LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société FDM diffusion (la société débitrice) a été mise en redressement judiciaire le 7 avril 2015, M. Y... étant désigné mandataire judiciaire (le mandataire judiciaire) ; qu'elle a notifié, le 10 juin 2015, à la SCI MJ, son bailleur, sa décision de résilier le bail ; que la SCI a assigné en référé la société débitrice en paiement des loyers de juin et juillet 2015, outre une provision sur le montant de dommages-intérêts justifiés par la résiliation ; que la société débitrice a demandé la compensation entre le montant des loyers et celui du dépôt de garantie à restituer ;
Sur le moyen relevé d'office, après avertissement délivré aux parties :
Vu les articles L. 622-7 du code de commerce et 1289 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Attendu que, pour rejeter la demande de compensation de la société débitrice et son mandataire judiciaire, l'arrêt retient qu'il n'y a pas lieu de procéder à une compensation entre la dette de loyers et celle au titre du remboursement du dépôt de garantie, dès lors que ce dernier n'a pas vocation à garantir le paiement des loyers mais celui des réparations locatives, de sorte qu'il ne peut être soutenu qu'il s'agit de créances connexes ;
Qu'en statuant ainsi, après avoir relevé, d'un côté, que les créances de loyer étaient postérieures au jugement d'ouverture, permettant ainsi au bailleur d'exercer son droit de poursuite individuelle, ce qui rendait inopérante toute référence au caractère connexe des créances réciproques, et de l'autre, que la créance de restitution du dépôt de garantie résultait de la résiliation du bail, de sorte que la compensation légale de ces créances postérieures était possible, la cour d'appel a violé le premier texte susvisé par fausse application et le second par refus d'application ;
Et sur le second moyen :
Vu les articles L. 622-14 et L. 622-21 du code de commerce ;
Attendu que le second de ces textes, qui interdit toute action en justice tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée à l'article L. 622-17, I, du code de commerce, s'applique à la créance indemnitaire, mentionnée par le premier, selon lequel une telle créance, fût-elle postérieure au jugement d'ouverture, doit être déclarée au passif ;
Attendu que, confirmant le jugement, l'arrêt condamne la société débitrice et son mandataire à payer à la SCI une provision à valoir sur les dommages-intérêts "suite à résiliation" du bail ;
Qu'en statuant ainsi, tout en relevant que l'indemnité demandée était justifiée par la résiliation du bail en application de l'article L. 622-14 du code de commerce, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne la société FDM diffusion à payer à la SCI MJ la somme de 4 820 euros au titre des loyers, et se déclare incompétent pour le surplus des demandes en dommages-intérêts et les autres demandes, l'arrêt rendu le 16 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne la SCI MJ aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société FDM diffusion et M. Y..., en qualité de mandataire judiciaire à la procédure de cette dernière, la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre janvier deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour M. Y..., ès qualités, et la société FDM diffusion.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné la société FDM DIFFUSION à payer à la SCI MJ la somme de 4.820 euros représentant les loyers de juin et juillet 2015 et dit n'y avoir lieu à compensation avec le montant du dépôt de garantie,
Aux motifs que la société FDM DIFFUSION et Me Y..., ès qualités, ne contestaient par leur dette locative postérieure au jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société FDM DIFFUSION ; qu'il n'y avait pas lieu de procéder à une compensation entre la dette de loyers et le dépôt de garantie dès lors que le dépôt de garantie n'avait pas vocation à garantir le paiement des loyers mais celui des réparations locatives, de sorte qu'il ne pouvait être soutenu qu'il s'agissait de créances connexes ; et aux motifs adoptés qu'il n'y avait pas lieu à compensation de la dette des loyers avec le dépôt de garantie,
Alors que la procédure de redressement judiciaire ouverte contre un preneur à bail commercial ne fait pas obstacle à l'application du principe de la compensation des dettes réciproques connexes ; qu'en cas de résiliation du bail après le jugement d'ouverture, la créance de loyers postérieure à ce jugement et la créance de restitution du dépôt de garantie sont connexes et se compensent à concurrence de la plus faible des deux ; qu'en l'espèce, en écartant tout rapport de connexité entre la créance de loyers de la SCI MJ et la créance de restitution du dépôt de garantie de la société FDM DIFFUSION, la cour d'appel a violé l'article 1289 du code civil, ensemble l'article L. 622-7 du code de commerce.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné la société FDM DIFFUSION à payer à la SCI MJ une somme de 5.000 euros à titre de provision à valoir sur les dommages et intérêts consécutivement à la résiliation du bail commercial litigieux,
Aux motifs que le premier juge avait parfaitement évalué le montant de l'indemnité non sérieusement contestable due en application des dispositions de l'article L. 622-14 du code de commerce,
Alors que la créance de dommages et intérêts consécutive à la résiliation par l'administrateur judiciaire d'un contrat de bail en cours au jour du jugement d'ouverture est soumise à la procédure de vérification des créances et ne peut faire l'objet d'une condamnation du débiteur, fût-ce à titre provisionnel ; qu'en l'espèce, en allouant à la SCI MJ une provision de 5.000 € à valoir sur l'indemnisation de son préjudice consécutif à la résiliation du bail litigieux, sans la renvoyer à la procédure de vérification des créances, la cour d'appel a violé les articles L. 622-14 et L. 622-22 du code de commerce.