LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu les articles 783 et 907 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte du 18 janvier 2008, Mme X... et M. Z..., représentés par M. X..., ont cédé à la société EB Holding, représentée par M. A..., les actions composant le capital de la société Ardennes mondial bennes, présidée par M. Z..., au prix de 3 300 000 euros ; que la société EB Holding a assigné M. et Mme X... en annulation de l'acte de cession des actions pour réticence dolosive et paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que pour rejeter les demandes formées par la société EB Holding, la cour d'appel s'est fondée sur les écritures de M. et Mme X... datées du 26 décembre 2016 ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'ordonnance de clôture avait été rendue le 20 décembre précédent, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 février 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix octobre deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour la société EB Holding
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société EB Holding de ses demandes tendant à l'annulation de la cession d'actions du 15 avril 2008, à la restitution, en conséquence, du prix de vente de 3.300.000 euros, ainsi qu'au paiement d'une somme de 800 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE par conclusions en date du 26 décembre 2016, M. et Mme X... demandent à la cour d'appel d'ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture et déclarer leurs dernières conclusions recevables, de constater que la société EB Holding ne rapporte pas la preuve des manoeuvres ou réticences dolosives des cédants du fait de la pollicitation de cette société dans le rachat des parts de la société AMB, de constater que les difficultés rencontrées par la société AMB après la cession procèdent de plusieurs fautes de son représentant légal, la société EB Holding, dans la conduite des affaires de la société, de dire et juger en conséquence qu'il n'existe aucun dol ou réticence dolosive du fait des cédants, de dire et juger que la société EB Holding ne rapporte pas la preuve d'une concurrence de M. et Mme X..., de constater que l'effondrement de l'activité de la société AMB est exclusivement lié à la faute de la société EB Holding, elle-même représentée par M. Jean François A... et, en conséquence, de dire que la vente intervenue le 15 avril 2008 est parfaite, de débouter la société EB Holding de l'ensemble de ses demandes et de condamner la société EB Holding à payer à chacun des intimés la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;
AUX MOTIFS EGALEMENT QU' aux termes de l'article 1116 du Code civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ; qu'il ne se présume pas et doit être prouvé ; que le dol peut être constitué par le silence d'une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter ; qu'il appartient à celui qui invoque le dol ou la réticence dolosive d'apporter la preuve des manoeuvres ou des dissimulations d'informations ; qu'en l'espèce, la société EB Holding produit un courrier de son expert-comptable établissant que le chiffre d'affaires a commencé à baisser en 2008, mais a surtout chuté à compter de 2009, étant précisé que le prix de la cession avait été fixé en fonction de la valeur des capitaux propres et de la valeur du fonds de commerce ; qu'elle produit les statuts de la société Volga France signés le 19 octobre 2007 et modifiés le 30 septembre 2014, entre M. Bastien B..., Emilie B... et la société Volga-Consultadoria E Marketing, représentée par M. Bastien B... ; que cette société immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Beauvais le 26 octobre 2007 a pour président Louis B... depuis le 28 décembre 2011 ; que la société EB Holding produit une présentation du site internet de la société Volga France qui montre que son activité est la fourniture de bennes ; que son siège social avait été fixé initialement à Saint Omer en Chaussée (60) jusqu'au 30 septembre 2011, puis à Ruitz (62), puis à Joigny sur Meuse (08) à compter du 1er octobre 2014, d'après l'attestation du Président produite par l'appelante ; que la société EB Holding produit un message de M. F... , gérant la société AMCI, adressé à M. A... le 13 mars 2013 ; qu'il « atteste avoir été mis en relation avec la société Volga France par M. X... pour réaliser les équipements complémentaires pour les bennes de Volga France et ceci en décembre 2007 » ; que ceci établit au minimum que M. X... avait connaissance de la société Volga France dès décembre 2007 ; que de plus, il est constant qu'avant de céder les parts de la société EB Holding, Mme X... avait entrepris selon protocole du 3 juillet 2007, de les vendre à M. Louis B..., alors dirigeant de la société Volga Ukraine, avec laquelle la société EB Holding (en réalité la société AMD) était en relation d'affaires ; que de plus, il est constant qu'avant de céder les parts de la société EB Holding (comprendre « la société AMB »), Mme X... avait entrepris, selon protocole du 3 juillet 2007, de les vendre à M. Louis B..., alors dirigeant de la société Volga Ukraine, avec laquelle la société EB Holding (comprendre « la société AMB ») était en relation d'affaires ; que toutefois M. et Mme X... produisent une attestation de M. Louis B..., président de la société Volga France en date du 29 juin 2013, dont il résulte que la société Volga France a travaillé une seule fois avec la société AMCI ; que par ailleurs, des anciens salariés de la société EB Holding (M. C..., Mme D...) et M. Louis B... ont attesté que M. A... connaissait l'existence de la société Volga France dès le