LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche, du pourvoi principal et sur le moyen unique, pris en sa seconde branche, du pourvoi incident, rédigés en termes similaires, réunis :
Vu les articles L. 461-1, alinéa 4, R. 461-8, D. 461-29 et D. 461-30 du code de la sécurité sociale ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau des maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage fixé à 25 % par le deuxième ; que, selon le dernier, la caisse primaire d'assurance maladie saisit le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles après avoir recueilli, notamment, le rapport du service du contrôle médical qui, aux termes du troisième, comprend, le cas échéant, le rapport d'évaluation du taux d'incapacité permanente partielle de la victime ; que pour l'application de ces dispositions, le taux d'incapacité permanente à retenir pour l'instruction d'une demande de prise en charge d'une maladie non désignée dans un tableau des maladies professionnelles est celui évalué par le service du contrôle médical dans le dossier constitué pour la saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, et non le taux d'incapacité permanente partielle fixé après consolidation de l'état de la victime pour l'indemnisation des conséquences de la maladie ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., salariée de l'association Afipaeim (l'association), a déclaré, le 5 novembre 2010, auprès de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère (la caisse), une pathologie non désignée dans un tableau de maladies professionnelles et prise en charge, au titre de la législation professionnelle, par une décision du 16 août 2011, après avis favorable d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ; qu'après consolidation de l'état de Mme X..., le 28 mai 2013, la caisse a fixé le taux d'incapacité permanente de la victime à 8 %, taux porté à 20 % par le tribunal du contentieux technique ; qu'une juridiction de sécurité sociale a été saisie, d'une part, par l'association aux fins d'inopposabilité de la décision de prise en charge et, d'autre part, par la victime en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ;
Attendu que pour accueillir le recours de l'association et rejeter celui de la victime, l'arrêt retient que, contrairement à ce que soutient la caisse, le taux d'incapacité permanente visé dans l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, à titre de condition de reconnaissance d'une maladie professionnelle, n'est pas différent de celui permettant l'attribution d'une rente ; que la seule saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles sur la base d'un taux prévisionnel de 25 % ne permet pas de considérer que cette condition est remplie ; que, par jugement du 9 février 2016, le tribunal du contentieux de l'incapacité, saisi par Mme X..., a fixé à 20 %, à la date de consolidation, son taux d'incapacité permanente partielle ; que la condition prévue par l'article L. 461-1 relative au taux n'étant pas remplie, le caractère professionnel de la maladie ne peut être retenu ; que dès lors, la décision de prise en charge de celle-ci est inopposable à l'association et la demande de Mme X... en reconnaissance de la faute inexcusable doit être rejetée ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen unique des pourvois :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Condamne l'association Afipaeim aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'association Afipaeim et la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère la somme de 2 800 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mai deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme X... (demanderesse au pourvoi principal).
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté une assurée sociale (Mme X..., l'exposante) de ses prétentions fondées sur la faute inexcusable de son ancien employeur (l'Association AFIPAEIM);
AUX MOTIFS QUE pouvait être reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il était établi qu'elle était essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraînait le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux au moins égal à 25% ; que la seule saisine du CRRMP sur la base d'un taux prévisionnel de 25% ne permettait pas de considérer que la condition relative au taux était remplie ; que, par jugement du 9 février 2016, le tribunal de l'incapacité saisi par Mme X... d'une contestation de son taux d'incapacité permanente, avait fixé, à la date de la consolidation du 28 mai 2013, son taux d'incapacité permanente à 20 % au lieu du taux de 8% attribué par la caisse ; que, pour faire reconnaître la faute inexcusable de l'employeur, il devait être recherché si la maladie présentait un caractère professionnel et si la victime avait été exposée à un risque dans des conditions constitutives d'une faute inexcusable ; qu'ainsi qu'il avait été énoncé ci-dessus, l'une des conditions prévues par l'article L 461-1 du code de la sécurité sociale, à savoir une incapacité permanente au moins égale à 25% n'était pas remplie, de sorte que le caractère professionnel de la maladie de Mme X... ne pouvait pas être retenu ;
