LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Q... a été engagé en qualité d'agent de sécurité-incendie, pour une durée indéterminée et à temps partiel à compter du 24 avril 2009, par la société SECOM Gard aux droits de laquelle est venue la société Agence unité sécurité privée (AUSP) ; que la société Agence de prévention des risques industriels (APRI) a repris le marché de la société AUSP auprès de la société Immo de France à compter du 1er janvier 2014 ; que la société APRI ayant refusé le transfert du contrat de travail du salarié, en application de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002, annexé à la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985, la société AUSP a proposé au salarié un poste de reclassement ; qu'ayant refusé cette proposition, le salarié a été licencié le 11 février 2011 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la condamnation de la société AUSP au paiement de sommes à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse, rappels d'indemnité de licenciement et de salaire, ainsi qu'à titre de rappel d'heures complémentaires et la condamnation solidaire des sociétés AUSP et APRI au paiement de dommages-intérêts pour non-respect des dispositions de l'accord du 28 janvier 2011 ; que la société AUSP a été mise en liquidation judiciaire le 23 juin 2017, Mme K... étant désignée liquidateur judiciaire ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en condamnation solidaire des sociétés AUSP et APRI au paiement de dommages-intérêts pour non-respect des dispositions de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002, annexé à convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité alors, selon le moyen, qu'il résulte de l'article 2-1 de l'accord du 5 mars 2002, relatif à la reprise du personnel et annexé à la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité que dès qu'elle est informée par écrit de la reprise d'un marché et au plus tard dans les 5 jours ouvrables, l'entreprise entrante le notifie à l'entreprise sortante par lettre recommandée avec avis de réception ; qu'en application de cet accord, il appartient à l'entreprise entrante d'informer d'abord par écrit l'entreprise sortante de la reprise du marché et selon l'article 2-3-2 du même avenant, c'est à compter de cette information et dans les 10 jours que l'entreprise sortante a l'obligation d'adresser à l'entreprise entrante la liste du personnel transférable et le pièces justificatives ; que la cour d'appel qui a considéré que la société APRI (entreprise entrante) ne pouvait se voir reprocher de ne pas avoir informé par écrit la société AUSP Sécurité de la reprise du marché et de ne pas lui avoir laissé le temps de réunir les éléments nécessaires sous prétexte que cette dernière avait connaissance au moins depuis le 10 décembre 2013 de l'arrivée « probable » de la société AUSP a méconnu les obligations conventionnelles auxquelles est soumise l'entreprise entrante et a violé les articles 2-1 et 2-3 de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002, et les articles 1134 et 1147 du code civil en leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que, par lettre du 10 décembre 2013, la société AUSP avait annoncé au salarié la fin de son marché avec le client à effet au 31 décembre 2013 ainsi que la transmission de son dossier à la société APRI devant lui succéder et que le 27 décembre 2013, elle avait adressé à cette dernière la liste des salariés et leurs dossiers, l'arrêt retient, d'une part, que la société AUSP avait, au moins depuis le 10 décembre 2013, connaissance de l'arrivée probable de la société APRI de telle sorte qu'elle disposait du temps suffisant pour mettre à jour les dossiers des salariés dans la perspective du transfert et, d'autre part, que la société APRI n'avait conclu le marché que le 30 décembre 2013 ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir que l'absence d'information écrite par l'entreprise entrante à l'entreprise sortante de la reprise du marché dans les cinq jours ouvrables, n'était pas à l'origine de l'absence du transfert du contrat de travail, a pu en déduire que la faute reprochée par le salarié ne pouvait être imputée à la société APRI ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande au titre des heures complémentaires alors, selon le moyen qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur d'y répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'un décompte des heures réalisées et mentionnées dans les fiches de paie suffit à étayer la demande tendant au paiement des heures majorées à titre d'heures complémentaires ; que la cour d'appel qui a considéré que M. Q... ne produisait aucune pièces autre que les bulletins de paie au soutien de sa demande sans tenir compte du décompte des heures effectuées figurant dans les conclusions d'appel et mentionnées dans les bulletins de paie versés aux débats, la cour d'appel a violé l'article L 3171-4 du code du travail ;
