'aléa, sans lequel il n'y a pas d'assurance possible ; que l'utilisation de l'indice FFB 875,70, qui est celui du deuxième trimestre 2011, pour le calcul de la cotisation annuelle d'assurance, confirme que la formation du contrat est intervenue avant la fin du troisième trimestre 2011 comme le prétendent les appelants ; que la SARL La Fourche aux pierres est donc bien fondée à solliciter le bénéfice des garanties souscrites dans le cadre de la police « MR des professionnels » et le jugement entrepris sera infirmé sur ce point ; que le montant des indemnités réclamées par l'assurée en exécution de la police d'assurance n'est pas contesté par la compagnie Groupama Grand Est ; que l'intimée sera ainsi condamnée à payer à la SARL La Fourche aux pierres la somme de 96 817 € au titre des pertes d'exploitation liées à la fourniture d'électricité arrêtées au 26 octobre 2012, avec intérêts au taux légal à compter du 16 septembre 2013, date de l'assignation ; qu'elle sera également condamnée à lui payer la somme de 75 993 € au titre des pertes d'exploitation liées à la fourniture d'électricité arrêtées au 31 mai 2013 (arrêt, p. 6, § 7 à p. 7 § 6),
1°/ Alors, d'une part, que le contrat d'assurance est un contrat consensuel pour lequel l'exigence d'un écrit résultant de l'article L. 112-3 du code des assurances n'a qu'une valeur probatoire, le juge devant apprécier l'existence de l'aléa exigé pour la validité du contrat au moment de la rencontre de volontés des parties ; que la cour d'appel a jugé que le contrat conclu entre Groupama et la société La Fourche aux Pierres, postérieurement la réalisation d'un sinistre dont l'existence était connue des parties, ne comportait pas de défaut d'aléa le rendant nul en application de l'article L. 121-15 du code des assurances ; qu'en se limitant, pour statuer ainsi, à déduire, de la clause faisant rétroagir la garantie de l'assureur à une date antérieure au sinistre, un « nécessaire » accord de volontés antérieur au sinistre, sans référence au moindre élément concret permettant d'étayer cette affirmation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
2°/ Alors, subsidiairement, que tout jugement doit être motivé, à peine de nullité ; qu'en se bornant à affirmer que l'assureur « sera également condamn[é] à […] payer [à l'assuré] la somme de 75 993 € au titre des pertes d'exploitation liées à la fourniture d'électricité arrêtées au 31 mai 2013 », en sus des sommes éventuellement dues en exécution du contrat d'assurances, sans étayer par aucun motif cette condamnation supplémentaire, la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;
3°/ Alors en toute hypothèse que lors de la réalisation du risque, l'assureur ne peut être tenu au-delà de la prestation déterminée par le contrat ; qu'en condamnant, en exécution de la police d'assurance, l'assureur à payer, outre la somme de 96 817 euros, montant du plafond de garantie prévu au contrat d'assurance au titre des pertes d'exploitation (pièce n°3), la somme de 75 933 euros au titre des pertes d'exploitation liées à la fourniture d'électricité arrêtées au 31 mai 2013, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble l'article L. 113-5 du code des assurances ;
4°/ Alors, enfin, que dans les obligations qui se bornent au paiement d'une somme d'argent, des dommages-intérêts distincts des intérêts moratoires ne peuvent être alloués au créancier que si son débiteur lui a, par sa mauvaise foi, causé un préjudice indépendant de ce retard..; qu'en condamnant l'assureur à payer à l'assuré la somme de 75 933 euros au titre des pertes d'exploitation liées à la fourniture d'électricité arrêtées au 31 mai 2013, en sus des intérêts moratoires assortissant les sommes dues au titre du contrat d'assurance, sans avoir caractérisé la mauvaise foi de l'assureur, la cour d'appel a violé l'article 1153 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause.