LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Rachid X...,
- M. Nabile Y...,
contre l'arrêt de la cour d'assises de la HAUTE-SAVOIE, en date du 7 juillet 2017, qui, pour vol avec violences ayant entraîné la mort, destructions du bien d'autrui par un moyen dangereux en bande organisée, vols en bande organisée et tentative, les a condamnés à vingt-cinq ans de réclusion criminelle avec période de sûreté fixée aux deux-tiers de la peine ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 9 mai 2018 où étaient présents : M. Soulard, président, M. Stephan , conseiller rapporteur, M. Moreau, Mme Drai, MM. Guéry, de Larosière de Champfeu, conseillers de la chambre, M. Laurent, Mme Carbonaro, M. Béghin, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Salomon ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de M. le conseiller STEPHAN , les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU et de la société civile professionnelle THOUIN-PALAT et BOUCARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général SALOMON ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I- Sur la recevabilité du pourvoi formé le 11 juillet 2017 par M. Rachid X... :
Attendu que le demandeur, ayant épuisé, par l'exercice qu'il en avait fait par son avocat le 7 juillet 2017, le droit de se pourvoir contre l'arrêt attaqué, était irrecevable à se pourvoir à nouveau le 11 juillet 2017 contre la même décision ; que seul est recevable le pourvoi formé par l'avocat du demandeur le 7 juillet 2017 ;
II - Sur la recevabilité du pourvoi formé le 10 juillet 2017 par M. Nabile Y... :
Attendu que le demandeur, ayant épuisé, par l'exercice qu'il en avait fait par son avocat le 7 juillet 2017, le droit de se pourvoir contre l'arrêt attaqué, était irrecevable à se pourvoir à nouveau le 10 juillet 2017 contre la même décision ; que seul est recevable le pourvoi formé par l'avocat du demandeur le 7 juillet 2017 ;
Vu les mémoires ampliatifs et personnels produits ;
Sur la recevabilité des mémoires personnels :
Attendu qu'aux termes de l'article 585-1 du code de procédure pénale, le demandeur condamné pénalement, qui n'a pas déposé dans le délai de dix jours à compter de la date du pourvoi un mémoire au greffe de la juridiction, doit le faire parvenir au greffe de la Cour de cassation dans un délai d'un mois, sauf dérogation accordée par le président de la chambre criminelle ;
Qu'à défaut d'une telle dérogation, les mémoires personnels de M. X..., parvenus à la Cour de cassation respectivement le 30 août 2017 et le 8 septembre 2017, le pourvoi étant daté du 7 juillet 2017, sont irrecevables ;
Sur le quatrième moyen de cassation proposé pour M. X..., pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, 111-4 du code pénal, préliminaire, 350, 351, 591 et 593 du code de procédure pénale et sur le moyen relevé d'office pour M. Y... ;
"en ce qu'il résulte du procès-verbal des débats que :
« L'instruction à l'audience étant terminée, la présidente a annoncé qu'elle envisageait de poser comme question résultant des débats celle de vol en bande organisée du véhicule Porsche Cayenne de Claude B... s'agissant de C... , Rachid X... et Mohamed Y... mis en accusation du chef de recel de ce véhicule» ;
"alors qu'une question subsidiaire ne peut porter sur un fait nouveau ; que dès lors ne pouvait être posée la question subsidiaire de vol en bande organisée à la suite de la réponse négative portant sur le recel de vol d'un véhicule, la détention, dissimulation ou transmission de ce véhicule était parfaitement distincts de sa soustraction, laquelle constitue un fait nouveau, distinct et séparé de celui qui fait la matière de l'accusation qui ne pouvait donc faire l'objet d'une question posée à la cour d'assises.
Vu l'article 351 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que si le président de la cour d'assises doit poser une ou plusieurs questions subsidiaires lorsque le fait objet de l'accusation comporte une qualification légale autre que celle donnée par la décision de mise en accusation, les questions ainsi posées ne peuvent porter sur un fait nouveau distinct et séparé de celui faisant l'objet de l'accusation et ne peuvent ni modifier ni altérer la substance de cette accusation ;
Attendu qu'en l'espèce, les demandeurs étant renvoyés devant
la cour d'assises du chef, notamment, de recel d'un véhicule Porsche, commis en bande organisée, la présidente a informé les parties, avant le réquisitoire et les plaidoiries, qu'outre les questions principales et spéciales concernant ce fait, elle envisageait de poser, comme résultant des débats, pour, notamment, chacun des deux demandeurs, une question subsidiaire relative au vol de ce véhicule et une question spéciale concernant la bande organisée attachée à ce fait, sous cette nouvelle qualification ; qu'à la fin des débats, la présidente a indiqué que ces questions seraient posées, que les parties n'ont formulé aucune observation et ont expressément renoncé à leur lecture ; qu'à l'issue du délibéré, il a été répondu négativement aux questions concernant le recel de ce véhicule, les questions spéciales relatives à la circonstance de bande organisée devenant sans objet ; qu'il a été répondu positivement aux questions subsidiaires concernant le vol du véhicule et aux questions spéciales relatives à la circonstance aggravante de bande organisée ;
Mais attendu qu'en procédant ainsi, le président, qui a saisi la cour et le jury, par les questions subsidiaires et spéciales précitées, d'un fait nouveau, distinct et séparé de celui faisant l'objet de l'accusation, dont il a ainsi altéré la substance, a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens proposé :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'assises de la Haute-Savoie, en date du 7 juillet 2017, en ses dispositions concernant M. X... et M. Y..., ensemble la déclaration de la cour et du jury et les débats qui l'ont précédée ;
DIT qu'en application de l'article 612-1 du code de procédure pénale, et dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, la cassation aura effet à l'égard de M. C... qui ne s'est pas pourvu ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'assises du Rhône, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'assises de la Haute-Savoie et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt juin deux mille dix-huit ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.