LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu selon l'arrêt attaqué (Riom, 24 janvier 2017), que Mme H... a été engagée le 20 février 2010 par la société Cooper sécurité (la société) en qualité de préparatrice magasin catégorie ouvrier ; qu'elle était déléguée du personnel titulaire et membre suppléante du comité d'entreprise; que la société a engagé une procédure de licenciement collectif pour motif économique et que par décision du 13 mars 2012, l'inspection du travail a autorisé le licenciement de la salariée ; que la salariée avait saisi la juridiction prud'homale le 28 décembre 2011 ;
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à saisir le tribunal administratif afin qu'il statue sur la question préjudicielle de la légalité de la décision de l'inspecteur du travail du 13 mars 2012 et n'y avoir lieu à surseoir à statuer dans l'attente de la décision à intervenir alors, selon le moyen :
1°/ que le juge judiciaire est tenu, à la demande du salarié, de poser au juge administratif une question préjudicielle sur la légalité de la décision administrative d'autorisation de licenciement lorsque l'appréciation du bien-fondé des demandes du salarié en dépend et que cette question présente un caractère sérieux ; qu'en l'espèce, la salariée faisait grief à la décision de l'inspecteur du travail autorisant son licenciement d'être insuffisamment motivée au regard du motif économique de licenciement allégué par l'employeur, à savoir la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, et d'être entachée d'erreur de droit et de fait dans l'appréciation dudit motif et du respect de l'obligation de reclassement ; qu'en refusant de transmettre au tribunal administratif une question préjudicielle relative à la légalité de la décision administrative de licenciement, sans caractériser le manque de sérieux de la contestation de la salariée, la cour d'appel a violé l'article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et le principe de séparation des pouvoirs ;
2°/ que le juge judiciaire est tenu, à la demande du salarié, de poser au juge administratif une question préjudicielle sur la légalité de la décision administrative d'autorisation de licenciement lorsque l'appréciation du bien-fondé des demandes du salarié en dépend et que cette question présente un caractère sérieux, peu important que le salarié n'ait pas contesté ladite décision devant le juge administratif quand il en avait la possibilité ; qu'en énonçant en l'espèce que « les arguments soulevés par les salariés protégés ont trait à la légalité de la décision administrative et pouvaient être soulevés dans le cadre des voies de recours ouverte à l'encontre de ces décisions qu'ils n'ont pas jugé opportun d'initier » pour refuser de transmettre la question préjudicielle au juge administratif, la cour d'appel a violé l'article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et le principe de séparation des pouvoirs ;
3°/ que le juge judiciaire est tenu, à la demande du salarié, de poser au juge administratif une question préjudicielle sur la légalité de la décision administrative d'autorisation de licenciement lorsque l'appréciation du bien-fondé des demandes du salarié en dépend et que cette question présente un caractère sérieux ; qu'en l'espèce, la salariée faisait grief à la décision de l'inspecteur du travail autorisant son licenciement d'être insuffisamment motivée au regard du motif économique de licenciement allégué par l'employeur, à savoir la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ; qu'en refusant de transmettre au tribunal administratif une question préjudicielle pour la raison que la salariée avait exprimé l'intention de quitter l'entreprise, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a violé l'article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et le principe de séparation des pouvoirs ;
4°/ que le juge judiciaire est tenu, à la demande du salarié, de poser au juge administratif une question préjudicielle sur la légalité de la décision administrative d'autorisation de licenciement lorsque l'appréciation du bien-fondé des demandes du salarié en dépend et que cette question présente un caractère sérieux ; qu'en l'espèce, en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, s'il ne ressortait pas notamment des rapports rendu par le cabinet d'expert-comptable saisi pas le comité d'entreprise que la suppression d'emplois décidée par l'employeur n'était pas nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou du groupe auquel elle appartient, en sorte que la légalité de la décision administrative était sérieusement contestée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et le principe de séparation des pouvoirs ;
Mais attendu qu'abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la troisième branche du moyen, la cour d'appel qui a constaté, par motifs propres et adoptés, que la décision d'autorisation administrative de licenciement avait caractérisé le fait que le licenciement économique était fondé au sein de l'entreprise et du groupe ainsi que les efforts de reclassement spécifiques à la salariée et avait écarté tout lien entre le licenciement et le mandat exercé, en a exactement déduit que la contestation de la légalité de cette décision n'apparaissait pas sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme H... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six mars deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme H...
