LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
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La société City Jet Limited,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 6-1, en date du 8 octobre 2013, qui, pour travail dissimulé, l'a condamnée à 100 000 euros d'amende, a ordonné une mesure de publication et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 19 juin 2018 où étaient présents : M. Soulard, président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, MM. Straehli, Cathala, Ricard, Parlos, Bonnal, Mme Ménotti, conseillers de la chambre, MM. Barbier, Talabardon, Mme de Lamarzelle, conseillers référendaires ;
Avocat général : Mme Caby ;
Greffier de chambre : Mme Bray ;
Sur le rapport de Mme le conseiller DURIN-KARSENTY, les observations de la société civile professionnelle GARREAU, BAUER-VIOLAS et FESCHOTTE-DESBOIS, de la société civile professionnelle FABIANI, LUC-THALER et PINATEL, de la société civile professionnelle SEVAUX et MATHONNET et de la société civile professionnelle GATINEAU et FATTACCINI, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général référendaire Caby, Me FATTACCINI ayant eu la parole en dernier ;
Vu les mémoires, en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 3 et 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980, 13 et 14 du règlement CEE n°1408/71 du 14 juin 1971, 12 du règlement n°574/72 du 21 mars 1972, 111-2, 111-3, 111-4, 112-1 du code pénal, L. 342-4 devenu L. 1262-3, L. 8221-1, L.8221-3, L. 8224-5 du code du travail, R. 330-2-1 du code de l'aviation civile, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et insuffisance de motifs, violation de la loi ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré la société CityJet coupable des faits de travail dissimulé et l'a condamnée à une amende délictuelle de 100 000 euros, aux frais de publication d'un communiqué judiciaire et a confirmé le jugement sur l'action civile ;
"aux motifs propres au fond qu'il est constant comme ressortant des constatations de l'inspection du travail des transports que la compagnie CityJet Limited, société de droit irlandais siégeant à Dublin, filiale à 100% du groupe Air France depuis 2000, disposait depuis plusieurs années sur l'emprise de l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle , en zone réservée à l'est de la plate-forme, de parcs de stationnement pour ses avions - des BAE 146 et AVRO RJ 85 portant le nom de la compagnie Air France et en dessous, en plus petit, « by CityJet » -, d'un magasin et d'un atelier de maintenance où étaient entreposés plusieurs véhicules portant le même logo, ainsi que de locaux en « algéco » de plain-pied à son enseigne, notamment des locaux de travail pour le personnel au sol et une salle de repos pour le personnel navigant, des « casiers lettres » au nom de chaque salarié basé en France, au nombre de 111 pour le personnel technique et de 146 pour le personnel commercial ; que la salle 021 de l'hôtel Marriott de Roissy-en-France était également affectée au repos des équipages de CityJet ; que, dans le cadre de plusieurs contrôles réalisés en février et mars 2007, les inspecteurs ont constaté la présence de six personnels au sol, Français demeurant en France, détenteurs de contrats de travail de droit irlandais et n'ayant fait l'objet de la déclaration unique d'embauche que depuis le 1er octobre 2006, bien qu'ils fussent affectés de manière permanente dans ces locaux où ils travaillaient depuis nombre d'années, comprises les deux responsables pouvant cependant être conduites à faire des déplacements professionnels à Dublin, Mmes Z..., salariée depuis 2001 et responsable des ressources humaines, et Grondin, chef d'escale ; qu'ils ont relevé que n'étaient établis ni registre unique du personnel, ni décompte de la durée de travail ; qu'il résulte des procès-verbaux de l'inspection du travail que l'ensemble de ces infrastructures formait une base d'exploitation munie des infrastructures et du personnel nécessaires ; que, complétant leurs propres constatations par l'audition de 24 membres du personnel navigant commercial et de 15 membres du personnel navigant technique en poste en France, les inspecteurs ont noté que ces agents bénéficiaient des casiers susvisés à Roissy ou à Orly tandis que les personnels navigants basés à Dublin n'en disposaient pas ; que le plus grand nombre du personnel navigant commercial avait passé un entretien d'embauche à Roissy, avait signé un contrat de travail irlandais par voie électronique ; que la plupart était, comme le personnel navigant technique, basé à Paris où ils habitaient, même si leur base d'exploitation était contractuellement fixée à Dublin avec une clause de mobilité, prenait et terminait en réalité son service à Orly ou à Roissy Charles de Gaulle , assurait des rotations entre Paris-Orly et London City, prenait connaissance via internet des plannings élaborés à Dublin, était régulièrement soumis à un système d'astreintes et à un système de « réserve chaude » (hot spare) impliquant de pouvoir rejoindre la base en moins d'une heure ; que ces agents recevaient des bulletins de salaire irlandais et n'étaient en principe pas inscrits au registre des personnels navigants de l'aviation civile française prévu par le code de l'aviation civile ; que leur couverture sociale était tantôt assurée par la sécurité sociale française, tantôt par un organisme irlandais, voire même pas assuré du tout, que certains avaient reçu les formulaires E 101 ou E 106, mais que tous déclaraient être, en cas d'arrêt maladie, indemnisés durant les comprenait deux parties, l'une correspondant au salaire fixe versée sur un compte bancaire français, l'autre versée sur un compte bancaire irlandais correspondant aux primes non imposables, leurs heures supplémentaires n'étant en tout cas pas comptabilisées ; qu'alors que l'entreprise ne disposait ni de comité d'entreprise, ni de représentant syndical, ni de délégué du personnel, ces salariés avaient tous été informés que l'organisation de leur service allait changer, puisque, dans un premier temps, il avait été demandé au personnel employé dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, de faire usage du « commuting » et, pour le personnel employé dans le cadre d'un contrat à durée déterminée, de s'installer à Dublin ou à Londres, cette option étant abandonnée dans un second temps pour les contrats à durée indéterminée mais maintenue pour les contrats à durée déterminée, et qu'enfin dans un dernier temps, les contrats à durée déterminée devaient être transformés en contrat à durée indéterminée et les salariés affiliés au régime de protection sociale français ; que, le 13 mars 2008, les services enquêteurs ont procédé à un contrôle analogue au départ de l'aéroport d'Orly et constaté que les 20 membres du personnel navigant de la compagnie CityJet Limited qui y travaillaient ce jour- là assuraient les rotations entre Paris Orly et London City ; que l'enquête de l'inspection du travail complétée par celle qu'ont effectuée à compter du 27 novembre 2007 les enquêteurs de la gendarmerie nationale sur réquisitions du parquet de Créteil, a révélé que, même lorsque leurs contrats de travail irlandais faisaient état d'une base d'opération effectivement située à l'aéroport de Dublin, les plannings et programmes montraient que les personnels navigants de la compagnie CityJet Limited, qui bénéficiaient d'ailleurs des onze jours fériés français, travaillaient en réalité uniquement au départ des deux aéroports parisiens de Roissy Charles de Gaulle ou d'Orly, mais nullement de Dublin ou de Londres ; que les personnels de la compagnie aérienne ont rapporté que la présentation de leurs plannings avait été modifiée pour transformer la mention de CDG (Roissy Charles de Gaulle ) en DBX et celle d'ORY pour Orly en LCX ; que, mieux encore, il n'a pas été contesté par les prévenus que l'espace vide devant la mention CDG figurant sur les copies des tableaux de service des pilotes et du personnel de cabine correspondait, selon les enquêteurs, au mot « base » effacé par apposition d'une fine couche de correcteur blanc sur les originaux ; que l'examen des