LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. Pierre X... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. C..., M. Antoine X..., Mme K..., Mmes D... et Mme G... ;
Sur le moyen unique :
Vu les articles 682 et 684 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bastia, 28 octobre 2015), que M. Pierre X..., propriétaire d'une parcelle cadastrée [...] et issue de la division, selon acte du 22 août 1968, d'une parcelle cadastrée [...] , sur laquelle il a édifié sa maison d'habitation et des gîtes ruraux, a assigné ses voisins, dont MM. Z... et Y..., en désenclavement ;
Attendu que, pour rejeter la demande, l'arrêt retient que l'ancienne parcelle [...] , qui a été divisée en parcelles [...] et [...] , faisait partie d'un fonds non enclavé appartenant aux vendeurs et comprenant les parcelles cadastrées [...] à [...] et qu'en application de l'article 684 du code civil, le passage ne peut être demandé que sur ces parcelles ;
Qu'en statuant ainsi, sans constater que l'état d'enclave de la parcelle n° [...] était la conséquence de la division du la parcelle n° 471, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande tendant à établir une servitude de passage sur les parcelles [...] , [...], [...] et l'a condamné à enlever tous objets installés de son chef sur ces parcelles, l'arrêt rendu le 28 octobre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Condamne M. Z... et les consorts Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Z... et les consorts Y... à payer à M. X... la somme de 4 000 euros et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mai deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Bouthors, avocat aux Conseils, pour M. Pierre X...
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré M. X... irrecevable en sa demande tendant à voir constater l'état d'enclave de la parcelle [...] et obtenir une servitude de passage sur les parcelles [...], [...] et [...] qui n'étaient pas la propriété du vendeur originaire de la parcelle n° [...], procédant, avec la parcelle n° [...], elle-même enclavée, de la division d'une parcelle originaire n° [...] ;
aux motifs que par acte notarié en date du 22 août 1968, M. X... a acquis des consorts G... la parcelle [...] - résultant, avec la parcelle [...], d'un partage de la parcelle [...] - « avec accès par la parcelle [...] appartenant au père de l'acquéreur ». Cette parcelle [...] a directement accès sur la route départementale n° 69 ; que M. X... a construit sa maison d'habitation sur la parcelle [...] ; qu'aux termes d'une attestation de M. Paul G... datée du 9 octobre 1984 et versée aux débats M. X... aurait également obtenu de M. Paul G... par échange avec une maisonnette l'autorisation de construire ses gîtes ruraux sur une partie de la parcelle cadastrée [...] ; que dans son acte introductif de première instance M. X... se présente comme propriétaire des deux parcelles [...] et [...] ;
Qu'il s'évince de la phrase « avec accès par la parcelle [...] appartenant au père de l'acquéreur inscrite dans l'acte authentique » que le vendeur de la parcelle [...] a entendu donner un droit de passage sur la parcelle [...], dont il restait propriétaire après détachement de la parcelle [...] de la parcelle d'origine n° 471, pour permettre aux usagers de la parcelle [...] d'accéder jusqu'à la parcelle [...] elle-même sur la voie publique et appartenant à Baptiste X... père de l'acheteur ; que le vendeur ne pouvait en effet pas accorder une servitude sur le fonds cadastré [...] qui ne lui appartenait pas ; qu'aucun acte constitutif de servitude sur le fonds 476 n'est par ailleurs versé aux débats ; que M. Baptiste X... est décédé le [...] laissant pour lui succéder de nombreux enfants dont l'appelant ; que rien dans les pièces versées aux débats ne permet de penser que Pierre X... soit devenu le seul propriétaire de la parcelle [...], ou bénéficie depuis d'une servitude de passage conventionnelle sur celle-ci comme il l'a allégué lors de sa demande de permis de construire en 1985 ;
Que c'est donc à tort que le premier juge a déclaré que la parcelle [...] bénéficie d'un accès à la RD 69 par la parcelle [...], « droit de passage établi conventionnellement par acte authentique en date du 22 août 1968 » ;
