LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Thierry X...,- La société ACE BTP,
contre l'arrêt de la cour d'appel de NANCY, chambre correctionnelle, en date du 24 mai 2016, qui a condamné le premier pour travail dissimulé, faux et usage, tromperie et harcèlement moral à six mois d'emprisonnement avec sursis et 10 000 euros d'amende, la seconde pour travail dissimulé, faux et usage à 8 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 17 octobre 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Ascensi, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Bray ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire ASCENSI, les observations de la société civile professionnelle DIDIER et PINET, de Me BALAT, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général référendaire CABY ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire en demande, commun aux demandeurs et le mémoire en défense produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, à la suite de signalements émanant de salariés de la société ACE BTP, dirigée par M. Thierry X..., ayant pour activité la " coordination sécurité, protection de la santé, ordonnancement, prescription, coordination de tous corps d'état, économie de la construction ", M. X...et la société ACE BTP ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel des chefs susvisés ; qu'il était notamment reproché à M. X...et à la société ACE BTP d'avoir, le 16 mars 2009, remis à l'inspection du travail de faux relevés horaires journaliers pour la période de janvier 2008 à février 2009, à la suite de l'envoi de deux lettres d'observations, en dates des 2 avril 2007 et 11 février 2009, qui rappelaient à l'employeur les dispositions du code du travail imposant l'enregistrement du temps de travail et l'invitaient à mettre en oeuvre des moyens d'enregistrement de celui-ci ; qu'il était par ailleurs reproché à M. X...des faits de harcèlement moral commis au préjudice de plusieurs salariés, en particulier MM. Philippe Y...et Bruno Z..., ainsi que des faits de tromperie commis au préjudice de l'office public d'habitat (OPH) de Nancy (54), en ce qu'il était reproché au prévenu d'avoir fait établir des fiches du registre-journal de la coordination d'un chantier de construction de vingt logements situé à Villers-les-Nancy (54) par des salariés qui n'étaient pas titulaires de l'attestation de compétence exigée par le décret du 26 décembre 1994 requis pour exercer les missions de coordonnateur en matière de sécurité et de protection de la santé ; que, par jugement du 9 septembre 2013, le tribunal correctionnel a constaté la prescription des faits commis entre le 23 novembre 2006 et le 5 septembre 2007, mais a déclaré les prévenus coupables du surplus de la prévention ; que les prévenus, puis le ministère public, ont relevé appel de la décision ;
En cet état ;
Sur les premier, troisième et sixième moyen de cassation ; Les moyens étant réunis ;
Vu l'article 567-1-1 du code de procédure pénale ;
Attendu que les moyens ne sont pas de nature à être admis ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 2 du protocole additionnel n° 7 à la Convention européenne des droits de l'homme, 441-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X...et la société Ace Btp coupables de faux et usage de faux, a condamné le premier, M. X..., à une peine d'emprisonnement de six mois avec sursis et à une amende de 10 000 euros et la société Ace Btp à une amende de 8 000 euros et s'est prononcée sur les intérêts civils ;
" aux motifs qu'il est reproché aux prévenus, d'avoir altéré frauduleusement la vérité d'un écrit ou de tout autre support de la pensée destiné à établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques, en l'espèce en falsifiant des fiches de relevés d'heures, entre le 23 novembre 2006 et le 6 septembre 2010, et fait usage dudit faux ; qu'il n'est pas contesté que le personnel devait établir chaque semaine un planning prévisionnel des déplacements de la semaine à venir ; que la lettre d'observations du contrôleur du travail datée du 2 avril 2007 a rappelé que, dans le cadre de leurs missions, les salariés sont amenés à dépasser la durée du travail hebdomadaire qui est de 39 heures dans l'entreprise et que lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, les chefs d'établissements doivent établir les documents nécessaires au décompte de la