divers contrats de sous-traitance produits au dossier a par ailleurs fait ressortir que l'importance de l'activité de la société CityJet Limited à l'aéroport d'Orly la contraignait à conclure, directement ou par l'intermédiaire de la société Air France, avec des entreprises extérieures pour le ravitaillement en carburant (SAP et GAO), le ménage des avions (ACNA), ravitaillement hôtellerie (OAT), le chargement et le déchargement des soutes (ISS ABILISS), l'assistance PAX mobilité réduite (PMR), le transport de passagers (INTRABUS) ; qu'une lettre du 25 avril 2008 a révélé l'existence d'un contrat d'occupation de diverses salles de l'hôtel Holiday INN avec la société CityJet Limited au profit de son personnel, depuis l'année 2002 ; qu'un courrier des aéroports de Paris, en date du 5 juin 2008, a établi que la société CityJet Limited disposait de locaux sur le site d'Orly puisqu'elle y louait cent quarante mètres carrés de bureaux et sanitaires, outre quarante-huit mètres carrés d'emplacements pour véhicules, élément supplémentaire, s'il en fallait encore, en faveur d'une implantation importante sur l'aéroport ; que référence faite aux énonciations du jugement déféré pour y retrouver la synthèse de leurs déclarations, que, toutes catégories confondues, les salariés ont en particulier reproché à leur employeur que « tout (ait été) fait pour (les) dégoûter et (les) inciter à quitter la société », qu'il leur « semblait que la direction (faisait) le forcing pour (les) inciter à quitter la compagnie par [une] augmentation d'activité » ; qu'ils ont dénoncé les pressions dont ils avaient fait l'objet en entretien individuel pour déclarer une domiciliation hors de France, la surveillance de leurs mails et conversations téléphoniques, un véritable harcèlement téléphonique pour les inciter à accepter les changements de service proposés ; que, s'il résulte d'un rapport de contrôle de l'URSSAF du 22 janvier 2007, qui n'a cependant pas porté sur le personnel navigant, qu'« aucune irrégularité [...], à l'examen des documents consultés, n'a été relevée à rencontre de la compagnie aérienne », l'Inspection du travail a adressé dès le 16 avril 2007 à la Direction de CityJet Limited un courrier recommandé faisant état de ses constatations lors des contrôles menés depuis le mois de février aux aéroports de Roissy et d'Orly, pointant notamment que le travail du personnel au sol avait été dissimulé dès avant octobre 2006 et que l'affectation de personnels navigants à une base ayant une activité stable et continue sans que ces salariés soient sous statut social français était susceptible de constituer le délit de travail dissimulé ; qu'elle a eu de nombreux entretiens avec la direction de la compagnie, notamment M. Geoffrey C... N... , Chief Executive Officer, président du conseil d'administration, M. Tony A..., General B... Officer, M. Mickaël de, secrétaire auprès du conseil d'administration, et Mme O... P... , directrice des ressources humaines, accompagnés de leurs conseils français et irlandais ; que, le 4 juillet 2007, la direction de la compagnie a déclaré accepter d'engager la régularisation de la situation du personnel au sol de Roissy, mais refuser de régulariser le statut des personnels navigants qui seraient détenteurs d'un formulaire de sécurité sociale E 101 ; que sans réponse au courrier susvisé du 16 avril 2007, l'inspection du travail a entendu, le 14 novembre 2007, M. C... N... et Mme D... qui ont évoqué leurs projets de restructuration du réseau impliquant une réduction de l'activité de la base de Paris, ainsi qu'une proposition de «commuting» aux personnels navigants affectés, et le 11 mars 2008, MM. de et A... qui ont remis des justificatifs de la régularisation en cours du statut des personnels navigants ; que de fait, dès le 9 novembre 2007, CityJet Limited a proposé à ses salariés domiciliés en France de quitter la société ou d'accepter le « commuting » à leurs frais, M. A... faisant valoir selon mail du 23 novembre 2007 au sujet du regroupement de la société sur Dublin ou Londres que la protection sociale et les pensions de retraite irlandaises sont aussi, sinon plus performantes que la protection et les pensions françaises, le Ministère des affaires sociales irlandais écrivant le 3 mars 2008 que « les autorités françaises ne peuvent s'élever contre les autorités irlandaises concernant la validité des imprimés E 101 actuellement détenus par les employés de la société CityJet Limited basée à Paris » ; qu'il ressort de courriers de l'« Irish Aviation Authority », en date du 18 décembre 2007, que cette autorité, qui avait délivré une licence et un certificat de transport aérien à CityJet Limited, en sa qualité de société irlandaise implantée à Dublin, échappe à ses yeux à la législation française et relève de la seule législation irlandaise ; qu'il apparaît au reste, à la lecture des pièces remises par la CRPN, qu'une augmentation du nombre d'affiliations des salariés de l'entreprise sans modification concomitante de l'activité de la société, ni en terme d'importance, ni en terme de nature, n'a été perceptible que dans le courant de l'année 2008 ; qu'il est ainsi relevé au vu des cotisations déclarées qu'alors que seuls quatre employés y étaient affiliés pour l'année 2007 et trois pour le premier trimestre 2008, il y en a eu cent deux à compter du mois de mars 2008 ; que, par courrier du 25 février 2008, la direction générale de l'aviation civile (DGAC) a dû rappeler à la compagnie aérienne que « tout employeur disposant d'un établissement sur le territoire français (relevait) des lois sociales françaises pour ce qui concerne les salariés qui ont le centre effectif de leur activité professionnelle dans cet établissement, c'est-à-dire les salariés pour lesquels cet établissement constitue le lieu où, de façon habituelle, ils travaillent ou celui où ils prennent leur service et retournent après l'accomplissement de leur mission» ; que le directeur du centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale ( CLEISS) a indiqué dans un courrier du 26 février 2008 aux enquêteurs ne pas avoir reçu de demandes d'autorisation de détachement de courte ou de longue durée de la part de la société CityJet Limited, précisant cependant avoir été informé de la délivrance du formulaire E101 à un certain nombre de salariés de CityJet Limited qui exerçaient leur activité en lien avec la France, ces formulaires ayant selon lui été "émis par les instances irlandaises, non en application de l'article 14, 1 du règlement CEE n° 1408/71 relatif au détachement mais sur la base de l'article 14, 2 de ce même règlement concernant les personnels navigants des entreprises de transport ; qu'il estime que « les formulaires E 101 émis par les autorités irlandaises peuvent être remis en cause, d'une part, pour tous les personnels, quelque soit leur lieu de résidence, rattachés à un établissement en France ou une succursale en sorte qu'il est nécessaire de savoir s'il y a établissement en France et si c'est à cet établissement que sont rattachés les personnels, d'autre part, pour tous les personnels résidant en France, dès lors qu'il peut être établi qu'ils exercent leur activité prépondérante en France » ; que le contrôleur du travail a, suivant rapport, en date du 7 avril 2009, fait savoir au procureur de la République de Créteil qu'il avait constaté la veille à l'aéroport d'Orly que CityJet Limited y occupait toujours des locaux sur deux niveaux, que des personnels au sol y étaient présents lors de chaque contrôle, qu'une activité réelle y existait sans aucune déclaration, la compagnie irlandaise continuant à présenter cet aéroport comme une simple escale, tandis qu'étaient déclarés l'établissement de Roissy Charles de Gaulle et de 97 salariés ; qu'il résulte de la convention de Rome du 19 juin 1980 que le choix par les parties de la loi applicable au contrat de travail ne peut avoir pour effet de priver un travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui serait applicable à défaut de choix (article 3) et que, dans cette hypothèse, la loi applicable au contrat est celle du pays où le travailleur, en exécution de son