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12/07/2018 | FRANCE | N°17-22582

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 12 juillet 2018, 17-22582


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 2 juin 2017), que la société Peintures Leberquier, assurée auprès de la Caisse d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics (la CAMBTP), a réalisé des travaux de rénovation des façades de l'immeuble du syndicat des copropriétaires Résidence Le Manet qui a souscrit une police dommages-ouvrage auprès de la société Acte IARD ; que, des désordres, sous forme d'éclats dans les bétons, étant apparus,

le syndicat des copropriétaires, après expertise, a assigné la société Peintures L...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 2 juin 2017), que la société Peintures Leberquier, assurée auprès de la Caisse d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics (la CAMBTP), a réalisé des travaux de rénovation des façades de l'immeuble du syndicat des copropriétaires Résidence Le Manet qui a souscrit une police dommages-ouvrage auprès de la société Acte IARD ; que, des désordres, sous forme d'éclats dans les bétons, étant apparus, le syndicat des copropriétaires, après expertise, a assigné la société Peintures Leberquier, la CAMBTP et la société Acte IARD en indemnisation ;

Attendu que la société Peintures Leberquier, la CAMBTP et la société Acte Iard font grief à l'arrêt de déclarer la première entièrement responsable du préjudice et de les condamner, in solidum, à payer une certaine somme au syndicat des copropriétaires ;

Mais attendu qu'ayant relevé qu'avant de contracter avec la société Peintures Leberquier, le syndicat des copropriétaires avait consulté l'entreprise STO dont les propositions sur la manière de restaurer les bétons étaient réalistes et que le propre devis de la société Peintures Leberquier mentionnait que l'état d'avancement de la carbonation du matériau devait être testé par l'ouverture des fissures et l'application d'un réactif avant l'enlèvement total de la corrosion sur les armatures à nu jusqu'à un degré de pureté suffisant, la cour d'appel, qui a pu en déduire que la corrosion des aciers était visible et que la société Peintures Leberquier, ayant eu pour mission de remédier à un désordre connu, ne pouvait invoquer l'état préexistant de l'immeuble, a, procédant aux recherches prétendument omises, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Peintures Leberquier, la CAMBTP et la société Acte IARD aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de la société Peintures Leberquier, de la CAMBTP et de la société Acte IARD et les condamne à payer la somme globale de 3 000 euros au syndicat des copropriétaires de la résidence Le Manet ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour la société Acte IARD, la société CAMBTP et la société Peintures Leberquier.

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR déclaré la société Peintures Leberquier entièrement responsable du préjudice subi par le syndicat des copropriétaires Résidence Le Manet au titre des désordres constatés en 2011, affectant l'immeuble concerné, et D'AVOIR condamné la société Peintures Leberquier, la CAMBTP et Acte Iard, in solidum, à payer au syndicat des copropriétaires Résidence Le Manet la somme de 608.447,71 € en principal, outre intérêts ;

