LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société BTSG de sa reprise d'instance au lieu et place de M. B..., en qualité de liquidateur de la société Mediterres ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 22 septembre 2016, RG n° 16/02535), rendu sur déféré, que la société Banque Louis-Dreyfus a accordé à la société Mediterres un prêt garanti par une hypothèque constituée par M. E..., gérant de la société emprunteuse, à laquelle a consenti son épouse, Mme Y... ; que la société Mediterres ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 30 septembre 1994 et 27 octobre 1995, le juge-commissaire, par une ordonnance du 18 mai 2001, a admis la créance de la société BGC, cessionnaire de la créance de prêt, aux droits de laquelle est ensuite venue la Sofigère ; que Mme Y... ayant formé réclamation contre cette décision d'admission par déclaration au greffe du tribunal de commerce du 6 avril 2012, M. E..., en qualité de mandataire ad hoc de la société débitrice, la banque créancière et le liquidateur ont été convoqués devant le juge-commissaire ; que ce dernier a déclaré recevable la réclamation mais l'a rejetée ; que Mme Y... a fait appel de cette ordonnance, en intimant le liquidateur, ès qualités, M. E..., en sa qualité de mandataire ad hoc de la société débitrice, et la Sofigère, créancière, puis s'est désistée de son appel contre la société débitrice et contre la société créancière ; que le liquidateur, demeurant seul intimé, a formé un incident pour voir déclarer l'appel irrecevable ;
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant déclaré son appel irrecevable alors, selon le moyen, que tout intéressé peut présenter devant le juge-commissaire une réclamation à l'encontre de l'état des créances, dans le délai qui lui est imparti, par voie de déclaration faite au greffe ou remise contre récépissé ou adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, le greffier étant chargé de convoquer les parties intéressées ou leur mandataire ; que la réclamation exercée par un tiers intéressé qui n'est pas partie à la procédure collective, est distincte de la procédure de vérification des créances se déroulant sous l'égide du juge-commissaire, entre le débiteur, le créancier et le mandataire judiciaire ; que tiers à la procédure de liquidation judiciaire de la société Mediterres ayant pour gérant, M. E..., son époux qui avait consenti une garantie hypothécaire à la société BBL aux droits de laquelle vient la société Sofigère, Mme Y... a interjeté appel de l'ordonnance du juge-commissaire l'ayant déboutée de sa réclamation à l'encontre de l'état des créances ayant admis la créance de la société BGC ; que la cour d'appel a cependant déclaré irrecevable l'appel de Mme Y..., dirigé contre le seul liquidateur, Me B..., au motif qu'il existerait "un lien d'indivisibilité en matière de vérification du passif entre le créancier, le débiteur et le mandataire judiciaire, solution qui ne saurait être différente en matière de réclamation dirigée contre l'état des créances" ; qu'en statuant ainsi, cependant que la procédure de réclamation d'un tiers intéressé est précisément distincte de celle de la vérification du passif, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 103 de la loi du 25 janvier 1985, celles de l'article 25 du décret du 27 décembre 1985, celles des articles R. 624-8 et R. 624-10 du code de commerce, ensemble celles de l'article 553 du code de procédure civile ;
Mais attendu que le lien d'indivisibilité existant en matière d'admission des créances entre le créancier, le débiteur et le liquidateur implique que la personne intéressée, appelante de l'ordonnance du juge-commissaire ayant rejeté sa réclamation contre une décision d'admission portée sur l'état des créances, appelle à l'instance l'ensemble de ces parties ; qu'ayant relevé que tant la société créancière, que le mandataire ad hoc de la société débitrice et le liquidateur étaient parties devant le juge-commissaire saisi de la réclamation de Mme Y... et que cette dernière, après les avoir tous intimés par sa déclaration d'appel, s'est désistée de son appel à l'égard du créancier et du débiteur, l'arrêt retient exactement que la décision à intervenir sur la réclamation étant susceptible d'avoir une incidence sur l'admission de la créance et l'appel de la décision statuant sur la réclamation, dont la cour d'appel demeure saisie, n'opposant plus que la personne intéressée formant la réclamation et le liquidateur, cet appel est irrecevable ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société BTSG, en qualité de liquidateur de la société Mediterres, la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mars deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me F..., avocat aux Conseils, pour Mme Y... Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable l'appel dirigé par Madame Y... contre l'ordonnance rendue le 19 juin 2013 (RG n°2012/2079) par le juge commissaire à la liquidation judiciaire de la SARL Mediterres, et d'AVOIR débouté Madame Y... du surplus de ses demandes tendant notamment à voir condamner Maître B... ès qualités à produire, sous astreinte, certaines pièces ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « (
