LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
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M. Fabien X..., partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 8e chambre, en date du 8 novembre 2017, qui, dans la procédure suivie contre M. François F... , Mme Isabelle G..., MM. Didier Y..., Serge Z..., J... A... et François B... des chefs de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, et complicité de ce délit, a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 18 septembre 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme Ménotti, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de Mme le conseiller MÉNOTTI, les observations de la société civile professionnelle LE GRIEL, la société civile professionnelle LYON-CAEN et THIRIEZ et de la société civile professionnelle BARADUC, DUHAMEL et RAMEIX, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CORDIER ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, 29 alinéa 1 et 31 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement du tribunal correctionnel de Versailles du 16 janvier 2017 ayant débouté M. Fabien X... de ses demandes indemnitaires, en raison de la relaxe prononcée à l'égard des prévenus poursuivis pour diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public ;
"aux motifs, à les supposer adoptés des premiers juges, que le délit de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public est constitué en tous ses éléments, que les prévenus ne peuvent se prévaloir de l'exception de bonne foi dès lors que les conditions de fiabilité et de sérieux de l'enquête et de prudence dans l'expression ne sont pas réunies, que « toutefois, s'agissant de la justification des propos au regard de l'article 10 de la Convention européenne des droit de l'homme, il résulte de cette disposition conventionnelle et de son interprétation par la Cour européenne des droits de l'homme que la protection de la liberté de la presse est fondamentale et que l'ingérence étatique dans l'exercice de cette liberté doit répondre à une exigence de proportionnalité par rapport aux valeurs protégées », que « s'agissant de l'honneur et de la considération d'un homme politique, il est admis que celui-ci doit s'attendre par nature à des critiques de forte intensité, voire, provocatrices », qu'« en l'espèce, il est constant que M. Fabien X... est un homme politique », que « les propos dont il a été victime ont été diffusés dans le cadre d'un débat politique d'intérêt général sur les rythmes scolaires et le profil des animateurs périscolaires », que « dans cette mesure, les attaques litigieuses destinées à susciter la polémique, n'apparaissent pas disproportionnées par rapport à la passion générée par ce débat de société sur les questions éducatives », que « les propos en cause n'ont pas dépassé les limites admissibles de la liberté d'expression d'un opposant politique, qui par ailleurs dispose de tribunes pour y répondre, étant observé que lesdits propos ne portent pas sur la vie familiale et privée de M. X..., mais sont axés exclusivement sur un objectif société et politique », qu'« elles ne comportent aucune attaque personnelle », que « dans cette mesure l'atteinte portée à la réputation de M. X... n'apparaît pas disproportionnée » ;
"et aux motifs propres qu'« en application de l'article 10 de la CEDH et au regard des principes de liberté de la presse, de liberté d'expression et de proportionnalité des ingérences dans l'exercice de ces libertés, la Cour, approuvant les juges du premier degré, constate que les propos incriminés sus rappelés – exclusifs de toute attaque personnelle – se sont inscrits dans un débat d'intérêt général ayant eu pour cadre le conseil municipal de Versailles relatif au fonctionnement des écoles, à l'organisation du temps scolaire et au recrutement des animateurs périscolaires », que « ces propos reposent sur une base factuelle existante et suffisante, eu égard au contexte politique et médiatique dans lequel ils se sont inscrits, caractérisé par la polémique et des débats nés de l'élaboration puis de l'adoption de la loi sur le "Mariage pour tous" – comme en attestent plusieurs articles de presse parus dans les quotidiens Libération les 8 novembre 2016 et 14 mars 2014 et Le Parisien le 3 mai 2016, produits aux débats par les prévenus – et au sujet de la théorie du genre, opposant les partisans de cette réforme législative aux membres de la "Manif pour tous", tels M. X..., élu sur la liste "[...] " », que « les propos incriminés n'excèdent donc pas les limites du débat politique et de la critique admissible à l'égard d'un homme investi d'un mandat public, soit en l'espèce un conseiller municipal visé en cette qualité, limites plus larges qu'à l'égard d'un simple particulier » ;
