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22/03/2018 | FRANCE | N°16-27562

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 22 mars 2018, 16-27562


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 11 octobre 2016), que se prévalant d'un commandement de payer infructueux visant la clause résolutoire figurant dans un acte de vente, la commune de [...] (la commune) a assigné devant un tribunal de grande instance l'acquéreur, la société A... alors en règlement judiciaire, ainsi que son mandataire judiciaire, M. X..., membre de la société X... etamp;amp; A B... afin de voir dire acquise ladite clause ; que la société Y... Z...,

alors désignée en qualité d'administrateur judiciaire, n'a pas été assign...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 11 octobre 2016), que se prévalant d'un commandement de payer infructueux visant la clause résolutoire figurant dans un acte de vente, la commune de [...] (la commune) a assigné devant un tribunal de grande instance l'acquéreur, la société A... alors en règlement judiciaire, ainsi que son mandataire judiciaire, M. X..., membre de la société X... etamp;amp; A B... afin de voir dire acquise ladite clause ; que la société Y... Z..., alors désignée en qualité d'administrateur judiciaire, n'a pas été assignée devant le premier juge ; que la commune a interjeté appel du jugement ayant déclaré le commandement inopposable à la société A... et a assigné en intervention forcée devant la cour d'appel la société Y... Z... prise en sa nouvelle qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société A... ; que la société A..., le mandataire judiciaire et le commissaire à l'exécution du plan ont invoqué la nullité de la procédure de première instance ;

Attendu que la commune fait grief à l'arrêt de dire que l'assignation, la procédure subséquente et le jugement sont nuls, alors, selon le moyen :

1°/ qu'aux termes de l'article 771 du code de procédure civile, les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l'instance doivent être soulevés devant le juge chargé de la mise en état, et ce à peine d'irrecevabilité ultérieure, à moins qu'ils ne surviennent ou ne soient révélés que postérieurement à son dessaisissement ; que l'exception de nullité de l'assignation pour défaut de capacité de la partie assignée est une exception de procédure qui doit être soulevée devant le juge de la mise en état, seul compétent, à peine d'irrecevabilité ultérieure, y compris en cause d'appel ; qu'en retenant cependant en l'espèce que l'irrégularité de fond entachant l'assignation délivrée à la société A..., en redressement judiciaire, et non à la société Y... Z..., administrateur judiciaire désigné par le jugement d'ouverture de la procédure collective, pouvait être soulevée en tout état de cause, pour la première fois devant elle, et que son examen ne relevait nullement de la compétence exclusive du juge de la mise en état, la cour d'appel a violé les articles 118 et 771 du code de procédure civile ;

2°/ subsidiairement, que dans les cas où elle est susceptible d'être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue ; qu'en conséquence, l'irrégularité de fond affectant l'assignation délivrée à une personne dépourvue de la capacité d'agir en justice peut être couverte jusqu'à ce que le juge statue, y compris en cause d'appel ; qu'en énonçant en l'espèce qu' « en l'absence de régularisation devant la juridiction du premier degré par l'assignation de l'administrateur judiciaire », l'irrégularité « consistant dans l'assignation d'une personne dépourvue de la capacité de se défendre en justice affecte non seulement l'acte lui-même, mais toute la procédure subséquente », ainsi que le jugement lui-même, et que cette nullité n'était « pas susceptible d'être couverte devant la cour d'appel », les juges du fond ont violé l'article 121 du code de procédure civile ;

3°/ subsidiairement, que l'irrégularité de fond consistant dans l'assignation en première instance d'une personne dépourvue de la capacité d'agir en justice est nécessairement couverte lorsque la personne assignée a recouvré l'exercice de ses droits au jour où le juge d'appel statue ; qu'en l'espèce, ainsi que les conclusions d'appel de la commune le faisaient expressément valoir, à la suite du jugement du tribunal de grande instance de Marseille du 24 septembre 2013, mettant fin à la période d'observation et adoptant le plan de continuation de la société A..., celle-ci a recouvré de plein droit l'exercice de la plénitude de ses droits, et donc de sa capacité à se défendre en justice ; qu'en décidant néanmoins que la nullité affectant l'assignation et la procédure subséquente n'avait pas été couverte, sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant expressément invitée, si par l'effet du jugement arrêtant le plan de continuation, intervenu avant qu'elle ne statue, le fait que la société A... ait recouvré sa pleine capacité d'ester seule en justice n'avait pas régularisé la situation avant qu'elle ne statue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 121 du code de procédure civile ;

