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29/11/2017 | FRANCE | N°16-14701

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 29 novembre 2017, 16-14701


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société Transports Clot de ce qu'elle se désiste de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Transports Klinzing frères et cie et la société des Pétroles Shell ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique 4 novembre 2014, pourvoi n° 13-13.576), que la société TD distribution Thévenin Ducrot distribution (la société TD distribution) a vendu à la société Transports Clot du gasoil ; que des

pannes ayant affecté des véhicules après utilisation de ce carburant, la société Tran...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société Transports Clot de ce qu'elle se désiste de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Transports Klinzing frères et cie et la société des Pétroles Shell ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique 4 novembre 2014, pourvoi n° 13-13.576), que la société TD distribution Thévenin Ducrot distribution (la société TD distribution) a vendu à la société Transports Clot du gasoil ; que des pannes ayant affecté des véhicules après utilisation de ce carburant, la société Transports Clot, après avoir fait procéder à des prélèvements et obtenu une expertise judiciaire, a assigné son fournisseur en réparation de son préjudice sur le fondement de la garantie des vices cachés ; que la société TD distribution a appelé en garantie la société Transports Klinzing frères et cie et la société des Pétroles Shell ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

Attendu que pour rejeter la demande de la société Transports Clot, l'arrêt retient que l'expert judiciaire n'a formulé qu'une simple hypothèse en affirmant que, sauf le cas d'un sabotage de la cuve, le carburant a été mal mélangé par temps froid et que ce mauvais mélange est à l'origine des pannes observées sur les camions de la société Transports Clot ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de l'addendum au rapport d'expertise, rendu après plusieurs mois de décantation du prélèvement de gasoil, que l'expert avait conclu, sans retenir à ce sujet une simple hypothèse, que le gasoil livré à la société Transports Clot, était un produit mal mélangé, la cour d'appel, qui a dénaturé le rapport d'expertise, a méconnu le principe susvisé ;

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 1645 du code civil ;

Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient encore que l'expert ne s'est pas expliqué sur l'auteur du mélange et la technique devant être utilisée pour y procéder correctement ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la société TD Distribution était un vendeur professionnel, de sorte qu'elle était réputée connaître les vices cachés de la marchandise vendue, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Sur le moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 1641 du code civil ;

Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient enfin que si l'expert a exclu qu'une défaillance soit survenue lors du transport ou du stockage, il n'a pas été en mesure d'expliquer les raisons pour lesquelles seuls les camions de la société Transports Clot ont été affectés, et seulement trois jours après la livraison, ni de déterminer pour quelle raison ce carburant n'a rencontré des problèmes d'homogénéité que dans la cuve de la société Transports Clot ;

Qu'en statuant ainsi, après avoir relevé l'absence de défaillance des camions et de la cuve de la société Transports Clot, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation intervenue entraîne, par voie de conséquence, celle du chef du dispositif de l'arrêt jugeant sans objet les demandes en garantie de la société TD Distribution contre la société Transports Klinzing frères et cie et la société des Pétroles Shell ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare l'action de la société Transports Clot recevable, l'arrêt rendu le 12 janvier 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant ledit arrêt et pour être fait droit les renvoie devant la cour d'appel de Colmar ;

Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause la société Transports frères et Cie, dont la présence devant la cour de renvoi est nécessaire à la solution du litige ;

Condamne la société TD distribution Thévenin Ducros distribution aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Transports Clot la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils, pour la société Transports Clot.

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société Transports Clot de l'ensemble de ses demandes formées contre la société Thévenin et Ducrot Distribution et de l'avoir condamnée à lui payer la somme de 40 515,13 euros ;