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit n'y avoir pas lieu de surseoir à statuer et dit qu'il n'y a pas lieu de saisir le tribunal administratif afin qu'il statue sur la question préjudicielle de la légalité de la décision de l'inspecteur du travail du 13 mars 2012 et de surseoir à statuer dans l'attente de la décision à intervenir ;
AUX MOTIFS propres QU'en l'état d'une autorisation administrative de licencier un salarié protégé accordée à l'employeur par l'inspecteur du travail, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur le caractère réel et sérieux de la cause de licenciement ; que comme le soutient à juste titre l'employeur, la question préjudicielle qui fonde un sursis à statuer ne s'impose que si cette contestation est sérieuse, or les arguments soulevés par la salariés protégés ont trait à la légalité de la décision administrative et pouvaient être soulevés dans le cadre des voies de recours ouvertes à l'encontre de ces décisions qu'ils n'ont pas jugé opportun d'initier ; que par ailleurs aucun élément dans la motivation de la décision de l'inspecteur du travail ne met en cause le comportement de l'employeur notamment dans le cadre des modalités de recueil du volontariat des salariés protégés alors que l'inspecteur du travail a pris soin de relever que ces salariés avait réitéré lors de l'enquête contradictoire leur souhait de quitter l'entreprise dans le cadre de départs volontaires ; qu'il n'y a donc pas lieu de saisir le tribunal administratif de Clermont-Ferrand afin qu'il statue sur la question préjudicielle de la légalité de la décision de l'inspecteur du travail du 13 mars 2012 et de surseoir à statuer dans l'attente de la décision à intervenir ;
ET AUX MOTIFS partiellement adoptés QUE le licenciement d'un salarié protégé obéit à une procédure spéciale d'ordre public absolu et ne peut intervenir qu'après autorisation préalable de l'inspecteur du travail ; que la demande d'autorisation doit être présentée par l'employeur à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement dans lequel est employé l'intéressé ; que lorsque la demande de licenciement est fondée sur un motif économique, il revient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié ; que le cadre d'appréciation du motif économique doit être le groupe, soit l'ensemble des sociétés du groupe oeuvrant dans le même secteur d'activité qans qu'il y ait lieu de borner cet examen à celles d'entre elles ayant leur siège social en France ; qu'il appartient également à l'inspecteur du travail d'apprécier l'exécution par l'employeur de son obligation de reclassement intuitu personé du salarié à l'intérieur du groupe, et de s'assurer que le salarié protégé a eu accès aux mesures de reclassement externe prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'il lui appartient enfin de s'assurer de l'absence de lien du licenciement avec le mandat du salarié protégé ; que la décision de l'inspecteur du travail peut faire l'objet de recours gracieux, hiérarchique et contentieux ; que le juge administratif se prononce uniquement sur la validité de la décision de l'administration pour la confirmer ou l'annuler ; que seul le conseil de prud'hommes sera compétent pour statuer sur des demandes d'indemnisation, son pouvoir d'appréciation pouvant toutefois être limité par la position prise par la juridiction administrative ; qu'au nom du principe de la séparation des pouvoirs, il n'appartient qu'à l'autorité administrative saisie d'une demande d'autorisation d'un salarié protégé d'apprécier, sous le contrôle du juge administratif, si les règles de procédure préalable à la saisine ont été respectées ; que de même, le juge judiciaire ne peut pas, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, en l'état d'une autorisation administrative de licencier définitive, apprécier le caractère réel et sérieux du motif de licenciement au regard de la cause économique ou du respect par l'employeur de son obligation de reclassement ; que sur ce point, l'appréciation du juge administratif s'impose à lui ; qu'en cas d'annulation définitive d'une autorisation administrative de licenciement, les effets de la décision administrative de licenciement étant anéantis, le juge du contrat