LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
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M. Yvan C... , partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 1er juin 2017, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 26 juin 2012, pourvoi n°11-87.416) dans la procédure suivie contre lui du chef de rébellion et après relaxe de MM. Marc D... et Bertrand E... du chef de violences aggravées, a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 4 décembre 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme X..., conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Bray ;
Sur le rapport de Mme le conseiller X..., les observations de la société civile professionnelle RICHARD, de la société civile professionnelle MONOD, COLIN et STOCLET, avocats en la Cour, et les conclusions de M. le premier avocat général Y... ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que deux agents de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage ( ONCFS ) ont interpellé sur un territoire interdit à la chasse, M. Yvan C... qui a résisté ; que ce dernier a été cité devant le tribunal correctionnel pour rébellion ; que les agents de l'ONCFS ont été cités directement à l'audience par M. C... qui leur a reproché des violences aggravées ayant provoqué un traumatisme cervical ; que le tribunal, qui a relaxé les agents de l'ONCFS et débouté M. C... de ses demandes, l'a condamné pour délit de rébellion et a reçu les fonctionnaires en leurs constitutions de partie civile ; que M. C... a fait appel de l'ensemble des dispositions du jugement lui faisant grief de même que le ministère public qui a limité son appel au délit de rébellion ; que par arrêt définitif du 22 mai 2013, la cour d'appel statuant sur renvoi après cassation, a relaxé les agents de leurs demandes , déclaré recevable la constitution de partie civile de M. C..., dit que les faits reprochés aux agents sont constitutifs de l'infraction de blessures involontaires et renvoyé l'affaire à l'audience d' intérêts civils ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 3, 4 et 593 du code de procédure pénale, du principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, et de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, défaut de motif et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. Marc D... et M. Bertrand E... responsables à hauteur des trois quarts seulement du préjudice subi par M. Yvan C..., puis a fixé les indemnités revenant à celui-ci en conséquence de ce partage de responsabilité ;
"aux motifs qu'il est indiqué à tort qu'il a été définitivement statué par l'arrêt du 22 mai 2013 sur les responsabilités des parties, alors que si la cour, dans cette décision, a jugé les faits reprochés à MM. D... et E... constitutifs de l'infraction de blessures involontaires, elle ne s'est pas pour autant prononcée, en l'absence de l'ONCFS qui n'était alors pas attrait dans la cause, sur les conséquences civiles quant à la réparation du préjudice de M. C... ; qu'il convient en conséquence de statuer sur ce point ; qu'il ressort du dossier que la partie civile, coutumière de la réglementation en matière de chasse pour avoir notamment fait l'objet d'une procédure antérieure, a refusé le 9 septembre 2007, à trois reprises, de déférer aux injonctions faites par les gardes de l'ONCFS de se soumettre à leur contrôle, après que sa présence ait été constatée sur le territoire de l'ACCA du Mont Saxonnex, et alors que son comportement faisait présumer à ces agents une action de chasse en infraction aux articles L. 424-2, L. 428-5, L. 423-1 et L. 428-2 du code de l'environnement, selon le procès-verbal alors établi ; que ce refus, au motif allégué d'un appel téléphonique à son épouse, dont la présence postée en proximité de cette zone de chasse interdite par arrêté préfectoral avait été par ailleurs relevée, est directement à l'origine de l'appréhension litigieuse qui s'en est suivie ; que le comportement fautif de M. C..., à l'égard d'agents investis d'un pouvoir de police judiciaire, est ainsi pour une part à l'origine des faits dont il a été victime, la cour estimant justifié de fixer cette responsabilité à un quart ;
"1°) alors que l'ONCFS avait la qualité de partie à l'instance ayant donné lieu à l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble du 22 mai 2013 ; qu'en affirmant le contraire, afin d'en déduire que l'ONCFS ne pouvait se voir opposer l'autorité de la chose jugée attachée à cette décision, la cour d'appel a exposé sa décision à la cassation ;