AUX MOTIFS QUE sur la responsabilité, selon l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ; qu'une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère ; que, selon une lettre du 12 janvier 2001 (non produite mais visée par l'expert judiciaire), du cabinet Lobstein, alors syndic, faisant référence à un devis descriptif du 2 novembre 2000, le syndicat des copropriétaires de la Résidence Le Manet a confié à la société Peintures Leberquier la réalisation de travaux de réfection ou rénovation de façades, édicules d'ascenseurs, cheminées, fonds de balcons, voiles de séparation, soubassement, intérieurs de bacs à fleurs, outre des travaux de peinture, pour un prix hors taxes de 121 931, 16 euros, et des travaux de réfection des accès garage et piétons, outre de peinture, pour un prix hors taxes de 4 972, 73 euros ; que, par lettre recommandée avec accusé de réception, reçue le 16 septembre 2008 par le cabinet Draber Neff de Strasbourg, le syndic de la copropriété a dénoncé l'existence d'un sinistre à l'assureur dommages-ouvrage ; que le syndicat des copropriétaires a obtenu une indemnisation de l'assureur en cause de 1 390 euros hors taxes pour des éclats survenus dans le béton, considérés comme relevant de la garantie décennale ; qu'en 2011, de nouveaux désordres sont apparus sur les façades ; que selon le rapport d'expertise judiciaire du 8 avril 2014, la structure de l'immeuble en cause est en béton armé et des balcons en béton armé prolongent tous les appartements donnant côté arrière sur la façade sud ; que ces balcons sont équipés de garde-corps en béton armé d'un dessin particulier formant des jardinières filantes horizontalement sur la façade ; que le litige concerne ces garde-corps jardinières ; que l'expert judiciaire a constaté : - des décollements de peinture sur les faces extérieures des jardinières et des garde-corps, du fait des désordres des supports béton et du gonflement des aciers corrodés, et des décollements en sous-face des jardinières, suite à des défauts d'étanchéité de l'intérieur des jardinières et des busettes et, ponctuellement, d'infiltrations au travers des sols carrelés, - des fissurations, du fait du décollement de l'arase béton de la tête des relevés de jardinières, et du fait du faïençage et de la carbonisation des bétons, - des éclats de béton dus au gonflement des aciers suite à la corrosion consécutive à un enrobage inapproprié des aciers ; que l'expert judiciaire, monsieur X..., estime que les désordres proviennent, au départ, de défauts d'enrobage des armatures des bétons en place pour la réalisation de parois minces, et, dès lors, d'un problème relevant de la construction à l'origine de l'immeuble ; que selon monsieur X..., « le syndicat des copropriétaires s'est rapproché de l'entreprise Sto qui a édité un descriptif standard de réparation y compris la reprise des éclats et le traitement des armatures. Cette prescription eût été réaliste si elle avait été réalisée par une entreprise spécialisée dans la réparation des bétons » ; que l'expert a relevé, s'agissant des travaux réalisés par la société Peintures Leberquier, que les aciers corrodés, visibles au moment de l'expertise, montrent que, lorsque ceux-ci ont été traités, seules les parties non adhérentes du béton ont été purgées et les surfaces recouvertes de produit de passivation, alors qu'il aurait fallu mettre à vif les aciers sur l'entièreté de leur circonférence et sur la totalité des longueurs atteintes ; que les traitements partiels et incomplets n'ont été d'aucune efficacité ; que ces désordres rendent impropres les ouvrages à leur destination et présentent, selon monsieur X..., un véritable danger pour les personnes chargées de l'entretien pouvant circuler en pied de façades, des morceaux de béton pouvant se décrocher des jardinières ; que dès lors qu'au regard de leur importance et du fait qu'ils visaient à assurer l'étanchéité de l'immeuble, les travaux constituaient un ouvrage, et que celui-ci est rendu impropre à sa destination, la responsabilité de l'entrepreneur, la société Peintures Leberquier, est présumée, et il appartient à cette dernière de rapporter la preuve d'une cause étrangère revêtant les caractères de la force majeure d'imprévisibilité, d'irrésistibilité et d'extériorité ; que cette preuve fait défaut ; que la simple consultation par le syndicat des copropriétaires, ou son syndic, d'une entreprise tierce fabricante de produits de réfection de béton ne saurait exonérer la société Peintures Leberquier de sa responsabilité, alors que : - l'expert relève que la prescription de l'entreprise Sto était réaliste, - en sa qualité de professionnel, il appartenait à la société Peintures Leberquier de conseiller le maître de l'ouvrage et d'attirer son attention sur une préconisation qui pouvait éventuellement s'avérer, selon elle, erronée ou inadaptée aux désordres existants sur un support qu'elle avait accepté, - enfin, et surtout, le devis descriptif, comportant, en page 10, dans la copie jointe au rapport d'expertise privée de monsieur Y..., le tampon et la signature du représentant de la société Peintures Leberquier, et qui est donc une pièce contractuelle, mentionne, en page 5/12, que, s'agissant des travaux de réfection du béton, « les fissures supposées se trouver sur des aciers corrodés doivent être ouvertes par endroits, afin de tester l'avancement de la carbonation. Tester la carbonation par l'application du liquide réactif. Enlèvement total de la corrosion sur les armatures à nu jusqu'à un degré de pureté suffisant » ; qu'il relevait, dès lors, clairement du devis descriptif que l'entrepreneur devait procéder à des travaux d'évaluation de l'importance des désordres, qui étaient visibles, à savoir une corrosion des aciers constituant l'armature des bétons, et devait mettre à nu, en cas de besoin, lesdites armatures métalliques, ce qu'il s'est abstenu de faire, au regard des constatations de l'expert judiciaire ; que la société Peintures Leberquier ne saurait, dès lors, invoquer l'état préexistant de l'immeuble comme cause d'exonération, même partielle, de sa responsabilité, alors que l'objet même de son contrat était de remédier à un désordre connu ; qu'elle ne saurait non plus invoquer comme cause d'exonération, au regard de ses obligations rappelées ci-dessus dans le devis descriptif, la faute de la victime, alors qu'elle ne rapporte pas la preuve d'une véritable maîtrise d'oeuvre qui aurait été assurée par le syndic de copropriété, ou le syndicat luimême, ni d'une compétence notoire de ceux-ci en matière de travaux de ravalement ; qu'en conséquence, il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la société Peintures Leberquier responsable des dommages dans la limite de 20 %, et de retenir l'entière responsabilité de l'entreprise ; que, sur le préjudice, monsieur X... a préconisé deux solutions possibles : - une reprise à l'identique avec réparation des bétons, évaluée à 585.647,71 € toutes taxes comprises + 18.000 € au titre de couvertines aluminium sur la tête des jardinières et sur les gardes corps, - un remplacement des jardinières béton par des matériaux inaltérables avec deux devis, l'un de 276.526,54 €, l'autre de 252.365,30 € ; que l'appelant est parfaitement en droit d'obtenir une indemnisation couvrant le coût de la reprise à l'identique des ouvrages au regard du principe de réparation intégrale du préjudice, étant rappelé que la remise en l'état des balcons-jardinières constituait, pour partie, l'objet même de la prestation de l'entrepreneur ; qu'en outre, le syndicat des copropriétaires justifie avoir exposé des frais de sécurisation des ouvrages en cause pour une somme de 4.800 € toutes taxes comprises, selon facture de l'entreprise Conseil réalisations bâtiment du 29 juillet 2014 ; que, par lettre datée du 19 août 2011, la société Acte Iard a accepté la mise en jeu des garanties pour les éclats de béton et les fissures et éclats sur cinq panneaux ; qu'en conséquence, les sociétés Leberquier, son assureur garantie décennale la CAMBTP, et l'assureur dommages-ouvrage, la société Acte Iard, seront condamnés à payer, in solidum, au syndicat des copropriétaires Résidence Le Manet 585.647,71 + 18.000 + 4.800 = 608.447,71 € ; que concernant la SARL Peintures Leberquier et la CAMBTP, cette somme portera intérêts au taux légal à compter du prononcé de l'arrêt, compte tenu de sa nature indemnitaire, en application de l'article 1231-7 du code civil (arrêt, pp. 5-8) ;

