LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu la connexité, joint les pourvois n° S 17-12.066, W 17-12.070 à A 17-12.074, F 17-12.079, H 17-12.080, M 17-12.084 à P 17-12.086, R 17-12.088 à U 17-12.091, W 17-12.093 à Y 17-12.095, D 17-12.100, E 17-12.101, H 17-12.103, J 17-12.105, M 17-12.107, S 17-12.112, W 17-12.116 à Z 17-12.119, C 17-12.122 à F 17-12.125, P 17-12.132, S 17-12.135, W 17-12.139, F 17-12.148, G 17-12.150, Q 17-12.156, S 17-12.158, W 17-12.162 à B 17-12.167, H 17-12.172 à J 17-12.174, P 17-12.178 à R 17-12.180, T 17-12.182, Y 17-12.187, F 17-12.194, H 17-12.195, M 17-12.199, P 17-12.201, Q 17-12.202, V 17-12.207, B 17-12.213, E 17-12.216, H 17-12.218 à N 17-12.223, S 17-12.227, T 17-12.228, H 17-12.241, J 17-12.243, N 17-12.246, S 17-12.250, U 17-12.252 à Y 17-12.256, C 17-12.260, D 17-12.261, H 17-12.264 à J 17-12.266, M 17-12.268, N 17-12.269, Q 17-12.271 à S 17-12.273, U 17-12.275 à W 17-12.277, E 17-12.285, H 17-12.287, J 17-12.289, N 17-12.292, P 17-12.293, Q 17-12.294, S 17-12.296, T 17-12.297, V 17-12.299, X 17-12.301 à Z 17-12.303, B 17-12.305à G 17-12.311, M 17-12.314, N 17-12.315, R 17-12.318, T 17-12.320, Y 17-12.325, D 17-12.330, G 17-12.334, J 17-12.335, M 17-12.337, N 17-12.338, Q 17-12.340, R 17-12.341, T 17-12.343, V 17-12.345 à C 17-12.352, E 17-12.354 à G 17-12.357, K 17-12.359, N 17-12.361, S 17-12.365, U 17-12.367, W 17-12.369, X 17-12.370, A 17-12.373, B 17-12.374, D 17-12.376 à F 17-12.378, J 17-12.381, P 17-12.385, Q 17-12.386, X 17-12.393, Z 17-12.395, C 17-12.398, D 17-12.399, J 17-12.404, K 17-12.405, N 17-12.407 à Q 17-12.409, S 17-12.411, à V 17-12.414, Y 17-12.417 à A 17-12.419, K 17-12.428 à N 17-12.430, R 17-12.433 à U 17-12.436, Y 17-12.440, A 17-12.442, B 17-12.443, E 17-12.446 à G 17-12.449 et T 17-12.757 ;
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 236-3, L. 236-20 et L. 236-22 du code de commerce ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que sauf dérogation expresse prévue par les parties dans le traité d'apport, l'apport partiel d'actif emporte lorsqu'il est placé sous le régime des scissions, transmission universelle de la société apporteuse à la société bénéficiaire de tous les biens, droits et obligations dépendant de la branche d'activité qui fait l'objet de l'apport ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que M. X... et les autres salariés demandeurs aux pourvois ont travaillé sur le site du Pont d'Arcole à Beauvais, exploité successivement par les sociétés Lokheed DB devenue Bendix puis les sociétés AlliedSignal systèmes de freinage (ASSF) et AlliedSignal Europe services techniques (ASEST), filiales françaises du groupe AlliedSignal ; que postérieurement à la rupture des contrats de travail, aux termes d'un traité d'apport ("Asset Purchase Agreement") du 29 février 1996 à effet du 1er avril 1996, régi par les lois de l'Etat de New-York, la société AlliedSignal Inc a cédé à la société Robert Bosch GmbH son activité exercée aux Etats-Unis et dans d'autres pays ; qu'en application de ce traité, deux traités d'apport ont été conclus à Paris le 27 juin 1996 aux termes desquels les sociétés ASSF et ASEST ont apporté à la société Bosch Systèmes de freinage devenue Robert Bosch France (ci-après Robert Bosch) la branche activité freinage du groupe AlliedSignal en France exploitée sur le site en cause, à compter du 1er avril 1996, l'apport partiel d'actif étant placé sous le régime des scissions ; que cet établissement a été inscrit par arrêté ministériel du 3 juillet 2000, modifié par arrêté du 12 octobre 2009, sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante pour la période de 1966 à 1985 ; que les salariés ont saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir la condamnation de la société Robert Bosch à leur payer des dommages-intérêts en réparation de leur préjudice d'anxiété ;
Attendu que pour déclarer cette demande irrecevable et mettre la société Robert Bosch hors de cause, les arrêts retiennent que, sur l'application du principe de la transmission universelle, l'économie de l'article L. 236-3 du code de commerce et l'interprétation jurisprudentielle qui en a été faite ont manifestement pour objectif de ménager les droits et intérêts des salariés en cas de disparition de la société cédante en évitant de les priver de tout recours, qu'en l'espèce, la société apporteuse n'a pas disparu puisqu'elle existe, sans que cela soit contesté, sous la dénomination Honeywell systèmes de freinage, et que la possibilité offerte au salarié d'un recours auprès de cette dernière fait en conséquence échec à l'application du principe de la transmission universelle ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, sans qu'il résulte de ses constatations que l'obligation était étrangère à la branche d'activité apportée ou expressément exclue par le traité d'apport, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts rendus le 6 décembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne la société Robert Bosch France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer aux demandeurs la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt décembre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen commun produit aux pourvois par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X..., les cent soixante-dix-neuf salariés et les ayants droit.