durée du travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés, par application de l'article L. 620-2 et D 212-21 du code du travail ; que sur demande du contrôleur du travail, M. X...a remis le 16 mars 2009, les relevés horaires journaliers de janvier 2008 à février 2009 des salariés de l'agence de Nancy ; que ces relevés horaires n'ont pas fait apparaître les heures d'entrée et de sortie de l'entreprise des salariés ; que le rapport des contrôleurs du travail daté du 8 septembre 2009 établi sur la base de l'article 40 du code de procédure pénale a indiqué que : «... il semble que M. X...ait créé un document qui n'existait pas auparavant. La remise de ce document à nos services avait semble-t-il pour but de masquer la vérité sur la réalisation de nombreuses heures supplémentaires effectuées par les salariés d'ACE BTP, et de ce fait, pour objectif de se soustraire au paiement de ces heures supplémentaires » ; que par courrier adressé à l'inspecteur du travail le 29 juin 2009, M. Philippe Y...l'a informé que : « Comme chef d'agence de Nancy et encore à l'heure actuelle je n'ai jamais vu de relevés horaires chez ACE BTP, je fournis comme tous mes collègues, à la direction un planning hebdomadaire, tous les lundis matin conformément aux ordres du directeur. Toute la gestion des ressources humaines étant directement assurée par lui.... » ; que l'employeur fait valoir que l'ensemble des salariés effectue un horaire collectif de 39 heures, que les heures supplémentaires sont déclaratives et que la société ACE BTP n'avait pas l'obligation légale d'établir des relevés horaires, lesquels ne sont pas des faux, au motif qu'ils reflètent la réalité des heures dûment effectuées par les salariés concernés ; que cependant, l'employeur ne peut soutenir que les coordonnateurs de sécurité effectuaient en réalité seulement 39 heures par semaine, alors que les résultats de l'enquête et les condamnations déjà obtenues par les salariés concernés devant les juridictions prud'homales démontrent le contraire ; que si contractuellement, les salariés sont embauchés pour des durées hebdomadaires de 39 heures, il est établi que, pour les coordonnateurs sécurité et les techniciens concernés, leur horaire de travail était bien supérieur, de manière régulière et constante, et non de manière ponctuelle ; que l'employeur était, en conséquence, tenu d'établir les documents nécessaires au décompte de la durée du travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, tel que cela lui a été rappelé par la lettre d'observations du 2 avril 2007 ; qu'en produisant, le 16 mars 2009, des relevés horaires se contentant de reproduire, à la demande du contrôleur du travail, un horaire de travail théorique conforme à la durée du travail contractuellement prévue, sans lien avec la réalité des horaires effectués, l'employeur a créé un faux et en a fait usage, alors qu'il avait été sensibilisé depuis avril 2007 à la réglementation en vigueur ; qu'il était averti par les salariés concernés se plaignant de leur surcharge de travail ; qu'il pouvait en consultant le kilométrage des véhicules de sociétés affectés et les notes de frais établies, vérifier le bien-fondé des réclamations des salariés concernés ; que par contre, l'employeur n'a établi et communiqué à l'inspection du travail, lesdits relevés horaires que sur la période de janvier 2008 à février 2009, de sorte que l'infraction reprochée ne peut avoir été commise qu'entre janvier 2008 et février 2009 ; qu'il convient, en conséquence, d'infirmer le jugement déféré, et de déclarer les prévenus coupables des faits reproches commis entre janvier 2008 à février 2009, en l'espèce, en falsifiant des fiches de relevés d'heures ;
" 1°) alors que la cassation qui interviendra sur le premier moyen emportera cassation par voie de conséquence de l'arrêt qui fonde sa déclaration de culpabilité sur le constat de l'absence de mention dans ces relevés de l'ensemble des heures supplémentaires effectuées par cinq salariés, dont l'absence de déclaration a constaté pour retenir la culpabilité des prévenus pour travail dissimulé ;
" 2°) alors que des feuilles de présence établies par l'employeur n'ont pas de valeur probante particulière, faute d'être contresignées par les salariés ; qu'ainsi, le faux n'est pas établi ;
