LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 21 décembre 2017), que
la société Lille Tertiaire 6 (LT6), aux droits de laquelle se trouve la société Bouygues immobilier, assurée au titre des garanties décennale et dommages-ouvrage auprès de la société les Mutuelles du Mans IARD (MMA), a transformé les bâtiments d'une usine désaffectée en immeubles à usage de bureaux et d'emplacements de stationnement, sous la maîtrise d'oeuvre de M. M..., architecte, avec comme entreprise générale la société Sogea Caroni, qui a sous-traité les lots peintures extérieures et intérieures à la société Caronor, puis la société Dekerpel ; que, se plaignant de désordres des lasures et peintures extérieures, de fissurations du gros oeuvre et de détériorations des plafonds des sous-sols, les syndicats des copropriétaires des bâtiments A et B ont, après expertise, assigné en réparation le maître de l'ouvrage, qui a assigné en garantie l'architecte et la société Sogea Caroni, laquelle a assigné les locateurs d'ouvrage ;
Attendu que les syndicats des copropriétaires des bâtiments A et B, les sociétés Orange, Elysées Pierre III et Bip-Immo ainsi que l'association de gestion du centre Montfort, font grief à l'arrêt de déclarer leurs demandes irrecevables ;
Mais attendu qu'ayant relevé qu'un jugement du 15 mai 1996 avait déclaré irrecevables, pour défaut de qualité à agir, les demandes du syndicat des copropriétaires du bâtiment A et statué sur les seuls désordres des lasures du bâtiment B et qu'en appel de cette décision, un arrêt du 24 septembre 2001, devenu irrévocable sur ce point, avait confirmé l'irrecevabilité des demandes du syndicat des copropriétaires du bâtiment A et déclaré irrecevables les actions du syndicat des copropriétaires du bâtiment B et exactement retenu qu'il appartenait aux deux syndicats des copropriétaires d'invoquer les procès-verbaux des 14 mai et 4 novembre 1997 au cours de cette première instance alors que la seconde, qui réunissait les mêmes parties, avait le même objet et la même cause et qu'aucun fait nouveau n'était venu modifier la situation antérieurement connue par les premiers juges, la cour d'appel en a déduit à bon droit que les demandes étaient irrecevables ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les syndicats des copropriétaires des immeubles Lille tertiaire 6, bâtiments A et B, les sociétés Orange, Élysées Pierre, Bip-Immo et l'association Gestion Centre Montfort aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour les syndicats des copropriétaires des immeubles Lille tertiaire 6, bâtiments A et B, les sociétés Orange, Élysées Pierre, Bip-Immo et l'association Gestion Centre Montfort.
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Lille Tertiaire 6 – BâtimentA, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Lille Tertiaire 6 – BâtimentB, les sociétés Orange, Elysées Pierre III et Bip-Immo et l'association de gestion du centre Montfort, irrecevables en leurs demandes ;
AUX MOTIFS QUE selon l'article 1355 du code civil, "l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. II faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité" ; que l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; qu'il incombe au demandeur de présenter, dès l'instance relative à la première demande, l'ensemble des moyens de nature à fonder celle-ci ;
qu'enfin, selon les articles 122 et 126 du code de procédure civile, "Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfîx, la chose jugée" et "Dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue. Il en est de même lorsque, avant toute forclusion, la personne ayant qualité pour agir devient partie à l'instance" ; qu'en l'espèce et selon les pièces produites aux débats, par un jugement du 15 mai 1996, le tribunal de grande instance de Lille a déclaré irrecevable le syndicat LT6 pour défaut d'existence juridique, irrecevable le syndicat des copropriétaires de l'immeuble LT6 Bâtiment A et les copropriétaires pour défaut d'habilitation du syndic par l'assemblée générale et déclaré uniquement le syndicat des copropriétaires de l'immeuble LT6 Bâtiment B recevable en son action présentée au titre des désordres affectant les lasures ; que dans la poursuite de ce litige opposant désormais, comme appelants : le syndicat des copropriétaires de l'immeuble LT6 à Lille, le syndicat copropriété immeuble LT6 bâtiment A, le syndicat copropriété immeuble LT6 bâtiment B, les sociétés France Télécom, SogePierre II, SoliPierre, SCI Elysées Pierre 3, SC de placement immobilier immofonds 3 et SCI Bip Immo, comme intimés : les sociétés SNC LT6, Sogea nord SNC et M. M..., la cour d'appel de Douai a, par arrêt du 24 septembre 2001, confirmé le jugement déféré du 15 mai 1996, en ses dispositions relatives à l'irrecevabilité des demandes du syndicat des copropriétaires de l'immeuble LT6 Bâtiment A, des demandes présentées par les différents copropriétaires du bâtiment C mais a infirmé le jugement pour le surplus, déclarant irrecevable l'action du syndicat des copropriétaires de l'immeuble LT6 Bâtiment B pour défaut d'habilitation régulière de son syndic ; que, sur le pourvoi formé par les syndicats de copropriétaires et les copropriétaires du bâtiment C, la Cour de cassation, aux termes d'un arrêt prononcé le 7 mai 2003 entre les mêmes parties, a cassé l'arrêt d'appel mais seulement en ce qu'il avait déclaré irrecevable l'action des différents copropriétaires du bâtiment C ; que, selon les termes de son arrêt, la Cour de cassation a retenu que "la cour d'appel, devant laquelle il n'avait pas été soutenu que des décisions d'assemblées générales postérieures à celles jugées insuffisantes par les premiers juges avaient été adoptées depuis lors, n ‘était pas tenu de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée sur la régularisation de la procédure en cause d'appel par les