LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société Coopération et famille du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme A... ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 septembre 2016), que la société Coopération et famille est propriétaire d'un immeuble dans lequel trois appartements sont donnés à bail à Mmes Z..., A... et X... ; que, se plaignant de l'humidité excessive de leur logement, les locataires ont assigné la bailleresse en réalisation de travaux et indemnisation de leur préjudice ;
Attendu que, pour accueillir la demande, l'arrêt retient que, lorsque les locataires tiennent leurs droits du même bailleur, celui-ci est tenu de réparer les dommages résultant du trouble de jouissance qu'ils se causent entre eux et que, par suite, la société Coopération et famille, qui est liée contractuellement à l'ensemble des occupants de l'immeuble, est responsable des désordres causés par les dégâts des eaux dans les appartements des locataires, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que ces sinistres ont leur origine dans les parties privatives ou dans les parties communes de l'immeuble ;
Qu'en statuant ainsi, sans recueillir au préalable les observations des parties sur le moyen tiré de l'application des dispositions de l'article 1725 du code civil qu'elle relevait d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 septembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne Mmes Z... et X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mars deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour la société Coopération et famille
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré la société Coopération et famille responsable des désordres survenus dans les appartements loués à Mmes Z..., Y... et A..., et d'avoir, par conséquent, condamné cette société à payer les sommes de 3 808,45 euros à Mme Z... et 3 693,05 euros à Mme Y... au titre des frais de remise en état, outre la somme de 8 000 euros à chacune de ces deux locataires au titre du préjudice de jouissance ;
Aux motifs qu'en application de l'article 1719 du code civil, le bailleur est obligé par la nature du contrat et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de faire jouir paisiblement le preneur de la chose louée pendant toute la durée du bail ; que lorsque les locataires tiennent leurs droits du même auteur, ils en sont ayants cause au sens de l'article 1725 du code civil, et le bailleur est alors tenu de réparer les dommages résultant du trouble de jouissance qu'ils se causent entre eux ; que seul un cas de force majeure peut exonérer le bailleur de sa responsabilité envers le preneur des troubles causés par les autres locataires ; qu'en l'espèce, il résulte du rapport de la société Eurexo – pièce n° 26 des appelantes – que la société intimée est bailleur unique de l'immeuble sis [...] ; que, par suite, la société intimée, qui est liée contractuellement à l'ensemble des occupants de l'immeuble, est responsable des désordres causés par les dégâts des eaux dans les appartements des appelantes sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que ces sinistres ont leur origine dans les parties privatives des locataires ou dans les parties communes de l'immeuble ; que, par suite, le moyen soulevé par l'intimée et tiré du fait que les sinistres ne trouveraient pas leur origine dans l'absence de ventilation mécanique contrôlée est inopérant ; qu'il en va de même du moyen tiré de l'absence de réclamation des appelantes, seule la force majeure étant de nature à exonérer la bailleresse ; que la bailleresse étant responsable de l'ensemble des troubles liés aux dégâts des eaux et aggravés par l'absence de système de ventilation, le partage de responsabilité proposé par l'expert judiciaire ne pourra être retenu et la demande de complément d'expertise formée par les appelantes sera rejetée, l'origine des dégâts des eaux étant indifférente à la solution du litige ; que la société Coopération et famille sera déclarée ainsi responsable des désordres survenus dans les appartements de Mmes A..., Z... et Y... (arrêt attaqué, p. 6, § 3 à 7) ;
1°) Alors que le juge doit, en toutes circonstances, observer le principe de la contradiction ; que les locataires poursuivaient la responsabilité de leur bailleur à raison, exclusivement, de manquements personnels reprochés à ce dernier, non à raison du fait d'autres locataires dont le bailleur aurait dû répondre ; qu'en retenant qu'en sa qualité de propriétaire unique de l'immeuble, la société Coopération et famille était tenue de répondre des troubles de jouissance causés entre locataires, sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°) Alors que le bailleur n'a pas à répondre des troubles de jouissance que le locataire se cause à lui-même ; qu'il ressortait du rapport d'expertise judiciaire en date du 18 décembre 2015 que plusieurs dégâts des eaux à l'origine des désordres provenaient du logement de Mme Y... ; qu'en retenant l'entière responsabilité du bailleur, au motif qu'il lui appartenait de répondre des troubles de jouissance causés entre locataires, sans rechercher si les désordres subis par Mme Y... ne trouvaient pas, au moins pour partie, leur origine dans les dégâts des eaux ayant pris naissance à l'intérieur du propre logement de cette locataire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1719 et 1725 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Coopération et famille à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
1°) Alors que le bénéfice de l'article 700 du code de procédure civile ne peut être accordé à une partie que si elle en a fait la demande ; que dans ses conclusions du 31 mai 2016 retenues par la cour d'appel, prises conjointement avec Mmes Z... et A..., Mme Y... ne présentait aucune demande d'indemnité au titre des frais irrépétibles de procédure ; qu'en lui allouant la somme de 3 000 euros de ce chef, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile, ensemble l'article 700 du même code ;
2°) Alors que le bénéfice de l'article 700 du code de procédure civile ne peut être accordé à une partie admise à l'aide juridictionnelle totale ; qu'il résulte des propres indications de l'arrêt attaqué (p. 1) que Mme Y... bénéficiait de l'aide juridictionnelle totale devant la cour d'appel ; qu'en lui allouant cependant la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de procédure, la cour d'appel a violé ledit article 700.