" alors que les propos incriminés imputent à M. X..., membre du conseil municipal de la ville de [...], d'une part, d'avoir demandé, lors d'une séance de ce conseil, à l'équipe municipale si elle contrôlait correctement l'orientation sexuelle des animateurs scolaires qu'elle embauchait et, d'autre part, de vouloir contrôler l'orientation sexuelle de ces animateurs, tandis que celui-ci avait, en réalité, uniquement demandé à l'équipe municipale ce qu'elle faisait pour éviter que le lobby LGBT infiltre ce personnel et que cette imputation mensongère d'un fait précis, susceptible de qualification pénale (incitation à la discrimination à raison de l'orientation sexuelle), qui porte atteinte à l'honneur et à la considération de M. X... et qui ne saurait ni se justifier par le droit à l'information sur le sujet d'intérêt général des rythmes scolaires ou du recrutement des animateurs scolaires débattu au sein du conseil municipal, ni trouver une base factuelle suffisante dans le débat national relatif à la loi sur le « Mariage pour tous » dans lequel M. X... a pris publiquement parti, dépasse les limites admissibles de la liberté d'expression" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des pièces de la procédure que M. Fabien X..., conseiller municipal de la ville de [...] sur la liste "[...]", a porté plainte et s'est constitué partie civile du chef de diffamation publique envers une personne chargée d'un mandat public et complicité de ce délit, en raison d'une part, d'un article publié dans le magazine d'information de ladite ville le 2 novembre 2014, dont le directeur de publication est M. H... , sous la signature de Mmes G... et A..., MM. Y... et Z..., conseillers municipaux de la liste "[...]" contenant les propos suivants : "Le 2 octobre se tenait le Conseil municipal de rentrée. Cette fois encore la séance a été houleuse et fort instructive sur le plan de la démocratie ... 2e round la stupeur / Le Groupe [...] nous fait une démonstration de leurs valeurs profondes : homophobie et obscurantisme dans toutes les déclarations et remarques. Ils iront jusqu'à demander à l'équipe municipale si elle contrôle correctement non seulement les casiers judiciaires (c'est la loi) mais aussi "l'orientation sexuelle" des animateurs qu'elle embauche", d'autre part, d'un propos publié le même jour sur le compte twitter "[...]" par M. B..., ainsi libellé : "Fabien X... veut contrôler l'orientation sexuelle des animateurs de la ville" ; que les juges du premier degré ont relaxé l'ensemble des prévenus des fins de la poursuite ; que M. X... a relevé appel de cette décision ;
Attendu que, pour confirmer le jugement et débouter M. X... de ses demandes, l'arrêt énonce que les propos incriminés, exclusifs de toute attaque personnelle, se sont inscrits dans un débat d'intérêt général ayant eu pour cadre le conseil municipal de Versailles relatif au recrutement des animateurs périscolaires, qu'ils reposent sur une base factuelle suffisante eu égard au contexte politique et médiatique dans lequel ils se sont inscrits, au sujet de la théorie du genre opposant les partisans de la réforme législative autorisant le mariage de personnes du même sexe, aux membres de la "Manif pour tous", tels que M. X... ; qu'ils en déduisent que ces propos n'excèdent pas les limites de la critique admissible à l'égard d'un homme investi d'un mandat public, limites plus larges qu'à l'égard d'un simple particulier ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi et dès lors que les propos tenus par M. X..., conseiller municipal, n'ont pas été dénaturés par ses adversaires politiques, lesquels pouvaient recourir à l'exagération tant qu'ils restaient dans les limites admises du débat politique, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 000 euros la somme que M. X... devra payer à M. H... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
FIXE à 2 000 euros la somme que M. X... devra payer à Mmes A..., G..., MM Y... et Z... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente octobre deux mille dix-huit ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.