"2°) alors que, en toute hypothèse, l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil est absolue, en ce sens qu'elle vaut à l'égard de tous, c'est-à-dire y compris à l'égard de ceux qui n'avaient pas la qualité de partie à l'instance ayant donné lieu à la décision ; qu'en décidant néanmoins que l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble du 22 mai 2013 ne pouvait être revêtu de l'autorité de la chose jugée à l'égard de l'ONCFS, au motif inopérant que cette décision aurait été rendue « en l'absence de l'ONCFS qui n'était alors pas attrait dans la cause », la cour d'appel a méconnu le principe de l'autorité absolue de la chose jugée au pénal sur le civil ;
"3°) alors que l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil s'attache à ce qui a été définitivement, nécessairement et certainement décidé par le juge pénal sur l'existence du fait qui forme la base commune de l'action civile et de l'action pénale, sur sa qualification, ainsi que sur la culpabilité de celui à qui le fait est imputé ; que l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble du 22 mai 2013 avait déclaré MM. E... et D... coupables de blessures involontaires au préjudice de M. C..., après avoir jugé que les agents de l'ONCFS ne pouvaient se prévaloir, pour justifier les violences exercées à l'encontre de M. C..., ni du fait qu'il avait refusé de se soumettre au contrôle, ni du fait qu'il avait opposé une résistance active à la tentative d'arrestation illégale dont il faisait l'objet ; qu'il en résultait qu'il avait été définitivement jugé que M. C... n'avait pas commis de faute à l'origine de son préjudice ; qu'en décidant néanmoins que l'arrêt du 22 mai 2013 n'avait pas définitivement jugé que M. C... était fondé à obtenir la réparation intégrale de son préjudice, sans pouvoir se voir opposer une faute qu'il aurait commise et qui aurait été pour partie à l'origine de son préjudice, la cour d'appel a exposé sa décision à la cassation ;
"4°) alors que la légitime défense exclut toute faute et exclut que celui qui s'est légitimement défendu puisse voir réduire son indemnisation au titre des préjudices qu'il a subi du fait de l'agression dont il a été victime, quelles que soient les circonstances de cette agression ; qu'en décidant néanmoins que M. C..., dont il avait été définitivement jugé qu'il avait fait l'objet de blessures involontaires en raison d'une tentative d'appréhension par la force injustifiée et qui ne pouvait se voir reprocher le délit de rébellion, avait néanmoins commis une faute de nature à réduire son indemnisation en refusant de se soumettre à un contrôle, bien que ce refus n'ait pu justifier les violences exercées, de sorte qu'il ne se trouvait pas en relation de cause à effet avec le préjudice subi, la cour d'appel a exposé sa décision à la cassation" ;
Attendu que, pour déclarer MM. D... et E... responsables du préjudice subi par M. C... à hauteur des trois-quarts, l'arrêt attaqué retient que si la cour dans son arrêt du 22 mai 2013 a jugé les faits reprochés à M. D... et M. E... constitutifs de l'infraction de blessures involontaires, elle ne s'est pas pour autant prononcée, en l'absence de l'ONCFS qui n'était alors pas attrait dans la cause, sur les conséquences civiles quant à la réparation du préjudice de M. C... ; que les juges ajoutent que la partie civile, coutumière de la réglementation en matière de chasse pour avoir notamment fait l'objet d'une procédure antérieure, a refusé le 9 septembre 2007, à trois reprises, de déférer aux injonctions faites par les gardes de l'ONCFS de se soumettre à leur contrôle, alors que son comportement sur la zone de chasse interdite par arrêté préfectoral, faisait présumer à ces agents une action de chasse et que ce refus, au motif allégué d'un appel téléphonique à son épouse, est directement à l'origine de l'appréhension litigieuse qui s'en est suivie ; que les juges en déduisent que le comportement fautif de M. C..., à l'égard d'agents investis d'un pouvoir de police judiciaire, est ainsi pour une part à l'origine des faits dont il a été victime, la cour estimant justifié de fixer cette responsabilité à un quart ;