contrat, accomplit habituellement son travail, même s'il est détaché à titre temporaire dans un autre pays (article 6) ; qu'à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où le travailleur n'accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, la loi applicable est celle de l'Etat où se trouve l'établissement qui a embauché le travailleur ; qu'une clause d'exception permet enfin de faire régir le contrat par une autre loi que celle désignée dans les deux cas ci-dessus lorsqu'il apparaît que le contrat présente des liens plus étroit avec un autre pays ; que l'article 7 rappelle la primauté des lois de police du pays avec lequel le salarié présente un lien étroit ; que la Cour de justice de l'union européenne juge (aff. C-29/10, 15 mars 2011, Z.) que, compte tenu de l'objectif poursuivi par l'article 6 de la Convention de Rome, il y a lieu de constater que le critère du pays où le travailleur « accomplit habituellement son travail », édicté au paragraphe 2, sous a), de celui-ci, doit être interprété de façon large, alors que le critère du siège de « l'établissement qui a embauché le travailleur », prévu au paragraphe 2, sous b), du même article, ne devrait s'appliquer que lorsque le juge saisi n'est pas en mesure de déterminer le pays d'accomplissement habituel du travail, et qu'il découle de ce qui précède que le critère contenu à l'article 6, paragraphe 2, sous a), de la Convention de Rome a vocation à s'appliquer également dans une hypothèse où le travailleur exerce ses activités dans plus d'un Etat contractant, lorsqu'il est possible, pour la juridiction saisie, de déterminer l'Etat avec lequel le travail présente un rattachement significatif ; que le décret n°2006-1425 du 21 novembre 2006 relatif aux bases d'exploitation des entreprises de transport aérien a inséré au code de l'aviation civile un article R330- 2-1 disposant que l'article L. 342-4 (devenu L. 1262-3) du code du travail est applicable à compter du 1er janvier 2007 aux entreprises de transport aérien au titre de leurs bases d'exploitation situées sur le territoire français lorsqu'elles y ont leurs locaux ou infrastructures à partir desquels elles exercent de façon stable, habituelle et continue une activité de transport aérien, avec des salariés qui y ont le centre effectif de leur activité professionnelle ; qu'au sens de ces dispositions, le centre de l'activité professionnelle d'un salarié est le lieu où, de façon habituelle, il travaille ou celui où il prend son service et retourne après l'accomplissement de sa mission ; que l'article L. 342-4 du code du travail décide qu'un employeur ne peut se prévaloir des dispositions applicables au détachement de salariés lorsque son activité est entièrement orientée vers le territoire français ou lorsqu'elle est réalisée dans des locaux ou avec des infrastructures à partir desquels elle est exercée de façon habituelle, stable et continue, notamment en recherchant et prospectant une clientèle ou en recrutant des salariés sur ce territoire ; que l'employeur est, dans cette situation, assujetti aux dispositions du code du travail applicables aux entreprises établies sur le territoire français ; que les recours en référé et au fond portés par la compagnies aériennes britanniques Easyjet et Ryanair à l'encontre de ce décret ont d'ailleurs été rejetés les 15 janvier et 11 juillet 2007 par le Conseil d'Etat, qui a estimé qu'il était applicable aux personnels navigants des compagnie aériennes étrangères basées en France et se trouvait donc soumis au droit du travail français ; que, s'agissant de la détermination du droit applicable en matière de sécurité sociale, en vertu du règlement CEE du conseil n° 1408/71 (article 13 § 2 a), le personnel au sol qui exerce une activité salariée de manière habituelle sur le territoire d'un Etat membre (la France) est soumis à la législation de ce pays dès lors qu'il ne remplit pas les conditions du détachement ; que le personnel navigant, soumis aux règles de l'article 14 § 2 a, relève de la loi, non du pays du siège de l'entreprise, mais de celui où il est occupé par une succursale ou une représentation permanente ; que la notion de succursale, d'agence ou de tout autre établissement, qui implique pour la Cour de justice de l'union Européenne (CJUE) un centre d'opérations qui se manifeste d'une façon durable vers l'extérieur, matériellement équipé pour pouvoir négocier directement des affaires avec des tiers de telle façon que ceux-ci soient dispensés de s'adresser au siège, correspond à celle de base d'exploitation ; qu'en l'état de ces éléments, il ressort que :
- la société CityJet Limited a, en application du décret du 30 mai 1984 imposant une inscription au registre du commerce lors de la création en France d'un établissement permanent, distinct de l'établissement principal, procédé aux formalités d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés de Bobigny, en y inscrivant, en 2002, un établissement sis à Roissy Charles de Gaulle ,
- la compagnie aérienne est, depuis lors, installée en France où elle loue de façon pérenne sur les aéroports de Roissy Charles de Gaulle et d'Orly les infrastructures nécessaires à son activité,
- elle y recrutait, à la suite d'entretiens ayant lieu dans les locaux des hôtels Marriott ou Holiday Inn de Roissy, des salariés qui étaient domiciliés en France, à moins de 50 minutes des aéroports où ils prenaient leur service, en dépit des mentions des contrats de travail, hormis quelques exceptions, qui prévoyaient une base d'affectation à Dublin et comprenaient une clause de mobilité ;
- elle exerçait depuis les aéroports de Roissy et d'Orly une activité de transport aérien de passagers de façon régulière, continue et soutenue ainsi que le démontrent les programmes de vols et le nombre de contrats de sous-traitance ;
- fin 2007, elle avait remplacé les mentions CDG ou ORY portées sur les plannings des personnels navigant par celles de DBX ou LCX, systématiquement supprimé le mot « base » sur les tableaux de service des pilotes, installé des casiers nominatifs dans les locaux aéroportuaires pour les seuls salariés travaillant en France, tous éléments constituant autant les indices d'une activité significative et stable de la société à partir de ses deux bases d'exploitation en France que ceux de sa recherche de discrétion au fil du temps, - elle avait reçu de la compagnie Air France cinq millions d'euros pour son simulateur, 7,2 millions pour un hangar et 156 millions pour sa flotte d'avions 23 RJ85, selon les indications du livret de présentation, d'analyse et de synthèse,
- elle s'adressait à une clientèle française, soit directement, soit par Air France qui prospectait pour son compte ;
- elle ne justifie d'aucun changement dans l'organisation du travail ou de son activité, ou encore dans la destination des infrastructures implantées sur les sites aéroportuaires de Roissy Charles de de Gaulle et d'Orly, avant et après octobre 2008 ; que ces éléments, eu égard en particulier à l'importance des investissements de la société Air France, militent en faveur d'une activité soutenue des salariés de CityJet Limited en France, qui ne peut être réalisée que s'il existe une véritable base d'exploitation ; qu'au reste, ainsi que l'a justement observé le tribunal, la constatation que les aéroports de Paris constituent le « noeud » du réseau de CityJet Limited puisque les destinations de Zurich, Florence, Göteborg, Londres, Birmingham et Edimbourg sont desservies à partir de ces deux aéroports quand celui de Dublin ne dessert que Londres et Paris est peu compatible avec l'existence de simples escales invoquée par CityJet Limited ; que c'est donc en vain au regard de la nature de son activité et de l'importance de ses moyens dans les aéroports de Roissy et d'Orly que la société prévenue prétend ne disposer que d'une escale dans chacun de ces deux aéroports ; qu'il s'ensuit que l'activité réelle de l'établissement de Roissy déclaré au registre du commerce et des sociétés de Bobigny correspondait, non à une « assistance administrative aux personnels de la société passant par la France » mentionnée sur l'extrait Kbis susvisé, mais à une