" 3°) alors que nul ne peut être condamné deux fois pour les mêmes faits ; que dès lors, que la cour d'appel avait déclaré les prévenus coupables de travail dissimulé, elle ne pouvait retenir leur culpabilité pour un faux commis dans des feuilles de présence, dans l'hypothèse où elles seraient considérées comme ayant force probante " ;
Sur le moyen, pris en ses première et troisième branche :
Vu l'article 567-1-1 du code de procédure pénale ;
Attendu que les griefs ne sont pas de nature à être admis ;
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche :
Attendu que, pour confirmer le jugement ayant déclaré M. X...et la société ACE BTP coupables des délits de faux et usage, l'arrêt relève notamment que, en produisant, le 16 mars 2009, des relevés horaires se contentant de reproduire, à la demande du contrôleur du travail, un horaire de travail théorique conforme à la durée du travail contractuellement prévue, sans lien avec la réalité des horaires effectués, l'employeur a créé un faux et en a fait usage, alors qu'il avait été sensibilisé depuis avril 2007 à la réglementation en vigueur, qu'il était averti par les salariés concernés se plaignant de leur surcharge de travail, et qu'il pouvait en consultant le kilométrage des véhicules de sociétés affectés et les notes de frais établies, vérifier le bien-fondé des réclamations des salariés en cause ;
Attendu qu'en statuant ainsi, dès lors que les relevés d'heures ainsi falsifiés étaient destinés à justifier vis-à-vis de l'administration le respect de la réglementation relative à l'enregistrement du temps de travail, la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître les textes visés au moyen ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Mais sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des article L. 213-1 du code de la consommation, recodifié aux articles L. 441-1 L. 454-1, 121-1, 121-2 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X...coupable de tromperie et l'a condamné à une peine d'emprisonnement de six mois avec sursis et à une amende de 10 000 euros ;
" aux motifs qu'il est reproché aux prévenus d'avoir trompé entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2009, l'office public d'habitat de Nancy, en faisant établir des fiches du registre journal par des salariés non titulaires de l'attestation de compétence exigée après le décret du 26/ 12/ 1994 requis pour exercer les missions de coordonnateur SPS ; qu'il résulte des éléments de l'enquête, que :- selon le témoignage de M. A..., directeur de patrimoine à l'office public d'habitat de Nancy, M. B...est intervenu à deux reprises, le 20 novembre 2009 et le 2 décembre 2009, sur le chantier, et le prouve en produisant les deux fiches de registre journal concernées ; qu'il ajoute qu'un différend s'en est suivi avec la direction, lequel s'est conclu avec l'engagement de M. C..., SPS, de reprendre le chantier et d'y passer une fois par semaine,- M. B...a reconnu qu'il n'avait pas la certification SPS à la date d'établissement des fiches registre journal concernées,- en novembre 2009, plusieurs fiches registre journal ont été établies et signées par le directeur d'agence qui n'avait pas d'attestation de compétence SPS, puis transmises à l'office public d'habitat de Nancy dans le cadre d'un chantier de construction de 20 logements à Villers-lès-Nancy,- le contrat passé entre la société ACE BTP et l'office public d'habitat de Nancy a, en conséquence, été dénoncé ; que les dénégations du prévenu ne sauraient être retenues, eu égard aux résultats de l'enquête, aux témoignages des salariés sur les pratiques de l'entreprise, et à la décision prise par l'office public d'habitat de Nancy de résilier le contrat signé ;
" 1°) alors que nul n'est pénalement responsable que de son propre fait ; que la cour d'appel a retenu la culpabilité de M. X..., pour tromperie dans l'exécution du contrat passé avec l'office public de l'habitat, en relevant que, M. B..., directeur de l'agence de Nancy, avait signé à différentes reprises le registre journal du chantier de l'office, alors qu'il n'avait aucune compétence SPS ; qu'en l'état de tels motifs, la cour d'appel qui n'a pas expliqué en quoi de tels faits pouvaient être imputés à M. X..., soit qu'il ait laissé faire une pratique qu'il connaissait, soit qu'il ait lui-même donné des consignes à cette fin, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
