LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° U 18-85.074 F-D
N° 450
5 MARS 2019
VD1
RENVOI
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à Paris, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité formulée par mémoire spécial reçu le 6 décembre 2018 et présentée par :
- L'association Sea Shepherd, partie civile
à l'occasion du pourvoi formé par elle contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 12 juin 2018, qui, dans la procédure suivie, sur sa plainte, contre l'association Océan prévention Réunion et MM. I... K... et R... J... du chef de diffamation publique envers un particulier, a déclaré nulle la citation directe et l'a déboutée de ses demandes ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 19 février 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Parlos, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de M. le conseiller Parlos, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général QUINTARD ;
Attendu que la question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
"Tendant à faire juger que les dispositions de l'article 54 de la loi du 29 juillet 1881, en ce qu'elles prévoient un délai entre la citation et la comparution devant le tribunal correctionnel de vingt jours outre un jour par cinq myriamètres de distance, permettant ainsi, lorsque le prévenu résidant Outre-Mer est cité en Métropole, que ce délai soit porté à plusieurs mois, lorsque, en toute autre matière, le délai de distance est fixé à un mois, portent atteinte aux Droits et libertés que la Constitution garantit, et plus exactement au droit de la partie civile d'agir en justice, au principe d'égalité devant la justice et au droit à la réputation, composante du droit au respect de la vie privée, garantis par les articles 2, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen" ;
Attendu que la disposition législative contestée est applicable à la procédure et n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;
Et attendu que la question posée présente un caractère sérieux, en ce que la disposition critiquée, qui détermine, en matière de délit de presse, le délai devant séparer la date de délivrance de la citation de celle de l'audience devant la juridiction de jugement, après un délai minimum de vingt jours, en fonction de la distance, évaluée selon une unité de mesure datant de l'époque révolutionnaire, existant entre le domicile du prévenu et le siège de la juridiction devant laquelle il doit comparaître, pourrait, lorsque ce domicile, sur le territoire de la République, est très éloigné du lieu du procès, être dépourvue de garanties propres à assurer une conciliation proportionnée entre la liberté d'expression, d'une part, et le principe d'égalité, d'autre part ;
D'où il suit qu'il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;
Par ces motifs :
RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le cinq mars deux mille dix-neuf ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;