de travail retrouve alors pleine compétence pour accorder des dommages-intérêts en fonction du préjudice subi du fait de la nullité du licenciement et pour apprécier la cause réelle et sérieuse du licenciement ; que dans le cadre d'une instance prud'homale engagée par le salarié protégé pour obtenir réparation du dommage causé par un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le juge judiciaire, saisi d'une question préjudicielle par le salarié protégé, est donc tenu, lorsqu'une difficulté sérieuse relative à la légalité de l'autorisation administrative se pose, de surseoir à statuer et de renvoyer les parties devant la juridiction administrative aux fins d'appréciation par cette dernière de la légalité de la décision administrative de licenciement ; que le recours en appréciation de légalité par le juge administratif sur renvoi du juge judiciaire n'est soumis à aucune condition de délai ; qu'en l'espèce la décision de l'inspection du travail est ainsi libellée : « Considérant que la procédure de consultation du comité d'entreprise sur le projet de licenciement économique collectif et sur le projet de plan de sauvegarde de l'emploi s'est déroulé du 31 mai 2011 au 4 novembre 2011, Considérant que la réorganisation de la société COOPER SECURITE SAS qui vise à centraliser en ROUMANIE la fabrication de produits d'éclairage de sécurité de gros volumes et plus complexes a pour objet de préserver la compétitivité de la société et du groupe auquel elle appartient, Considérant que le marché de l'éclairage de sécurité où sont en compétition de grands leaders mondiaux connaît une forte pression sur les prix depuis le début de l'année 2011, Considérant que le groupe COOPER a connu une baisse de son chiffre d'affaire entre 2008 et 2010 et que la société COOPER SECURITE SAS a enregistré une baisse de son activité sur l'année 2011, Considérant que cette menace sur la compétitivité de l'entreprise rend nécessaire une réorganisation, Considérant que la rationalisation de la production a conduit l'entreprise à transférer vers la [...] références de produits de flux à gros volumes et entraîne la suppression de 21 postes de travail à RIOM, Considérant que le poste de Madame W... H... d'animatrice îlot finition et emballage est supprimé, Considérant les deux courriers adressés à Madame W... H... en date du 11 et du 19 octobre 2011 faisant état de solutions de reclassement existantes au sein du groupe COOPER en France et à l'étranger ainsi qu'à l'extérieur du groupe, Considérant que le courrier de Madame W... H... adressé à l'entreprise COOPER SECURITE SAS en date du 25 octobre 2011 faisant part de son souhait de bénéficier du plan de départs volontaires prévu dans le cadre du Plan de Sauvegarde de l'Emploi, Considérant que Madame W... H... a réitéré son souhait, lors de l'enquête contradictoire, de quitter l'entreprise dans le cadre de départs volontaires, Considérant qu'à ce jour, aucun élément ne permet d'établir un lien entre la demande et le mandat de Madame W... H..., DECIDE : L'autorisation de procéder au licenciement pour motif économique de Madame W... H... est accordée. » ; que la salariée reproche à la décision d'être insuffisamment motivée ; qu'elle conteste l'appréciation de l'inspection du travail sur la réalité de la nécessité de procéder à une réorganisation de la société pour sauvegarder sa compétitivité ; qu'elle reproche à la décision d'avoir insuffisamment examiné le respect par la société de son obligation de reclassement ; qu'elle lui fait enfin grief de n'avoir pas écarté le lien entre son mandat et le projet de licenciement ; que la circonstance que la salariée n'a pas contesté la décision de l'inspection du travail la concernant ne lui interdit pas de contester aujourd'hui son licenciement et il appartient au conseil de prud'hommes de rechercher si la contestation de la légalité de la décision administrative dont il est saisi est sérieuse ; qu'il ressort de l'autorisation administrative que l'inspection du travail a effectivement caractérisé le fait que le licenciement économique était fondé au sein de l'entreprise et du groupe ainsi que les efforts de reclassement spécifique à la salariée et écarté un lien entre le licenciement et statut de salarié protégé ; qu'en conséquence, au regard des principes susvisés et à la lecture des mentions de l'autorisation administrative de licenciement, la contestation de la légalité de la décision n'apparaît pas sérieuse ; qu'il n'y a donc pas lieu de rejeter la demande de sursis à statuer et de saisine du tribunal administratif ; qu'il convient donc de rouvrir les débats afin d'inviter les parties à conclure au fond ;