véritable activité de transport aérien de personnes, des plus significatives tant à partir de Roissy qu'à partir d'Orly, qui ne s'est d'ailleurs pas démentie après octobre 2008 ; que s'agissant des salariés travaillant au sol sur la plate-forme aéroportuaire de Roissy Charles de Gaulle , s'ils n'ont été déclarés et n'ont reçu des bulletins de paie conformes au code du travail qu'à compter du 1er octobre 2006, il est certain qu'ils travaillaient en France de façon stable et continue, pour certains depuis l'année 2005, pour d'autres depuis l'année 2001 selon les mentions des bulletins de paie, et ce dans les mêmes conditions avant et après leur régularisation et dans les mêmes conditions également que les employés des entreprises étrangères ayant installé un établissement de façon permanente en France, lesquels étaient soumis au droit du travail français ; que, pour les personnels navigants, il ressort des pièces de la procédure, notamment des plannings et des contrats de travail, de l'installation des locaux de la société implantés sur la base aéroportuaire de Roissy Charles de Gaulle , ainsi que des auditions des salariés, qu'ils étaient rattachés contractuellement à la base de Dublin, mais dans les faits à celle de Roissy Charles de Gaulle où ils exerçaient une activité stable, continue et parfois depuis plusieurs années, où ils embauchaient et débauchaient pour ainsi dire quotidiennement quand ils ne se rendaient qu'exceptionnellement en Irlande où ils n'avaient pas été recrutés, où ils n'étaient pas domiciliés, où ils ne prenaient ni ne quittaient de façon habituelle leur service, où ils n'étaient soumis à aucune astreinte, de sorte qu'il y a également lieu d'appliquer, au vu des dispositions de l'article 6-1 de la convention de Rome du 19 juin 1980, la loi française aux relations de travail en cause ; qu'il est incontestable que, les parties se seraient elles entendues pour soumettre la relation contractuelle à la loi irlandaise, tant les travailleurs mobiles que les personnels au sol de CityJet Limited en poste à Roissy et Orly accomplissent leur travail en France au sens de la convention de Rome ; qu'en conséquence, les dispositions impératives de la loi française leur sont applicables comme loi de protection minimale au titre de loi du lieu d'exécution habituel du contrat de travail ; qu'à compter du 1er janvier 2007, répondant aux conditions de l'article R.330-2-1 du code de l'aviation civile auquel l'article L. 342-4 (devenu L. 1262-3) du code du travail renvoie expressément, il y a pareillement lieu de confirmer le jugement qui a retenu l'assujettissement de la société CityJet Limited aux dispositions du code du travail applicables aux entreprises établies sur le territoire national ; qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'activité en application de l'article L.8221-3 du code du travail l'exercice à but lucratif d'une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l'accomplissement d'actes de commerce par toute personne physique ou morale qui, se soustrayant, intentionnellement à ses obligations [...] n'a pas requis son immatriculation au registre du commerce et des sociétés, lorsque celle-ci est obligatoire ou n 'a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale en vertu des dispositions législatives et réglementaires en vigueur ; que sur l'erreur de droit soulevée par la société CityJet Limited à raison d'une législation trop complexe pour participer à la caractérisation d'un délit, que la prévenue ne peut sérieusement soutenir cette cause d'irresponsabilité alors, d'une part, que l'inspection du travail a, dès son rapport du 16 avril 2007, sollicité ses explications sur l'existence d'un travail dissimulé par dissimulation d'activité et qu'elle a pu les donner en présence et avec l'assistance de ses conseils bien avant l'engagement des poursuites ; que bien au contraire, la compagnie parfaitement au fait de la législation a, par les actes positifs susvisés, tels que la déclaration d'un objet erroné lors de l'immatricula ion de son établissement de Roissy au registre du commerce et des sociétés, l'effacement du terme "base" des tableaux de service des pilotes et personnels de cabine ou le remplacement de la mention "CDG" par celle de "DBX" sur les plannings des personnels navigants commerciaux, cherché à masquer la réalité, tenté d'imposer à ses personnels navigants un déménagement en Irlande ou en Grande Bretagne, ou encore un « commuting » à leur frais pour éviter de se soumettre au code du travail ; qu'il apparaît ainsi que par les actes positifs de ses organes dirigeants et représentants, telles les instructions et notes de M. Geoffrey C... N..., Chief Executive Officer (CEO) et de M. Tony A..., General B... Officer (GFO), la compagnie CityJet Limited, personne morale, ne s'est pas conformée aux dispositions de l'article L. 324-10 (devenu L. 8221-3) du code du travail ; qu'en effet, elle n'a pas procédé à la déclaration d'embauche de son personnel navigant, que ce soit auprès de la direction générale de l'aviation civile (DGAC), de la caisse de retraite du personnel navigant (CRPN) ou de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF), se soustrayant en toute connaissance de cause à ses obligations ; qu'à cet égard, le tribunal ajustement décidé que la délivrance des formulaires E101 ne sauraient à eux seuls combattre utilement les nombreuses pièces de la procédure recueillies par les enquêteurs et les déclarations précises et concordantes des salariés, alors que ces derniers auxquels le règlement CEE n° 1408/71 est applicable sont soumis à la législation d'un seul Etat membre, celui où ils exercent leur activité, et qu'aucune autorisation de détachement de courte ou de longue durée n'ayant été demandée par CityJet Limited, les formulaires émis par les autorités irlandaises pouvaient être remis en cause pour tous les personnels rattachés à un établissement en France ou pour tous les personnels résidant en France dès lors qu'ils y exerçaient leur activité professionnelle de façon prépondérante; que, force est de constater que les personnels navigants étaient le plus souvent domiciliés en France, qu'ils y exerçaient tous leur activité professionnelle, puisqu'ils y prenaient et y terminaient leurs missions, et enfin que la société disposait d'un établissement en France, ayant fait l'objet d'une inscription en France ; qu'en conséquence, la société CityJet Limited qui relevait du code du travail français et de la législation française sur la sécurité sociale, devait procéder aux déclarations fiscales et sociales attachées à l'exercice de son activité économique en sa qualité d'entreprise établie sur le territoire français ; que, s'agissant de l'élément intentionnel de l'infraction qui consiste dans la volonté et la conscience d'enfreindre la loi, la société CityJet Limited ne peut sérieusement soutenir l'absence de caractère intentionnel, lequel résulte de sa politique commerciale ; que l'intention coupable de la prévenue est en l'espèce caractérisée tant par les mises en garde qui lui ont été adressées par les autorités compétentes, en particulier par l'inspection du travail à l'occasion de ses contrôles à compter du 21 février 2007 et de son courrier à la direction en date du 16 avril 2007 que par les faux-fuyants et la procrastination qu'elle a manifestés des mois durant, outre les actes ci-dessus relevés pour écarter l'erreur de droit qu'il s'agisse de la fausse déclaration de son objet lors de l'immatriculation de son établissement de Roissy au registre du commerce et des sociétés, de l'effacement du mot "base" des tableaux de service des pilotes et personnels de cabine ou du remplacement de la mention "CDG" par celle de "DBX" sur les plannings des personnels navigants commerciaux, tous actes destinés à masquer la réalité et à tenter d'imposer à ses personnels navigants un déménagement ou un « commuting » à leurs frais pour éviter de se soumettre au code du travail ; que c'est donc bien en connaissance de cause que CityJet Limited a violé ses obligations légales ; qu'en conséquence, le délit est caractérisé en tous ses éléments à l'encontre de la société prévenue ; qu'il convient de confirmer le jugement sur la culpabilité de la société CityJet Limited et sur le prononcé de la peine, sauf à y ajouter la peine complémentaire de publication de la condamnation dans les termes du dispositif ;
