LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 28 juillet 2016), que M. V... a été engagé le 16 novembre 2009 en qualité de boucher par la société Boucherie des Alpes ; qu'ayant démissionné de son poste le 30 janvier 2012, le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de paiement des sommes au titre du salaire du mois de février 2012 outre les congés payés afférents, alors, selon le moyen, que c'est à l'employeur, tenu de payer sa rémunération et de fournir du travail au salarié qui se tient à sa disposition, qu'il incombe de prouver que le salarié a refusé d'exécuter son travail ou ne s'est pas tenu à sa disposition ; qu'après avoir retenu que M. V... n'avait pas perçu sa rémunération au titre du mois de février 2012, la cour d'appel l'a débouté de sa demande en paiement au motif qu'il ne justifiait pas avoir travaillé durant le mois litigieux ; qu'en statuant ainsi quand il incombait à l'employeur de démontrer que le salarié ne s'était pas tenu à sa disposition durant le mois de février 2012, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé les articles 1315 et 1134 du code civil, devenus les articles 1353 et 1103 du code civil ;
Mais attendu qu'appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve produits devant elle tant par l'employeur que par le salarié, la cour d'appel, qui n'a pas inversé la charge de la preuve, a estimé que ce dernier s'était abstenu de travailler pendant son préavis ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que sous le couvert du grief non fondé de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine par les juges du fond des éléments de fait et de preuve qui leur étaient soumis par l'une et l'autre partie, et au terme de laquelle ils ont estimé que la réalité des heures supplémentaires dont l'intéressé réclamait le paiement n'était pas établie ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. V... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Schamber, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile, en son audience publique du vingt février deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Bertrand, avocat aux Conseils, pour M. V...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté M. V... de sa demande tendant à la condamnation de la société Boucherie des Alpes à lui payer les sommes de 1.542,48 euros au titre du salaire du mois de février 2012 et de 154,25 euros au titre des congés payés afférents ;
AUX MOTIFS QUE sur la demande de rappels de salaires du mois de février 2012 : Il n'est pas discuté que B... V... n'a pas perçu le salaire du mois de février 2012 pendant lequel il devait exécuter son préavis après sa démission notifiée par lettre du 30 janvier 2012. Cependant, le salarié ne justifie pas qu'il a travaillé pendant ce mois : en effet, il produit deux attestations dont l'une, fournie par son épouse qui affirme qu'il quittait la maison tous les matins pour aller travailler, doit être écartée eu égard au lien marital qui les unit ; l'autre témoignage, émanant de R... X..., ancien salarié de la boucherie des Alpes et son actuel associé, qui déclare que B... V... a travaillé pendant le mois de février 2012, n'est corroboré par aucun autre élément ; il est même contredit par la quinzaine d'attestations produites par la société boucherie des Alpes et rédigées par les salariés et par des clients indiquant que B... V... n'a pas travaillé à la boucherie des Alpes pendant le mois de février 2012 ; ainsi, D... W... dont B... V... était le maître de stage et qui relate que ce dernier le ramenait chez lui après le service lorsqu'il pleuvait, certifie que ce dernier n'a pas travaillé pendant le mois de février 2012. Il convient dès lors de débouter B... V... de sa demande de salaire du mois de février 2012 (arrêt attaqué p. 3) ;
ALORS QUE c'est à l'employeur, tenu de payer sa rémunération et de fournir du travail au salarié qui se tient à sa disposition, qu'il incombe de prouver que le salarié a refusé d'exécuter son travail ou ne s'est pas tenu à sa disposition ; qu'après avoir retenu que M. V... n'avait pas perçu sa rémunération au titre du mois de février 2012, la cour d'appel l'a débouté de sa demande en paiement au motif qu'il ne justifiait pas avoir travaillé durant le mois litigieux ; qu'en statuant ainsi quand il incombait à l'employeur de démontrer que le salarié ne s'était pas tenu à sa disposition durant le mois de février 2012, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé les articles 1315 et 1134 du code civil, devenus les articles 1353 et 1103 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. V... de sa demande tendant à la condamnation de la société Boucherie des Alpes à lui payer les sommes de 8.262,77 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires, 826,28 euros au titre des congés payés afférents, 9.254,88 euros à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé et 7.688,52 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des obligations de l'employeur ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence du nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié et le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande. Si la charge de la preuve en matière d'heures supplémentaires est partagée entre le salarié et l'employeur, il appartient d'abord au salarié d'étayer sa demande par des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments. Le contrat de travail de B... V... fixait la durée de travail hebdomadaire à 35 heures du mardi au samedi. B... V... produit un décompte des heures qu'il aurait effectuées entre septembre 2010 à novembre 2011 à partir d'un cahier sur lequel il aurait noté au jour le jour, ses horaires de travail. Ce cahier paraît avoir été effectué pour les besoins de cause car les mentions qui y figurent, ont manifestement été portées pendant le même temps et les horaires de l'année 2010 ont été inscrits après les horaires de l'année 2011. Par ailleurs, alors que B... V... se prévaut de journées de travail commençant à 7h30 et finissant à 19 h30, D... W..., apprenti boucher, cité plus haut, que B... V... "raccompagnait parfois chez lui, après le service lorsqu'il pleuvait" certifie que celui-ci avait les mêmes horaires que lui, soit de 9 heures à 13 heures et de 15 heures à 18 heures, et que la fermeture de 18 heures à 19 heures était assurée par le patron. Enfin, les éléments produits ne prouvent pas davantage que B... V... travaillait le dimanche : les témoignages des 14 clients qui prétendent l'avoir vu à la boucherie tous les dimanches sont combattus par ceux des clients présentés par la Boucherie des Alpes et qui eux, affirment ne l'avoir jamais vu à la boucherie le dimanche, et par les déclarations d'anciens salariés comme D... W... ou J... I.... Faute d'éléments fiables établissant la réalisation d'heures supplémentaires, B... V... sera débouté de sa demande d'heures supplémentaires. Le rejet des demandes de rappel de salaires et d'heures supplémentaires de B... V... entraîne le rejet des demandes de dommages-intérêts pour travail dissimulé et pour manquements à l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail ainsi que de sa demande de communication de fiches de paie rectifiées (arrêt attaqué pp. 3-4) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE les attestations fournies par le salarié ne permettent pas d'affirmer que M. B... V... a bien effectué toutes ces heures ; que l'article 1331 du code civil précise : "les registres et papiers domestiques ne font point un titre pour celui qui les écrits, ils font foi contre lui" (jugement pp. 8-9) ;
ALORS QUE la charge de la preuve des heures supplémentaires n'incombe spécialement à aucune partie ; qu'il appartient seulement au salarié qui sollicite le paiement d'heures supplémentaires de fournir au juge des éléments de nature à étayer sa demande ; qu'en déboutant M. V... de sa demande en paiement d'heures supplémentaires au motif que cette demande n'était pas justifiée, tout en constatant que le salarié versait aux débats un décompte des heures de travail effectuées et de nombreuses attestations confirmant ce décompte, sans que son employeur, qui pouvait répondre à ces éléments de preuve, apporte le moindre élément contradictoire, la cour d'appel, qui a fait peser l'intégralité de la charge de la preuve de l'existence des heures supplémentaires sur le salarié, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail.