La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/03/2019 | FRANCE | N°18-14156

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 mars 2019, 18-14156


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu le principe d'interdiction faite au juge de dénaturer les éléments de la cause ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagé le 1er janvier 1990 en qualité d'opérateur par la société Forge France, M. O... était affecté sur le site de Nouzonville ; que l'employeur a décidé en 2012 de fermer cet établissement et a élaboré un plan de sauvegarde de l'emploi ; que le salarié a consenti le 2 janvier 2013 à son reclassement sur un emploi d'estampeur dans l'usine de Joigny

et a signé une convention de transfert stipulant qu'à défaut de validation de son apt...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu le principe d'interdiction faite au juge de dénaturer les éléments de la cause ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagé le 1er janvier 1990 en qualité d'opérateur par la société Forge France, M. O... était affecté sur le site de Nouzonville ; que l'employeur a décidé en 2012 de fermer cet établissement et a élaboré un plan de sauvegarde de l'emploi ; que le salarié a consenti le 2 janvier 2013 à son reclassement sur un emploi d'estampeur dans l'usine de Joigny et a signé une convention de transfert stipulant qu'à défaut de validation de son aptitude par le médecin du travail et de régularisation de l'avenant après la période de formation de six mois, le salarié pourra prétendre au bénéfice des dispositions relatives au licenciement pour motif économique et aux dispositions du plan de sauvegarde de l'emploi arrêté au 13 décembre 2012 ; que, licencié le 6 février 2014, le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que pour débouter le salarié de toutes ses demandes, l'arrêt retient que son reclassement avait été effectivement réalisé, que figure dans la lettre de licenciement l'énoncé d'un motif inhérent à la personne du salarié, à savoir que, malgré un accompagnement, l'adaptation de ce salarié au poste d'estampeur ne s'avérait pas concluante et présentait des risques pour ce dernier, qu'était bien ainsi visée dans la lettre de licenciement comme cause de celui-ci l'insuffisance professionnelle inhérente à la personne du salarié, ce qui ne pouvait constituer un licenciement pour motif économique, que les premiers juges se sont déterminés en confondant à tort la cause réelle et sérieuse du reclassement -à savoir l'insuffisance professionnelle du salarié suffisamment et objectivement établie par les motifs qui précèdent- et les effets de la rupture du contrat de travail ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la lettre de licenciement proposait au salarié un contrat de sécurisation professionnelle, qu'elle énonçait le motif économique du licenciement et la suppression de vingt trois postes de travail, dont celui du salarié, que l'employeur y mentionnait que le reclassement conditionné réalisé à compter de mars 2013 ne pouvait être entériné eu égard aux spécificités du métier d'estampeur mais qu'il souhaitait néanmoins faire bénéficier le salarié des mesures liées au plan de sauvegarde de l'emploi et que la mesure initiée concernant le salarié s'inscrivait en conséquence dans la procédure de licenciement collectif pour motif économique, la cour d'appel, qui a dénaturé ce document, a violé le principe susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er février 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne la société Forge France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Forge France à payer à la SCP Didier et Pinet la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. O...

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté M. O... de sa demande tendant à voir dire et juger dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé par la société Forge France à son égard et de l'AVOIR en conséquence débouté de ses demandes de dommages et intérêts et d'indemnité de préavis.