4°/ subsidiairement, que l'irrégularité de fond consistant dans l'assignation en première instance d'une personne dépourvue de la capacité d'agir en justice est nécessairement couverte lorsque la personne assignée a recouvré l'exercice de ses droits au jour où le juge statue ; qu'une telle circonstance rend donc sans objet la régularisation de la situation par l'assignation de la personne qui avait jusque-là vocation à la représenter en justice ; qu'en retenant en l'espèce, pour juger que la nullité affectant l'assignation et la procédure subséquente n'avait pas été couverte, que la société Y... Z... n'avait pas été assignée en cause d'appel en qualité d'administrateur judiciaire, mais seulement en qualité de commissaire à l'exécution du plan, cependant que, depuis le jugement du 24 septembre 2013 arrêtant le plan de continuation de la société A..., celle-ci avait recouvré sa pleine capacité d'agir en justice et qu'en outre les fonctions de l'administrateur judiciaire avaient pris fin, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à justifier sa décision, a derechef violé l'article 121 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, qu'il résulte de l'article 118 du code de procédure civile que les exceptions de nullité fondées, comme en l'espèce, sur l'inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure peuvent être proposées en tout état de cause sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt ;

Et attendu, d'autre part, que la cour d'appel, qui a constaté qu'aucune régularisation n'était intervenue en première instance par l'assignation de l'administrateur judiciaire de la société A... et que la société Y... Z... n'avait été assignée devant elle qu'en sa seule qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société A..., dont la capacité à agir en appel n'était pas discutée, a exactement décidé, sans avoir à effectuer la recherche prétendument omise, que la nullité affectant l'assignation et la procédure subséquente résultant de l'absence dans la cause de la société Y... Z... prise en qualité d'administrateur judiciaire représentant la société A... n'était pas couverte ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la commune de [...] aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande, la condamne à payer à la société A... et à la société X... etamp;amp; A B..., és qualités, la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mars deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour la commune de [...]

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que l'assignation du 19 décembre 2012, la procédure subséquente et le jugement du 3 juin 2013 étaient nuls ;

AUX MOTIFS QU' « ainsi qu'il a été rappelé, le jugement du 25 septembre 2012 par lequel le tribunal de grande instance de Marseille a ouvert le redressement judiciaire de la SCI A... a confié à la SCP Y... Z... nommée en qualité d'administrateur judiciaire, la mission d'assurer seule la gestion de la société. La décision du tribunal de confier à la SCP Y... Z... la mission de représentation, mission la plus large prévue par les dispositions de l'article L. 631-14 du Code de commerce a emporté dessaisissement de la SCI A... de l'exercice de ses droits. Dès lors, c'est la SCP Y... Z... et non la SCI A... que la Commune de [...] devait assigner devant le tribunal de grande instance de Gap le 19 décembre 2012 en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire. L'assignation uniquement délivrée à la SCI A... et à Maître Jean-Pierre X... est entachée d'une irrégularité de fond au sens de l'article 117 du Code de procédure civile, comme délivrée à une personne dépourvue de la capacité de se défendre en justice. Cette irrégularité de fond a un caractère d'ordre public et peut être soulevée en tout état de cause. Son examen ne relève nullement de la compétence exclusive du juge de la mise en état comme le soutient la Commune de [...]. L'irrégularité consistant dans l'assignation d'une personne dépourvue de la capacité de se défendre en justice affecte non seulement l'acte lui-même, mais toute la procédure subséquente en l'absence de régularisation devant la juridiction du premier degré par l'assignation de l'administrateur judiciaire. Dès lors la cour ne peut que constater que le jugement rendu en l'absence d'administrateur judiciaire qui seul pouvait comparaître, est lui aussi nul. La Commune de [...] n'est pas fondée à invoquer le bénéfice des dispositions de l'article 121 du Code de procédure civile. En effet, la nullité du jugement acquise dès son prononcé n'est pas susceptible d'être couverte devant la cour d'appel, alors de surcroît que la SCP Y... Z... n'y a pas été assignée en qualité d'administrateur judiciaire, mais en qualité de commissaire à l'exécution du plan. Sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, il convient de déclarer nuls l'acte introductif d'instance et par voie de conséquence l'intégralité de la procédure et le jugement du 3 juin 2013 » ;

