LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à Mme X..., épouse Y..., (Mme X...) du désistement de son pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre la direction régionale des finances publiques Limoges Haute-Vienne ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par un acte notarié du 28 mars 2003, Mme X... s'est rendue caution solidaire des engagements de la société civile immobilière Maxiane (la SCI) envers la société Banque populaire Val-de-France (la banque) ; que la SCI ayant été mise en liquidation judiciaire, le liquidateur a vendu un immeuble appartenant à la société débitrice, sur lequel la banque avait pris une inscription d'hypothèque conventionnelle ; qu'alléguant ne pas avoir été totalement désintéressée par le liquidateur à la suite de cette vente, la banque a saisi le tribunal d'une demande de saisie des rémunérations de Mme X... pour un certain montant ; que celle-ci a soutenu être déchargée de ses obligations envers la banque, en raison de la perte d'un droit préférentiel qu'elle imputait à sa faute ;
Sur le second moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de dire que la banque n'a pas commis de faute de nature à la décharger du paiement des sommes dues en sa qualité de caution et de fixer la créance de la banque à son encontre à la somme de 51 680,26 euros, outre intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ que le créancier qui bénéficie d'une hypothèque peut exercer un droit de poursuite individuelle quand bien même le débiteur principal serait en liquidation judiciaire ; qu'en relevant qu'il ne peut être fait grief à la banque de ce que le liquidateur « n'ait décidé de vendre qu'une partie des biens de la société liquidée » pour en déduire que la banque n'a pas commis de faute en poursuivant directement la caution sans exercer son droit de poursuite individuelle sur le bien immobilier hypothéqué préalablement, cependant que la banque avait la faculté d'exercer des poursuites individuelles sur les biens hypothéqués que le liquidateur n'avait pas vendus, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 643-2 du code de commerce et 2314 du code civil ;
2°/ que commet une faute de nature à décharger la caution de son engagement le créancier qui agit contre celle-ci sans avoir préalablement agi en réalisation des sûretés réelles garantissant la même dette ; qu'en l'espèce, la banque reconnaissait avoir sollicité la caution sans avoir réalisé la garantie hypothécaire dont elle bénéficiait sur l'immeuble objet du prêt en faisant valoir qu'elle n'était pas responsable de l'inaction du liquidateur ; qu'en considérant que la banque n'avait pas commis de faute, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 2314 du code civil ;
Mais attendu que ne constitue pas une faute, au sens de l'article 2314 du code civil, le seul fait pour le créancier, qui bénéficie à la fois d'un cautionnement et d'une sûreté réelle garantissant la même dette, de ne pas poursuivre, par priorité, la réalisation du bien grevé, avant d'agir contre la caution, de sorte que la banque n'avait pas, par sa faute, fait perdre à Mme X... un droit préférentiel dans lequel elle avait vocation à être subrogée ; que le moyen, qui procède d'un postulat erroné, n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour dire que l'action de la banque n'était pas prescrite et fixer la créance de celle-ci contre Mme X... à la somme de 51 680,26 euros, l'arrêt retient que c'est à bon droit que la banque soutient que la SCI, dont l'objet social et l'activité portent sur la location de terrains et biens immobiliers, n'est pas un consommateur puisqu'elle n'est pas une personne physique agissant dans le cadre d'une activité non professionnelle, et qu'il s'ensuit que la prescription applicable est de cinq ans, conformément aux dispositions de l'article L. 110-4 du code de commerce et 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008 ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de Mme X... qui faisait valoir, à l'appui de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription, que les parties avaient, par une manifestation de volonté dépourvue d'équivoque, entendu soumettre le prêt litigieux aux dispositions du code de la consommation, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que l'action de la Banque populaire du Val-de-France n'est pas prescrite et fixe la créance de la banque contre Mme X..., épouse Y... à la somme de 51 680,26 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 septembre 2014, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 13 septembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;
Condamne la société Banque populaire Val-de-France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à Mme X..., épouse Y..., la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze avril deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Haas, avocat aux Conseils, pour Mme X..., épouse Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que l'action de la Banque Populaire Val de France n'est pas prescrite et D'AVOIR fixé la créance de la Banque populaire du Val de France à l'encontre de Mme Y... à la somme de 51 680,26 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 septembre 2014 ;