" 2°) alors que les personnes morales ne sont pénalement responsables que des infractions commises par un représentant ou organes en leur nom et pour leur compte ; qu'en n'expliquant pas en quoi la tromperie en cause en l'espèce avait été commise par un organe ou représentant de la société, en son nom et pour son compte, la cour d'appel a méconnu l'article 121-2 du code pénal " ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que, pour confirmer le jugement ayant déclaré M. X...coupable du délit de tromperie au préjudice de l'OPH, l'arrêt retient que, selon le directeur de patrimoine de cet organisme, le directeur de l'agence de la société ACE BTP de Nancy, qui a reconnu ne pas avoir l'attestation de compétence pour exercer les fonctions de coordonnateur en matière de sécurité et de protection de la santé, est intervenu en cette qualité à plusieurs reprises sur le chantier, ce qui est corroboré par la production des fiches correspondantes du registre-journal de coordination, et qu'il s'en est suivi avec la direction un différend qui s'est conclu par l'engagement d'un salarié ayant la qualification requise de prendre la charge de la suite du chantier ; que les juges ajoutent que, en novembre 2009, plusieurs fiches du registre journal ont été établies et signées par le directeur d'agence, puis transmises à l'OPH, et qu'en conséquence le contrat a été dénoncé ; qu'ils en déduisent que les dénégations de M. X..., qui soutenait qu'il avait seulement pris connaissance de ces faits en recevant le courrier de résiliation, ne sauraient être retenues, eu égard aux résultats de l'enquête, aux témoignages des salariés sur les pratiques de l'entreprise, et à la décision prise par l'OPH de résilier la convention ;
Mais attendu qu'en statuant par ces motifs, insuffisants pour caractériser l'intention frauduleuse imputée à M. X..., la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Et sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-33-2 du code pénal, 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X...et la société Ace BTP coupable de harcèlement moral et les a condamnés pénalement et civilement ;
" aux motifs qu'ii est reproché au prévenu, d'avoir harcelé MM. Pascal D..., Philippe Y..., Bruno Z..., Pascal C..., Yvan E..., Alain F..., entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2009, par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, en l'espèce, en rédigeant plusieurs notes de service mettant en cause les capacités professionnelles de ses salariés, et en leur assignant une quantité de travail irréalisable ; que les salariés concernés font valoir que le harcèlement moral par eux subi résulte de la surcharge de travail à laquelle ils ont été soumis et des notes de service remettant en cause leur compétence professionnelle ; que M. Pascal C..., embauché après une période d'intérim à partir du 21 mars 2006 et licencié le 10 juin 2010, ne formule aucune demande d'indemnisation au titre d'un harcèlement moral qu'il aurait subi, et a confirmé, à l'audience, ne s'être pas senti harcelé par son employeur ; que M. Pascal D..., embauché le 15 mars 2007 en qualité de technicien a été licencié le 13 février 2009 ; qu'avec MM. C...et G..., M. D...a, par courrier daté du 24 juillet 2007 informé l'employeur de la très grande quantité d'affaires à gérer au titre de l'activité SPS ; que par arrêt de la cour d'appel de Nancy rendu le 14 octobre 2011, l'employeur a été condamné à un rappel d'heures supplémentaires, au repos compensateur et à une indemnité pour travail dissimulé ; que si M. Pascal D...a effectué des heures supplémentaires au sein de la société ACE BTP du fait d'une surcharge de travail, ce seul fait ne saurait constituer des faits de harcèlement moral à son encontre, en l'absence d'éléments probants de nature à établir l'existence d'agissements répétés, susceptibles de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que M. Yvan E..., embauché en juillet 2007, présent à l'audience devant la cour ne produit aucun élément probant susceptible de justifier un quelconque harcèlement moral dont il aurait été victime ; qu'aucun élément du dossier de procédure ne permet d'établir que M. Alain F..., embauché le 13 mars 2006 et licencié le 23 août 2010, a été victime de faits de harcèlement moral de la part de son employeur ; que le harcèlement moral n'est, en conséquence, pas caractérisé à leur égard ; qu'il convient, en conséquence, d'infirmer