AUX MOTIFS QUE M. O... occupait depuis son embauche en date du 1er janvier 1990 un poste d'opérateur au service de la SAS Forge France sur le site de Nouzonville ; qu'en 2012 la SAS Forge France a décidé la fermeture de cet établissement et elle a élaboré un PSE ; que le 2 janvier 2013 M. O... a consenti à son reclassement sur un emploi d'estampeur dans l'usine de Joigny et il a été signé une convention de transfert stipulant outre les conditions contractuelles nouvelles (coefficient, salaire, validation par le médecin du travail, régularisation de l'avenant après la période de formation de six mois) que : « A défaut de l'une ou l'autre de ces conditions précitées, M. O... pourra prétendre au bénéfice des dispositions relatives au licenciement pour motif économique et aux dispositions du PSE arrêté au 13 décembre 2012 » ; que le 6 février 2014 M. O... a reçu notification de son licenciement avec les motifs ainsi énoncés : « Dans le prolongement de notre entretien préalable de licenciement de ce 4 février et tel que je vous l'ai présenté, je vous prie de trouver ci-joint le dossier relatif au Contrat de Sécurisation Professionnelle dont vous voudrez bien accuser réception, le délai de 21 jours pour y adhérer courant à compter de la remise dudit document. Comme je vous l'ai précisé, l'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle mettra un terme à votre contrat de travail le lendemain de l'expiration du délai de 21 jours, l'indemnité compensatrice de préavis étant alors versée par l'entreprise directement entre les mains de Pôle Emploi ainsi que la réglementation le prévoit. Cette proposition au bénéfice du contrat de sécurisation professionnelle fait suite au constat de l'impossibilité de vous confier le poste d'estampeur tel qu'il avait été envisagé dans le cadre des mesures de reclassement interne proposées au titre du plan de sauvegarde de l'emploi mis en oeuvre au début de l'année 2013. Au titre de ce plan qui a accompagné la suppression des postes, dont le vôtre, attaché au site de Nouzonville, votre reclassement conditionné, sur le site de Joigny, a été réalisé par un accompagnement personnalisé à compter du mois de mars 2013 mais qui ne s'avérant pas concluant, eu égard aux spécificités du métier d'estampeur et des risques qu'il présente, ne peut être entériné. Néanmoins et comme nous nous y étions engagés, nous souhaitons vous faire bénéficier des mesures liées au plan de sauvegarde de l'emploi et notamment en termes indemnitaires. Votre adhésion au contrat de sécurisation professionnelle n'affecte bien évidemment d'aucune manière ces modalités. Pour le reste ainsi que vous le savez la restructuration de Forge France, liée à son recentrage sur ses activités de forge des pièces de levage et la fermeture consécutive et définitive du site d'usinage au sein duquel vous étiez affecté, a conduit aux suppressions de vingt-trois emplois dans le vôtre que ne permet donc plus de vous réaffecter au poste que vous avez occupé ; la mesure que nous avons initiée vous concernant s'inscrit en conséquence dans la procédure de licenciement collectif pour motif économique qui a débuté au dernier trimestre 2012 avec l'information et la consultation des représentants du personnel. Je vous invite donc à nous retourner le récépissé du bulletin d'adhésion figurant sur le dossier de contrat de sécurisation professionnelle dans le délai de 21 jours à réception de la présente lettre si vous décidez d'y adhérer. Vous bénéficierez en outre d'une priorité de réembauchage d'une durée de 15 mois à compter de la date de rupture de votre contrat de travail sur tout poste correspondant à votre qualification d'opérateur usinage. Néanmoins pour l'effectivité de cette priorité vous devez nous faire part, dans cette période de 15 mois, de votre souhait d'en bénéficier et de nous indiquer également toute autre qualification que vous auriez acquise après la sortie de nos effectifs. A toutes fins utiles, je vous précise qu'à défaut d'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle ou d'absence de réponse dans le délai requis, la société sera amenée à vous notifier votre licenciement pour motif économique » ; que la SAS Forge France est fondée à faire grief aux premiers juges d'avoir accueilli les prétentions de M. O... au titre de son licenciement argué de sans cause réelle sérieuse en s'abstenant de répondre à ses moyens sur la qualification de la rupture contractuelle pour se borner à considérer qu'il s'agissait d'un licenciement économique identique à celui subi par les autres salariés du site de Nouzonville en mars 2013 dans le cadre de la procédure collective et du PSE ; que la SAS Forge France en se référant à la chronologie des faits ci-avant décrite met en exergue que le reclassement de M. O... avait été effectivement réalisé et elle produit les comptes rendus de formation et d'évaluation mises en oeuvre pour accompagner l'intimé dans sa reconversion professionnelle et du reste ce dernier n'émet aucun reproche à destination de l'employeur quant au suivi dont il a bénéficié, ni il ne soutient contre les conclusions de ces documents qu'il aurait acquis la compétence et l'assurance suffisantes pour tenir le poste d'estampeur ; que comme en première instance M. O... fait principalement valoir que son licenciement a une nature exclusivement économique pour une cause non réelle, ni sérieuse et que la SAS Forge France a manqué à son obligation de recherche de reclassement en ne reprenant pas ses recherches en ce sens après l'échec de son transfert sur le poste d'estampeur et avant la notification du licenciement ; qu'il allègue aussi sans fondement que la SAS Forge France aurait illicitement tenté de lui imposer une période d'essai pour se réserver la possibilité d'un licenciement discrétionnaire ; que la période d'adaptation avait été convenue d'un commun accord dans la convention de transfert, et celle-ci n'avait pas interrompu le contrat de travail ; qu'ainsi que le rappellent pertinemment les deux parties, l'énoncé précité de la lettre de licenciement fixe les limites du litige, et ceci d'abord sur la qualification juridique de la question préalable à laquelle doit répondre la cour ; qu'ainsi que le souligne la SAS Forge France figure bien dans ladite lettre la citation d'un motif inhérent à la personne de M. O..., à savoir que malgré un accompagnement l'adaptation de ce salarié au poste d'estampeur ne s'avérait pas concluante et présentait des risques pour ce dernier, étant relevé que l'exactitude de cette constatation apparaît des tests et bilans réalisés avec l'intimé notant son absence de dextérité, ses craintes et ses douleurs lors de l'approche des nouvelles fonctions ; que partant au contraire de l'opinion des premiers juges était bien ainsi visée dans la lettre de licenciement comme cause de celui-ci l'insuffisance professionnelle inhérente à la personne de M. O..., ce qui ne pouvait constituer un licenciement pour motif économique ; que le surplus de l'énoncé de la lettre de licenciement ne s'avérait afférent qu'aux effets de la rupture contractuelle et au respect par la SAS Forge France de l'engagement pris dans la convention de transfert, de faire bénéficier M. O... des mesures d'accompagnement et indemnitaires plus favorables résultant du PSE en cas d'échec du reclassement pour une cause inhérente à la personne du salarié ; que la SAS Forge France observe justement que les premiers juges se sont déterminés en confondant à tort la cause réelle et sérieuse du licenciement - à savoir l'insuffisance professionnelle de M. O... suffisamment et objectivement établie par les motifs qui précèdent - et les effets de la rupture du contrat de travail ; que l'ensemble de cette analyse commande donc, en infirmant le jugement querellé de débouter M. O... de l'ensemble de ses prétentions.

1°) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; que pour décider que M. O... avait été licencié pour insuffisance professionnelle et non pour motif économique, la cour d'appel a retenu que la lettre de licenciement cite un motif inhérent à la personne du salarié, savoir que malgré un accompagnement, l'adaptation de M. O... à un poste d'estampeur ne s'était pas avérée concluante ; qu'en statuant ainsi quand la lettre de licenciement proposait au salarié un contrat de sécurisation professionnelle, énonçait le motif économique de licenciement, faisait état des conséquences de celui-ci sur l'emploi du salarié et indiquait l'impossibilité pour la société Forge France de reclasser M. O... en raison de son inadaptation au poste d'estampeur, proposé dans le cadre du reclassement, la cour d'appel a dénaturé la lettre de licenciement et a méconnu le principe de l'interdiction faite au juge de méconnaître les documents de la cause ;

2°) ALORS QU'en retenant que le licenciement était motivé par l'insuffisance professionnelle de M. O... à son poste de reclassement, quand elle constatait que dans l'hypothèse où le reclassement envisagé ne pourrait avoir lieu, la rupture du contrat de travail serait de nature économique, le salarié pouvant prétendre au bénéfice de l'ensemble des dispositions du plan de sauvegarde de l'emploi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 1233-2 et suivants du code du travail par refus d'application et l'article L. 1232-1 par fausse application.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-14156
Date de la décision : 13/03/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 01 février 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 mar. 2019, pourvoi n°18-14156


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Bouthors, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.14156
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award