LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 29 janvier 2018), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 19 mars 2013, pourvoi n° 12-11.848), que M. A... a confié à M. U..., architecte, une étude en vue de la transformation d'une maison d'habitation en deux appartements ; que, se plaignant de désordres, M. A... a, après expertise, assigné M. U... en indemnisation de ses préjudices ;
Attendu que, pour condamner M. U... à payer à M. A... la somme de 7 500 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient qu'en considération de l'investissement réalisé par M. A..., de l'absence, depuis l'exécution des travaux de réhabilitation, d'inondation ayant atteint le rez-de-chaussée de l'immeuble, du caractère non pérenne de l'indisponibilité du logement du rez-de-chaussée en cas de crue centennale et de la persistance du risque d'inondation en cas de crue exceptionnelle, la cour est en mesure d'indemniser le préjudice effectivement réparable à hauteur de la somme de 7 500 euros qui sera allouée à M. A... à titre de dommages-intérêts ;
Qu'en statuant ainsi, tout en constatant que M. A... subissait un préjudice consistant à ne pas être à l'abri d'une inondation du rez-de-chaussée de l'immeuble, en cas de crue comparable à celle de 1927, sans s'expliquer sur le coût des travaux nécessaires à la mise hors d'eau de l'immeuble, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. U... à payer à M. A... la somme de 7 500 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 29 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne M. U... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. U... et le condamne à payer à M. A... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour M. A...
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué, statuant sur renvoi après cassation (civ. 3, 19 mars 2013, inédit, pourvoi n° B 12-11.848), D'AVOIR infirmé le jugement entrepris en ses dispositions ayant condamné M. U... à verser à M. A... la somme de 42.625 € destinée à la remise en état de l'immeuble et le montant des honoraires de l'expert Y..., les réformant, D'AVOIR condamné M. U... à verser à M. A... la somme de 7.500 € à titre de dommages intérêts ;
AUX MOTIFS QUE pour voir déclarer prescrite la demande de remise en état des lieux présentée par M. A..., par application des articles 2224 et suivants du Code civil, M. U... fait valoir que celui-ci a été informé du non-respect de la côte de la crue de référence depuis le dépôt du rapport d'expertise de M. E... le 31 janvier 2005 et qu'il n'a jamais sollicité la remise en état avant les écritures déposées devant la cour le 23 mars 2016 ; que, cependant, l'action en réparation de son préjudice a été introduite par M. A... suivant assignation délivrée le 25 avril 2006 dans le délai quinquennal et que la présentation devant la cour d'une demande de réparation sous forme de remise en état consécutive aux conclusions du rapport de l'expertise ordonnée avant-dire droit par l'arrêt du 1er décembre 2014 ne constitue qu'une modalité d'indemnisation qui ne dénature pas les prétentions initiales et qu'une telle demande demeure dès lors recevable ; qu'il a été définitivement jugé par la cour d'appel d'AGEN que, au regard de sa mission telle qu'elle résulte du détail des prestations figurant sur la note d'honoraires d'un montant de 9.503,28 francs TTC adressée à son client par le maître d'oeuvre le 9 septembre 1999 après délivrance du permis de construire, M. U... était contractuellement tenu de respecter les dispositions réglementaires du plan d'occupation des sols visées par le permis de construire prévoyant que dans le secteur NBi les dispositions du décret du 7 décembre 1977 concernant les surfaces submersibles de la vallée du LOT étaient applicables et notamment l'article 4 précisant que tout pétitionnaire, s'il demandait, serait informé par l'administration du niveau des plus hautes eaux à retenir en un point donné pour son application ; que, des indications données le 20 octobre 2003 par la Direction départementale de l'équipement, il résulte que la côte NGF à retenir au lieu-dit Lalanne est de 35,50 mètres environ ; que, cependant, se fondant sur les indications données par le service Aménagement prévention de la DDE interrogé par l'expert auquel il a répondu le 6 décembre 2004 qu'il était d'usage, avant 1999 dans ce secteur, de