LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un jugement a prononcé le divorce de M. X... et de Mme Y... qui s'étaient mariés, le [...], sans contrat ; que des difficultés se sont élevées lors de la liquidation et du partage de leurs intérêts patrimoniaux ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1409 du code civil ;
Attendu que la communauté se compose passivement, à titre définitif ou sauf récompense, des dettes nées pendant la communauté et que celles résultant d'un emprunt contracté par un époux sans le consentement exprès de l'autre doivent figurer au passif définitif de la communauté dès lors qu'il n'est pas établi qu'il a souscrit cet engagement dans son intérêt personnel ;
Attendu que, pour dire que seul le crédit Finaref a engagé la communauté et limiter à la somme de 7 630,87 euros la dette de cette dernière, l'arrêt relève que les remboursements effectués par le notaire au titre des crédits à la consommation Mediatis, Monabanq et Sofinco ne reposent sur aucune pièce permettant de déterminer les circonstances de leurs souscriptions, que le montant cumulé des différents emprunts contractés par un seul des époux est manifestement excessif au regard des revenus du ménage et que seul le prêt Finaref d'un montant de 6 000 euros a été encaissé sur le compte commun ;
Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que M. X... avait souscrit, sans le consentement de son épouse, des prêts à la consommation dans son intérêt personnel, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article 1402 du code civil ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, tout bien, meuble ou immeuble, est réputé acquêt de communauté si l'on ne prouve qu'il est propre à l'un des époux par application d'une disposition de la loi ;
Attendu que, pour fixer à la somme de 13 000 euros la valeur du mobilier commun et rejeter la demande de M. X... en partage tenant compte des emports déjà effectués par Mme Y..., l'arrêt se borne à constater que cette dernière fait valoir que, si, lors de son départ du domicile conjugal, elle a emporté du mobilier donné par ses grands parents, elle n'a déplacé aucun meuble commun, et retient que M. X... ne rapporte pas la preuve contraire ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il incombait à Mme Y..., qui revendiquait le caractère propre d'un bien, d'en rapporter la preuve, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du premier moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que le crédit Finaref a seul engagé la communauté et que le compte du notaire devra retenir uniquement le remboursement de la somme de 7 630,87 euros adressé à Finaref et que la valeur du mobilier commun à hauteur de 13 000 euros devra dès lors être portée à l'actif indivis, l'arrêt rendu le 20 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le crédit Finaref a seul engagé la communauté et d'AVOIR dit que le compte du notaire devra retenir uniquement le remboursement de la somme de 7.630,87 euros adressé à Finaref ;
AUX MOTIFS QUE « - sur le remboursement des crédits à la consommation
Il résulte du jugement déféré que Mme Y... demandait au premier juge de retirer du passif de communauté le montant des crédits à la consommation réglés par le notaire liquidateur à hauteur de 78.548,41 euros et de juger que seul M. X... en supportera la charge, conformément aux dispositions légales de l'article 1415 du code civil, à défaut de rapporter la preuve de l'imputabilité à la communauté.
Pour débouter Mme Y... de cette prétention, la décision déférée a retenu que dans le cadre de l'ouverture des opérations de liquidation le 30 juillet 2007, M. X... avait demandé que soient prélevées sur les fonds détenus par le notaire les sommes nécessaires pour le remboursement des différents crédits à la consommation et que Mme Y... avait déclaré être d'accord pour que ces crédits soient remboursés et donné mandat au notaire, à cet effet. Mme Y... n'avait pas alors contesté que ces emprunts avaient été souscrits pour les besoins du ménage.
Toutefois, s'il est constant que Mme Y... a donné son accord le 30 juillet 2007 pour le remboursement des crédits à la consommation sur les fonds détenus par le notaire, les annexes de l'acte comportent des questionnaires remplis par les époux, Mme Y... y précisant "prêt souscrit en intégralité au nom de M. X... dont j'ai eu connaissance au moment du jugement de conciliation. M. X... doit apporter la preuve de l'utilisation de ces prêts par la communauté". Cette contestation préexistait dès lors que le juge de la conciliation a refusé de statuer sur les crédits mobiliers en notant que "le mari devait démontrer leur caractère commun",
Il s'en déduit que le simple accord donné par Mme Y... au notaire d'avoir à rembourser les crédits à la consommation n'équivaut pas à une reconnaissance par elle de ce qu'ils auraient été souscrits pour les besoins du ménage mais s'inscrit dans une recherche légitime de ne pas voir les dettes augmenter.