Mais attendu que sous le couvert d'un grief non fondé de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en cause le pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve par la cour d'appel qui a estimé que la demande du salarié au titre des heures de travail complémentaires qu'il prétendait avoir accomplies n'était pas étayée ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en condamnation solidaire des sociétés AUSP et APRI au paiement de dommages-intérêts pour non-respect des dispositions de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002, annexé à la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 févier 1985, la cour d'appel s'est bornée, dans le dispositif de sa décision, à infirmer le jugement du conseil de prud'hommes ayant accueilli la demande en paiement de dommages-intérêts du salarié à l'encontre de la société AUSP ;
Qu'en statuant ainsi, sans donner aucun motif à sa décision, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de M. Q... en condamnation de la société Agence unité sécurité privée en paiement de dommages-intérêts pour non-respect des dispositions de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002, annexé à la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 févier 1985, l'arrêt rendu le 1er décembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne Mme K..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme K..., ès qualités à payer à M. Q... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois avril deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP de Nervo et Poupet, avocat aux Conseils, pour M. Q...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur U... Q... de sa demande tendant à voir condamner solidairement les sociétés APRI et AUSP au paiement de 15.000€ à titre de dommages intérêts pour non-respect des dispositions de l'accord du 28 janvier 2011
Aux motifs que l'avenant de l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel et annexé à la convention collective des entreprises, de prévention et de sécurité, prévoit en son article 2-1 que dès qu'elle est informée par écrit de la reprise d'un marché et au plus tard dans les 5 jours ouvrables, l'entreprise entrante le notifie à l'entreprise sortante pas lettre recommandée avec avis de réception ; l'article 2-2 de cet avenant précise à quelles conditions, qui leur sont propres, les contrats de travail des salariés de l'entreprise sortante sont transférables à l'entreprise entrant et prévoit en son article 2.3.1, que dans les 10 jours ouvrables à compter de la date où l'entreprise entrante s'est fait connaître, l'entreprise sortante lui adresse par courrier recommandé la liste du personnel transférable, accompagnée d'un certain nombre de pièces justificatives, que l'entreprise entrante accuse alors réception de cette liste et des pièces jointes dans les 5 jours ouvrables suivant la réception en mentionnant avec précision les pièces éventuellement manquantes, l'entreprise sortante devant alors transmettre par tous moyens, y compris électroniques, les pièces manquantes dans les 48 heures ouvrables ; l'avenant précise qu'à défaut de transmission dans les délais de l'intégralité des éléments réclamés, l'entreprise entrante pourra refuser le transfert du salarié concerné ; nonobstant ces dispositions, lorsque la perte de l'emploi résulte du refus fautif de l'entrepreneur entrant de reprendre le personnel alors qu'il y est conventionnellement tenu , le salarié dont le contrat est rompu dispose d'une action indemnitaire contre celui-ci ; en l'espèce, par lettre du 23 octobre 2013, la société IMMO de France, client de la société AUSP Sécurité a dénoncé son contrat à effet au 31 décembre de l'année et par lettre du 10 décembre 2013, la société AUSP Sécurité a annoncé à Monsieur Q... la fin de son marché avec le client à effet au 31 décembre, ainsi que la transmission de son dossier à la société APRI devant selon elle, lui succéder ; elle lui a ensuite adressé une lettre de confirmation le 27 décembre 2013 ; parallèlement, par lettre du 27 décembre 2013, reçue le 30 décembre, la société AUSP Sécurité a adressé à la société APRI la liste des salariés du site en cause dont celui de Monsieur Q..., ainsi que les dossiers de ces salariés et par lettre du 30 décembre 2013, la société APRI lui a répondu que ces dossiers n'étant pas complets et non conformes aux prescriptions de l'avenant susvisé, les contrats n'étaient pas transférables ; elle lui reprochait plus précisément de ne pas lui avoir transmis le fichier Excel renseigné de l'ensemble des informations prévues par l'avenant et concernant son poste, n'était pas à jour au titre des visites médicales et que son contrat de travail à temps partiel de 96 heures par mois ne définissait pas les jours et heures de travail ; par lettre du 2 janvier 2014, la société AUSP Sécurité a écrit à la société APRI qu'elle contestait sa décision sans toutefois prétendre que le dossier de Monsieur Q... qu'elle lui avait transmis était complet