fournir la cote 34, 91 N GF, la cour d'appel d'AGEN a retenu que la réhabilitation de l'immeuble a été réalisée 60 centimètres en dessous de la côte qui aurait dû être observée et que cette erreur est à l'origine du caractère inondable du rez-de-chaussée en cas de crue comparable à la crue centennale ; qu'elle a ainsi définitivement circonscrit la nature et l'étendue de la faute engageant la responsabilité de M. U...; que le préjudice de M. A... causé par la faute contractuelle imputée à M. U... doit être défini au regard de son projet architectural originaire en vue de la réalisation duquel il a eu recours aux services de ce maître d'oeuvre ; qu'en effet, M. A... ne fait état d'aucune perte locative, fût-ce temporairement, même par simple diminution du loyer de l'appartement concerné alors qu'au contraire il réclame l'indemnisation de la perte locative qu'il aurait à subir pendant la durée d'exécution de travaux réparatoires ; que, par ailleurs, par la brochure qu'il produit sous le n° 31 de son bordereau de communication de pièces, M. A... ne justifie pas d'une absence effective de garantie par son assureur en cas d'inondation ; qu'enfin si M. A... a versé aux débats une attestation d'un agent immobilier selon lequel la présence d'un rez-de-chaussée en zone inondable impliquerait une perte minimum de 30 % sur la valeur vénale de l'immeuble, il n'a jamais, comme l'avait déjà relevé l'expert E... qui avait pour sa part situé la moins-value potentielle dans une fourchette de 1 à 2 %, proposé une évaluation de cette valeur vénale ni même fourni les éléments de nature à la déterminer ; que pour appréhender le projet architectural envisagé, il convient donc de retenir que le certificat d'urbanisme concernant l'opération révèle que l'ensemble de la zone considérée était inondable en sorte que le rez-de-chaussée de l'immeuble réaménagé n'a pas lui-même été rendu inondable par les travaux de réhabilitation exécutés conformément aux plans établis par le maître d'oeuvre ; qu'il convient donc de circonscrire le périmètre du préjudice à réparer à la seule compensation de l'impact d'une crue centennale sur le rez-de-chaussée de l'immeuble, le niveau supérieur n'étant en aucune façon concerné par une montée des eaux prévisible ; que, dans ces conditions, il convient d'écarter le mode réparatoire retenu par le premier juge consistant dans le remboursement d'une partie du coût du marché initial de travaux qui se trouve dépourvu de tout lien avec le préjudice devant être réparé ; qu'il en va de même du devis retenu par l'expert qui a été établi dans la perspective d'une reprise totale des travaux initiaux, au demeurant sur la base d'une côte inapplicable en l'espèce comme il a été définitivement jugé, travaux de reprise excédant largement le préjudice réparable à peine d'un enrichissement infondé du maître de l'ouvrage dont l'immeuble se trouvait déjà en zone inondable et dont le premier étage n'est pas concerné ; qu'il convient encore de rejeter la solution préconisée par M. U... dont il a fourni le plan de mise en oeuvre et un devis s'élevant à la somme hors-taxes de 2.517,50 € consistant en l'édification d'une murette accompagnée du recouvrement de l'escalier existant, laquelle ne garantit en aucune façon l'absence d'inondation par le sol du rez-de-chaussée de l'immeuble ; qu'en considération de l'investissement réalisé par M. A..., de l'absence, depuis l'exécution des travaux de réhabilitation, d'inondation ayant atteint le rez-de-chaussée de l'immeuble comme le révèlent celles des diverses attestations émanant de locataires des consorts A... dans le quartier indiquant que le niveau de la crue de 2003 s'est arrêté à plus d'un mètre des appartements en sorte qu'ils n'ont pas subi de dégâts, qui emportent la conviction de la cour, à l'exclusion de celle émanant de M. N... indiquant de façon lapidaire que l'eau du Lot avait touché le plancher de son habitation sous vide sanitaire sans réellement décrire de phénomène d'inondation du logement qu'il occupait, ainsi que les photographies prises par le cabinet d'expertise technique du bâtiment Y... révélant que le niveau de cette crue s'est arrêté à 20 centimètres de ce seuil, les locataires, ainsi que l'avait relevé l'expert E... n'ayant simplement pas pu accéder normalement à l'immeuble durant la période la plus intense de la crue, du caractère non