LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Versailles, 18 janvier 2017), que M. Nikola Y..., propriétaire d'un bien immobilier, constituant le logement familial, a fait l'objet d'une procédure de saisie immobilière à la suite de la liquidation judiciaire prononcée à son encontre ; que ses deux enfants, MM. Paul et Patrick Y..., ont chargé la société Sillard et associés (l'avocat) de la défense des intérêts de leur père et de la famille ; qu'une convention d'honoraires a été signée le 15 novembre 2012 prévoyant un honoraire de diligence ainsi qu'un honoraire complémentaire de résultat calculé sur la base de 10 % de la différence entre l'estimation qui serait faite par les organes de la procédure collective et le prix auquel un membre de la famille serait déclaré adjudicataire ; que M. Paul Y... a été déclaré adjudicataire, pour le prix de 220 000 euros, du bien, estimé à 350 000 euros et mis à prix à 330 000 euros ; que l'avocat, par application de la convention d'honoraires, a facturé à M. Paul Y... la somme de 13 000 euros HT ; qu'en l'absence de règlement, l'avocat a, le 17 février 2015, saisi le bâtonnier de son ordre, qui, par décision du 16 octobre 2015, a déclaré nulle la convention d'honoraires et a rejeté la demande de fixation d'un honoraire de résultat ; que l'avocat a formé un recours contre cette décision ;
Attendu que M. Paul Y... fait grief à l'ordonnance de dire qu'il est redevable d'un honoraire complémentaire de résultat de 13 000 euros HT et de le condamner, en tant que de besoin, à payer cette somme à l'avocat, alors, selon le moyen :
1°/ que l'obligation sur une cause illicite comme contraire à l'ordre public ne peut avoir aucun effet ; que l'utilisation par des membres de la famille d'un débiteur en liquidation judiciaire des incidents de procédure prévus par la loi en matière de saisie immobilière aux fins de dissuader des étrangers à la famille d'enchérir et d'obtenir, au bénéfice d'un ou de plusieurs membres de la famille, un prix d'adjudication inférieur à celui de la mise à prix procède d'une cause illicite en ce qu'elle est susceptible de léser les droits des créanciers du débiteur tels que protégés par les dispositions d'ordre public du code de commerce relatives aux procédures collectives ; qu'en énonçant, après avoir relevé que la mission donnée à l'avocat était, à défaut de pouvoir payer pour éteindre le passif, « de conserver l'immeuble dans la famille en le faisant racheter par un ou plusieurs de ses membres à l'occasion de l'adjudication à un prix inférieur au marché et, pour ce faire, en dissuadant les amateurs par des incidents de procédure », que l'entrave aux enchères au préjudice des créanciers de M. Nikola Y..., qui rendrait illicite la mission de l'avocat, n'est pas caractérisée et ne saurait tenir au fait d'utiliser les incidents de procédure prévus par la loi dans l'objectif d'atteindre un prix d'adjudication inférieur à celui de la mise à prix, le délégué du premier président a violé l'article 6 du code civil, ensemble les articles 1131 et 1133 anciens, devenus 1162, du même code ;
2°/ qu'il résulte des termes clairs et précis de la convention d'honoraires du 15 novembre 2012 que l'objet de la mission donnée à l'avocat tendait manifestement à léser les droits des créanciers de M. Nikola Y... en liquidation judiciaire en faussant le jeu normal des enchères puisqu'il y était expressément stipulé qu'à défaut de pouvoir éteindre le passif en payant, le but était de « conserver l'immeuble dans la famille en le faisant racheter par un ou plusieurs de ses membres à l'occasion de l'adjudication à un prix inférieur au marché et pour ce faire en dissuadant les amateurs par des incidents de procédure » ; qu'en énonçant que l'entrave aux enchères au préjudice des créanciers de M. Nikola Y..., qui rendrait illicite la mission de l'avocat, n'est pas caractérisée et ne saurait tenir au fait d'utiliser les incidents de procédure prévus par la loi dans l'objectif d'atteindre un prix d'adjudication inférieur à celui de la mise à prix, le délégué du premier président, qui n'a pas tenu compte de l'intégralité des stipulations claires et précises de la convention d'honoraires, en a méconnu la portée véritable ; que, ce faisant, il a violé l'article 1134 ancien du code civil ;