"et aux motifs adoptés que dix salariés étaient entendus par la suite ; qu'il ressortait de leurs auditions que :
- leur entretien d'embauche s'était tenu sur Roissy pour huit d'entre eux et à Dublin pour les deux autres,
- ils étaient domiciliés en France et à moins d'une heure de leur lieu de travail,
- leur contrat de travail était irlandais, à durée déterminée dans un premier temps puis indéterminée dans un second temps,
- ils déclaraient tous que selon leur contrat de travail, leur base d'exploitation était fixée à Dublin et qu'il était prévu une clause de mobilité, mais qu'en réalité ils prenaient et terminaient leur service à l'aéroport Roissy Charles de Gaulle ou à celui d'Orly,
- leur couverture sociale était assurée par la sécurité sociale française pour six d'entre eux, par un organisme irlandais (VHI) pour cinq d'entre eux (étant précisé que l'un d'eux bénéficiait des deux, que l'une se plaignait de ne pas être prise en charge et ne percevoir aucun revenu ni indemnité depuis qu'elle était enceinte et qu'une autre affirmait que certains soins n'étaient pas remboursés, notamment ceux dispensés par le gynécologue ou le dentiste),
- ils avaient reçu les formulaires E 101 ou E 106 pour quatre d'entre eux, contre 4 qui n'en avaient jamais été destinataires, un qui ne s'en souvenait plus et un qui les avait réclamés sans pouvoir s'en servir par la suite en raison d'une anomalie portant sur des dates,
- en cas d'arrêt maladie, ils étaient indemnisés durant les 7 premiers jours puis faisaient l'objet d'une retenue sur salaire dont le montant variait selon les salariés mais que tous considéraient comme significative,
- leur salaire comprenait deux parties, une partie correspondant au salaire fixe versée sur un compte bancaire français, et une partie correspondant aux primes versée sur un compte bancaire irlandais, primes au demeurant non imposables en Irlande,
- aucun ne cotisait pour une retraite complémentaire, à l'exception d'une salariée qui avait opté pour une complémentaire proposée par un établissement bancaire français,
- ils expliquaient tous disposer d'un casier dans les locaux de la société sis à l'aéroport d'Orly, lesquels comprenaient des ordinateurs collectifs connectés à intranet, des lignes téléphoniques, des canapés, un fax et un télécopieur, des toilettes, un distributeur de boissons et d'alimentation, un téléviseur, un lecteur de DVD,
- ils avaient pour la plupart pratiqué le Hotspare,
- ils recevaient tous leurs plannings, leurs informations professionnelles et leurs instructions par intranet, en provenance d'Irlande,
- ils n'étaient inscrits ni à la CRPN, ni à la DGAC ( à l'exception d'une salariée qui pensait l'être),
- ils effectuaient des heures supplémentaires qui n'étaient pas comptabilisées,
- ils affirmaient que l'entreprise ne disposait ni de comité d'entreprise, ni de représentant syndical, ni de délégué du personnel, mais pensaient qu'il existait peut-être l'équivalent d'un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail,
- ils avaient tous été informés que l'organisation de leur service allait changer, puisque dans un premier temps il avait été demandé au personnel employé dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, de faire usage du comuting, (l'employé demeure en France mais prend ses fonctions à Dublin ou Londres) et pour le personnel employé dans le cadre d'un contrat à durée déterminée, de s'installer à Dublin ou à Londres, que dans un deuxième temps l'option comuting avait été abandonnée pour les contrats à durée indéterminée mais proposée aux contrats à durée déterminée et qu'enfin dans un dernier temps, les contrats à durée déterminée devaient être transformés en contrat à durée indéterminée et les salariés devaient être affiliés au régime de protection sociale français ; que les motifs de récrimination à l'égard de leur employeur étaient nombreux et pour certains récurrents ; que c'est ainsi que plusieurs salariés parlaient de discriminations dont étaient victimes, selon eux, les personnels non irlandais, en terme de promotion notamment, alors que d'autres évoquaient l'ambiance délétère au sein de l'entreprise, l'épuisement des personnels, l'absence de considération, le stress et l'état dépressif, les recrutements gelés "enfin tout est fait pour nous dégoûter et nous inciter à quitter la société" (Mme G...) ; qu'une autre déclarait qu'il lui semblait que "la direction [faisait] le forcing pour nous inciter à quitter la compagnie par [une] augmentation d'activité" (Mme H...) ; qu'une salariée dénonçait le fait que les décisions soient prises au cas par cas, certains employés bénéficiant d'avantages ou de plus de souplesse que d'autres (Mme I...) ; qu'elle regrettait, avec un de ses collègues, les conditions draconiennes d'obtention de la prime de participation qui la rendaient inaccessible (Mmes I... et J...) ; que certaines employées déploraient de ne pouvoir bénéficier de plateau repas et de visite médicale, et de ne percevoir, durant leurs congés, que la partie fixe de leur salaire (Mmes J... et H...) ; que d'autres faisaient remarquer que depuis l'acquisition d'un simulateur de vol par une société appartenant à des responsables de CityJet Limited, le nombre de séances d'entraînement avait augmenté de façon sensible, passant de 9 à 16, séances payées au demeurant par la compagnie Air France ; que l'une enfin refusait de s'associer à la procédure initiée par ses collègues devant le conseil des prud'hommes pour ne pas compromettre ses éventuelles chances d'intégration de la société Air France ; que relativement aux faits visés par la prévention, certains salariés dénonçaient les pressions dont ils avaient fait l'objet en entretien individuel pour déclarer une domiciliation hors de France (Mmes K..., H...) ; que Mme J... quant à elle, évoquait le"blocage de leur système intranet, peu de temps avant l'annonce de la fermeture du site sur Paris, leur interdisant d'échanger entre eux" ; que selon elle, leurs mails et leurs conversations téléphoniques avaient été surveillés et ils avaient subi un véritable harcèlement téléphonique du service Crewing, pour les inciter à accepter les changements de service proposés ; qu'il
était question également de modification des plannings sur lesquels n'apparaissait plus CDG pour Roissy Charles de Gaulle , transformé désormais et soudainement en DBX, et ORY pour Orly transformé à son tour et dans les mêmes conditions en LCX (Mme J... et I...) ; que s'agissant de leur contrat de travail, l'une des salariées souhaitait explicitement un contrat français "avec tout ce que cela implique" ;
"1°) alors que nul ne peut être puni pour un délit dont les éléments ne sont pas définis par la loi ; que le délit de travail dissimulé par dissimulation d'activité suppose que la personne poursuivie ait été soumise à l'obligation d'immatriculer son activité ou de procéder aux déclarations auprès des organismes de protection sociale ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales en vigueur ; que le principe de légalité des délits et des peines impose que cette obligation soit prévue expressément par un texte d'incrimination ; que l'article 6 de la Convention de Rome a pour seul objet d'édicter une règle de conflit de lois et de prévoir, en l'état d'un choix dans le contrat de travail d'une loi moins protectrice du salarié, la possibilité pour ce dernier de revendiquer l'application d'une autre loi que celle choisie dès lors que celle-ci a pour « effet de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui serait applicable à défaut de choix » ; que cette disposition permet seulement de déterminer la loi applicable au contrat dans le cadre d'un litige relatif à la formation, à l'exécution ou à la rupture de celui-ci et, au surplus, dans la limite circonscrite par l'objet de la demande formulée dans le cadre de l'action en justice et ne peut être considérée comme un texte édictant l'obligation impérative pour les entreprises de transport aérien bénéficiant d'une base d'exploitation en France de se soumettre au droit français et participant, en tant que tel, de l'incrimination du travail dissimulé ; qu'en retenant, pour condamner la demanderesse du chef de travail dissimulé, qu'en vertu de l'article 6 § 1 de la Convention de Rome du 19 juin 1980, les dispositions impératives de la loi française étaient applicables aux contrats de travail entre CityJet et son personnel intervenant à Orly et Roissy au titre de loi du lieu d'accomplissement habituel du contrat de travail, cependant qu'avant l'entrée en vigueur du décret du 21 novembre 2006, aucune disposition juridique ne mettait à la charge des transporteurs aériens ayant leur base d'exploitation en France les obligations d'immatriculation de leur activité et de déclarations auprès des organismes sociaux et de l'administration fiscale et que les poursuites étaient dès lors dépourvues de tout fondement légal pour la période antérieure à l'entrée en vigueur du décret du 21 novembre 2006, la cour d'appel a violé les articles 111-2 et 111-3 du code pénal et l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
