LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon le jugement attaqué, que par lettre du 2 février 2018, la fédération de la santé et de l'action sociale CGT a désigné M. Y... en qualité de délégué syndical au sein de la société LPCR groupes ; que la société a contesté cette désignation devant le tribunal d'instance ;
Sur la première branche du moyen unique :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le moyen, ci-après annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur la seconde branche du moyen unique :
Vu les articles L. 2121-1 et L. 2143-3 du code du travail ;
Attendu que pour dire que la fédération de la santé et de l'action sociale CGT avait un champ statutaire professionnel couvrant l'activité de l'entreprise, le tribunal d'instance retient que les bulletins de salaire du salarié produits aux débats mentionnent que la société classe son activité principale parmi celles correspondant à l'accueil de jeunes enfants (NAF 88 91A), laquelle est incluse dans l'action sociale sans hébergement pour jeunes enfants (NAF 88 91), elle-même faisant partie des services d'action sociale sans hébergement (NAF 88) ; que l'article 1er des statuts de la fédération CGT de la santé et de l'action sociale prévoit que la fédération est formée entre les syndicats des personnels des services de santé, publics et privés, et de l'action sociale, en activité et en retraite ; que cette fédération a donc vocation à assurer la défense générale des intérêts professionnels, économiques et sociaux des travailleurs employés par la société LPCR groupe ;
Qu'en se déterminant ainsi, alors que la référence, dans les bulletins de paie, à une convention collective n'a qu'un caractère indicatif, et qu'il lui appartenait de rechercher si l' activité principale de la société, dédiée à l'accueil de jeunes enfants, était incluse dans le champ statutaire professionnel de la fédération de la santé et de l'action sociale CGT, le tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 13 avril 2018, entre les parties, par le tribunal d'instance d'Asnières-sur-Seine ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Colombes ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat aux Conseils, pour la société LPCR groupe.
Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir rejeté la demande d'annulation de la désignation du 2 février 2018 de M. Stéphane Y... en qualité de délégué syndical CGT ;
AUX MOTIFS QUE sur la désignation contestée, l'article L. 2143-3 du code du travail prévoit que chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise ou l'établissement d'au moins cinquante salariés qui constitue une section syndicale, désigne parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli à titre personnel et dans leur collège au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants, dans les limites fixées par l'article L. 2143-12, un ou plusieurs délégués syndicaux pour la représenter auprès de l'employeur. S'agissant du pouvoir d'une fédération pour désigner un délégué syndical, les articles 1 et 2 des statuts de la fédération CGT de la santé et de l'action sociale prévoient, en substance, qu'est formée entre les syndicats des personnels de santé, publics et privés, une union nationale des syndicats dont le but est d'assurer la défense générale des intérêts professionnels, économiques et sociaux des travailleurs. Il en résulte suffisamment que les statuts de cette fédération permettent la désignation d'un délégué syndical directement au sein d'une entreprise. S'agissant du pouvoir du signataire, les articles 10 à 14 des statuts de la fédération CGT de la santé et de l'action sociale prévoient, en substance, que la fédération est administrée par le congrès fédéral national, organe décisionnel de la fédération, le comité national fédéral dans l'intervalle des congrès fédéraux, la commission exécutive fédérale, organe dirigeant de la fédération et le bureau fédéral, chargé d'administrer la fédération entre chaque session de la commission exécutive. L'article 14 de ces statuts précise que le bureau fédéral est composé de membres de la commission exécutive élus par cette dernière. Ces derniers sont secrétaires de la fédération. (
) Le secrétaire général de la fédération est élu par la commission exécutive fédérale, élection ratifiée par le congrès. Par courrier du 2 février 2018, Madame Mireille Z... a désigné Monsieur Stéphane Y... en qualité de délégué syndical de la fédération CGT de la santé et de l'action sociale au sein de la SAS LPCR Groupe. Madame Mireille Z... a été élue en qualité de secrétaire générale par vote de ratification du congrès s'étant tenu du 23 au 27 mars 2015. La désignation du 2 février 2018 relevant des actes d'administration de la fédération, la secrétaire générale détient des statuts de cette fédération le pouvoir de le faire. Il résulte de l'ensemble que Monsieur Stéphane Y... a été désigné par une personne disposant du pouvoir de le faire. S'agissant du champ catégoriel du syndicat, la SAS LPCR Groupe estime relever du champ professionnel des services à la personne, non du secteur de la santé et de l'action sociale. Elle produit au soutien de son argumentation la convention collective nationale des acteurs du lien social et familial du 4 juin 1983 applicable à son activité principale qui exclut de son champ les entreprises à but lucratif. L'extrait d'immatriculation de la société au registre du commerce et des sociétés mentionne que l'activité principale de l'entreprise consiste en l'étude, la conception, l'exploitation d'établissement d'accueil de jeunes enfants. Les bulletins de salaire de Monsieur Stéphane Y... produits aux débats mentionnent que la société classe son activité principale parmi celles correspondant à l'accueil de jeunes enfants (NAF 88 91A), laquelle est incluse dans l'action sociale sans hébergement pour jeunes enfants (NAF 88 91), elle-même faisant partie des services d'action sociale sans hébergement (NAF 88). Or, l'article 1 des statuts de la fédération CGT de la santé et de l'action sociale prévoit que la fédération est formée entre les syndicats des personnels des services de santé, publics et privés, et de l'action sociale, en activité et en retraite. Cette fédération a donc vocation à assurer la défense générale des intérêts professionnels, économiques et sociaux des travailleurs employés par la SAS LPCR Groupe ;
1) ALORS QUE le secrétaire général d'un syndicat ne peut désigner un délégué syndical que si les statuts lui confèrent le pouvoir de représenter le syndicat dans tous les actes de la vie civile ; qu'en considérant pourtant que la désignation de M. Stéphane Y..., en qualité de délégué syndical, relevait des actes d'administration de la fédération de la santé et de l'action social CGT, pour en déduire que la secrétaire générale détenait des statuts de cette fédération le pouvoir de procéder à cette désignation, le tribunal a violé l'article L. 2143-3 du code du travail ;
2) ALORS QU'en tout état de cause, un syndicat ne peut désigner un délégué syndical que dans le champ d'application géographique et professionnel déterminé par ses statuts, peu important son adhésion à une organisation reconnue représentative au plan national et interprofessionnel ; que le code NAF d'une entreprise n'a qu'une valeur indicative ; que dans ses conclusions, la société LPCR Groupe faisait valoir qu'elle avait pour activité le service d'accueil de jeunes enfants de 4 mois à 3 ans dans des crèches privées à but lucratif interentreprises et que cette activité ne relevait ni du secteur de la santé, ni du secteur de l'action sociale au regard de son caractère lucratif, mais du service à la personne, comme le prévoit l'accord professionnel du 12 octobre 2007 relatif au champ d'application du secteur des entreprises de services à la personne ; que dès lors en l'espèce, en se bornant à se fonder sur le code NAF mentionné sur les bulletins de salaire de M. Stéphane Y..., pour en déduire que l'activité de la société LPCR Groupe, qui relevait de l'action sociale, entrait dans le champ professionnel de la fédération de la santé et de l'action sociale CGT, sans rechercher, comme il lui était demandé, si l'activité de cette société ne relevait pas du secteur des entreprises de services des entreprises à la personne et de la convention collective nationale de services à la personne, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2143-3 du code du travail.