et sans produire de nouveaux éléments ; Monsieur Q... reproche à la société APRI de ne pas avoir informé par écrit la société AUSP Sécurité de la reprise du marché, de telle sorte que cette dernière n'aurait pas eu le temps d'effectuer les formalités et de rassembler les éléments nécessaires ; cependant, ainsi qu'il résulte des explications qui précèdent, la société AUSP Sécurité avait au moins depuis le 10 décembre 2013, connaissance de l'arrivée probable de la société APRI, de telle sorte qu'elle disposait du temps suffisant pour mettre à jour les dossiers de ses salariés, dans la perspective du transfert ; de son côté la société APRI produit plusieurs courriels des mois de novembre et décembre 2013, aux termes desquels elle relançait la société IMMO de France afin d'avoir confirmation officielle de l'attribution du marché lequel n'a été signé que le 30 décembre ; par conséquent aucune faute ne peut être reprochée à la société APRI et le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il l'a condamnée au paiement de dommages et intérêts ainsi que d'une indemnité ;
1° Alors qu'il résulte de l'article 2-1 de l'accord du 5 mars 2002, relatif à la reprise du personnel et annexé à la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité que dès qu'elle est informée par écrit de la reprise d'un marché et au plus tard dans les 5 jours ouvrables, l'entreprise entrante le notifie à l'entreprise sortante par lettre recommandée avec avis de réception ; qu'en application de cet accord, il appartient à l'entreprise entrante d'informer d'abord par écrit l'entreprise sortante de la reprise du marché et selon l'article 2-3-2 du même avenant, c'est à compter de cette information et dans les 10 jours que l'entreprise sortante a l'obligation d'adresser à l'entreprise entrante la liste du personnel transférable et le pièces justificatives ; que la cour d'appel qui a considéré que la société APRI ( entreprise entrante) ne pouvait se voir reprocher de ne pas avoir informé par écrit la société AUSP Sécurité de la reprise du marché et de ne pas lui avoir laissé le temps de réunir les éléments nécessaires sous prétexte que cette dernière avait connaissance au moins depuis le décembre 2013 de l'arrivée « probable » de la société AUSP a méconnu les obligations conventionnelles auxquelles est soumise l'entreprise entrante et a violé les articles 2-1 et 2-3 de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002, et les articles 1134 et 1147 du code civil en leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016
2° Alors que de plus, un arrêt de cour d'appel, infirmatif, qui déboute une partie d'une demande d'indemnisation sans donner aucun motif est entaché d'absence de motifs ; que la Cour d'appel a infirmé le jugement déféré et débouté l'exposant de sa demande de dommages intérêts dirigée contre la société AUSP pour non-respect des dispositions de l'accord du 28 janvier 2011 sans énoncer aucun motif ; qu'elle a violé l'article 455 du code de procédure civile et l'article 6 §1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme
3° Alors qu'en toute hypothèse, lorsque l'entreprise sortante ne remplit pas ses obligations à l'égard des salariés transférables, elle commet une faute en faisant obstacle au changement d'employeur dont le salarié peut demander réparation ; que la cour d'appel qui a constaté que la société AUSP ( entreprise sortante ) avait manqué à son obligation de transmettre à la société entrante les documents concernant le transfert de Monsieur Q... et qui a débouté ce dernier de sa demande de dommages intérêts à l'encontre de l'entreprise sortante, a violé l'article 2-3 de l'accord du 5 mars 2002 et l'article 1147 du code civil en sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur U... Q... de sa demande au titre des heures complémentaires
Aux motifs qu'aux termes de l'article L 3171-4 du code du travail en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; il appartient donc au salarié de produire au préalable des éléments de nature à étayer sérieusement sa demande ; en l'espèce, Monsieur Q... ne produit aucune pièce, autre que ses bulletins de paie au soutien de sa demande de rappel de salaire au titre d'heures complémentaires ; il n'étaye donc pas sérieusement sa demande et le jugement doit être infirmé en ce qu'il y a fait droit ;
Alors qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur d'y répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'un décompte des heures réalisées et mentionnées dans les fiches de paie suffit à étayer la demande tendant au paiement des heures majorées à titre d'heures complémentaires ; que la cour d'appel qui a considéré que Monsieur Q... ne produisait aucune pièces autre que les bulletins de paie au soutien de sa demande sans tenir compte du décompte des heures effectuées figurant dans les conclusions d'appel et mentionnées dans les bulletins de paie versés aux débats, la cour d'appel a violé l'article L 3171-4 du code du travail