Attendu qu'en prononçant ainsi et dès lors que l'autorité de chose jugée attachée à la seule déclaration que les faits reprochés à MM. D... et E... étaient constitutifs de blessures involontaires n'excluait pas la recherche ultérieure d'un éventuel partage de responsabilité entre ces derniers et M. C..., la cour d'appel, qui a démontré l'existence d'une faute de la victime à l'origine des faits distincts de ceux pour lesquels elle a été relaxée, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 3, 4 et 593 du code de procédure pénale, de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a fixé le montant du préjudice personnel subi par M. C... à la seule somme de 156 113,74 euros, comprenant la seule somme de 1 403,07 euros au titre des frais divers ;
"aux motifs que les honoraires de M. Z..., médecin, qui n'a pas assisté M. C... aux opérations d'expertise, ne peuvent être pris en charge, ces dépenses ressortant des frais de la défense ;
"1°) alors que le rapport d'expertise du 20 octobre 2014, établi à la suite de l'examen de M. C..., indique que « était présent le Docteur Z... qui l'assistait » ; qu'en affirmant néanmoins que M. Z..., médecin, n'avait pas assisté M. C... aux opérations d'expertise, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs ;
"2°) alors que, en toute hypothèse, la victime peut obtenir le remboursement des frais qu'elle a légitimement exposés pour établir la réalité et l'étendue de son préjudice ; que la cour d'appel ne pouvait, dès lors, rejeter la demande de M. C... au titre des honoraires de M. Z..., médecin, qui l'avait assisté dans le cadre de sa défense, sans indiquer les raisons pour lesquelles il n'aurait pu légitimement recourir aux services de ce praticien pour évaluer son préjudice et chiffrer ses demandes" ;
Attendu que, pour rejeter la demande en paiement formée par la partie civile des honoraires du docteur Z..., l'arrêt attaqué relève que ce médecin n'a pas assisté M. C... aux opérations d'expertise judiciaires et que ces frais ressortissent aux frais de défense ;
Attendu que, si c'est à tort que la cour d'appel relève que la présence de ce médecin n'est pas mentionnée dans le rapport du docteur A..., expert sapiteur désigné par le tribunal, l'arrêt attaqué, qui a accordé par ailleurs une somme de 8 000 euros au titre des frais irrépétibles, n'encourt pas pour autant la censure, dès lors que les honoraires de ce médecin, liés à la défense des intérêts du demandeur, entrent dans les prévisions de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;
D'où il suit que le moyen sera écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 3, 4 et 593 du code de procédure pénale, de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a limité à la somme de 156 113,74 euros le préjudice personnel subi par M. C..., en ce compris la seule somme de 40 000 euros au titre de l'incidence professionnelle ;
"aux motifs que la dévalorisation de la partie civile sur le marché du travail et l'augmentation de la pénibilité résultant des séquelles justifie l'allocation d'une somme de 40 000 euros, soit 30 000 euros après imputation du partage de responsabilité ;
"alors que la victime ayant subi des blessures, est en droit de prétendre à l'indemnisation du préjudice qu'elle subit, constitué par l'impossibilité de reprendre son activité professionnelle, du fait de son handicap ; qu'en se bornant à prendre en considération, pour évaluer l'incidence professionnelle, la dévalorisation de M. C... sur le marché du travail et l'augmentation de la pénibilité résultant des séquelles, sans rechercher si M. C... se trouvait, du fait des violences exercées à son encontre, dans l'impossibilité de reprendre son activité professionnelle, ce qui constituait un préjudice devant être indemnisé, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Attendu que, pour fixer à 30 000 euros l'incidence professionnelle , la cour d'appel, retient la dévalorisation de la partie civile sur le marché du travail et l'augmentation de la pénibilité résultant des séquelles ;
Attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors qu'il résulte des énonciations de l'arrêt, que la partie civile avait repris son travail à temps complet, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen sera écarté ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 3, 4 et 593 du code de procédure pénale, de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a fixé à la seule somme de 156 113,74 euros le montant du préjudice de M. C..., le déboutant de sa demande au titre de la perte de gains professionnels futurs ;