1° ALORS QUE le juge judiciaire est tenu, à la demande du salarié, de poser au juge administratif une question préjudicielle sur la légalité de la décision administrative d'autorisation de licenciement lorsque l'appréciation du bien-fondé des demandes du salarié en dépend et que cette question présente un caractère sérieux ; qu'en l'espèce, la salariée faisait grief à la décision de l'inspecteur du travail autorisant son licenciement d'être insuffisamment motivée au regard du motif économique de licenciement allégué par l'employeur, à savoir la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, et d'être entachée d'erreur de droit et de fait dans l'appréciation dudit motif et du respect de l'obligation de reclassement ; qu'en refusant de transmettre au tribunal administratif une question préjudicielle relative à la légalité de la décision administrative de licenciement, sans caractériser le manque de sérieux de la contestation de la salariée, la cour d'appel a violé l'article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et le principe de séparation des pouvoirs ;
2° ALORS QUE le juge judiciaire est tenu, à la demande du salarié, de poser au juge administratif une question préjudicielle sur la légalité de la décision administrative d'autorisation de licenciement lorsque l'appréciation du bien-fondé des demandes du salarié en dépend et que cette question présente un caractère sérieux, peu important que le salarié n'ait pas contesté ladite décision devant le juge administratif quand il en avait la possibilité ; qu'en énonçant en l'espèce que « les arguments soulevés par les salariés protégés ont trait à la légalité de la décision administrative et pouvait être soulevés dans le cadre des voies de recours ouverte à l'encontre de ces décisions qu'ils n'ont pas jugé opportun d'initier » pour refuser de transmettre la question préjudicielle au juge administratif, la cour d'appel a violé l'article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et le principe de séparation des pouvoirs ;
3° ALORS QUE le juge judiciaire est tenu, à la demande du salarié, de poser au juge administratif une question préjudicielle sur la légalité de la décision administrative d'autorisation de licenciement lorsque l'appréciation du bien-fondé des demandes du salarié en dépend et que cette question présente un caractère sérieux ; qu'en l'espèce, la salariée faisait grief à la décision de l'inspecteur du travail autorisant son licenciement d'être insuffisamment motivée au regard du motif économique de licenciement allégué par l'employeur, à savoir la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ; qu'en refusant de transmettre au tribunal administratif une question préjudicielle pour la raison que la salariée avait exprimé l'intention de quitter l'entreprise, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a violé l'article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et le principe de séparation des pouvoirs ;
4° ALORS QUE le juge judiciaire est tenu, à la demande du salarié, de poser au juge administratif une question préjudicielle sur la légalité de la décision administrative d'autorisation de licenciement lorsque l'appréciation du bien-fondé des demandes du salarié en dépend et que cette question présente un caractère sérieux ; qu'en l'espèce, en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, s'il ne ressortait pas notamment des rapports rendu par le cabinet d'expert-comptable saisi pas le comité d'entreprise que la suppression d'emplois décidée par l'employeur n'était pas nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou du groupe auquel elle appartient, en sorte que la légalité de la décision administrative était sérieusement contestée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et le principe de séparation des pouvoirs.