LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que sur le fondement de plusieurs actes notariés de prêt, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Brie-Picardie (la banque) a fait procéder, le 18 mars 2016, à une saisie-attribution sur le compte de la société Freycinet (la société) entre les mains de la banque CIC ; que le même jour, la banque a dénoncé la saisie-attribution à la société ; que par acte d'huissier de justice signifié le 15 avril 2016, la société a fait assigner la banque devant un juge de l'exécution à une audience du 19 mai suivant ; que cette assignation n'a pas été enrôlée ; que par acte d'huissier de justice signifié le 22 avril 2016 « sur et aux fins d'un acte précédemment délivré le 15 avril 2016 », la société a fait assigner une nouvelle fois la banque devant le même juge de l'exécution pour l'audience du 26 mai suivant ; que par un jugement du 8 décembre 2016, le juge de l'exécution a dit la contestation recevable et a ordonné la mainlevée partielle de la saisie-attribution ; que la banque a interjeté appel de ce jugement ;
Attendu que pour déclarer la société irrecevable en sa contestation de la saisie-attribution, la cour d'appel a relevé d'office le moyen tiré de la caducité de la première assignation ;
Qu'en statuant ainsi, sans inviter au préalable les parties à
présenter leurs observations, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Brie-Picardie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Freycinet la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société civile immobilière Freycinet
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement en ce qu'il avait dit recevable la contestation par la société Freycinet de la saisie-attribution du 18 mars 2016 et, statuant à nouveau, de l'avoir déclarée irrecevable en sa contestation de saisie-attribution et condamnée à paiement de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Aux motifs que, sur la recevabilité de la contestation, il est relevé que compte tenu de la date de dénonciation de la saisie-attribution, le débiteur pouvait la contester jusqu'au 18 avril 2016 à minuit ; qu'en l'espèce, la société Freycinet a fait délivrer le 15 avril 2016 une première assignation à comparaître devant le juge de l'exécution, à une audience du 19 mai 2016 dont les parties s'accordent pour dire qu'elle n'existait pas, puis a fait délivrer une seconde assignation le 22 avril 2016 « sur et aux fins d'un acte précédemment délivré le 15 avril 2016 » pour l'audience du 26 mai 2016, à l'issue de laquelle le jugement entrepris a été rendu ; que cette première assignation à comparaître à une date où le juge de l'exécution ne tenait pas d'audience n'est pas inexistante mais est susceptible d'être annulée pour vice de forme, dans les conditions de l'article 114 du code de procédure civile ; que cette nullité ne saurait être encourue dans la mesure où le crédit agricole ne démontre ni même n'allègue de griefs ; que de plus, le délai de contestation d'un mois d'une saisie-attribution étant un délai pour agir, il est interrompu par la seule délivrance de l'assignation dont l'enrôlement n'est nécessaire que pour saisir le juge de l'exécution de la contestation ; que cependant l'intimée rappelle dans ses écritures cette absence d'enrôlement de l'assignation du 15 avril 2016 et estime que cet acte est inexistant au regard des exigences de l'article R. 211-11 du code des procédures civiles d'exécution ; que la sanction de ce défaut d'enrôlement n'est pas l'inexistence de l'acte mais sa caducité ainsi que le prévoit le second alinéa de cet article ; que la seconde assignation étant intervenue après l'expiration du délai d'un mois prévu par l'article R. 211-11 alinéa 1er à peine d'irrecevabilité et celle-ci ne pouvant faire produire effet à la première assignation devenue caduque faute d'avoir été placée, la SCI Freycinet est irrecevable en ses contestations, le jugement étant infirmé en ce sens ;
Alors 1°) que, les juges du fond ne peuvent relever d'office un moyen sans avoir invité préalablement les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant d'office, pour déclarer la société Freycinet irrecevable en sa contestation de la saisie-attribution pratiquée par la CRCAM Brie Picardie sur le compte bancaire ouvert dans les livres du CIC, que la première assignation qu'elle avait fait délivrer le 15 avril 2016 était caduque à défaut d'enrôlement, quand il ne résulte ni de l'arrêt ni des pièces de la procédure que la CRCAM Brie Picardie ait soulevé la caducité de cette assignation, la cour d'appel, qui a méconnu le principe du contradictoire, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
Alors 2°) que, la recevabilité de la contestation du débiteur faisant l'objet d'une saisie-attribution n'est soumise qu'à la signification, avant l'expiration du délai d'un mois suivant la dénonciation au débiteur de la saisie-attribution, d'une assignation au créancier saisissant, et à l'envoi à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie, le même jour ou au plus tard le premier jour ouvrable suivant, d'une copie de cette assignation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que la société Freycinet avait fait délivrer à la CRCAM Brie Picardie une assignation le 15 avril 2016, soit dans le délai d'un mois de la saisie-attribution du 18 mars 2016 et, par une note en délibéré, la société Freycinet, à la demande de la juridiction d'appel, a justifié de l'envoi à l'huissier de justice de cette assignation ; qu'en relevant dès lors, pour dire irrecevable la contestation en saisie-attribution présentée par la société Freycinet, que cette première assignation n'avait pas été enrôlée et était caduque, la cour d'appel a violé l'article R. 211-11 du code des procédures civiles d'exécution ;
Alors 3°) que le tribunal n'est pas saisi par l'enrôlement de l'assignation ; qu'une assignation même devenue caduque du fait d'un défaut d'enrôlement conserve son effet interruptif ; que l'interruption efface le délai de prescription acquis et fait courir un nouveau délai de même durée que l'ancien ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que l'assignation délivrée par la société Freycinet le 15 avril 2016, bien que non enrôlée, avait eu pour effet d'interrompre le délai de contestation d'un mois de la saisie-attribution du 18 mars 2016 ; qu'en relevant, pour déclarer la société Freycinet irrecevable en sa contestation de saisie-attribution, que la seconde assignation était tardive, quand elle avait été délivrée le 22 avril 2016, soit dans le délai d'un mois à compter de la précédente assignation interruptive de délai, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article R. 211-11 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 2231 du code civil dans sa rédaction applicable ;
Alors 4°) en toute hypothèse que, lorsqu'une assignation en contestation d'une saisie-attribution n'a pu être enrôlée du fait d'une erreur des services du greffe, la seconde assignation délivrée hors délai mais sur et aux fins de l'assignation précédemment délivrée dans les délais, saisit valablement le juge de l'exécution de la validité de la saisie-attribution ; qu'en se bornant à affirmer que la seconde assignation, intervenue après l'expiration du délai d'un mois prévu par le code des procédures civiles d'exécution, ne pouvait faire produire d'effet à la première assignation qui, faute d'avoir été placée, était caduque, sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions, p. 3), si le défaut d'enrôlement de la première assignation n'était pas imputable aux services du greffe du tribunal qui avait donné une date erronée d'audience en sorte que la seconde assignation, régularisant la date d'audience, avait valablement saisi le juge de l'exécution, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article R. 211-11 du code des procédures civiles.