LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau,15 septembre 2016), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ. 8 octobre 2015, pourvoi n° 14-20.101), que le groupement forestier de la Grande Lande (le groupement) a notifié à Mme X..., pour cause d'âge de la retraite, un congé du bail rural qu'il lui avait consenti ; que, par acte du 17 décembre 2007, Mme X... a notifié au bailleur une demande d'agrément de la cession du bail à son fils que le groupement a rejetée ; que, par déclaration du 21 janvier 2008, Mme X... et M. X... (les consorts X...) ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en autorisation de cession et indemnisation des pertes subies par le cessionnaire, du fait de l'opposition du bailleur et de ses recours à l'encontre de l'autorisation administrative d'exploiter ; que, l'autorisation judiciaire de cession ayant été octroyée par une précédente décision devenue irrévocable, ils ont sollicité des dommages-intérêts ;
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande ;
Mais attendu qu'ayant retenu exactement que la faculté d'opposition à la cession d'un bail rural et l'exercice des voies de recours judiciaires et administratives constituaient un droit pour le bailleur et souverainement que M. X... ne démontrait pas qu'il aurait été empêché d'exploiter par des mesures contraignantes constitutives d'un abus de ce droit, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise et qui, abstraction faite de motifs surabondants, n'était pas tenue de répondre à des allégations dépourvues d'offre de preuves, a pu en déduire que la responsabilité du bailleur n'était pas engagée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme X... et les condamne à payer au groupement forestier de la Grande Lande la somme globale de 3 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mai deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du Tribunal paritaire des baux ruraux du 30 avril 2013 en ce qu'il a débouté Monsieur Lionel X... de sa demande indemnitaire, d'avoir débouté les consorts X... de leurs prétentions sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et d'avoir condamné solidairement les consorts X... à payer au groupement forestier de la Grande Lande une indemnité de 1.500 euros sur ce fondement ;
1) Aux motifs propres que M. Lionel X... demande réparation du préjudice causé du fait de la perte de possibilité d'exploiter pour les années 2008 à 2015 inclus ; qu'il est constant que M. Lionel X... a obtenu l'autorisation administrative d'exploiter un fonds agricole d'une superficie de 120,98 ha situé sur les communes de Sabres et Trensacq, accordée par décision du 21 mars 2008 par le préfet des Landes ; que le groupement forestier de la Grande Lande a introduit un recours en annulation contre cette décision ; que par jugement en date du 20 mai 2010, le Tribunal administratif de Pau a rejeté la demande en annulation ; que par arrêt du 14 juin 2012, la Cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé le 28 juillet 2010 par le groupement forestier de la Grande Lande ; qu'il n'est pas sérieusement contestable que le processus de transmission de l'exploitation de Mme Françoise X... à son fils a été bloquée par les procédures initiées par le bailleur qui prétendait s'opposer à la cession aux motifs que le cessionnaire ne présentait pas les conditions pour exploiter ; que, cependant, l'opposition du bailleur à la cession rural au profit du descendant du preneur est un droit aux termes des dispositions du Code rural, peu important qu'aux termes de sa définition, le groupement soit à même ou non d'exploiter lui-même les terres données à bail et même lorsque celles-ci ont fait l'objet d'une plus-value du fait d'investissements par le preneur ; qu'à cet effet, il convient de rappeler que le fermier sortant bénéficie d'une indemnisation pour les aménagements qu'il a réalisés sur le fonds de sorte que le bailleur n'a pas nécessairement intérêt à mettre fin au bail lorsque les investissements ont été importants ; qu'ainsi, le recours contentieux formé à l'encontre de l'autorisation administrative d'exploiter délivrée au candidat à la cession, autorisation qui constitue l'une des conditions posées à la cession du bail, ne caractérise pas à elle seule une faute du bailleur de nature à engager sa responsabilité ; que, pour soutenir que l'opposition du bailleur aurait dégénéré en abus de droit, M. Lionel X... se prévaut de deux courriers que lui a adressé le groupement forestier de la Grande Lande ; que le premier courrier recommandé daté du 14 janvier 2015 est rédigé comme suit : «
nous vous confirmons en tant que besoin notre refus quant à la cession que vous nous notifiez, vous rappelant que nous avons formé un pourvoi en cassation à 1'encontre de l'arrêt rendu par la Cour le 30 avril 2014