M. X... invoque les dispositions de l'article 220 du code civil au terme duquel chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l'entretien du ménage ou l'éducation des enfants : toute dette ainsi contractée par l'un oblige l'autre solidairement. Toutefois, la solidarité n'a pas lieu pour les dépenses manifestement excessives eu égard au train de vie du ménage, l'utilité ou l'inutilité de l'opération, la bonne ou mauvaise foi du tiers contractant. En outre elle n'a pas lieu non plus s'ils n'ont été conclus du consentement des deux époux pour les achats à tempérament et emprunts, à moins que ces derniers ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante et que le montant cumulé de ces sommes en cas de pluralité d'emprunts ne soit pas manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage.
L'article 1415 du code civil, auquel se réfère l'appelante, qui stipule que "chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n'aient pas été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint qui, dans ce cas, n'engage pas ses biens propres", n'est pas applicable aux emprunts ménagers portant sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante qui engagent solidairement les deux époux.
La cour constate qu'aucun des actes notariés, que ce soit le 30 juillet 2007, le 19 septembre 2008, le 18 novembre 2009 ou le 16 novembre 2012, ne comporte en annexe les contrats de crédits litigieux souscrits auprès de Finaref, Médiatis, Monabanq, Banque Accord, Cofidis et Sofinco qui ont fait l'objet des remboursements litigieux.
Or M. X... s'était engagé à communiquer au notaire le décompte de remboursement dans les quinze jours du premier acte (page 3 de l'acte du 30 juillet 2007) et au plus tard avant le 30 septembre 2007 (sa page 4). Il ne l'a donc jamais fait ou en tout cas n'en rapporte pas la preuve devant la cour.
Le notaire, en son projet en date du 19 septembre 2008, s'est contenté de lister les sommes adressées aux différents organismes bancaires sans même indiquer les références des contrats (cf son tableau en page 6 de l'acte).
Il est constant que Mme Y... ne communique aucune pièce relative à ces contrats mais elle précise toutefois qu'elle n'en a jamais eu connaissance et qu'elle a quitté le domicile le 2 mai 2005. Elle ajoute que les fonds que l'époux retirait des différents organismes de crédits étaient versés sur un compte bancaire propre de l'époux et non sur celui de la communauté de sorte qu'elle n'a jamais eu connaissance de ces emprunts et n'y a jamais consenti.
Quoi qu'il en soit, la cour considère que M. X... est nécessairement en possession de ces contrats puisqu'il s'était engagé à en justifier devant le notaire et constate que M. X... produit devant la cour des pièces éparses ne permettant pas de connaître l'historique de ces contrats.
En effet, les pièces parcellaires produites par l'intimé établissent que :
- un crédit Sofinco [...] d'un montant de 20 000 euros (pièce 25), un crédit Cofidis Libravou réserve d'argent de 8 500 euros numéro [...] (pièce 27), un crédit Egg Banque Accord numéro [...] d'un montant de 17 162,23 euros (pièce 28) et un crédit Diac (découvert autorisé de 3 000 francs (pièce 28 bis) ont été contractés par l'époux seul (qui n'établit pas que la signature de la pièce 28 bis serait celle de l'épouse qui "aurait emprunté la signature de son époux" ainsi qu'il le soutient ),
- un crédit Sofinco [...] de 50 000 francs a été contracté par les deux époux le 23 octobre 2001 (pièce 24) et une somme de 6 000 euros a été créditée par Finaref sur le compte joint des époux numéro [...] le 28 septembre 2004 (pièce 16),
- l'époux a bien disposé de comptes personnels ouverts auprès de son employeur la CIC Société Bordelaise numéro [...] en 2001 (pièces 17 à 23) et numéro [...] en 2004 (pièce 14) et notamment un crédit Cofidis et de nombreux prêts non identifiables étaient remboursés par l'intermédiaire du premier compte sur lequel étaient opérés des virements de Cofidis Libravou ( pièce 17 : virement de 594 euros) et des virements non identifiables formellement mais identifiés par l'intimé de manière manuscrite comme "utilisation de crédits" (sa pièce 18) ou "versement prêt" (58 000 francs en mai 1999 sa pièce 23).