"2°) alors que toute infraction doit être définie en des termes clairs et précis pour exclure l'arbitraire ; que la loi d'incrimination et de pénalité ne satisfait aux exigences d'accessibilité et de prévisibilité que lorsque la personne poursuivie peut savoir à partir du libellé de la disposition pertinente et, au besoin à l'aide de son interprétation par les tribunaux, quels actes et omissions engagent sa responsabilité pénale ; qu'en retenant l'application de la loi française aux salariés de CityJet intervenant à Roissy et Orly au titre de la loi du lieu d'accomplissement habituel du contrat de travail en se fondant sur l'article 6 de la Convention de Rome tel qu'interprété par la Cour de Justice de l'Union Européenne dans son arrêt du 15 mars 2011 (aff. C-29/10 Heiko Koezsch c. Etat du Grand-Duché de Luxembourg), lorsque, aux dates visées par la prévention concernées par l'application de la Convention de Rome et antérieures à l'entrée en vigueur du décret du 21 novembre 2006, il résultait tant de la lettre de l'article 6 de la Convention de Rome, qui ne définit pas les critères de détermination du lieu d'accomplissement habituel du travail, que de la jurisprudence de la Cour de cassation, laquelle retenait en matière de contrat de travail des travailleurs mobiles recrutés par une compagnie aérienne exclusivement soit la loi choisie par les parties soit la loi d'immatriculation de l'aéronef, et enfin de la jurisprudence de la CJUE, qui n'avait jamais statué sur la question de la loi applicable au travailleur mobile, qu'il n'existait en droit positif aucune disposition claire et précise imposant aux entreprises de transport aérien de soumettre leurs salariés intervenant en France à la loi française et qu'une telle entreprise ne pouvait discerner, à partir de l'analyse des textes et de la jurisprudence française et communautaire, que pareille obligation était à sa charge avant l'entrée en vigueur du décret du 21 novembre 2006, la cour d'appel a méconnu le principe de légalité des peines et a violé les articles 111-2, 111-3 du code pénal et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble l'article 6 de la Convention de Rome ;
"3°) alors que sont seuls punissables les faits constitutifs d'une infraction à la date à laquelle ils ont été commis ; qu'en faisant application de la définition du critère du lieu d'accomplissement habituel du travail donnée par la Cour de Justice de l'Union Européenne dans son arrêt du 15 mars 2011 (aff. C-29/10 Heiko Koezsch c. Etat du Grand-Duché de Luxembourg), soit postérieurement à la période de la prévention, qui, en élargissant considérablement les contours du critère du lieu d'accomplissement habituel du travail et en imposant de ce fait l'application de la loi française à de nouvelles situations de travail, a rendu plus sévère l'incrimination du travail dissimulé, la cour a méconnu le principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère et a violé les articles 112-1 du code pénal et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
"4°) alors qu'en l'absence d'ordonnance de renvoi, la citation détermine l'étendue de la saisine des juges du fond, lesquels ne peuvent statuer que dans les limites de cette saisine sauf à entacher leur décision d'un excès de pouvoir ; qu'il ressort de l'arrêt attaqué que pour les faits commis à Roissy, la période de prévention est « courant 2006, 2007 et 2008 et jusqu'au 30 septembre 2008 » et, pour ceux commis à Orly, « courant 2007, 2008 et 2009 et jusqu'au 6 avril 2009 » ; que pour déclarer l'exposante coupable de travail dissimulé, la cour a retenu concernant le personnel au sol que « sur la plate-forme aéroportuaire de Roissy Charles de Gaulle , s'ils n'ont été déclarés et n'ont reçu des bulletins de paie conformes au code du travail qu'à compter du 1er octobre 2006, il est certain qu'ils travaillaient en France de façon stable et continue, pour certains depuis l'année 2005, pour d'autres depuis l'année 2001 selon les mentions des bulletins de paie » ; qu'en reprochant à la demanderesse des faits commis entre 2001 et 2005, cependant qu'elle était saisie par la citation uniquement de faits à compter de 2006, la cour a excédé les limites de sa saisine et a violé les articles 388 et 551 du code de procédure pénale, ainsi que l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
"5°) alors que l'insuffisance de motifs équivaut à l'absence de motifs ; que l'article 6, § 1, de la Convention de Rome prévoit l'application des dispositions impératives de la loi qui serait applicable à défaut de choix, lorsque celle de la loi choisie a pour résultat de priver le travailleur de la protection assurée par ces dispositions impératives, le paragraphe 2 énonçant qu'à défaut de choix, le contrat de travail est régi par « la loi du pays où le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail » ; que le dernier alinéa de l'article 6 écarte l'application des dispositions impératives de la loi qui serait applicable à défaut de choix lorsqu'il « résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays, auquel cas la loi de cet autre pays est applicable » ; qu'en relevant, pour retenir que les salariés de CityJet accomplissaient habituellement leur travail en France, que CityJet bénéficiait d'une base d'exploitation sur le territoire français telle que visée par le décret du 21 novembre 2006 sans mieux justifier des conditions propres à l'article 6 de la Convention de Rome et sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par les conclusions d'appel de la demanderesse, si, loin de manifester la volonté de la demanderesse de contourner la loi française en ce qu'elle serait plus protectrice, le choix de la loi irlandaise dans le contrat de travail n'était pas motivé par les liens déterminants existant entre la certification de l'activité de CityJet par l'Irish Aviation Authority, partant sa soumission aux règles de droit irlandais fixant les normes d'utilisation des équipages, d'entretien des appareils tous immatriculés en Irlande, de maintenance et de conduite des vols, et les conditions d'emploi de son personnel y compris lorsque celui-ci est susceptible d'avoir son activité dans un Etat étranger, d'autre part si ce choix de la loi irlandaise ne répondait aux conditions d'exercice de l'activité de CityJet sur le territoire français, dès lors qu'une affectation d'un travailleur pendant plusieurs années dans un Etat ne suffit pas à considérer que le pays où a lieu cette affectation constitue le lieu d'accomplissement habituel du travail, de surcroît lorsque l'activité en France se limite à une activité d'escale à destination d'autres villes européennes à partir de locaux en « algéco » qui, en l'état de la présence de « casiers nominatifs », manquent à établir l'existence d'une infrastructure pérenne et, enfin sans rechercher si, en tout état de cause, ces éléments n'établissaient pas que le contrat de travail présentait des liens plus étroits avec l'Irlande, la cour n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 6 de la Convention de Rome ;