assemblées générales du 14 mai 1997" ; qu'ainsi, tant la cour d'appel de Douai que la Cour de cassation ont statué en connaissance des procès-verbaux d'assemblée générale des 14 mai et 4 novembre 1997 ; que, selon les dispositions de l'article 638 du code de procédure civile "l'affaire est à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation" ; que se trouvait ainsi maintenu le dispositif de l'arrêt de la cour de Douai du 24 septembre 2001, en ce qu'il déclare irrecevable l'action des deux syndicats de copropriétaires pour défaut de qualité à agir de leur syndic ; qu'en conséquence, l'arrêt rendu par cette cour d'appel le 24 septembre 2001 est devenu irrévocable en ces dispositions ; que le présent litige qui oppose, comme demandeurs : le syndicat copropriété immeuble LT6 bâtiment A, le Syndicat copropriété immeuble LT6 bâtiment B, les sociétés Orange, Elysée Pierre 3, SCP Epargne Foncière, SCP Bip Immo, SCP Crédit Mutuel Pierre I, l'association le centre Montfort, et comme défendeurs : les sociétés SNC LT6, compagnie MMA, EURL R... M..., Bureau Veritas, Sogea Caroni, Dekerpel, Caronor représentée par Me S..., en qualité de mandataire liquidateur, et Sicma prise en la personne de Me U..., a trait à la réparation des désordres affectant les mêmes immeubles, prétentions formée entre les mêmes parties, certaines venant aux droits de leurs auteurs, et fondée sur les mêmes causes ; que si le syndicat copropriété immeuble LT6 bâtiment A et le syndicat copropriété immeuble LT6 bâtiment B invoquent aujourd'hui les procès-verbaux d'habilitation des 15 mai et 4 novembre 1997, il leur appartenait d'en faire valoir la teneur et la valeur juridique, comme fondement de la qualité à agir de leur syndic, devant le tribunal de grande instance de Lille puis devant cette cour dans le cadre de l'instance introduite par eux, le 27 mars 1992, afin de régulariser la procédure et de faire écarter l'irrecevabilité au moment où le juge statue ; qu'enfin, il incombait aux syndicats de copropriété immeuble LT6 bâtiment A et immeuble LT6 bâtiment B, demandeurs initiaux, de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur la même cause ; qu'ils ne sauraient invoquer ici, dans une instance ultérieure, un fondement juridique fondé sur un fait à soumettre à la discussion des parties et qu'ils s'étaient abstenus de soulever en temps utile dans un litige ayant abouti à une décision devenue irrévocable ; qu'en conséquence, la présente espèce qui réunit les mêmes parties, objet et cause que ceux du litige déjà tranché par la cour d'appel de Douai dans son arrêt du 24 septembre 2001, et alors qu'aucun fait nouveau n'est venu modifier la situation antérieurement connue par les premiers juges dans la précédente instance, il y a lieu de déclarer l'action des syndicats de copropriété des immeubles LT6 bâtiment A et LT6 bâtiment B irrecevable comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée ;
1. ALORS QUE l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice ; qu'il s'ensuit qu'en l'état du jugement du 15 mai 1996 déclarant irrecevables, les demandes formées par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Lille Tertaire 6 – Bâtiment A, pour défaut d'habilitation du syndic à ester en justice, l'habilitation du syndic, après ce jugement, par une délibération postérieure du 14 mai 1997 constitue un fait juridique nouveau justifiant une nouvelle saisine du tribunal ; qu'en affirmant, pour déclarer le syndicat irrecevable en ses demandes, que l'habilitation du syndic à agir par assemblée générale du 14 mai 1997 ne constituait pas un fait nouveau dont la survenance aurait pu justifier une nouvelle saisine du tribunal, que ce n'est qu'à l'occasion de l'appel relevé contre le jugement du 15 mai 1996, dans le cadre de l'instance initiale introduite par les syndicats des copropriétaires par assignation du 27 mars 1992, que la résolution prise au cours de l'assemblée générale précitée du 14 mai 1997, aurait pu être invoquée pour permettre de régulariser la procédure initiale et faire écarter l'irrecevabilité au moment où le juge statue, et qu'il incombait au syndicat des copropriétaires de l'immeuble Lille Tertiaire 6 – Bâtiment A de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur la même cause, quand la résolution d'habilitation prise le 14 mai 1997, postérieurement au jugement du 15 mai 1996, constituait un fait juridique nouveau privant cette décision de l'autorité de chose jugée à l'égard de la seconde instance, la cour d'appel a violé l'article 1351, devenu l'article 1355, du code civil, ensemble l'article 480 du code de procédure civile ;
2. ALORS QUE l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée à une réclamation qui, tendant à la réparation d'un élément de préjudice non inclus dans la demande initiale, a un objet différent de celle ayant donné lieu au premier jugement ; qu'il est constant que la cour d'appel de Douai, par arrêt du 24 septembre 2001, a infirmé le jugement du 15 mai 1996 allouant au syndicat des copropriétaires de l'immeuble Lille tertiaire 6 – Bâtiment B des dommages et intérêts d'un montant de 264.604,23 F, en réparation des désordres affectant les lasures du bâtiment B ; qu'en décidant que l'autorité de chose jugée attachée à ces deux décisions constituait une fin de non-recevoir à l'examen des demandes indemnitaires du syndicat des copropriétaires, quand elles portaient sur la réparation d'autres préjudices que la réparation des lasures, soit des demandes indemnitaires formées au titre des déformations et des passages d'eau par les châssis extérieurs et les châssis fermant les patios, de la réfection de la couverture, du défaut d'étanchéité des chéneaux et du préjudice de jouissance généralisé, la cour d'appel a violé l'article 1351, devenu l'article 1355, du code civil, ensemble l'article 480 du code de procédure civile.