LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 29 septembre 2016), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 10 septembre 2015, pourvoi n° 14-19.891), que le 9 septembre 2008, Abdallah C..., qui effectuait des missions pour la société Manpower, dont le courtier en assurance est la société Aon France, a été victime d'un accident mortel du travail alors qu'il avait été mis à la disposition de la société Fimaco Vosges (la société) assurée auprès de la société Axa France IARD (l'assureur) ; que sa veuve Mme C..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs, dont Zachary né le [...], a saisi, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges, un tribunal des affaires de sécurité sociale pour faire juger que l'accident était dû à la faute inexcusable de l'employeur et obtenir réparation de son préjudice et de celui de ses enfants ; qu'il a été jugé que la société, ayant commis une faute inexcusable, devait, avec son assureur, garantir la société Manpower de l'ensemble des conséquences de celle-ci ;
Attendu que la société et l'assureur font grief à l'arrêt d'indemniser le préjudice moral de l'enfant Zachary, alors, selon le moyen :
1°/ pour ouvrir droit à réparation, un préjudice doit être certain ; qu'en l'espèce, pour justifier la fixation à la somme de 25 000 € du préjudice moral de Zachary C..., actuellement âgé de huit ans, du fait du décès de son père avant sa naissance, la cour d'appel a retenu, par motifs propres et adoptés, qu'il "souffre", "à l'évidence", de "l'absence définitive de son père, qu'il ne connaîtra jamais qu'au travers des récits des tiers", sans l'avoir connu ; qu'en se déterminant ainsi, sans avoir retenu ni analysé aucun élément de nature à établir la réalité objective de la souffrance invoquée, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 devenu 1240 du code civil ;
2°/ que pour ouvrir droit à réparation, un préjudice doit résulter du fait générateur qui l'a produit par un lien de causalité direct et certain ; qu'il n'existe pas de lien de causalité entre le décès accidentel d'une personne et le préjudice prétendument subi par son fils né après son décès ; qu'en jugeant le contraire, au motif inopérant que la mère de l'enfant a elle-même subi un préjudice moral lorsque, alors qu'elle était enceinte, son mari est décédé, la cour a violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil ;
Mais attendu que, dès sa naissance, l'enfant peut demander réparation du préjudice résultant du décès accidentel de son père survenu alors qu'il était conçu ; qu'ayant estimé que Zachary C... souffrait de l'absence définitive de son père décédé dans l'accident du [...], la cour d'appel a caractérisé l'existence d'un préjudice moral ainsi que le lien de causalité entre le décès accidentel de Abdallah C... et ce préjudice ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Fimaco Vosges et Axa France IARD aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à Mme C... et celle globale de 2 000 euros à la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour les sociétés Axa France IARD et Fimaco Vosges
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement rendu entre les parties le 18 septembre 2013 par le tribunal des affaires de sécurité sociale des Vosges en toutes ses dispositions ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur le préjudice moral du fils d'Abdallah C..., lors de l'accident mortel survenu à ce dernier, le 9 septembre 2008, Mme C... était enceinte du second enfant du couple, Zachary, lequel est né le [...] après ce décès ; que la société Fimaco Vosges soutient que l'enfant n'a jamais eu de communauté de vie avec ce dernier, et n'a donc subi aucun préjudice d'affection du fait de la perte de son père ; qu'elle soutient aussi que M. Zachary C... n'a pu souffrir de sa situation d'orphelin qu'à compter de sa naissance, ce qui est une autre cause de préjudice, qui de ce fait n'est pas une conséquence immédiate de l'accident ; que, cependant, il n'est pas contesté par la société Fimaco que M. Zachary C... souffre de l'absence définitive de son père, qu'il ne connaîtra jamais qu'au travers des récits des tiers ; que cette souffrance constitue un préjudice moral, de même qu'entre dans le préjudice moral de sa mère le fait qu'elle était enceinte au moment de l'accident et qu'elle allait devoir élever seule ses deux enfants et non sa seule fille aînée ; que l'élément causal du préjudice moral de M. Zachary C... est l'accident du 9 septembre 2008 qui a entraîné directement l'absence de son père, peu avant sa naissance ; que ce préjudice moral doit être réparé à hauteur de 25 000 € ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE la mort accidentelle d'Abdallah C..., dans des conditions brutales, constitue pour les deux enfants un traumatisme important, puisqu'ils ne l'auront pas ou peu connu, n'ont pas constitué de souvenirs communs et ne vont finalement le connaître qu'à travers de leur entourage familial ; que la vie des deux enfants a basculé le 9 décembre 2008 [en réalité : septembre], et le décès d'un père en si bas âge est incontestablement de nature à avoir des répercussions psychologiques importantes sur ces deux enfants ;
1° ALORS QUE pour ouvrir droit à réparation, un préjudice doit être certain ; qu'en l'espèce, pour justifier la fixation à la somme de 25 000 € du préjudice moral de M. Zachary C..., actuellement âgé de huit ans, du fait du décès de son père avant sa naissance, la cour a retenu, par motifs propres et adoptés, qu'il « souffre », « à l'évidence », de « l'absence définitive de son père, qu'il ne connaîtra jamais qu'au travers des récits des tiers », sans l'avoir connu ; qu'en se déterminant ainsi, sans avoir retenu ni analysé aucun élément de nature à établir la réalité objective de la souffrance invoquée, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 (1240 nouveau) du code civil ;
2° ALORS QUE pour ouvrir droit à réparation, un préjudice doit résulter du fait générateur qui l'a produit par un lien de causalité direct et certain ; qu'il n'existe pas de lien de causalité entre le décès accidentel d'une personne et le préjudice prétendument subi par son fils né après son décès ; qu'en jugeant le contraire, au motif inopérant que la mère de l'enfant a elle-même subi un préjudice moral lorsque, alors qu'elle était enceinte, son mari est décédé, la cour a violé l'article 1382 (1240 nouveau) du code civil.