LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 1331-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagé le 26 juillet 2012 par la société Luxant Security Grand Nord en qualité d'agent de sécurité, son contrat de travail contenant une clause de mobilité, M. Y... a été affecté sur le site Décathlon de [...] jusqu'au 3 septembre 2013, date à laquelle il a été affecté sur le site Auchan de [...] à compter du 9 septembre 2013 ; qu'il a été de nouveau affecté sur le site Décathlon de [...] à compter du 23 septembre suivant ; qu'il a été licencié pour faute grave par lettre du 23 octobre 2013 ;
Attendu que, pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts, l'arrêt retient, après avoir indiqué que le changement d'affectation du salarié décidé par l'employeur au mois de septembre avait manifestement pour but de le sanctionner ainsi qu'il ressort d'une lettre qu'il lui a adressée le 20 septembre 2013 évoquant que ce changement était dicté par son éviction du site de Décathlon de [...], que les faits reprochés au soutien du licenciement, consistant en la tenue répétée de propos racistes au sein du magasin Décathlon de [...] ayant conduit la direction de celui-ci à informer l'employeur qu'elle souhaitait mettre un terme à la présence du salarié, étaient avérés et constituaient une cause réelle et sérieuse de licenciement ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le comportement fautif du salarié avait déjà été sanctionné par la mutation disciplinaire mis en oeuvre par l'employeur, de sorte que celui-ci ne pouvait sanctionner une nouvelle fois le salarié pour les mêmes faits en prononçant ultérieurement son licenciement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et rejette la demande de dommages-intérêts pour licenciement abusif présenté par M. Y..., l'arrêt rendu le 3 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne la société Luxant Security Grand Nord aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Luxant Security Grand Nord et la condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept janvier deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. Y...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir, par infirmation du jugement entrepris, dit que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et débouté M. Y... de sa demande en paiement de dommages intérêts ;
AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement pour faute grave invoque en premier lieu le fait que M. Y... n'a pas assuré entre le 9 septembre et le 21 octobre 2013 ses vacations sur les sites d'Auchan [...] et Décathlon [...] ; il est constant que M. Y... n'a pas rejoint le site d'Auchan [...] auquel il a été affecté le 23 septembre suivant ; son contrat prévoyait une clause de mobilité sur la région Haute Normandie Picardie, dont la validité n'est pas contestée ; toutefois, d'une part, le changement d'affectation décidé par l'employeur au mois de septembre avait manifestement pour but de sanctionner le salarié ainsi qu'il ressort d'une lettre adressée le 20 septembre 2013 à M. Y... dans les termes suivants « le changement d'affectation est dicté par votre éviction du site de Décathlon [...] » ; or, si rien n'interdit à un employeur d'utiliser une clause de mobilité à titre de sanction, c'est sous la réserve que soit respectée la procédure disciplinaire ; tel n'est pas le cas concernant M. Y... dont le changement d'affectation n'a pas été précédé de l'information écrite prévue à l'article L. 1332-1 du code du travail ; d'autre part, M. Y... s'est vu imposer un changement d'affectation dans un premier temps de [...] vers [...], le 4 septembre pour le 9 septembre, puis dans un second temps de [...] vers [...], le 17 septembre pour le 23 septembre ; le délai de prévenance qui est de sept jours par application de l'article L.3122-2 du code du travail n'a pas été respecté ainsi que le reconnaît la société, ni dans un cas, ni dans l'autre ; que la première mutation qui éloignait son lieu de travail de son domicile d'environ 50 kilomètres, sans indemnités kilométriques, avait pourtant nécessairement des conséquences financières pour M. Y... travaillant à temps partiel pour un salaire de 9,43 euros de l'heure ; enfin, la nécessité de sa mutation urgente dans l'intérêt de l'entreprise motif pris de l'éviction souhaitée par les responsables du site de Décathlon [...] n'est pas établie, l'employeur ayant été en mesure d'assurer sa réintégration sur le site de [...] dès le 23 septembre sans qu'il justifie de démarches particulières ; ainsi, en imposant au salarié un changement d'affectation sans respecter le délai de prévenance et sans justifier que cette décision prise dans l'urgence répondait aux nécessités de l'entreprise, l'employeur a mis en oeuvre la clause de mobilité de manière injustifiée et avec précipitation et par conséquence, ne peut invoquer au titre de la faute grave, le refus par M. Y... de rejoindre son nouveau poste ; la lettre de licenciement mentionne en second lieu le grief suivant : « votre comportement n'a pas été exemplaire sur le site Décathlon [...] où les responsables du site se sont plaints. En effet, beaucoup trop de familiarités avec les membres du personnel interne, absences non justifiées et surtout propos déplacés voire racistes à l'encontre des gens du voyage (pourriture de race, vermine
) ; l'employeur verse aux débats un courriel du 26 juillet 2013 que lui a adressé le responsable d'exploitation du magasin dans les termes suivants : « nous insistons ce jour sur le comportement de l'agent qui pose aujourd'hui problème. Nous soulevons beaucoup trop de familiarités avec le personnel, trois absences injustifiées en deux semaines, et surtout des propos déplacés. De nombreuses remarques ont été faites par des collaborateurs (exemple dans ce mail ci-dessous). Suite aux différentes propositions faites ce jour pour régulariser une situation devenue inacceptable, M. Y... nous signale son souhait de quitter son poste prochainement. Par conséquent, nous décidons ce jour de mettre en place un nouveau recrutement pour le gardiennage de notre magasin » ; par le courriel daté du 24 juillet 2013, dont il est fait état ci-dessus par le chef d'exploitation, un salarié de la société Décathlon se plaint des propos racistes tenus par le vigile quelques minutes auparavant en open space, ajoutant « je n'ai rien dit, mais là c'est plus possible d'avoir un raciste pareil en magasin » ; la tenue répétée de propos racistes et ses conséquences sur le fonctionnement de l'entreprise sont ainsi avérées ; toutefois, si ce comportement est fautif, l'employeur n'a pas estimé qu'il rendait impossible la poursuite du contrat de travail même pendant la durée du préavis puisqu'il n'a engagé aucune sanction disciplinaire contrairement à ce qu'il avait pu faire antérieurement pour un simple défaut de port de la cravate d'uniforme, a prévu son retour sur le site de [...] dès le 23 septembre 2013 et n'a engagé la procédure de licenciement que le 20 septembre soit presque deux mois après avoir eu connaissance de la faute ; qu'il est donc mal fondé à l'invoquer au soutien d'un licenciement pour faute grave ; néanmoins, ce grief constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement ;
ALORS QU'qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à une double sanction ;
qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué qu'à la suite de propos racistes prétendument tenus par le salarié sur le site de Décathlon à [...], M. Y... a fait l'objet d'une mutation disciplinaire de [...] à [...]; qu'en retenant que les mêmes propos tenus sur le site de Décathlon à [...] justifiaient le licenciement ultérieur du salarié, la cour d'appel a violé l'article L.1331-1 du code du travail.