1° ALORS QU'aux termes de l'article 771 du Code de procédure civile, les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l'instance doivent être soulevés devant le juge chargé de la mise en état, et ce à peine d'irrecevabilité ultérieure, à moins qu'ils ne surviennent ou ne soient révélés que postérieurement à son dessaisissement ; que l'exception de nullité de l'assignation pour défaut de capacité de la partie assignée est une exception de procédure qui doit être soulevée devant le juge de la mise en état, seul compétent, à peine d'irrecevabilité ultérieure, y compris en cause d'appel ; qu'en retenant cependant en l'espèce que l'irrégularité de fond entachant l'assignation délivrée à la société A..., en redressement judiciaire, et non à la société Y... Z..., administrateur judiciaire désigné par le jugement d'ouverture de la procédure collective, pouvait être soulevée en tout état de cause, pour la première fois devant elle, et que son examen ne relevait nullement de la compétence exclusive du juge de la mise en état, la Cour d'appel a violé les articles 118 et 771 du Code de procédure civile ;

2° ALORS QUE, subsidiairement, dans les cas où elle est susceptible d'être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue ; qu'en conséquence, l'irrégularité de fond affectant l'assignation délivrée à une personne dépourvue de la capacité d'agir en justice peut être couverte jusqu'à ce que le juge statue, y compris en cause d'appel ; qu'en énonçant en l'espèce qu' « en l'absence de régularisation devant la juridiction du premier degré par l'assignation de l'administrateur judiciaire », l'irrégularité « consistant dans l'assignation d'une personne dépourvue de la capacité de se défendre en justice affecte non seulement l'acte lui-même, mais toute la procédure subséquente », ainsi que le jugement lui-même, et que cette nullité n'était « pas susceptible d'être couverte devant la cour d'appel », les juges du fond ont violé l'article 121 du Code de procédure civile ;

3° ALORS QUE, subsidiairement, l'irrégularité de fond consistant dans l'assignation en première instance d'une personne dépourvue de la capacité d'agir en justice est nécessairement couverte lorsque la personne assignée a recouvré l'exercice de ses droits au jour où le juge d'appel statue ; qu'en l'espèce, ainsi que les conclusions d'appel de la Commune exposante le faisaient expressément valoir, à la suite du jugement du tribunal de grande instance de Marseille du 24 septembre 2013, mettant fin à la période d'observation et adoptant le plan de continuation de la société A..., celle-ci a recouvré de plein droit l'exercice de la plénitude de ses droits, et donc de sa capacité à se défendre en justice (conclusions, p. 7) ; qu'en décidant néanmoins que la nullité affectant l'assignation et la procédure subséquente n'avait pas été couverte, sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant expressément invitée, si par l'effet du jugement arrêtant le plan de continuation, intervenu avant qu'elle ne statue, le fait que la société A... ait recouvré sa pleine capacité d'ester seule en justice n'avait pas régularisé la situation avant qu'elle ne statue, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 121 du Code de procédure civile ;

4° ALORS QUE, subsidiairement, l'irrégularité de fond consistant dans l'assignation en première instance d'une personne dépourvue de la capacité d'agir en justice est nécessairement couverte lorsque la personne assignée a recouvré l'exercice de ses droits au jour où le juge statue ; qu'une telle circonstance rend donc sans objet la régularisation de la situation par l'assignation de la personne qui avait jusque-là vocation à la représenter en justice ; qu'en retenant en l'espèce, pour juger que la nullité affectant l'assignation et la procédure subséquente n'avait pas été couverte, que la société Y... Z... n'avait pas été assignée en cause d'appel en qualité d'administrateur judiciaire, mais seulement en qualité de commissaire à l'exécution du plan, cependant que, depuis le jugement du 24 septembre 2013 arrêtant le plan de continuation de la société A..., celle-ci avait recouvré sa pleine capacité d'agir en justice et qu'en outre les fonctions de l'administrateur judiciaire avaient pris fin, la Cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à justifier sa décision, a derechef violé l'article 121 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 16-27562
Date de la décision : 22/03/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 11 octobre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 22 mar. 2018, pourvoi n°16-27562


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Claire Leduc et Solange Vigand, SCP Jean-Philippe Caston

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.27562
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