» ; que le second courrier recommandé daté du 3 décembre 2015 réclame à M. Lionel X... le paiement « d'une indemnité d'occupation pour l'année 2015, relative aux parcelles que vous exploitez » ; que M. Lionel X... fait valoir que du fait de ces courriers, il n'a pu exploiter les terres alors que l'arrêt du 30 avril 2014 devenu irrévocable suite à l'arrêt de la Cour de cassation, a autorisé la cession sans condition, ni réserve ; qu'il considère que ces courriers attestent de la persistance et de la volonté du bailleur de bafouer ses droits ; que, cependant, les voies de recours (appel, cassation) sont un droit pour le justiciable et aucun élément de la procédure ne permet de dire que le groupement forestier de la Grande Lande aurait recouru à l'une de ces voies de recours de manière dilatoire et dans le souci de nuire et de porter atteinte aux droits d'autrui, donc de manière abusive ; qu'il n'a fait que faire valoir ses droits ; que les courriers litigieux, s'ils peuvent être considérés comme comprenant éventuellement quelques maladresses de rédaction, n'étaient, en aucun cas de nature à empêcher M. Lionel X... de reprendre l'exploitation ; que, d'ailleurs, ce dernier n'établit nullement qu'il aurait tenté d'exploiter les terres louées et qu'il en aurait été empêché d'une quelconque façon suite à l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Pau du 30 avri1 2014 ; qu'effectivement, hormis la notification de son intention de mettre en oeuvre les voies de droit contre la décision de l'autorité administrative et l'exercice effectif de ce recours, le groupement ne s'est jamais opposé à l'exploitation du fonds par M. Lionel X..., le fait que le bailleur ait réclamé à ce dernier le paiement d'une indemnité d'occupation pour l'année 2015 tendant plutôt à établir, à l'inverse, qu'il considérait comme acquise la prise de possession des terres louées par le fils de la preneuse ; qu'il s'ensuit de l'ensemble de ces développements qu'aucun abus de droit ne saurait être caractérisé à l'encontre du bailleur qui n'a fait qu'utiliser les procédures et les voies de recours qui lui étaient ouvertes pour s'opposer à une cession, certes de manière injustifiée, puisqu'il lui a été donné tort, cette circonstance étant toutefois insuffisante pour permettre l'engagement de sa responsabilité civile et sa condamnation au versement de dommages et intérêts ; qu'il n'a fait que se méprendre sur l'étendue de ses droits ; que, par conséquent, les consorts X... seront déboutés de 1'intégralité de leurs prétentions tendant à l'indemnisation du préjudice subi et le jugement prononcé par le Tribunal paritaire des baux ruraux de Mont-de-Marsan du 30 avril 2013 sur ce point sera confirmé ;
Alors, de première part, que, saisies d'une action en reconnaissance d'un abus de droit, les juridictions du fond doivent rechercher quelle a été la finalité de l'exercice du droit litigieux, au regard de la situation concrète des personnes ayant exercé ce droit et s'il n'en est pas résulté l'existence d'un abus de ce droit ; qu'en ne recherchant pas, comme cela lui était demandé par les consorts X... (conclusions, p. 5 § 1 à 7), si l'exercice par le bailleur, le groupement forestier de la Grande Lande, de son droit d'opposition à la cession du bail rural par la preneuse, Madame X..., à son fils, Monsieur Lionel X..., n'avait pas en réalité pour finalité d'éviter de purger le droit de préemption du preneur et de réaliser une fructueuse opération de revente en bénéficiant des plus-values apportées aux terres par les preneurs successifs, au détriment des consorts X..., la Cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Alors, de deuxième part, que, saisies d'une action en reconnaissance d'un abus de droit, les juridictions du fond doivent rechercher quelle a été concrètement la finalité de l'exercice du droit litigieux et s'il n'en est pas résulté l'existence d'un abus de ce droit ; qu'en se bornant à constater que « l'opposition du bailleur à la cession rural au profit du descendant du preneur est un droit aux termes des dispositions du Code rural, peu important qu'aux termes de sa définition, le groupement soit à même ou non d'exploiter lui-même les terres données à bail et même lorsque celles-ci ont fait l'objet d'une plus-value du fait d'investissements par le preneur .et. que le fermier sortant bénéficie d'une indemnisation pour les aménagements qu'il a réalisés sur le fonds de sorte que le bailleur n'a pas nécessairement intérêt à mettre fin au bail lorsque les investissements ont été importants » (arrêt, p. 6 § 8 et 9) pour exclure tout abus de droit, sans s'expliquer sur la finalité concrètement recherchée par le groupement forestier de la Grande Lande par l'exercice de son droit d'opposition à la cession du bail rural à Monsieur Lionel X..., la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Alors, de troisième part, que les juges du fond ne peuvent se prononcer sur le fondement de motifs généraux ; qu'en statuant par de tels motifs abstraits et généraux pour exclure tout abus de droit, la Cour de renvoi a privé sa décision de motifs en méconnaissance des exigences de l'article 455 du Code de procédure, civile ;