Mais attendu que, après avoir relevé que la convention énonçait que le but de la défense à la saisie immobilière était « soit de payer pour éteindre le passif, soit de conserver l'immeuble dans la famille en le faisant racheter par un ou plusieurs de ses membres à l'occasion de l'adjudication, à un prix inférieur au marché et, pour ce faire, en dissuadant les amateurs par des incidents de procédure », le premier président, sans méconnaître la convention, a exactement retenu que l'entrave aux enchères au préjudice des créanciers de M. Nikola Y..., qui rendrait illicite la mission de l'avocat, ne saurait tenir au fait d'utiliser les incidents de procédure prévus par la loi dans l'objectif d'atteindre un prix d'adjudication inférieur à celui de la mise à prix et a pu décider qu'elle n'était pas caractérisée en l'espèce, ce dont il a, à bon droit, déduit que la convention d'honoraires n'était pas nulle ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Paul Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à la société Sillard et associés la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois mai deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour M. Paul Y...
IL EST FAIT GRIEF A L'ORDONNANCE ATTAQUEE d'avoir dit que Monsieur Paul Y... est redevable d'un honoraire complémentaire de résultat de 13.000 € HT, le condamnant en tant que de besoin à payer cette somme à la SCP SIL-LARD etamp; ASSOCIES,
AUX MOTIFS QUE :
« Il ressort des pièces de la procédure que Monsieur Nikola Y..., propriétaire d'un bien immobilier, constituant le logement familial, à MANTES LA JOLIE, a fait l'objet d'une pro-cédure de saisie immobilière dans le cadre de la liquidation judiciaire prononcée à son en-contre ; Ses deux enfants, Paul et Patrick Y..., ont chargé la SCP SILLARD etamp; ASSOCIES de la défense des intérêts de leur père et de la famille ; Une convention d'honoraires a été signée le 15 novembre 2012 prévoyant une rémunération calculée au temps passé au taux horaire de 250 € HT ainsi qu'un honoraire complémentaire de résultat calculé sur la base de 10% de la différence entre l'estimation qui sera faite par les organes de la procédure collective et le prix auquel un membre de la famille sera déclaré adjudicataire ;
Le bien a été estimé à 350.000 € et mis à prix à 330.000 € ; Monsieur Paul Y... a été déclaré adjudicataire pour le prix de 220.000 € qu'il a payé ; La SCP SILLARD etamp; ASSOCIES, par application de la convention d'honoraires, a facturé à Monsieur Paul Y... la somme de 13.000 € HT calculée sur la différence de 130.000 € ;
Il est constant que la SCP SILLARD etamp; ASSOCIES a été réglée de ses honoraires de diligences ; La contestation ne porte que sur l'honoraire de résultat ;
Selon la convention d'honoraires signée par Messieurs Paul et Patrick Y... le 15 no-vembre 2012, « il est convenu que Monsieur Paul Y... et Monsieur Patrick Y..., agissant so-lidairement entre eux, confient à la SCP SILLARD etamp; ASSOCIES une mission d'assistance et un mandat de représentation emportant pouvoir d'accomplir toutes diligences et démarches utiles en vue de mener à bien la défense de leurs intérêts dans le litige opposant leur père à Maître Cosme C..., mandataire liquidateur à VERSAILLES, et plus précisément dans la défense à la saisie immobilière que ce dernier a mise en place à l'encontre de leur père Nikola Y... sur un bien sis (
) leur maison familiale, le but étant soit de payer pour éteindre le passif, soit de conserver l'immeuble dans la famille en le faisant racheter pour un ou plusieurs de ses membres à l'occasion de l'adjudication, à un prix inférieur au marché et, pour ce faire, en dissuadant les amateurs par des incidents de procédure » ;