ALORS, D'UNE PART, QU'un constructeur est exonéré de toute responsabilité en cas de force majeure ; que l'entrepreneur chargé de travaux de rénovation relevant de l'article 1792 du code civil n'est ainsi pas responsable de désordres préexistants dont la cause n'était pas décelable sans une investigation technique qui ne lui avait pas été confiée ; que la cour d'appel a relevé que les désordres litigieux avaient une cause tenant à l'origine de l'immeuble à rénover ; qu'en retenant néanmoins que la société Peintures Leberquier, chargée des travaux de rénovation, était responsable de ces désordres préexistants, sans vérifier, comme elle y était pourtant invitée par cette société (cf. ses dernières écritures d'appel, p. 9, al. 3), si cette cause était décelable sans réalisation d'une investigation technique qui lui aurait été confiée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte précité ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE le maître d'ouvrage est responsable, à tout le moins partiellement, de désordres causés ou aggravés par son défaut d'entretien ; que, par ses dernières écritures d'appel (p. 10), la société Peintures Leberquier avait fait valoir, s'appuyant sur les conclusions de l'expert judiciaire, que le maître de l'ouvrage était responsable des désordres litigieux, pour s'être abstenu de tout entretien pendant une période de plus de trente ans, cependant que les défauts du béton des jardinières existaient depuis l'origine de la construction du bâtiment et avaient pleinement manifesté leurs effets, puisqu'ils avaient entraîné, de façon très visible, des fissures et des éclats de béton ; qu'en écartant néanmoins toute responsabilité du maître de l'ouvrage, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si les désordres n'avaient pas été causés ou aggravés par son défaut d'entretien, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 17-22582
Date de la décision : 12/07/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 02 juin 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 12 jui. 2018, pourvoi n°17-22582


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP de Nervo et Poupet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.22582
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