LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu les articles 455 et 954, alinéa 3, du code de procédure civile ;
Attendu que le juge doit statuer sur les dernières conclusions déposées ;
Attendu que pour déclarer irrecevables les demandes de M. et Mme Y..., l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (deuxième chambre civile, 19 février 2015, pourvoi n° 13-26.682), se prononce au visa de leurs conclusions « notifiées par voie électronique » le 24 août 2015, auxquelles il fait expressément référence pour l'énoncé du détail de leur argumentation ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte des productions que M. et Mme Y... avaient signifié et remis au greffe le 20 juin 2016 des conclusions développant une argumentation supplémentaire, notamment pour répondre aux conclusions adverses du 4 décembre 2015, la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs dont il ne résulte pas qu'elle aurait pris en considération celles du 20 juin 2016 qui étaient les dernières, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre ;
Condamne la société BNP Paribas Antilles Guyane aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. et Mme Y... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize janvier deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré les demandes de M. Grégoire Y... et de Mme Marie A... Y... irrecevables ;
ALORS QU'en se prononçant au visa des conclusions déposées par les époux Y... le 24 août 2015, quand ces derniers avaient déposé de nouvelles conclusions le 20 juin 2016, notamment pour répondre aux conclusions adverses en date du 4 décembre 2015, la Cour d'appel a violé les articles 455 alinéa 1er et 954 alinéa 2 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré les demandes de M. Grégoire Y... et de Mme Marie A... Y... irrecevables,
AUX MOTIFS QU'en application de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention. En l'espèce, outre le fait que les fautes éventuelles de la banque, si elles étaient avérées n'engendrerait un préjudice que pour la société et non pour les cautions, force est de constater que la banque ne réclame le paiement d'aucune somme aux époux Y... en leur qualité de caution. Ils n'ont donc aucun intérêt à agir et leur demande doit être déclarée irrecevable ;
1°) ALORS QUE l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action, et l'existence du préjudice invoqué par le demandeur n'est pas une condition de recevabilité de son action mais de son succès ; qu'en se fondant pour déclarer la demande irrecevable, sur l'absence prétendue de préjudice résultant des fautes de la banque pour les époux Y..., la Cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE les époux Y... faisaient valoir que les fautes de la banque qui n'a pas surveillé le compte de la société en laissant l'ouverture de crédit accordé en 1986 à hauteur de 400.000 F passer à 1.165.384 F en 1993 et ce sans en informer les cautions, puis qui a imposé à la société Carbet Ingénierie une réduction du solde débiteur de son compte courant à raison de 50.000 F par mois tout en exigeant des intérêts majorés ainsi qu'une commission de découvert de 1/10ème et une commission de compte, puis qui a brutalement arrêté son concours en rejetant les effets et chèques de la société alors que le compte avait été ramené à 240.057,70 F en réduisant à zéro la trésorerie de la société Carbet Ingénierie et en l'obligeant à déposer le bilan, leur avait causé un préjudice puisque c'est pour permettre à la société de faire face aux exigences de la banque qu'ils avaient emprunté et avaient apporté la somme de 1.200.000 F en compte courant ; qu'en énonçant que les fautes éventuelles de la banque, si elles étaient avérées n'engendrerait un préjudice que pour la société et non pour les cautions auxquelles la banque ne réclame le paiement d'aucune somme, sans s'expliquer sur l'existence du préjudice résultant de la perte de cet apport, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du Code civil dans sa version applicable et 31 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE les époux Y... faisaient valoir qu'ils avaient subi un préjudice tant en qualité de caution, qu'en qualité d'associés et de bailleurs de la société Carbet Ingénierie dès lors que par la faute de la banque qui l'avait privée de sa trésorerie et l'avait acculée au dépôt de bilan, ils avaient perdu leur apport, la valeur de leurs parts sociales au sein de cette société ainsi que le montant des loyers échus de décembre 1997 à mai 1998 et les charges locatives ; qu'en énonçant que les fautes éventuelles de la banque, si elles étaient avérées n'engendrerait un préjudice que pour la société et non pour les cautions auxquelles la banque ne réclame le paiement d'aucune somme sans s'expliquer sur l'existence des préjudices invoqués par les époux Y... en leurs qualités d'associés et de bailleurs, la Cour d'appel a violé l'article 382 du Code civil dans sa version applicable et l'article 31 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré les demandes de M. Grégoire Y... et de Mme Marie A... Y... irrecevables,
AUX MOTIFS QUE selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité soulevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la Cour de nouvelles prétentions. En l'espèce, la demande de dommage et intérêts pour préjudice moral n'ayant pas été soulevée en première instance est irrecevable ;
1°) ALORS QUE les parties peuvent ajouter aux demandes et défenses soumises au premier juge toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément ; que la demande en réparation du préjudice moral subi par les époux Y... constituait le complément des demandes en réparation de leur préjudice matériel présentées en première instance ; qu'en déclarant cette demande irrecevable comme nouvelle, la Cour d'appel a violé l'article 566 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable à la cause ;
2°) ALORS EN TOUT ÉTAT DE CAUSE, QU'une juridiction d'appel, saisie d'une fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de prétentions nouvelles en cause d'appel ou la relevant d'office, est tenue de l'examiner au regard des exceptions prévues aux articles 564 à 567 du code de procédure civile ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher si la demande des époux Y... en réparation d'un préjudice moral n'était pas le complément des demandes présentées devant les premiers juges ou ne se rattachait pas aux prétentions originaires par un lien suffisant, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 564 à 567 précités dans leur rédaction applicable à la cause.