"aux motifs qu'il convient de rappeler que l'expert psychiatre a exclu l'incidence des troubles relevés sur l'aptitude professionnelle, l'expert neurochirurgien concluant pour sa part à une inaptitude au travail de décolleteur exercé et plus généralement à tout travail manuel ; qu'il est sur ce point justement souligné en défense que l'appréciation de M. B..., médecin, repose sur le licenciement de la partie civile intervenu en avril 2009, alors que les circonstances de cet événement ne sont pas explicitées, notamment par une attestation de l'employeur, la société Deal Deco, et que l'intéressé a indiqué à M. A..., médecin, avoir fait l'objet d'un licenciement économique, ce qui est affirmé par l'indication d'un chômage partiel en février 2009 ; que par ailleurs, la reconnaissance le 5 janvier 2010 de la qualité de travailleur handicapé et l'admission au bénéfice d'une pension d'invalidité, catégorie 1, à compter de février 2010 et 2 à compter de juin 2011, à défaut d'autres précisions, ne suffisent pas à établir la certitude du lien de causalité invoqué, au regard notamment des conclusions des examens réalisés en avril, mai et juin 2009 sur l'origine des douleurs du membre supérieur droit sans déficit neurologique (pièces 51, 71, 74, 77) ; que sur ce point, il ne peut qu'être constaté qu'invité à recueillir des informations complémentaires auprès de l'assurance maladie, M. B..., médecin, s'est contenté de reprendre ses affirmations ; que les rapports de M. Z..., médecin, n'apportent à ce sujet pas de renseignement au soutien des prétentions, ce spécialiste ayant souligné à l'inverse en septembre 2008 la qualité de récupération de la partie civile, après sa reprise d'activité à temps plein en juin 2008 et mentionné, dans un rapport d'octobre 2014, un arrêt d'activité pour des raisons économiques et un placement en invalidité sans autre commentaire ; que M. C... sera en conséquence débouté de sa demande faite à hauteur de 371 340,26 euros ;
"alors que la circonstance que la victime ait fait l'objet d'un licenciement pour motif économique n'exclut pas d'indemniser son préjudice économique futur ; que la cour d'appel ne pouvait, dès lors, légalement considérer que la circonstance que M. C... avait fait l'objet d'un licenciement économique justifiait de lui refuser toute indemnisation au titre du préjudice économique futur" ;
Attendu que, pour rejeter la demande en paiement de la somme de 371 340,26 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs, l'arrêt retient que l'appréciation du neurochirurgien concluant à une inaptitude de M. C... au travail de décolleteur, se fonde sur le licenciement de la partie civile intervenu en avril 2009 dont les circonstances ne sont pas explicitées et sur les déclarations de l'intéressé au docteur A... selon lesquelles il a fait l'objet d'un licenciement économique; que les juges ajoutent que la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé et l'admission au bénéfice d'une pension d'invalidité, de catégorie 1 puis 2, à défaut d'autres précisions, ne suffisent pas à établir la certitude du lien de causalité invoqué, au regard notamment des conclusions des examens réalisés en avril, mai et juin 2009 sur l'origine des douleurs du membre supérieur droit sans déficit neurologique et des rapports du docteur Z... soulignant au contraire dès septembre 2008 la qualité de récupération de la partie civile, après sa reprise d'activité à temps plein en juin 2008 et mentionnant dans un rapport d'octobre 2014, un arrêt d'activité pour des raisons économiques et un placement en invalidité sans autre commentaire ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel qui a, sans insuffisance, ni contradiction, souverainement apprécié l'absence de lien de causalité entre le licenciement de la partie civile avec les blessures dont celle-ci a été victime, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen sera écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale au profit de M. C... ;
FIXE à 2 500 euros la somme globale que M. C... devra payer à l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, MM. D... et E... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quinze janvier deux mille dix-neuf ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.