"6°) alors que aux termes de l'article R. 330-2-1 du code de l'aviation civile, la caractérisation d'une base d'exploitation suppose l'existence de locaux et d'infrastructures, à partir desquels peut être exercée une activité stable, habituelle et continue de transport aérien et au sein desquels les salariés ont le centre effectif de leur activité professionnelle ; qu'en se bornant à relever, pour caractériser la présence d'une base d'exploitation de CityJet sur le territoire français, l'existence de locaux occupés à Orly et Roissy, la présence de casiers nominatifs, la domiciliation des membres du personnel en France et la réalisation de nombreux vols, lorsque la domiciliation dans un pays d'un salarié dont l'activité professionnelle est par nature mobile n'établit pas que celui-ci y a le centre effectif de son activité et lorsque l'exercice temporaire par des membres du personnel navigant sur le territoire d'un Etat d'une activité d'escale, supposant nécessairement la présence d'infrastructures minimales, ne démontre pas que la compagnie aérienne qui l'emploie à une activité constitutive d'une base d'exploitation, la cour d'appel qui s'est fondée sur des éléments insuffisants de surcroît contredits par l'Irish Aviation Authority qui, bien après l'entrée en vigueur du décret du 21 novembre 2006, a affirmé la soumission de tous les salariés de CityJet à la seule législation irlandaise, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article R. 330-2-1 du code de l'aviation civile ;
"7°) alors qu'en vertu de l'article 14 § 2 a) du règlement CEE 1408/71 du 14 juin 1971, le travailleur des transports internationaux qui fait partie du personnel navigant et qui est occupé sur le territoire de deux ou plusieurs Etats membres et est au service d'une entreprise effectuant, pour le compte d'autrui ou pour son propre compte, des transports de passagers par voie aérienne et ayant son siège sur le territoire d'un Etat membre, est soumis à la législation de ce dernier Etat ; que dans ce cas, l'institution désignée par l'autorité compétente de l'Etat membre concerné remet un certificat attestant que le travailleur est soumis à sa législation et ce certificat, dans la mesure où il crée une présomption de régularité de l'affiliation de ces travailleurs, s'impose à l'institution compétente de l'Etat d'accueil qui, tant que le certificat n'est pas retiré ou déclaré invalide, ne peut soumettre les travailleurs à son propre régime de sécurité sociale et qui devra, en l'absence d'accord de l'Etat émetteur, agir en manquement contre celui-ci ; qu'en se bornant à retenir que la délivrance des formulaires E101 ne pouvait combattre les pièces de la procédure et que les formulaires émis par les autorités irlandaises pouvaient être remis en cause, lorsqu'il était établi qu'à la fin de la période de prévention, les certificats E101 délivrés par les autorités irlandaises étaient toujours en vigueur et interdisaient à CityJet comme aux autorités françaises de soumettre les salariés de CityJet au régime de sécurité sociale français et que la demanderesse ne pouvait donc se voir reprocher, au titre du délit de travail dissimulé, de ne pas avoir déclaré son personnel salarié auprès des organismes de sécurité sociale français sur la période visée par la prévention, la cour d'appel a violé l'article 14 du règlement CEE n°1408/71 du 14 juin 1971, l'article 12 1) bis du règlement CEE n°574/72 du 21 mars 1972 et l'article L. 8221-3 du code du travail ;
"8°) alors que le membre du personnel navigant appartenant à une entreprise de transport aérien est soumis à la législation de l'Etat membre sur le territoire duquel l'entreprise a son siège et il n'est porté exception à ce principe que s'il est démontré que la personne est occupée par une succursale possédée par l'entreprise sur le territoire d'un autre Etat membre ; que, pour considérer la loi française applicable, la cour d'appel a retenu que la notion de succursale correspondait à celle de base d'exploitation et que les personnels navigants étaient le plus souvent domiciliés en France, qu'ils y exerçaient tous leur activité professionnelle et que la société CityJet disposait d'un établissement en France ; qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la société CityJet avait son siège social à Dublin, ce qui imposait l'application de la loi irlandaise au personnel navigant, et sans caractériser en quoi la société CityJet aurait bénéficié en France d'un centre d'opérations se manifestant d'une façon durable vers l'extérieur comme le prolongement d'une maison mère, pourvu d'une direction et matériellement équipé afin de pouvoir négocier des affaires avec des tiers, de telle façon que ceux-ci, tout en sachant qu'un lien de droit éventuel s'établira avec la maison mère dont le siège est à l'étranger, sont dispensés de s'adresser directement à celle-ci, et peuvent conclure des affaires au centre d'opérations qui en constitue le prolongement et partant, en quoi la loi française aurait été applicable en ce que le salarié aurait été occupé par une succursale, la cour n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 14, § 2, du règlement CEE n°1408/71 du 14 juin 1971 ;
"9°) alors que le délit de travail dissimulé est une infraction intentionnelle ; qu'en estimant que l'intention coupable de la prévenue était caractérisée au titre du travail dissimulé tant par les mises en garde qui lui ont été adressées par les autorités compétentes, en particulier par l'inspection du travail à l'occasion de ses contrôles à compter du 21 février 2007 et de son courrier à la direction de CityJet, en date du 16 avril 2007, que par les faux fuyants et la procrastination qu'elle a manifestée des mois durant et en reprochant ainsi à la demanderesse son comportement au regard d'éléments exclusivement postérieurs à février 2007 sans caractériser en quoi la société CityJet aurait eu l'intention de commettre le délit de travail dissimulé en 2006, la cour n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 121-3 du code pénal et L. 8221-1et L. 8221-3 du code du travail ;
"10°) alors qu'en reprochant à la société CityJet ses prétendus faux-fuyants et sa procrastination dans ses rapports avec les autorités compétentes françaises sans mieux s'expliquer sur l'ampleur et la longueur des échanges intervenus entre CityJet et l'ITT ainsi que la CRPN tout au long des années 2007 et 2008 qui, constatées par la cour elle-même dans ses motifs, étaient révélatrices de la grande incertitude juridique, d'une part, quant à l'existence d'une obligation de se soumettre au droit du travail français sur le fondement de la Convention de Rome en l'état de la jurisprudence de la Cour de cassation en vigueur retenant soit l'application de la loi d'immatriculation de l'aéronef soit celle de la loi choisie par le contrat de travail et des contrôles exercés par l'Inspection du travail des transports et l'URSSAF avant 2007 n'ayant conclu à aucune irrégularité à l'encontre de l'exposante, d'autre part quant à l'application du droit français de la sécurité sociale eu égard à la délivrance par les autorités irlandaises de certificats E101 qui, de jurisprudence constante de la CJUE, s'imposaient à la France tant qu'ils n'étaient pas retirés par l'autorité irlandaise compétente, ce qui était le cas à la période visée par la prévention et enfin, quant à l'application de l'article R. 330-2-1 du code de l'aviation civile à l'activité de CityJet au sein des aéroports d'Orly et de Roissy en l'état non seulement de simples infrastructures de type Algéco et de contrats constituant le minimum indispensable à l'exercice d'une activité d'escale dans ces aéroports mais aussi de la position de l'Irish Aviation Authority affirmant la seule application de la loi irlandaise au personnel de CityJet bien après l'entrée en vigueur du décret du 21 novembre 2007, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 121-3 du code pénal et L. 8221-1et L. 8221-3 du code du travail" ;
Sur le moyen, pris en sa septième branche :