) Au visa des articles L. 624-1 et suivants du code de commerce, Mme Y... fait valoir que dans la mesure où Me B... a validé la déclaration du créancier, il n'est plus fondé à intervenir, car il est investi du pouvoir de représentation des créanciers admis et selon les dispositions de l'article L. 624-4 du code de commerce, il n'y a pas lieu à convocation du créancier lorsque celui-ci n'a pas contesté la proposition du mandataire judiciaire dans le délai de 30 jours ; qu'à l'inverse l'article L. 624-8 du code de commerce qui dispose que tout intéressé peut présenter devant le juge-commissaire une réclamation sur l'admission d'une créance, autorise elle-même à intervenir, comme du reste l'article 103 de la loi numéro 85-98 du 25 janvier 1985 qui disposait que « toute personne intéressée, à l'exclusion de celles mentionnées à l'article 102, peut prendre connaissance de l'état d'admission des créances et former réclamation après audition du mandataire judiciaire et des parties intéressées » ; qu'en outre, l'article 25 du décret numéro 85-1388 et du 27 décembre 1985 disposait que le juge-commissaire statue par ordonnance, les intéressés et les mandataires « étant avisés », ce en quoi elle n'avait pas obligation d'attraire à la procédure les parties qui n'y sont pas appelées ; que son action tend seulement à faire connaître au juge-commissaire les irrégularités qu'elle a constatées sur l'admission de la créance n° 13 et la lésion que lui cause sa mise en recouvrement; qu'enfin, en ayant statué ainsi qu'il l'a fait, le conseiller de la mise en état a mis en échec les droits qu'elle tient de l'article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l'homme, car son ordonnance crée une ingérence dans le droit d'accès qui est le sien d'exercer un recours. Elle estime, par ailleurs que s'il fallait faire application de l'article 553 du code de procédure civile sur l'indivisibilité, l'article 553 du code de procédure civile lui permet de régulariser la procédure puisque l'appel interjeté en temps utile contre l'une des parties conserve le droit de l'appelant vis-à-vis des autres. Elle indique enfin qu'elle a demandé à Me B... la communication de certaines pièces concernant la régularité de la créance litigieuse que celui-ci s'abstient de produire car ces pièces mettraient en évidence les fautes qu'il a commises dans le cadre de son mandat ; qu'il en résulte une atteinte au principe du contradictoire qui doit être sanctionné par la cour. Mais, la matière est indivisible et Mme Y... ne saurait valablement opposer aux règles de procédure instituées dans le cadre de la procédure d'appel, l'article 25 du décret numéro 85-1388 du 27 décembre 1985 qu'elle invoque. Ainsi, l'article 553 du code de procédure civile dispose-t-il qu'en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel de l'une produit effet à l'égard des autres même si celles-ci ne se sont pas jointes à l'instance et que l'appel formé contre l'une n'est recevable que si toutes sont appelées à l'instance, tandis que le 28 avril 1998 la Cour de Cassation a jugé que « si lorsque la matière est indivisible, l'appel interjeté en temps utile contre l'une des parties conserve le droit de l'appelant vis-à-vis des autres et couvre l'irrégularité ou la tardiveté d'intimation, encore faut-il que tous les intéressés aient été mis en cause devant la juridiction d'appel » et aussi le 6 juillet 2010 qu'il existait un lien d'indivisibilité en matière de vérification du passif entre le créancier, le débiteur et le mandataire judiciaire, solution qui ne saurait être différente en matière de réclamation dirigée contre l'état des créances, sauf à admettre que plusieurs décisions se contredisant mutuellement puissent coexister, ce qui est inconcevable en raison de l'impossibilité de les exécuter simultanément, le liquidateur soulignant à cet égard, pour démontrer l'existence d'un lien unissant tous les intervenants, que selon l'article 84 du décret du 27 décembre 1985 (devenu l'article R. 624-10 du code de commerce) les réclamations des tiers sont mentionnées sur l'état par le greffier, ce qui ne se conçoit que si la réclamation est susceptible d'avoir une incidence