Alors, par ailleurs, de quatrième part, qu'il y a abus du droit d'agir en justice lorsque celui qui a agi a soulevé des moyens manifestement dénués de fondement et qu'il a persisté dans son action tout en sachant l'inanité de ses prétentions ; qu'en écartant tout abus du droit d'agir en justice du groupement forestier de la Grande Lande, sans rechercher si, compte tenu d'un échec de son action en première instance puis en appel, les moyens soulevés devant la juridiction administrative avaient une quelconque chance de succès et si leur inanité n'avait pas été connue du groupement forestier de la Grande Lande, alors que celui-ci avait persisté en faisant appel, ce qui conférait à son action un caractère abusif, la Cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
2) Et aux motifs, réputés adoptés des premiers juges, que, sur les dommages et intérêts, Monsieur X... Lionel sollicite une somme de 670.000 euros à titre de dommages et intérêts du fait du préjudice subi en raison de la perte d'exploitation entre les années 2008 et 2012 ; mais qu'il convient de constater qu'il a été jugé que Monsieur X... Lionel avait conservé son emploi de directeur au sein d'une société multinationale ; qu'il a de ce fait, bénéficié d'un salaire vraisemblablement important compte tenu de ses responsabilités, pendant la durée de la procédure ; que, par ailleurs, il ne démontre pas avoir engagé des investissements particuliers en vue d'assurer la reprise de l'exploitation gérée actuellement par sa mère ; qu'il a été jugé que Madame X... née Y... Françoise respectait toutes ses obligations découlant du bail, ce qui permet d'en déduire que les parcelles objets du bail à ferme sont actuellement correctement exploitées et entretenues ; que Monsieur X... Lionel n'aura plus qu'à prendre la suite de sa mère sur l'exploitation sans engager de frais spécifiques liés à une absence d'entretien des parcelles pendant la durée de la procédure ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que Monsieur X... Lionel n'a pas démontré l'existence d'un préjudice lié au refus d'autorisation de la cession opposé par le bailleur ; qu'il convient par conséquent de le débouter de sa demande de dommages et intérêts ;
Alors, de cinquième part, que constitue un préjudice financier indemnisable la perte des revenus afférents à l'exploitation de terres affermées par le fils du preneur, consécutive au refus du bailleur de donner son autorisation à la cession du bail à celui-ci, cession jugée illégale ; que la cession du bail rural consenti par le groupement forestier de la Grande Lande à Madame X... au profit de son fils, Monsieur Lionel X..., ayant été admise judiciairement, ce qui rendait illégale l'opposition du bailleur à cette cession, la Cour d'appel qui a retenu que, durant la période pendant laquelle s'était opposé, à tort, à la cession du bail dont Madame X... était titulaire, Monsieur X... « avait conservé son emploi de directeur au sein d'une société multinationale » et avait « de ce fait, bénéficié d'un salaire vraisemblablement important compte tenu de ses responsabilités, pendant la durée de la procédure », a statué par des motifs inopérants, sans rechercher si le refus du bailleur avait causé au preneur la perte des revenus agricoles liés à l'exploitation des terres, privant sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Alors, subsidiairement, de sixième part, qu'un préjudice financier ne saurait être compensé par une arrivée d'argent sans lien avec ce préjudice et justifier une absence d'indemnisation de celui qui le subit ; qu'en retenant que Monsieur Lionel X... avait conservé son emploi de directeur au sein d'une société multinationale, durant tout le temps de la procédure engagée devant la juridiction administrative par le groupement forestier de la Grande Lande qui l'avait privé de la possibilité d'exploiter les terres qui lui étaient affermées et d'en tirer le revenu d'exploitation, pour dire que le préjudice de Monsieur X... n'aurait pas été démontré, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
Alors, en tout état de cause, de septième part, que la compensation d'une perte de revenus par un autre revenu n'est possible qu'à condition que les deux revenus considérés soient identiques ; qu'en retenant, implicitement, que la perte des revenus agricole résultant de l'impossibilité pour Monsieur X... d'exploiter les terres durant la période pendant laquelle le bailleur de sa mère, le groupement forestier de la Grande Lande s'était illégalement opposé à la cession du bail à son profit serait compensée par le salaire perçu par ailleurs par Monsieur X... durant la même période, sans rechercher si les deux revenus étaient égaux, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ensemble le principe de la réparation intégrale ;