AUX MOTIFS QUE c'est à bon droit que la Banque Populaire soutient que la SCI Maxiane dont l'objet social et l'activité portent sur la location de terrains et biens immobiliers n'est pas un consommateur puisqu'elle n'est pas une personne physique agissant dans le cadre d'une activité non professionnelle ; qu'il s'ensuit que la prescription applicable est de cinq ans conformément aux dispositions de l'article L. 110-4 du code de commerce et 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008 ; que le point de départ du délai se situe à la date laquelle le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en l'espèce si le dernier incident de paiement du prêt souscrit par la SCI Maxiane se situe en septembre 2006, il est constant qu'elle a été placée en liquidation judiciaire le 24 mars 2009 par le tribunal de commerce de Bourges et que la Banque Populaire a déclaré sa créance entre les mains du mandataire liquidateur Me B... par lettre recommandée avec avis de réception en date du 16 avril 2009 ; que la déclaration de créances régularisée dans les délais requis, comme c'est le cas en l'espèce, a un effet interruptif de prescription tant à l'égard du débiteur principal que de la caution, et ce jusqu'à la clôture de la procédure collective ; qu'il n'est pas contesté qu'à la date du 15 septembre 2015, cette procédure est toujours en cours ; qu'il s'ensuit que lorsque la Banque Populaire a assigné Mme Y... en sa qualité de caution de la SCI Maxiane le 11 septembre 2014 devant le tribunal d'instance de Rochefort en vue d'obtenir la saisie de ses rémunérations au titre de sa créance, son action n'était pas prescrite ;
ALORS QUE, dans ses conclusions d'appel (pp. 5 et 6), Mme Y... faisait valoir, à l'appui de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription, qu'en application de l'article 1134 du code civil, les parties avaient volontairement entendu soumettre le prêt aux dispositions du code de la consommation ; qu'en laissant sans réponse ce moyen, qui n'était pas inopérant, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que la Banque Populaire du Val de France n'a pas commis de faute de nature à décharger Mme Y... du paiement des sommes dues en sa qualité de caution et D'AVOIR fixé la créance de la Banque populaire du Val de France à l'encontre de Mme Y... à la somme de 51 680,26 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 septembre 2014 ;
AUX MOTIFS QUE la Banque Populaire produit en cause d'appel le bordereau d'inscription de privilège de préteur de deniers et d'hypothèque conventionnelle et demande l'infirmation du jugement de sorte que sa créance soit retenue au montant de 75 667,18 euros ; qu'elle souligne que la SCI Maxiane ayant été placée en liquidation judiciaire, c'est au liquidateur qu'il appartient de procéder à la vente des biens dépendant du patrimoine de la société liquidée, elle n'a aucune obligation de se substituer au liquidateur qui serait défaillant dans la réalisation des actifs ; que Mme Y... maintient sa demande tendant à être déchargée de son obligation à paiement sur le fondement de l'article 2314 du code civil en raison de la faute commise par la Banque Populaire qui malgré le privilège de prêteur de deniers et l'hypothèque conventionnelle dont elle dispose n'a pas engagé les procédures lui permettant de recouvrer la totalité de sa créance par la mise en vente de tous les biens immobiliers appartenant à la SCI ; que selon l'article 2314 du code civil : « La caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits hypothèques et privilèges du créancier ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution » ; que la Banque Populaire a justifié également en cause d'appel de l'inscription de son hypothèque conventionnelle ; que la SCI Maxiane a été placée en liquidation judiciaire le 24 mars 2009 Me B... a été désigné en qualité de mandataire liquidateur, il ne peut être fait grief à la Banque Populaire de ce que ce dernier n'ait décidé de vendre qu'une partie des biens immobiliers de la société liquidée ;
ALORS, 1°), QUE le créancier qui bénéficie d'une hypothèque peut exercer un droit de poursuite individuelle quand bien même le débiteur principal serait en liquidation judiciaire ; qu'en relevant qu'il ne peut être fait grief à la banque de ce que le liquidateur « n'ait décidé de vendre qu'une partie des biens de la société liquidée » pour en déduire que la banque n'a pas commis de faute en poursuivant directement la caution sans exercer son droit de poursuite individuelle sur le bien immobilier hypothéqué préalablement, cependant que la banque avait la faculté d'exercer des poursuites individuelles sur les biens hypothéqués que le liquidateur n'avait pas vendus, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 643-2 du code de commerce et 2314 du code civil ;
ALORS 2°) QUE commet une faute de nature à décharger la caution de son engagement le créancier qui agit contre celle-ci sans avoir préalablement agi en réalisation des sûretés réelles garantissant la même dette ; qu'en l'espèce, la banque reconnaissait avoir sollicité la caution sans avoir réalisé la garantie hypothécaire dont elle bénéficiait sur l'immeuble objet du prêt en faisant valoir qu'elle n'était pas responsable de l'inaction du liquidateur ; qu'en considérant que la banque n'avait pas commis de faute, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 2314 du code civil.