ALORS QUE le taux d'incapacité permanente à retenir pour l'instruction d'une demande de prise en charge d'une pathologie non désignée dans un tableau des maladies professionnelles est celui évalué par le service de contrôle médical dans le dossier constitué pour la saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, et non le taux d'incapacité permanente partielle fixé après consolidation de l'état de la victime pour l'indemnisation des conséquences de la maladie ; que l'arrêt infirmatif attaqué a néanmoins énoncé que, contrairement à ce que soutenait l'organisme social, le taux d'incapacité permanente visé à l'article L 461-1 du code de la sécurité sociale à titre de condition pour la reconnaissance d'une maladie professionnelle n'était pas différent du taux d'incapacité permettant l'attribution d'une rente, considérant par conséquent que la seule saisine du CRRMP sur la base d'un taux prévisionnel de 25% ne permettait pas de considérer que la condition relative au taux était remplie et que devait être retenu le taux d'incapacité permanente de 20% fixé à la date de consolidation du 28 mai 2013 par la juridiction du contentieux technique, si bien que l'une des conditions prévues par l'article L 461-1 du code de la sécurité sociale, soit une incapacité permanente au moins égale à 25%, n'était pas remplie, ce qui excluait que fût retenu le caractère professionnel de la maladie ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé ensemble les articles L 461-1, alinéa 4, R 461-8, D 461-29 et D 461-30 du code de la sécurité sociale ;
ALORS QUE, subsidiairement, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur des éléments de fait dont les parties n'ont pas débattu ; qu'en l'espèce, aucun des litigants ne faisait reposer la détermination du taux d'incapacité permanente de la victime sur une décision de la juridiction de l'incapacité ; que l'arrêt infirmatif attaqué a néanmoins retenu que le taux d'incapacité permanente de la victime était de 20 % compte tenu d'un jugement du tribunal de l'incapacité du 9 février 2016 qu'aucun des plaideurs n'avait invoqué ; qu'en se fondant ainsi sur un fait dont la portée ou l'incidence n'avait pas été contradictoirement discutée par les parties, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.
Moyen produit par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère (demanderesse au pourvoi incident).
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'Avoir dit inopposable à l'association AFIPAEIM la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère de prendre en charge à titre professionnel la maladie professionnelle déclarée par Madame X... et constatée dans un certificat médical initial du 20 octobre 2010.
AUX MOTIFS QUE « Sur le caractère professionnel de la maladie :
En application de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, peut être reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à 25% ce taux résultant de l'article R. 461-8 du même code.
L'article L. 434-2 du même code énonce que le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, ses facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème d'invalidité.
Contrairement à ce que soutient la caisse, le taux d'incapacité permanente visé dans l'article L. 461-1 à titre de condition de reconnaissance d'une maladie professionnelle n'est pas différent du taux d'incapacité permettant l'attribution d'une rente. Dans ces conditions, la seule saisine du CRRMP sur la base d'un taux prévisionnel de 25% ne permet pas de considérer que la condition relative au taux soit remplie.
Par jugement du 9 février 2016, le tribunal du contentieux de l'incapacité saisi par Mme X... d'une contestation de son taux d'incapacité permanente, a fixé à la date de la consolidation du 28 mai 2013 son taux d'incapacité permanente à 20 %, au lieu du taux de 8% attribué par la caisse.
Dès lors que l'une des conditions prévues par l'article L. 461-1 sus visé à savoir une incapacité permanente au moins égale à 25% n'est pas remplie, la contestation par l'employeur dans ses rapports avec la caisse du caractère professionnel de la maladie est fondée. Il en résulte que la décision de la caisse relative à la prise en charge à titre professionnel de la maladie de Mme X... survenue le 20 octobre 2010 est inopposable à l'association. »
ALORS D'UNE PART QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction; qu'il ne peut fonder sa décision sur des éléments de fait dont les parties n'ont pas débattu ; qu'en l'espèce, aucune des parties n'avait invité la cour d'appel à déduire l'inopposabilité à l'employeur de la décision de la caisse de reconnaître la maladie professionnelle de l'assurée du 20 octobre 2010 du fait qu'un jugement du tribunal de l'incapacité du 9 février 2016 avait, plus de cinq années après l'instruction du dossier et sa présentation à un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, fixé à 20% le taux d'incapacité permanente partielle de l'assurée à la date de consolidation du 28 mai 2013; qu'en se fondant sur cette décision dont la portée ou l'incidence n'avait pas été contradictoirement discutée par les parties sans avoir préalablement invité celles-ci à s'en expliquer, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.
ALORS D'AUTRE PART QUE peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L.434-2 du code de la sécurité sociale et au moins égal à 25% ; que le taux d'incapacité permanente à retenir pour déterminer si une demande de prise en charge d'une pathologie non désignée dans un tableau des maladies professionnelles est celui évalué par le service de contrôle médical dans le dossier constitué pour la saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ; qu'en retenant le contraire pour dire inopposable à l'association AFIPAEIM la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère de prendre en charge à titre professionnel la maladie professionnelle déclarée par Madame X... et constatée dans un certificat médical initial du 20 octobre 2010, la cour d'appel a violé L. 461-1, alinéa 4, R. 461-8, D. 461-29 et D. 461-30 du code de la sécurité sociale.