début de la reprise de la société EB Holding (comprendre « la société AMB »), puisqu'il en parlait ; que M. B... précise même que M. A... avait visité les locaux de la société Volga Ukraine en 2008 et qu'à cette occasion, ils ont parlé de l'activité de la société Volga France ; qu'il indique en outre que M. A... a décidé d'arrêter sa collaboration avec la société Volga Ukraine à compter de 2009 ; que dès lors, il n'est pas établi que l'existence et l'activité de la société Volga France aient été dissimulées à M. A... ; qu'au surplus, à supposer que ce dernier n'en ait eu connaissance qu'après la cession de parts, la société EB Holding n'apporte nullement la preuve qu'il s'agissait d'un élément essentiel et déterminant de son consentement et que les époux X... ont sciemment omis de lui communiquer cette information dans le but de l'inciter à signer l'acte de cession ; qu'il n'est d'ailleurs pas établi que la société Volga France, qui avait son siège social dans l'Oise jusqu'en 2011, soit à l'origine des difficultés financières de la société EB Holding, sachant que c'est justement à compter de 2009 que cette dernière a arrêté sa collaboration avec la société Volga Ukraine et M. X... ; que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont estimé que la demande de nullité de la cession de parts sociales ne pouvait prospérer ; que le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses dispositions ;
ALORS QU'après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office ; qu'en statuant au regard des conclusions des époux X... du 26 décembre 2016, qui étaient irrecevables pour être postérieures à l'ordonnance de clôture du 20 décembre 2016, la cour d'appel a violé les articles 783 et 907 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société EB Holding de ses demandes tendant à l'annulation de la cession d'actions du 15 avril 2008, à la restitution, en conséquence, du prix de vente de 3.300.000 euros, ainsi qu'au paiement d'une somme de 800 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS PROPRES QU' aux termes de l'article 1116 du Code civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ; qu'il ne se présume pas et doit être prouvé ; que le dol peut être constitué par le silence d'une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter ; qu'il appartient à celui qui invoque le dol ou la réticence dolosive d'apporter la preuve des manoeuvres ou des dissimulations d'informations ; qu'en l'espèce, la société EB Holding produit un courrier de son expert-comptable établissant que le chiffre d'affaires a commencé à baisser en 2008, mais a surtout chuté à compter de 2009, étant précisé que le prix de la cession avait été fixé en fonction de la valeur des capitaux propres et de la valeur du fonds de commerce ; qu'elle produit les statuts de la société Volga France signés le 19 octobre 2007 et modifiés le 30 septembre 2014, entre M. Bastien B..., Emilie B... et la société Volga-Consultadoria E Marketing, représentée par M. Bastien B... ; que cette société immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Beauvais le 26 octobre 2007 a pour président Louis B... depuis le 28 décembre 2011 ; que la société EB Holding produit une présentation du site internet de la société Volga France qui montre que son activité est la fourniture de bennes ; que son siège social avait été fixé initialement à Saint Omer en Chaussée (60) jusqu'au 30 septembre 2011, puis à Ruitz (62), puis à Joigny sur Meuse (08) à compter du 1er octobre 2014, d'après l'attestation du Président produite par l'appelante ; que la société EB Holding produit un message de M. F... , gérant la société AMCI, adressée à M. A... le 13 mars 2013 ; qu'il « atteste avoir été mis en relation avec la société Volga France par M. X... pour réaliser les équipements complémentaires pour les bennes de Volga France et ceci en décembre 2007 » ; que ceci établit au minimum que M. X... avait connaissance de la société Volga France dès décembre 2007 ; que de plus, il est constant qu'avant de céder les parts de la société EB Holding, Mme X... avait entrepris selon protocole du 3 juillet 2007, de les vendre à M. Louis B..., alors dirigeant de la société Volga Ukraine, avec laquelle la société EB Holding (en réalité la société AMD) était en relation d'affaires ; que de plus, il est constant qu'avant de céder les parts de la société EB Holding (comprendre « la société AMB »), Mme X... avait entrepris, selon protocole du 3 juillet 2007, de les vendre à M. Louis B..., alors dirigeant de la société Volga Ukraine, avec laquelle la société EB Holding (comprendre « la société AMB ») était en relation d'affaires ; que toutefois M. et Mme X... produisent une attestation de M. Louis B..., président de la société Volga France en date du 29 juin 2013, dont il résulte que la société Volga France a travaillé une seule fois avec la société AMCI ; que par ailleurs, des anciens salariés de la société EB Holding (M. C..., Mme D...) et M. Louis B... ont attesté que M. A... connaissait l'existence de la société Volga France dès le début de la reprise de la société EB Holding (comprendre « la société AMB »), puisqu'il en parlait ; que M. B... précise même que M. A... avait visité les locaux de la société Volga Ukraine en 2008 et qu'à cette occasion, ils ont parlé de l'activité de la société Volga France ; qu'il indique en outre que M. A... a décidé d'arrêter sa collaboration avec la société Volga Ukraine à compter de 2009 ; que dès lors, il n'est pas établi que l'existence et l'activité de la société Volga France aient été dissimulées à M. A... ; qu'au surplus, à supposer que ce dernier n'en ait eu connaissance