LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 12 octobre 2017), que, reprochant à la SCI [...] (la SCI), propriétaire d'une parcelle située en zone [...] du plan d'occupation des sols, réservée aux activités agricoles, d'avoir implanté sans autorisation sur cette parcelle une maison d'habitation, une piscine, des boxes pour chevaux, un « mobil home » et un cabanon, la commune de Lovagny l'a assignée en démolition sur le fondement de l'article L. 480-14 du code de l'urbanisme ;
Sur la recevabilité du moyen, contestée par la défense :
Attendu que la commune de Lovagny soutient que la SCI n'est pas recevable à soulever pour la première fois devant la Cour de cassation la fin de non-recevoir tirée de son défaut d'intérêt à agir faute de justification d'un préjudice personnel ;
Mais attendu que, la SCI ayant soutenu devant la cour d'appel que la demande de la commune de Lovagny devait être rejetée dès lors que celle-ci ne justifiait pas d'un préjudice, le moyen n'est pas nouveau ;
Sur le moyen unique :
Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande en démolition, alors, selon le moyen, que la commune n'a intérêt à la démolition d'un ouvrage construit sans permis de construire que si elle subit un préjudice personnel directement causé par ladite construction ; qu'en retenant qu'en l'absence de toute précision par le législateur, la commune dispose d'une action autonome en démolition ne nécessitant pas la démonstration d'un préjudice causé par les constructions édifiées sans permis de construire, la cour d'appel a violé l'article L. 480-14 du code de l'urbanisme, ensemble l'article 31 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'action attribuée à la commune par l'article L. 480-14 du code de l'urbanisme, qui a pour objet la démolition ou la mise en conformité, est destinée à faire cesser une situation illicite ;
Que la volonté du législateur d'attribuer une action spécifique au profit de la commune serait compromise si cette action obéissait à la même condition de preuve d'un préjudice que l'action de droit commun ouverte à tout tiers victime de la violation de règles d'urbanisme ;
Attendu, dès lors, qu'ayant retenu à bon droit que la commune disposait d'une action autonome ne nécessitant pas la démonstration d'un préjudice personnel et direct causé par les constructions irrégulières, la cour d'appel, qui a constaté l'irrégularité des ouvrages construits par la SCI sans avoir obtenu, ni même sollicité, un permis de construire ou une autorisation préalable, dans une zone qui faisait l'objet d'une protection particulière pour le maintien d'une activité agricole, en a exactement déduit que la demande en démolition devait être accueillie ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SCI [...] aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCI [...] et la condamne à payer à la commune de Lovagny la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société [...]
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la SCI [...] à démolir la maison d'habitation, la piscine, les boxes pour chevaux, le mobile-home et un cabanon implanté sur la parcelle [...] sous astreinte de 100 € par jour de retard à l'expiration d'un délai de 8 mois à compter de la signification de l'arrêt, et de l'avoir condamnée à payer à la commune de Lovagny la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens ;
Aux motifs que « s'agissant de la maison d'habitation, de la piscine, des boxes à chevaux, du mobile-home et du cabanon ; que l'article 480-14 du code de l'urbanisme s'inscrit, tout d'abord, dans la volonté de permettre au maire de disposer des moyens d'action pour la prévention contre les risques naturels puisque, jusqu'à 2010, son application était circonscrite aux secteurs soumis à des risques naturels prévisibles ; que son application a, ensuite, été élargie et le renvoi à l'existence de risques naturels prévisibles a disparu ; que l'article 480-14 du code de l'urbanisme permet désormais à la commune d'agir en démolition devant le juge civil, l'objectif étant d'ouvrir cette voie au maire pour le respect du règlement sur l'ensemble du territoire de la commune ; qu'une telle action en démolition est déjà ouverte aux tiers, qui peuvent ainsi demander au juge civil la démolition ou la mise en conformité de bâtiments édifiés en violation de règles ou de servitudes d'urbanisme à la condition d'apporter la preuve de l'existence d'un préjudice personnel en relation directe avec l'infraction aux règles d'urbanisme et aux servitudes d'utilité publique ; qu'il s'en déduit la spécificité de l'action ouverte à la commune par l'article 480-14 du code de l'urbanisme et, en l'absence de toute précision par le législateur, il apparaît donc que la commune dispose d'une action autonome ne nécessitant pas la démonstration d'un préjudice personnel et direct causé par les construction litigieuses ; que l'irrégularité des ouvrages litigieux est acquise et non contestée, les représentants de la SCI [...], eux-mêmes, admettant ne pas avoir obtenu, ni même sollicité de permis de construire ou d'autorisation préalable de l'autorité municipale ; qu'aux termes du plan d'occupation des sols, la zone de construction des ouvrages litigieux fait l'objet d'une protection particulière pour le maintien d'une activité agricole, seules peuvent donc être admises des constructions dont l'implantation est indispensable à l'activité agricole ; que la mise ne conformité des bâtiments est donc impossible, les représentants de la SCI ne justifient pas d'une activité agricole ; qu'en conséquence, la commune est fondée à solliciter la démolition des constructions litigieuses ; qu'il sera fait droit à sa demande sous peine d'astreinte de 100 € par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 8 mois suivant le présent arrêt ; que la demande de la commune de Lovagny d'autorisation à faire procéder d'office à tous les travaux nécessaires à l'exécution de la décision de justice, ce aux frais et aux risques de la SCI [...], en application de l'article 480-9, en son premier alinéa, du code de l'urbanisme, renvoie à une inexécution hypothétique qui ne peut faire l'objet d'une condamnation avant même sa réalisation » (arrêt attaqué, p. 5 et 6) ;
Alors que la commune n'a intérêt à la démolition d'un ouvrage construit sans permis de construire que si elle subit un préjudice personnel directement causé par ladite construction ; qu'en retenant qu'en l'absence de toute précision par le législateur, la commune dispose d'une action autonome en démolition ne nécessitant pas la démonstration d'un préjudice causé par les constructions édifiées sans permis de construire, la cour d'appel a violé l'article L. 480-14 du code de l'urbanisme, ensemble l'article 31 du code de procédure civile.