LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Trans Europ Express en qualité de chauffeur-livreur zone courte ; que, licencié pour motif économique le 14 mars 2012, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur le second moyen du pourvoi incident du salarié :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen ci-après annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal de l'employeur :
Vu les articles 4 et 5 du décret n° 83-40 du 26 janvier 1983 dans sa rédaction applicable au litige ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que la durée du temps passé au service de l'employeur est, pour les conducteurs « zone courte », fixée à 507 heures par trimestre, qu'est considérée comme heure supplémentaire toute heure de temps de service effectuée au-delà de cette durée, et que les heures supplémentaires ouvrent droit à un repos compensateur pris par journée ou demi-journée selon leur nombre effectué sur le trimestre de référence ;
Attendu que pour condamner l'employeur au paiement de dommages-intérêts pour manquement à son obligation d'information du salarié sur ses repos compensateurs, l'arrêt retient qu'ainsi que l'expose l'intéressé, les heures supplémentaires effectuées au-delà de la 195e heure annuelle ouvrent droit à un repos compensateur de 100 %, et qu'il ressort de l'examen de ses bulletins de paie qu'il a effectué un total de 1163 heures supplémentaires ouvrant droit à repos compensateur de 100 % ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le premier moyen du pourvoi incident du salarié :
Vu l'article L. 1233-45 du code du travail, ensemble l'article 1315 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
Attendu que selon le premier de ces textes, il incombe à l'employeur d'informer le salarié licencié pour motif économique qui a manifesté le désir d'user de la priorité de réembauche de tous les postes disponibles et compatibles avec sa qualification ; qu'il en résulte qu'en cas de litige, il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il a satisfait à son obligation soit en établissant qu'il a proposé les postes disponibles, soit en justifiant de l'absence de tels postes ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en dommages-intérêts au titre de la priorité de réembauchage, l'arrêt retient qu'il ne démontre pas le non-respect par l'employeur de cette obligation ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Trans Europ Express à payer à M. X... des dommages-intérêts pour manquement à l'obligation d'information en matière de repos compensateurs, et déboute M. X... de sa demande en paiement de dommages-intérêts au titre de la priorité de réembauchage, l'arrêt rendu le 18 juin 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt décembre deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat aux Conseils, pour la société Trans Europ Express.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif de la cour d'appel de Dijon d'avoir condamné la société TEE au paiement d'une somme de 12. 358, 70 euros de dommages-intérêts pour non respect des dispositions relatives à l'information du salarié sur les droits à repos compensateurs ;
AUX MOTIFS QUE « M. X... expose que les partenaires sociaux ont fixé, pour le personnel roulant, à 195 heures le contingent d'heures supplémentaires ; qu'il ajoute qu'au-delà de ce seuil, les heures supplémentaires doivent donner lieu, dans les entreprises de plus de vingt salariés à des repos obligatoires de 100 % ; qu'il ressort de l'examen des bulletins de salaire de M. Ali X... que celui-ci a réalisé : 251, 29 heures supplémentaires en 2008 ; 571, 92 heures supplémentaires en 2009 ; 571, 92 heures supplémentaires en 2010 ; 548, 59 heures supplémentaires en 2011 soit un total de 1. 163 heures supplémentaires ouvrant droit à repos compensateur de 100 % ; que l'employeur n'ayant jamais informé M. Ali X... de ses droits malgré les dispositions de l'article D. 3171-11 du code du travail, celui-ci n'a pas pu les solliciter ; que c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a alloué à M. X... la somme de 12. 358, 70 euros de ce chef ; que le jugement sera confirmé sur ce point »
1°) ALORS QUE par dérogation aux dispositions de droit commun, le décret n° 83-40 du 26 janvier 1983, pris en application de l'article L. 1321-2 du code des transports, prévoit que pour le personnel roulant « courte distance », les heures supplémentaires ne sont prises en compte, lorsque la durée du travail est décomptée dans l'entreprise par trimestre, qu'au-delà de 507 heures de travail effectif ; que le salarié peut prétendre, au-delà de 507 heures de travail effectif, à un droit à repos compensateur d'une journée lorsqu'il a accompli entre 41 et 79 heures supplémentaires sur le trimestre, de un jour et demi, lorsque ce volume est compris entre 80 et 108 heures supplémentaires, et de deux jours et demi au-delà ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui a accueilli la demande du salarié en jugeant qu'il justifiait, de 2008 à 2011, avoir accompli 1. 163, 72 heures supplémentaires au-delà du contingent annuel, ouvrant droit, en application de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, à un repos compensateur correspondant à 100 % de ces heures de travail quand ladite disposition était inapplicable au litige et que les droit à repos compensateurs de M. X... ne pouvaient être appréciés qu'au regard des dispositions dérogatoires au droit commun applicables dans les entreprises de transport, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article L. 1321-2 du code des transports et les articles 3, 4 et 5 du décret n° 83-40 du 26 janvier 1983, tel qu'il résulte du décret n° 2007-13 du 4 janvier 2007.