Que par ailleurs il résulte de la consultation du plan de situation édité le 24 mai 2013 et des fiches cadastrales de Paul Antoine G... et F... G... son épouse que l'ancienne parcelle [...], qui a été divisée, à l'occasion de l'achat par M. X... en 1968 d'une partie de cette parcelle, en parcelle [...] et parcelle [...] faisait partie d'un fonds non enclavé appartenant au couple G... et comprenant les parcelles [...] à A 427 ; que dès lors en application de l'article 684 du code civil, qui dispose que si l'enclave résulte de la division d'un fonds par suite d'une vente, d'un échange, d'un partage ou de tout autre contrat, le passage ne peut être demandé que sur les terrains qui ont fait l'objet des actes qui ont créé l'enclave ; qu'or force est de constater que contrairement à ce qu'a affirmé l'expert judiciaire, les parcelles [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...] et [...] ne faisaient pas ou plus partie du fonds G... au moment de la vente ; que M. X... devait diriger d'abord sa demande vers les propriétaires des parcelles [...] et [...] à [...] ; qu'en conséquence le jugement déféré sera réformé en ce qu'il a déclaré recevable l'action en établissement d'une servitude de passage introduite par M. X..., en ce qu'il a dit que la parcelle [...] bénéficie d'un droit de passage conventionnel par acte authentique en date du 22 août 1968 et en ce qu'il a dit que la parcelle [...] ne se trouve pas enclavée ;
Que le jugement déféré sera, par substitution de motifs, confirmé en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande principale visant à établir une servitude de passage sur les parcelles [...] , [...], [...] ;
Que la cour déboutera par voie de conséquence M. X... de l'ensemble de ses autres demandes ; qu'aux termes de l'article 544 du code civil les intimés sont bien fondés à demander que M. X... soit condamné à enlever tout objet installé de son chef sur les parcelles [...] à 688 sous astreinte ; qu'il sera fait droit à leur demande ;
Que l'équité commande que le jugement déféré soit confirmé en ce qu'il a condamné M. X... à payer à M. Z... et à M. Y... la somme globale de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance en application de l'article 700 du code de procédure civile ; que les intimés seront déboutés du surplus de leurs demandes devenues sans objet ; que la cour condamnera M. X... à payer à M. Z... et à M. Y... la somme globale de 2 000 euros pour les frais exposés en appel (arrêt p. 6 à 8) ;
1°) alors que, d'une part, aux termes de l'article 682 du code civil, la servitude de passage, qui est légale, résulte directement d'un état matériel d'enclave et peut être réclamée sur les fonds voisins ; qu'après avoir constaté l'enclavement de la parcelle n° [...] qui procédait, avec la parcelle n° [...], de la division d'une ancienne parcelle [...], elle-même enclavée, comme il résultait de l'acte de vente du 22 août 1968 (prod), la cour a refusé de tirer les conséquences légales de ses propres constations lui imposant d'exercer son office pour procurer au demandeur un droit de passage ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, la cour a violé le texte précité, ensemble l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°) alors que, d'autre part, aux termes de l'article 684 alinéa 1 du code civil, si l'enclave résulte de la division d'un fonds par suite d'une vente, d'un échange, d'un partage ou de tout autre contrat, le passage ne peut être demandé que sur le terrain qui a fait l'objet de ces actes, pour autant que l'enclave résulte directement de cette division ; que la parcelle n° [...] procédant, avec la parcelle n° [...], de la division par le vendeur d'une ancienne parcelle [...] (acte authentique de vente du 22 août 1968. prod), les dispositions de l'alinéa 1 de l'article 684 étaient inapplicables dès lors que l'état d'enclave de la parcelle n° [...] n'était pas la conséquence directe de la division de l'ancienne parcelle [...] ; que faute d'établir que l'enclave eût été la conséquence directe de la division opérée en 1968, la cour a derechef méconnu les dispositions du texte susvisé, ensemble l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3°) alors en tout état de cause qu'il est fait exception aux dispositions du 1er alinéa de l'article 684 du code civil quand un passage suffisant ne peut être établi sur les fonds divisés ; qu'en ce cas, les dispositions générales de l'article 682 retrouvent leur empire en vertu de l'alinéa 2 de l'article 684 ; qu'en déclarant néanmoins irrecevable la demande de M. X... en ce qu'elle était dirigée contre les propriétaires de parcelles n'appartenant pas ou plus au vendeur originaire, sans s'assurer que les parcelles sur lesquelles le requérant aurait dû, selon elle, solliciter un droit de passage (parcelles n° [...] et [...] à 427) étaient de nature à permettre l'établissement d'un quelconque passage sur la voie publique, la cour a encore méconnu les exigences des articles 682 et 684 alinéa 2 du code civil, ensemble l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.