sur l'admission, l'état des créances fixant contradictoirement le passif du débiteur erga omnes, comme jugé par la Cour de Cassation le 28 janvier 1997. Ainsi, l'admission de la créance de NACC au passif de la SARL Mediterres est indivisible à l'égard du créancier, du débiteur et du liquidateur judiciaire et l'appel ne peut faire l'objet d'une instance opposant seulement Mme Y... au liquidateur judiciaire, lequel, contrairement à ce qui est soutenu, représente l'intérêt collectif des créanciers et non leurs intérêts individuels. Enfin, les désistements d'appel ont eu pour effet de rendre irrévocable la décision dont appel à l'égard de la société NACC et du débiteur, ce en quoi l'appel résiduel est irrecevable, comme cela a été jugé par le conseiller de la mise en état dont la cour approuve les motifs de l'ordonnance qu'il a rendue, observation étant faite que le droit d'accès à un tribunal invoqué par Mme Y... sur la base de la Convention européenne des droits de l'homme, ne l'autorise pas à s'affranchir des règles procédurales en vigueur destinées à garantir les droits de toutes les parties au procès. L'appel de Mme Y... étant jugé irrecevable, il ne saurait être enjoint à Me B... de produire des pièces pour alimenter le débat au fond »
ET AUX MOTIFS ADOPTES DU PREMIER JUGE QUE : « (
) la procédure collective de la SARL Mediterres, ouverte par jugement du 30 septembre 1994 soit antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005, est soumise aux dispositions de la loi du 25 janvier 1985 et du décret du 27 décembre 1985; (
) que l'article 103 de la loi du 25 janvier 1985 dispose : « Les décisions d'admission ou de rejet des créances ou d'incompétence prononcées par le juge-commissaire sont portées sur un état qui est déposé au greffe du tribunal. Toute personne intéressée, à l'exclusion de celles mentionnées à l'article 102, peut en prendre connaissance et former réclamation dans un délai qui sera fixé par décret en Conseil d'Etat. Le juge-commissaire statue sur la réclamation, après avoir entendu ou dûment appelé le mandataire judiciaire et les parties intéressées. Le recours contre la décision du juge-commissaire statuant sur la réclamation est porté devant la cour d'appel ; (
) que l'article 84 alinéa 1er du décret du 27 décembre 1085 dispose : « Les réclamations des tiers sont formées par déclaration faite contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception au greffe et sont mentionnées sur l'état par le greffier. Le greffier convoque devant le juge-commissaire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception les parties intéressées ou leur mandataire et avise le représentant des créanciers et l'administrateur s'il y a lieu ; (
) que la procédure de réclamation à l'état des créances instituée par ces textes tend à la rétractation, par le juge commissaire, sur la demande d'un tiers, d'une décision d'admission, de rejet ou d'incompétence portée sur l'état des créances ; qu'elle s'analyse ainsi en une variété de tierce opposition à la décision prise par le juge commissaire en matière de vérification des créances et concerne en conséquence les mêmes parties, outre le tiers réclamant ; que parmi « les parties intéressées » visées par les textes précités, figure nécessairement le créancier dont l'admission au passif est remise en cause par le réclamant ; que la SAS NACC, venant aux droits de la SA UCB, créancier, a d'ailleurs été régulièrement convoquée par le greffe devant le juge commissaire statuant sur la réclamation de Madame Y... et a comparu ; (
) que le lien d'indivisibilité existant entre le créancier, le débiteur et le mandataire judiciaire en matière de vérification du passif existe de la même manière en matière de réclamation à l'état des créances, qui en constitue le prolongement ; (
) qu'aux termes de l'article 553 du code de procédure civile, en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel de l'une produit effet à l'égard des autres même si celles-ci ne se sont pas jointes à l'instance ; que l'appel formé contre l'une n'est recevable que si toutes sont appelées à l'instance ; (
.) qu'en l'état des désistements d'appel formalisés par Madame Y..., le créancier et le débiteur ne sont plus appelés à l'instance ;que contrairement à ce que soutient l'appelante, si le mandataire représente l'intérêt collectif des créanciers, il ne représente pas leurs intérêts individuels ; que la participation à la vérification du passif échappe au dessaisissement du débiteur ; que l'appel de Madame Y..., dirigé contre le seul liquidateur, sera en conséquence déclaré irrecevable; qu'en l'état de cette irrecevabilité, la demande de communication de pièces sous astreinte sera rejetée ; ».