2°) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motif ; qu'en ne répondant pas au moyen des conclusions d'appel de la société TEE (pp. 26 à 29) qui faisait valoir que la demande de M. X... était fondée sur un texte inapplicable au litige et que son mode de calcul des heures ouvrant droit à repos compensateur s'en trouvait être dès lors erroné, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Moyens produits au pourvoi incident par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt d'avoir débouté le salarié de sa demande d'indemnité au titre de la violation de la priorité de réembauche
AUX MOTIFS QUE M. Ali X... ne démontre par le non-respect par l'employeur de cette obligation ; que sa demande sera rejetée
ALORS QUE il incombe à l'employeur d'informer le salarié licencié pour motif économique qui a manifesté le désir d'user de la priorité de réembauche de tous les postes disponibles et compatibles avec sa qualification ; qu'il en résulte qu'en cas de litige, il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il a satisfait à son obligation soit en établissant qu'il a proposé les postes disponibles, soit en justifiant de l'absence de tels postes ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé les articles L. 1233-45 du code du travail ensemble 1315 du code civil ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement déféré en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande tendant à voir la société condamnée à lui verser un rappel de primes diverses (qualité, assiduité et intéressement) pour un montant global de 837, 50 euros brut, outre les congés payés y afférents ;
AUX MOTIFS QUE sur les primes, M. Ali X... expose que jusqu'en novembre 2011, date à laquelle elles ont été supprimées, il percevait régulièrement trois primes mensuelles :- Une prime qualité (170 euros) ;- Une prime d'assiduité (155 euros) ;- Une prime d'intéressement (150 euros) ; qu'il précise n'avoir perçu à ce titre que la somme de 1 300 euros au cours des quatre derniers mois et demi de la relation de travail, de sorte qu'il lui serait dû une somme de 837, 50 euros outre 83, 75 euros de congés payés y afférents ; que les primes litigieuses ne sont pas prévues par le contrat de travail ; que pour devenir des éléments permanents de salaire, et non une libéralité, elles doivent répondre aux critères cumulatifs de généralité, fixité et constance ; que M. Ali X... ne démontre pas que les primes dont il réclame le paiement correspondaient à ces critères, alors même que l'examen des bulletins de salaires révèle au contraire qu'au cours de la période de travail leur montant était variable et qu'elles n'étaient même pas toujours régulièrement versées ; que la circonstance que la SARL Trans Euro Express lui ait accordé, en juillet 2012, une somme de 1 300 euros doit, dès lors, être regardée comme une libéralité ; que le jugement déféré sera confirmé à cet égard ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur le rappel de primes, M. X... réclame un rappel de primes diverses (qualité, assiduité et intéressement) pour un montant global de 837, 50 euros brut assortis de congés payés ; que ces primes n'étaient ni contractuelles ni prévues par la convention collective et ne revêtaient pas un caractère de fixité et ainsi ne pouvaient être considérées comme un avantage acquis ; que par ailleurs, dans son courrier du 6 juillet 2012 en lettre recommandée avec accusé de réception, M. X... demandait un réajustement de primes de 1 300 euros brut ajoutant « il ne pourra plus avoir d'ambiguïté ni de réclamation si le nécessaire est fait rapidement » ; que le bulletin de paye de juillet fait apparaître un versement de 1 300 euros brut correspondant à trois rappels de primes (qualité, assiduité, intéressement) et qu'ainsi il a été rempli de ses droits à hauteur de sa demande ; qu'il sera débouté en conséquence de ce chef de demande ;
ALORS QUE, dans ses conclusions d'appel le salarié soutenait que les primes qualité, d'assiduité et d'intéressement faisaient partie intégrante de sa rémunération convenue et que leur suppression constituait une modification de son contrat de travail qui lui a été imposée ; qu'à l'appui de sa demande, le salarié produisait de nombreux éléments de preuve, savoir ses bulletins de paie faisant état du versement desdites primes, ainsi qu'un courrier de la société en date du 22 juin 2012 montrant que ces primes avaient cessé d'être versées en raison du retrait de certaines fonctions du salarié ; qu'en ne recherchant pas si ces primes n'étaient pas parties de la rémunération contractuelle du salarié, et en se contentant de dire que les conditions de l'usage n'étaient pas remplies, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;