Vu l'article 14, paragraphe 2, sous a), du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) n° 647/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 13 avril 2005, et l'article 12 bis, point 1 bis, du règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d'application du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, susvisé, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, précité, tel que modifié par le règlement (CE) n° 647/2005 du Parlement européen et du Conseil, dans leur rédaction applicable en la cause et l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que, par arrêt du 27 avril 2017, (A- Rosa Flussschiff GmbH, n° C-620/15), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 12 bis, point 1 bis, du règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d'application du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non-salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) n° 647/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 13 avril 2005, doit être interprété en ce sens qu'un certificat E 101 délivré par l'institution désignée par l'autorité compétente d'un État membre, au titre de l'article 14, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement n° 118/97, tel que modifié par le règlement (CE) n° 647/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 13 avril 2005, lie tant les institutions de sécurité sociale de l'État membre dans lequel le travail est effectué que les juridictions de cet État membre, même lorsqu'il est constaté par celles-ci que les conditions de l'activité du travailleur concerné n'entrent manifestement pas dans le champ d'application matériel de cette disposition du règlement n° 1408/71 ;
Que la Cour de justice de l'Union européenne, par arrêt du 6 février 2018, (Ömer M..., n° C- 359/16), a dit pour droit, que l'article 14, point 1, sous a), du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) n° 631/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, et l'article 11, paragraphe 1, sous a), du règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d'application du règlement n°1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement n°118/97 doivent être interprétés en ce sens que, lorsque l'institution de l'Etat membre dans lequel les travailleurs ont été détachés a saisi l'institution émettrice de certificats E101 d'une demande de réexamen et de retrait de ceux-ci à la lumière d'éléments recueillis dans le cadre d'une enquête judiciaire ayant permis de constater que ces certificats ont été obtenus ou invoqués de manière frauduleuse, et que l'institution émettrice s'est abstenue de prendre en considération ces éléments aux fins du réexamen du bien-fondé de la délivrance desdits certificats, le juge national peut, dans le cadre d'une procédure diligentée contre des personnes soupçonnées d'avoir eu recours à des travailleurs détachés sous le couvert de tels certificats, écarter ces derniers si, sur la base desdits éléments et dans le respect des garanties inhérentes au droit à un procès équitable qui doivent être accordées à ces personnes, il constate l'existence d'une telle fraude ;
Qu'il s'en déduit que, lorsqu'il est saisi de poursuites pénales du chef de travail dissimulé, pour défaut de déclarations aux organismes de protection sociale, et que la personne poursuivie produit des certificats E101, devenus A1, à l'égard des travailleurs concernés, délivrés au titre de l'article 14, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1408/71, le juge, à l'issue du débat contradictoire, ne peut écarter lesdits certificats que si, sur la base de l'examen des éléments concrets recueillis au cours de l'enquête judiciaire ayant permis de constater que ces certificats avaient été obtenus ou invoqués frauduleusement et que l'institution émettrice saisie s'était abstenue de prendre en compte, dans un délai raisonnable, il caractérise une fraude constituée, dans son élément objectif, par l'absence de respect des conditions prévues à la disposition précitée et, dans son élément subjectif, par l'intention de la personne poursuivie de contourner ou d'éluder les conditions de délivrance dudit certificat pour obtenir l'avantage qui y est attaché ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des pièces de procédure que la société de transports aériens, City Jet Limited, de nationalité irlandaise et ayant son siège social à Dublin, devenue filiale de la société Air France en 2000, a exercé une activité de transport aérien de personnes sur les aéroports de Roissy Charles de Gaulle et Orly, où elle avait immatriculé un établissement depuis 2002 ; qu'à la suite de plusieurs contrôles de l'inspection du travail, portant notamment sur la nature de l'activité et le statut des personnels au sol, navigants, commerciaux et techniques, ayant donné lieu à des procès-verbaux d'infractions de travail dissimulé à Roissy et à Orly, la société précitée a été poursuivie devant le tribunal correctionnel du chef de travail dissimulé notamment pour n'avoir pas procédé aux déclarations devant être faites aux organismes de protection sociale ; que les juges du premier degré l'ont déclarée coupable de ce chef ; que la société City Jet Limited, le ministère public et les parties civiles ont relevé appel de cette décision ;
Attendu que, pour confirmer le jugement entrepris, l'arrêt, par motifs propres et adoptés, énonce en substance que tant les personnels au sol que les personnels navigants de la société City Jet, la plupart détenteurs de contrats de travail irlandais, avaient passé leur entretien d'embauche à Roissy, étaient affectés de manière permanente à Roissy et à Orly où ils prenaient et terminaient leur service, et étaient soumis à un système d'astreinte impliquant qu'il soient domiciliés à moins d'une heure ; que les juges retiennent que ces éléments caractérisent, non des escales, mais des bases d'exploitation relevant des articles 43 à 48, anciennement 52 à 58 du Traité de Rome, relatifs au droit d'établissement ; qu'ils relèvent que la délivrance des formulaires E 101 ne saurait à elle seule combattre utilement les nombreuses pièces de la procédure et les déclarations précises et concordantes des salariés, alors que ces derniers, auxquels le règlement CEE n° 1408/71 est applicable, sont soumis à la Iégislation d'un seul Etat membre, celui où ils exercent leur activité, et qu'aucune autorisation de détachement de courte ou de longue durée n'ayant été demandée par la société, les formulaires émis par les autorités irlandaises pouvaient être remis en cause pour les personnels rattachés à un établissement en France ou pour ceux y résidant dès lors qu'ils y exerçaient leur activité professionnelle de façon prépondérante ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle ne pouvait écarter les certificats E101 sans avoir, au préalable, recherché si l'institution émettrice desdits certificats avait été saisie d'une demande de réexamen et de retrait de ceux-ci sur la base des éléments concrets recueillis dans le cadre de l'enquête judiciaire permettant, le cas échéant, de constater que ces certificats avaient été obtenus ou invoqués de manière frauduleuse et que l'institution émettrice s'était abstenue, dans un délai raisonnable, de les prendre en considération aux fins de réexamen du bien-fondé de la délivrance desdits certificats, et, dans l'affirmative, sans établir, sur la base de l'examen des éléments concrets et dans le respect des garanties inhérentes au droit à un procès équitable, l'existence d'une fraude de la part de la société City Jet, constituée, dans son élément matériel, par le défaut, dans les faits de la cause, des conditions prévues à l'article 14, paragraphe 2 sous a) aux fins d' obtention ou d' invocation des certificats E101 en cause et, dans son élément moral, par l' intention de ladite société de contourner ou d'éluder les conditions de délivrance dudit certificat pour obtenir l'avantage qui y est attaché, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 8 octobre 2013, et pour qu'il soit jugé à nouveau, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-huit septembre deux mille dix-huit ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.