le jugement déféré sur ce point ; que M. Philippe Y..., embauché le 17 janvier 2005 en qualité d'agent de maîtrise et licencié le 30 juillet 2009, produit des écrits de son employeur, comme suit :- une note A du 22 décembre 2008, à destination de Philippe Y..., J. H..., A. I..., concernant une demande d'explications sur la consommation élevée de copies couleur concernant l'imprimante, février 2009, vous deviez être présent à Metz... Veuillez nous répondre sur ce point... Le mardi 21 avril 2009, vous avez quitté M.... après un entretien... à l'issue d'un déjeuner... Tout l'après-midi aurait été consacré au retour. Les conditions de circulation étaient normales ce jour-là, quatre heures de route n'étaient pas nécessaires. Veuillez nous répondre sur ce point... Le 5 mai 2009... vers 9h55... Nous avons appris que vous n'étiez toujours pas arrivé sur place. Veuillez nous répondre sur ce point.... Dans votre planning,... vous avez fait figurer votre présence en réunion... vous avez su au plus tard le matin que la réunion était reportée. Vous n'avez pas modifié votre planning,... Veuillez vous expliquer sur ce point... »,- une note A du 3 juin 2009 l'informant que « au vu du relevé de la société Orange à fin avril 2009 de consommations concernant votre téléphone portable ACE BTP, il s'avère que depuis notamment quatre mois, la durée et le montant liés à vos appels, sont en constante augmentation,... nous vous demandons dorénavant, instamment, de réduire le nombre de vos appels et leurs durées et de les limiter aux strictes et impératives nécessités »,- une note du 7 juillet 2009 l'informant que «... nous contestons vos affirmations quant à votre pseudo surcharge de travail. Pour preuve, la plupart des tâches... ne sont toujours pas réalisées,... il s'agit d'une manoeuvre très déloyale... les techniciens éprouvent certainement parfois des difficultés, car vous ne leur apportez pas les outils et l'assistance dont ils auraient besoin,... le problème majeur... réside... plutôt dans les carences et manquements observés... ce qui confirme ce manque d'implication de votre part... vous n'avez pas respecté la règle en vigueur,... établir préalablement un document d'autorisation d'absence... votre absence a été observée au siège, alors que dans ce planning vous aviez prévu d'être présent... Le 28 janvier 2009... nous vous avons demandé de vous mettre en contact... et de produire diverses réponses écrites : cela n'a pas été fait. Veuillez nous indiquer pourquoi.... Le 6 février 2009... Nous n'avons rien obtenu de vous : veuillez nous répondre sur ce point.... Le 16 février 2009... Vous n'avez pas apporté de réponse : veuillez nous fournir des explications... Le 9 mars 2009... Veuillez nous répondre sur ce point... Le 16 mars 2009... Veuillez nous répondre sur ce point.., vous n'avez toujours pas respecté la consigne. Veuillez nous répondre à ce sujet... Le 10 avril 2009... le contenu, le sens et la précision sont insatisfaisants, veuillez nous répondre sur ce point... Depuis début avril 2009... vous ne nous avez rien transmis. Veuillez nous répondre sur ce point... Enfin, lors de votre installation au siège... nous avons découvert que de très nombreux documents et photos personnels étaient enregistrés,... Veuillez nous répondre sur ce point.... Selon les informations en notre possession, vous avez sans objectif précis... effectué des visites sommaires sur les chantiers... le mardi 26 mai 2009 : veuillez nous répondre à ce sujet... »,- trois lettres recommandées datées du même jour, le 13 juillet 2009, indiquant «... nous constatons... que vous consacrez énormément de temps à écrire dans le seul objectif de générer confusion, polémique, diversion, difficultés supplémentaires... Votre carence... consiste à émettre un écran de fumée face à la réalité. N'y voyez pas là un quelconque harcèlement... même si votre souhait est, de toute évidence, de manoeuvrer pour vous constituer en tant que victime et non responsable.... Nous supposons que M.... vous a appelé car vous avez, dans le passé, distribué très largement votre numéro de téléphone portable... Il s'agit d'un procès d'intention de votre part, stérile... Les notes auxquelles vous faites référence... l'autre visait à obtenir de votre part des explications relatives à votre présence à une réunion à Lamarche, inutile.... puisque vous prétextez fréquemment avoir