Au regard de l'analyse des pièces ci-dessus décrites, la cour constate :
- qu'elle ne dispose d'aucune pièce concernant les crédits Médiatis et Monabanq remboursés par le notaire,
- qu'elle ne dispose d'aucune pièce permettant de savoir avec certitude quel crédit Sofinco a été remboursé par le notaire puisqu'il a existé deux crédits, l'un souscrit par l'époux seul, l'autre par les deux époux,
- que les pièces produites établissent que le montant cumulé des sommes empruntées par l'époux seul est manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage dès lors que le couple disposait d'un revenu correct (3 870 euros pour l'époux environ par mois et 468 euros par mois pour l'épouse) lui permettant d'assumer les besoins courants de la famille sans s'endetter au-delà des seuls crédits immobiliers et à la consommation souscrits du consentement des deux conjoints,
- que la preuve est rapportée que le couple a bénéficié du crédit Finaref à hauteur de 6 000 euros, somme versée sur le compte commun le 28 septembre 2004, cet engagement n'apparaissant pas manifestement excessif.
Dans ces conditions, seule doit être conservée dans le compte du notaire le remboursement de la somme de 7 630,87 euros adressé à Finaref, les autres crédits devant être considérés comme des crédits personnels à l'époux dont il doit conserver la charge » ;
ALORS D'UNE PART QUE la communauté se compose passivement, à titre définitif ou sauf récompense selon les cas, des dettes nées pendant la communauté ; que les dettes résultant d'un emprunt contracté par un époux sans le consentement exprès de son conjoint doivent figurer au passif définitif de la communauté dès lors qu'il n'est pas établi que l'époux a souscrit cet engagement dans son intérêt personnel ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu, au titre du passif commun définitif, le seul crédit Finaref de 7.630,87 euros et exclu les autres crédits à la consommation qu'elle a estimé être des crédits personnels à l'époux qui devait donc en conserver la charge ; qu'en statuant par ces motifs, dont il ne ressortait pas qu'il aurait été prouvé ou démontré que les autres crédits avaient effectivement été utilisés dans l'intérêt personnel de M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1409 du code civil ;
ALORS D'AUTRE PART QUE la communauté se compose passivement et à titre définitif des dettes contractées par les époux pour l'entretien du ménage et l'éducation des enfants, conformément à l'article 220 du code civil, peu important que la dette ménagère soit solidaire ou non quant à son obligation ; qu'en l'espèce, et mis à part le crédit Finaref, la cour d'appel a exclu du passif commun définitif les emprunts souscrits par M. X... qui, en raison de leur montant cumulé excessif au regard du train de vie du couple, constitueraient des dettes ménagères non solidaires ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a manifestement confondu la contribution au passif avec l'obligation au passif, a violé les articles 220 et 1409 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR fixé le montant du mobilier commun à hauteur de 13.000 euros et d'AVOIR en conséquence écarté la demande de répartition inéquitable formulée par M. X... ;
AUX MOTIFS QUE « La décision déférée est critiquée par les deux parties en ce qu'elle a dit qu'il ne pouvait être tenu compte dans l'actif à partager du mobilier commun dans la mesure où il n'existait aucun élément probant quant à la liste et la valeur des meubles meublants le domicile conjugal ni sur la question de savoir s'il a été partagé et comment.
Les parties s'accordent désormais devant la cour pour chiffrer la valeur du mobilier à 13 000 euros.
Elles restent en désaccord sur la répartition des meubles, l'intimé soutenant que Mme Y... aurait conservé des meubles à hauteur de 10 000 euros et lui-même de 3 000 euros, l'appelante soutenant qu'il n'en rapporte aucune preuve.
M. X... a fait dresser unilatéralement un procès-verbal de constat par un huissier le 6 mai 2005 soit après le départ de l'épouse qu'elle situe le 2 mai 2005, huissier à qui il a déclaré qu'un certain nombre de meubles auraient été emportés par Mme Y... à son départ. Les photographies et le constat fait par l'huissier de traces de la présence de meubles qui ont été déménagés (marques sur les murs et les sols notamment) confirment que Mme Y... a emporté certains meubles.
Pour autant, elle fait valoir qu'elle a effectivement récupéré du mobilier que lui avaient donné ses grands-parents mais aucun meuble commun et la preuve contraire n'en est pas rapportée par M. X... qui ne communique aucune autre pièce que le constat précité.
La valeur du mobilier commun à hauteur de 13 000 euros devra dès lors être portée à l'actif indivis et l'intimé débouté de sa demande de répartition inéquitable » ;
ALORS QUE tout bien, meuble ou immeuble, est réputé acquêt de communauté si l'on ne prouve qu'il est propre à l'un des époux par application d'une disposition de la loi ; qu'il incombe à l'époux revendiquant le caractère propre d'un bien d'en rapporter la preuve ; qu'en jugeant que M. X... ne rapportait pas la preuve du caractère commun des meubles emportés par Mme Y... lors de son départ du domicile conjugal, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1402 du code civil.