Le Bâtonnier a retenu que la convention précitée est nulle dans son objet car la mis-sion dévolue à l'avocat est contrainte aux principes déontologiques et aux obligations légales, ayant pour but de faire entrave aux enchères, et ce au préjudice des créanciers de Monsieur Y... ;
Force est toutefois de constater que l'entrave aux enchères au préjudice des créan-ciers de Monsieur Nikola Y..., qui rendrait illicite la mission de l'avocat, n'est pas en l'espèce caractérisée et ne saurait tenir au fait d'utiliser les incidents de procédure prévus par la loi dans l'objectif d'atteindre un prix d'adjudication inférieur à celui de la mise à prix ; Force est en outre de relever que le prix de 220.000 € correspondant au résultat de l'adjudication a été en l'occurrence regardé comme juste prix par le liquidateur qui a renoncé à requérir l'ouverture des feux à l'audience de réitération du 18 juin 2014 ;
La convention ne saurait en conséquence être annulée ; L'honoraire de résultat, dont Monsieur Paul Y... a renouvelé son engagement à le payer par écrit du 10 mars 2015, est dû. »
1- ALORS QUE l'obligation sur une cause illicite comme contraire à l'ordre public ne peut avoir aucun effet ; Que l'utilisation par des membres de la famille d'un débiteur en liquidation judiciaire des incidents de procédure prévus par la loi en matière de saisie immobilière aux fins de dissuader des étrangers à la famille d'enchérir et d'obtenir, au bénéfice d'un ou de plusieurs membres de la famille, un prix d'adjudication inférieur à celui de la mise à prix procède d'une cause illicite en ce qu'elle est susceptible de léser les droits des créanciers du débiteur tels que protégés par les dispositions d'ordre public du code de commerce relatives aux procédures collectives ; Qu'en énonçant, après avoir relevé que la mission donnée à l'avocat était, à défaut de pouvoir payer pour éteindre le passif, « de conserver l'immeuble dans la fa-mille en le faisant racheter par un ou plusieurs de ses membres à l'occasion de l'adjudication à un prix inférieur au marché et, pour ce faire, en dissuadant les amateurs par des incidents de procédure », que l'entrave aux enchères au préjudice des créanciers de Monsieur Nikola Y..., qui rendrait illicite la mission de l'avocat, n'est pas caractérisée et ne saurait tenir au fait d'utiliser les incidents de procédure prévus par la loi dans l'objectif d'atteindre un prix d'adjudication inférieur à celui de la mise à prix, le délégué du Premier Président a violé l'article 6 du code civil, ensemble les articles 1131 et 1133 anciens, devenus 1162, du même code ;
2- ALORS QUE il résulte des termes clairs et précis de la convention d'honoraires du 15 novembre 2012 (prod.2) que l'objet de la mission donnée à l'avocat tendait manifestement à léser les droits des créanciers de Monsieur Nikola Y... en liquidation judiciaire en faussant le jeu normal des enchères puisqu'il y était expressément stipulé qu'à défaut de pouvoir éteindre le passif en payant, le but était de « conserver l'immeuble dans la famille en le faisant racheter par un ou plusieurs de ses membres à l'occasion de l'adjudication à un prix inférieur au marché et pour ce faire en dissuadant les amateurs par des incidents de procédure » ; Qu'en énonçant que l'entrave aux enchères au préjudice des créanciers de Monsieur Nikola Y..., qui rendrait illicite la mission de l'avocat, n'est pas caractérisée et ne saurait tenir au fait d'utiliser les incidents de procédure prévus par la loi dans l'objectif d'atteindre un prix d'adjudication inférieur à celui de la mise à prix, le délégué du Premier Président, qui n'a pas tenu compte de l'intégralité des stipulations claires et précises de la convention d'honoraires, en a méconnu la portée véritable ; Que, ce faisant, il a violé l'article 1134 ancien du code civil.