AUX MOTIFS QU' « il appartient à la Sarl Transports Clot d'administrer la preuve que le carburant que lui a vendu la Sas Distribution Thévenin Ducrot est à l'origine du préjudice qu'elle allègue ;
que selon une télécopie adressée à la Sa Transports Klinzing Frères et Cie à la Sarl Transports Clot le 31 mars 2008 dont le contenu n'a pas été contesté par les parties :
« Le Go (gasoil) a été chargé au dépôt pétrolier (EPM) à Illzach le même jour à 13 heures. Ce véhicule a vidé son premier tour de la journée chez Leclerc à Mulhouse…
Cette citerne est utilisée tous les jours pour les mêmes produits (Go, fuel, essence).
L'usage de notre citerne ne peut donc être mis en cause.
Nous ne pouvons que vous inciter à contrôler scrupuleusement votre installation.
Le produit (Go) chargé à EPM cette journée là n'a été mis en cause sur aucune autre livraison » ;
que lors de la réunion d'ouverture de ses opérations expertales, l'expert judiciaire, M. Joël X..., a rappelé le résumé des faits effectué par M. Y... pour le compte de la Sarl Transports Clot selon lequel, suite à la livraison des 33 100 litres de carburant litigieux dans leur cuve de 60 000 litres le mardi 25 mars à 17 heures 30, quelques camions ont fait des compléments de plein et il est apparu quelques signaux d'alarme concernant la présence d'eau dans le carburant, et que ce n'est qu'à partir du vendredi, quand les camions sont revenus faire des pleins complets, qu'ils ont commencé à tomber systématiquement en panne au bout de quelques kilomètres ;
que leurs réservoirs ont été vidangés et leurs filtres changés ; mais l'expert n'a pas été en mesure d'analyser le carburant provenant de ces vidanges, ni les filtres, lesquels n'ont pas été conservés ;
que l'emploi du temps du camion a également été précisé : un premier mouvement sur Strasbourg puis une livraison chez Leclerc Mulhouse et enfin la livraison à la Sarl Transports Clot en fin d'après-midi ;
que pour l'expert judiciaire :
- la cuve de la Sarl Transports Clot n'est pas à incriminer ;
- les analyses globales ne détectent pas de différences nettes entre les échantillons ;
- le produit est conforme avec les spécifications techniques analytiques retenues pour ce type de carburant ;
- il n'est pas apparu de défaillance lors du transport, ni au niveau de la cuve de stockage ;
qu'en conclusion, il pense que, sauf hypothèse d'un sabotage de la cuve, le carburant a été mal mélangé par temps froid et que ce mauvais mélange est à l'origine des pannes observées sur les camions de la Sarl Transports Clot sans cependant s'expliquer sur l'auteur de ce mélange et la technique devant être utilisée pour y procéder correctement ;
qu'ainsi, l'expert judiciaire n'a pu formuler qu'une simple hypothèse et que, s'il a exclu qu'une défaillance était survenue lors du transport ou du stockage, il n'a pas été en mesure d'expliquer les raisons pour lesquelles seuls les camions de la Sarl Transports Clot ont été affectés, et seulement trois jours après la livraison, ni de déterminer pour quelle raison ce carburant n'a rencontré des problèmes d'homogénéité que dans la cuve de la Sarl Transports Clot ;
qu'au vu de ce qui précède, il apparaît que la Sarl Transports Clot n'administre pas la preuve qui lui incombe que le carburant qu'elle a acquis auprès de la Sas Distribution Thévenin Ducrot était défectueux et qu'il a été la cause du préjudice qu'elle allègue de sorte qu'infirmant le jugement déféré, il convient de la débouter de ses demandes indemnitaires » ;

ET AUX MOTIFS QU' « aucune défectuosité du carburant livré n'ayant été démontrée, il convient de condamner la société Transports Clot à en payer le prix non discuté, soit la somme de 40 515,13 euros » ;

1°/ ALORS QUE, après avoir observé que la miscibilité totale entre le gasoil et les EMHV n'a pas été obtenue, même avec l'agitation durant le transport, que ce mélange imparfait ne peut pas conduire à une combustion normale, l'expert a conclu : « nous pensons que le carburant a été mal mélangé par temps froid et que ce mélange est à l'origine des pannes observées sur les camions de la société Clot » (cf. son rapport p.10), puis a ajouté dans un addendum du même jour : « le gasoil qui a été livré aux Transports Clot et qui ne montrait qu'un trouble visible dans le prélèvement initial a laissé décanter au bout de plusieurs mois une fraction des matières en suspension. On est donc bien en présence d'un produit mal mélangé et dont les analyses chimiques ne laissent pas apparaître ce défaut » (addendum p.2) ; que dès lors, en déclarant, pour débouter la société Transports Clot de ses demandes indemnitaires, que l'expert n'a pu formuler qu'une simple hypothèse, la cour d'appel a dénaturé les termes clairement affirmatifs du rapport d'expertise et a ainsi violé l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause, ensemble l'article 1134 du code civil ;

2°/ ALORS QUE le vendeur professionnel ne peut ignorer les vices de la chose vendue, même à un professionnel ; que dès lors, en relevant, pour débouter la société Transports Clot de ses demandes indemnitaires, que l'expert ne s'est pas expliqué sur l'auteur du mauvais mélange acquis par cette société auprès de la société Thévenin et Ducrot Distribution, tout en considérant par ailleurs que ladite société Thévenin et Ducrot Distribution est un professionnel, la cour a statué par un motif inopérant et a violé les articles 1641, 1642 et 1645 du code civil ;

3°/ ALORS QUE tout vendeur est tenu de garantir les vices cachés de la chose vendue ; que dès lors, en déclarant, pour débouter la société Transports Clot de ses demandes indemnitaires, que l'expert n'a pas été en mesure d'expliquer les raisons pour lesquelles seuls les camions de la société Transports Clot ont été affectés, seulement trois jours après la livraison, ni de déterminer pour quelle raison ce carburant n'a rencontré des problèmes d'homogénéité que dans sa cuve, tout en relevant que, pour l'expert, la cuve de la société Transports Clot n'est pas à incriminer, il n'est pas apparu de défaillance lors du transport, ni au niveau de la cuve de stockage, la cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, d'où il ressort que le transport comme la cuve de la société Transports Clot étaient étrangers au mauvais mélange du carburant vendu par la société Thévenin et Ducrot Distribution et qu'aucune autre cause des pannes des camions de la société Transports Clot, extérieure à ce mauvais mélange du carburant, n'était évoquée, et a violé les articles 1641 et 1643 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-14701
Date de la décision : 29/11/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon, 12 janvier 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 29 nov. 2017, pourvoi n°16-14701


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux, SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Didier et Pinet, SCP Hémery et Thomas-Raquin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.14701
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