Le moyen fait grief aux arrêts infirmatifs attaqués d'AVOIR déclaré irrecevables les actions des salariés et mis hors de cause la société Robert Bosch ;
AUX MOTIFS QUE si la société Bosch Systèmes de freinage a initialement été mentionnée dans l'arrêté du 3 juillet 2000 listant les établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante et cela au titre de son site du Pont d'Arcole, un arrêté du 12 octobre 2009 est venu apporter la modification suivante : au lieu de : " Bosch Systèmes de freinage rue du Pont d'Arcole, 60 000 Beauvais, de 1966 à 1985" écrire : "Lockeed, DBA, 82-84 rue du Pont d'Arcole, 60 000 Beauvais, de 1966 à 1985" ; que c'est donc au titre de Lockheed, DBA que le site du Pont d'Arcole est inscrit dans l'arrêté du 3 juillet 2000 et non au titre de Bosch Systèmes de freinage ; que par ailleurs l'inscription est strictement circonscrite à la période allant de 1966 à 1985 ; qu'elle a vu son terme 11 ans avant la reprise du site par Bosch ; que ne saurait donc être sérieusement soutenue ni considérée comme acquise la mention de la société Bosch à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 figurant sur une liste établie par arrêté ministériel et cela pendant une période où étaient traités des matériaux contenant de l'amiante ; que les salariés ont quitté le site du Pont d'Arcole avant le 1er avril 1996, date à laquelle les traités d'apport partiel d'actif ont pris effet ; que les contrats de travail n'ont fait l'objet d'aucun transfert ; que les intéressés, sans que cela fasse l'objet d'une quelconque contestation, n'ont jamais été les salariés de la société Robert Bosch ; que l'économie de l'article L. 236-3 du Code de commerce et l'interprétation jurisprudentielle qui en a été faite ont manifestement pour objectif de ménager les droits et intérêts des salariés en cas de disparition de la société cédante en évitant de les priver de tout recours ; qu'en l'espèce, la société Alliedsignal Systèmes de freinage n'a pas disparu puisqu'elle existe, sans que cela soit contesté, sous la dénomination Honeywell Systèmes de freinage ; que la possibilité offerte au salarié d'un recours auprès de cette dernière fait en conséquence échec à l'application du principe de la transmission universelle ;
1/ ALORS QUE les exposants faisaient valoir que les sociétés AlliedSignal et la société Bosch Systèmes de freinage, devenue la société Robert Bosch, avaient décidé par l'effet des traités d'apport partiel d'actif conclus les 29 février 1996 et 27 juin 1996 entre les sociétés AlliedSignal et la société Bosch Systèmes de freinage, devenue la société Robert Bosch, qu'il s'opérait de la société AlliedSignal Systèmes de freinage à la société Bosch Systèmes de freinage, bien que la première n'ait pas disparu, une transmission universelle de tous ses droits, biens et obligations pour la branche d'activité faisant l'objet de l'apport placé sous le régime des scissions, y compris pour les créances nées de contrat de travail rompu avant la conclusion du traité d'apport ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en méconnaissance de l'article 455 du code de procédure civile ;
2/ ALORS QUE sauf dérogation expresse prévue par les parties dans le traité de scission ou d'apport, communauté ou confusion d'intérêts ou fraude, dans le cas d'un apport partiel d'actif placé sous le régime des scissions, il s'opère de la société apporteuse à la société bénéficiaire, laquelle est substituée à la première, une transmission universelle de tous ses droits, biens et obligations pour la branche d'activité faisant l'objet de l'apport ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si, par l'effet des traités d'apport partiel d'actif conclus entre les sociétés AlliedSignal et la société Bosch Systèmes de freinage, les actions en réparation du préjudice d'anxiété consécutif à l'exposition aux poussières d'amiante de salariés occupés à la branche d'activité de freinage transférée pouvaient être dirigées contre la société Robert Bosch venue aux droits de la société Bosch Systèmes de freinage, y compris pour les créances nées d'un contrat de travail rompu avant le traité d'apport, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 372-1, 385 et 387 de la loi du 24 juillet 1966 devenus L. 236-3 § I, L. 236-20 et L. 236-22 du code de commerce ;
3/ ALORS QUE sauf dérogation expresse prévue par les parties dans le traité de scission ou d'apport, communauté ou confusion d'intérêts ou fraude, dans le cas d'un apport partiel d'actif placé sous le régime des scissions, il s'opère de la société apporteuse à la société bénéficiaire, laquelle est substituée à la première, une transmission universelle de tous ses droits, biens et obligations pour la branche d'activité faisant l'objet de l'apport ; qu'en déclarant les actions des salariés irrecevables en considération du fait que le site de Beauvais avait été inscrit sur la liste des établissements ouvrant droit au bénéficie de l'ACAATA au titre de la société Lockheed DBA, non de la société Bosch Systèmes de freinage pour une période antérieure à la reprise du site par cette dernière et que les salariés n'avaient jamais été employés par la société Robert Bosch, sans qu'il résulte de ses constatations que les obligations étaient étrangères à la branche d'activité apportée ou avaient été expressément exclues par les traités d'apport, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants et a violé les articles 372-1, 385 et 387 de la loi du 24 juillet 1966 devenus L. 236-3 § I, L. 236-20 et L. 236-22 du code de commerce.