trop de travail et vous vous appliquez à perdre votre temps, pourtant si précieux.... » ; que M. Bruno Z..., embauché le 2 novembre 2005 en qualité de technicien jusqu'à sa démission le 6 octobre 2009, produit des écrits de son employeur, comme suit :- une note du 21 juillet 2009, qui lui demande de « 1. de justifier votre absence à l'agence le 17 juillet 2009 après-midi... 3. de justifier votre présence à Vittel le lundi 13 juillet 2009, 4. de justifier votre présence à Neufchâteau le 10 juillet 2009 après-midi, 5. de justifier votre absence à l'agence le 7 juillet 2009 en fin d'après-midi et le 8 juillet 2009 au matin (voir planning hebdomadaire... 7. de cesser d'imprimer des e-mails reçus en couleur, Xème rappel »,- une note du 23 juillet 2009 qui lui rappelle que «... Je ne sais pas ce que vous avez fait depuis le début de la semaine et je ne sais pas ce que vous ferez jusqu'à la fin de la semaine, C'est inadmissible. Je vous rappelle une nouvelle fois que les emplois du temps hebdomadaires doivent être déposés au secrétariat... le lundi matin à 8hOO »,- une note A du 19 août 2009 qui lui reproche « 1) Vous n'avez pas, contrairement à ce que vous aviez auparavant affirmé à M. B..., prévenu de votre absence au mois d'août 2009,... 2) Vous êtes accusé de ne pas, d'une manière générale, anticiper, prévoir, donc mener une réflexion et une démarche intellectuelle suffisante.... 3) II est fait mention... d'un certain nombre de manquements » ; qu'au vu des éléments figurant au dossier et des résultats de l'enquête, ainsi que des termes utilisés dans les différents courriers et notes dont ils ont été destinataires, MM. Philippe Y...et Bruno Z...ont subi un harcèlement moral, au sens de l'article 222-33-2 du code pénal, de la part de leur employeur durant la période de prévention, à savoir, des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à leurs droits et à leur dignité, d'altérer leur santé physique ou mentale ou de compromettre leur avenir professionnel ; qu'il convient, en conséquence, d'infirmer le jugement déféré sur ce point, et de déclarer le prévenu coupable des faits reprochés, commis entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2009, à l'égard de MM. Philippe Y...et Bruno Z...;
" alors que le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l'infraction qu'il réprime ; qu'en se contentant de lister les observations faites aux deux salariés sur les conditions d'exécution du travail sans indiquer en quoi ces remarques n'étaient pas justifiées au regard de la bonne direction de l'entreprise et en n'expliquant pour le surplus, en quoi le ton employé dans certains courriels et courriers était de nature à porter atteinte aux droits des deux salariés, à leur santé ou à leur avenir professionnel, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision " ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que, pour confirmer le jugement ayant déclaré M. X...coupable du délit de harcèlement moral au préjudice de MM. Y...et Z..., l'arrêt, après avoir analysé les notes et courriers adressés par l'employeur à ces deux salariés, retient que, au vu des éléments figurant au dossier et des résultats de l'enquête, ainsi que des termes utilisés dans les différents courriers et notes dont ils ont été destinataires, les parties civiles ont subi un harcèlement moral, au sens du texte susvisé, de la part de leur employeur durant la période de prévention, à savoir, des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à leurs droits et à leur dignité, d'altérer leur santé physique ou mentale ou de compromettre leur avenir professionnel ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, sans caractériser les agissements du prévenu ne rentrant pas dans l'exercice de son pouvoir de direction envers les parties civiles, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est à nouveau encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nancy, en date du 24 mai 2016, mais en ses seules dispositions relatives aux délits de tromperie et de harcèlement moral, à la peine prononcée à l'encontre de M. X...et aux intérêts civils relatifs au harcèlement moral, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Metz, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Nancy et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit novembre deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.