ALORS QUE 1°) tout intéressé peut présenter devant le juge-commissaire une réclamation à l'encontre de l'état des créances, dans le délai qui lui est imparti, par voie de déclaration faite au greffe ou remise contre récépissé ou adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, le greffier étant chargé de convoquer les parties intéressées ou leur mandataire ; que la réclamation exercée par un tiers intéressé qui n'est pas partie à la procédure collective, est distincte de la procédure de vérification des créances se déroulant sous l'égide du juge-commissaire, entre le débiteur, le créancier et le mandataire judiciaire ; que tiers à la procédure de liquidation judiciaire de la société Mediterres ayant pour gérant, Monsieur E..., son époux qui avait consenti une garantie hypothécaire à la société UCB aux droits de laquelle vient la société NACC, Madame Y... a interjeté appel de l'ordonnance du juge-commissaire l'ayant déboutée de sa réclamation à l'encontre de l'état des créances ayant admis la créance de la société NACC ; que la Cour d'appel a cependant déclaré irrecevable l'appel de Madame Y..., dirigé contre le seul liquidateur, Me B..., au motif qu'il existerait « un lien d'indivisibilité en matière de vérification du passif entre le créancier, le débiteur et le mandataire judiciaire, solution qui ne saurait être différente en matière de réclamation dirigée contre l'état des créances » (arrêt attaqué p. 4, § 5) ; qu'en statuant ainsi cependant que la procédure de réclamation d'un tiers intéressé est précisément distincte de celle de la vérification du passif, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article 103 de la loi du 25 janvier 1985, celles de l'article 25 du décret du 27 décembre 1985, celles de articles R. 624-8 et R. 624-10 du Code de commerce, ensemble celles de l'article 553 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE 2°) tout intéressé peut présenter devant le juge-commissaire une réclamation à l'encontre de l'état des créances, dans le délai qui lui est imparti, par voie de déclaration faite au greffe ou remise contre récépissé ou adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; qu'aux termes de l'article 25 du décret du 27 décembre 1985, le juge-commissaire statue par ordonnance sur les contestations relevant de sa compétence, « l'examen du recours (étant) fixé à la première audience utile du tribunal, les intéressés et les mandataires étant avisés » ; que la Cour d'appel a expressément dénié à Madame Y... le droit d'invoquer ces dispositions lesquelles ne prévoyaient pourtant nullement, ainsi qu'elle le faisait valoir, dans ses conclusions d'appel (p. 7, § antépénultième) l'obligation d'attraire les parties à la liquidation judiciaire à la procédure de réclamation, mais seulement le fait qu'elles soient « avisé(e)s » de celle-ci ; qu'en statuant ainsi cependant que le prétendu lien d'indivisibilité existant en matière de vérification du passif entre le créancier, le débiteur et le mandataire judiciaire est insusceptible de constituer un obstacle à l'application des dispositions de l'article 25 du décret du 27 décembre 1985, la Cour d'appel en a violé les dispositions ;
ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE 3°) faute tant pour le débiteur que pour le créancier d'avoir contesté régulièrement dans le délai imparti la créance déclarée, ils sont irrecevables à contester ultérieurement la décision du juge-commissaire ; qu'en ayant dès lors déclaré irrecevable l'appel interjeté par Madame Y... contre l'ordonnance du juge-commissaire l'ayant déboutée de sa réclamation à l'encontre de l'état des créances, à défaut d'avoir intimé le débiteur et le créancier, sans avoir recherché si faute de contestation sur l'admission de la créance, ces derniers étaient fondés à être appelés dans la cause, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 103 de la loi du 25 janvier 1985, de l'article 25 du décret du 27 décembre 1985, des articles L. 624-3, R. 624-8 et R. 624-10 du Code de commerce, ensemble celles de l'article 553 du Code de procédure civile.