qu'après la cession de parts, la société EB Holding n'apporte nullement la preuve qu'il s'agissait d'un élément essentiel et déterminant de son consentement et que les époux X... ont sciemment omis de lui communiquer cette information dans le but de l'inciter à signer l'acte de cession ; qu'il n'est d'ailleurs pas établi que la société Volga France, qui avait son siège social dans l'Oise jusqu'en 2011, soit à l'origine des difficultés financières de la société EB Holding, sachant que c'est justement à compter de 2009 que cette dernière a arrêté sa collaboration avec la société Volga Ukraine et M. X... ; que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont estimé que la demande de nullité de la cession de parts sociales ne pouvait prospérer ; que le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses dispositions ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la société EB Holding considère que les époux X... avaient connaissance de la création par la société Volga Consultadoria Portugal d'une filiale en France et que leur silence est assimilable à un dol ; qu'aux termes de l'article 1116 du code civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ; que la création de la SAS Volga France est antérieure à la cession des actions dont la société EB Holding demande la nullité ; que dès lors, il ne peut être sérieusement soutenu que l'absence d'information de la part des cédants à ce sujet soit constitutif d'une rétention d'information, sachant que le cessionnaire avait la possibilité, suite aux publicités légales qui entourent l'immatriculation au registre du commerce et des sociétés de ladite SAS, de se renseigner ; qu'en s'abstenant de le faire, malgré l'importance des sommes en jeux, il a pris un risque, dont il ne peut imputer qu'à sa propre carence les conséquences, et ne peut exciper d'un prétendu dol dont il ne rapporte pas la preuve ; qu'il échet, en conséquence de le débouter de l'ensemble de ses demandes ;
1) ALORS QUE le cédant des actions d'une société commerciale est légalement tenu, au titre de ses obligations de bonne foi et loyauté, de révéler au cessionnaire toutes les circonstances connues de lui qui sont de nature à avoir une influence sur l'opinion que son cocontractant peut se forger quant à la situation de l'entreprise cédée et à son évolution dans un avenir prévisible, telle l'installation récente ou concomitante d'un nouveau concurrent rendant prévisible une nette diminution du chiffre d'affaires ; qu'il revient au cédant de rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation d'information ; qu'en considérant qu'il n'était pas établi que l'existence et l'activité de la société Volga France avaient été dissimulées au dirigeant de la société EB Holding, cependant qu'il appartenait à Mme X... d'établir qu'elle avait informé la société EB Holding, avant la conclusion de l'acte de cession, de l'installation de la société Volga France, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et donc violé l'article 1315, devenu 1353, du code civil ;
2) ALORS QUE la validité du consentement doit être appréciée au moment de la formation du contrat ; que pour retenir qu'il n'était pas établi que l'existence et l'activité de la société Volga France avaient été dissimulées au dirigeant de la société EB Holding, la cour d'appel invoque divers témoignages faisant état de la connaissance qu'aurait acquise M. A... de l'installation de cette entreprise concurrente dès le « début de la reprise », soit par hypothèse juste après que la cession litigieuse ait pris effet ; qu'en statuant de la sorte, sans préciser, comme elle y était pourtant invitée (cf. les dernières écritures de la société EB Holding, p.7, § 3 et s.), en quoi ces témoignages étaient de nature à établir que le dirigeant de la société EB Holding avait eu connaissance de l'installation de la société Volga France au plus tard le jour de la signature de l'acte de cession litigieux, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
3) ALORS QU'en se bornant à affirmer que la société EB Holding n'apportait pas la preuve des caractères déterminant et intentionnel de la réticence dolosive invoquée, sans répondre aux conclusions de l'appelante, qui soulignaient que la société Volga France était une concurrente directe de la société AMB, qui de surcroît était une filiale de son principal fournisseur, ce qui lui permettait de faire bénéficier ses clients d'avantages tarifaires liés à l'absence d'intermédiaire et que la dissimulation d'une donnée aussi capitale, nécessairement intentionnelle, avait eu un impact sur le consentement de la société EB Holding, qui aurait été conduite, si elle avait eu connaissance de l'installation de la société Volga France, soit à renoncer à sa décision d'achat, soit à négocier la vente des titres à des conditions financières plus favorables (cf. les dernières écritures de la société EB Holding p.8 § 5 et suivants et suite p.9), la cour d'appel a entaché sa décision d'une insuffisance de motif et ce faisant violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4) ALORS QUE l'erreur provoquée par la réticence dolosive est toujours excusable ; qu'en reprochant néanmoins à la société EB Holding, par motifs adoptés du jugement, de ne pas avoir pris l'initiative de se renseigner, en consultant le registre du commerce et des sociétés, sur la création de la société Volga France, dont l'immatriculation était antérieure à la cession litigieuse, et d'avoir ce faisant pris un risque qu'il lui appartenait d'assumer (cf. jugement entrepris p. 4, 3ème alinéa), la cour d'appel a de nouveau violé l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016.