pérenne de l'indisponibilité du logement du rez-de-chaussée en cas de crue centennale et de la persistance du risque d'inondation en cas de crue exceptionnelle, la cour est en mesure d'indemniser, à la date à laquelle elle statue, le préjudice effectivement réparable à hauteur de la somme de 7.500 € qui sera allouée à M. A... à titre de dommages intérêts ; que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a laissé à la charge de M. U... les dépens de première instance, incluant le coût de l'expertise de M. E... mais non les frais d'expertise Y... qui sont à inclure partiellement dans la somme allouée à M. A... au titre de l'article 700 du code de procédure civile qui sera également confirmée ;
1. ALORS QUE le maître de l'ouvrage doit être replacé dans la situation où il se serait trouvé si l'ouvrage avait été livré sans vices ; qu'il résulte des constatations auxquelles la juridiction du second degré a procédé que, par la faute de l'architecte, M. U..., l'immeuble n'était pas conforme aux dispositions du décret du 7 décembre 1977 définissant les dispositions applicables dans les parties submersibles dans la vallée du Lot dès lors que le rez-de-chaussée était inondable en cas de crue proche de la crue centennale ; qu'en affirmant, pour réduire à la somme de 7 500 €, le préjudice indemnisable, que la perspective d'une reprise totale des marchés initiaux excède largement le préjudice réparable à peine d'un enrichissement infondé du maître de l'ouvrage dont l'immeuble se trouvait déjà en zone inondable et dont le premier étage n'est pas concerné, quand les exigences de la réparation intégrale du dommage imposaient d'inclure dans le coût de la réparation, le coût de tous les travaux nécessaires à la mise en conformité de l'immeuble et de la mise hors d'eau, quand bien même la réparation du préjudice pourrait procurer un enrichissement à la victime, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
2. ALORS QUE la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté peut forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible ; qu'il résulte des constatations auxquelles la juridiction du second degré a procédé que, par la faute de l'architecte, M. U..., l'immeuble n'était pas conforme aux dispositions du décret du 7 décembre 1977 définissant les dispositions applicables dans les parties submersibles dans la vallée du Lot dès lors que le rez-de-chaussée était inondable en cas de crue proche de la crue centennale ; qu'en se déterminant, pour limiter le préjudice indemnisable à 7.500 €, en considération de l'investissement réalisé par M. A..., de l'absence, depuis l'exécution des travaux de réhabilitation, d'inondation ayant atteint le rez-de-chaussée de l'immeuble, du caractère non pérenne de l'indisponibilité du logement du rez-de-chaussée, en cas de crue centennale et de la persistance du risque d'inondation en cas de crue exceptionnelle, la cour d'appel qui n'a pas expliqué en quoi l'allocation d'une indemnité de 7.500 € comprenait le coût des travaux nécessaires à la mise hors d'eau de l'immeuble, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1184 du code civil ;
3. ALORS QUE le maître de l'ouvrage doit être replacé dans la situation où il se serait trouvé si l'ouvrage avait été livré sans vices ; qu'il résulte des constatations auxquelles la juridiction du second degré a procédé que, par la faute de l'architecte, M. U..., l'immeuble n'était pas conforme aux dispositions du décret du 7 décembre 1977 définissant les dispositions applicables dans les parties submersibles dans la vallée du Lot dès lors que le rez-de-chaussée était inondable en cas de crue proche de la crue centennale ; qu'en évaluant le préjudice indemnisable à la somme de 7.500 € en considération de l'investissement réalisé par M. A..., de l'absence, depuis l'exécution des travaux de réhabilitation, d'inondation ayant atteint le rez-de-chaussée de l'immeuble, du caractère non pérenne de l'indisponibilité du logement du rez-de-chaussée, en cas de crue centennale et de la persistance du risque d'inondation en cas de crue exceptionnelle, quand M. A... subissait un préjudice consistant à ne pas être à l'abri d'une inondation du rez-de-chaussée de l'immeuble, en cas de crue comparable à celle de 1927, la cour d'appel qui ne s'est pas expliquée sur le coût des travaux nécessaires à la mise hors d'eau de l'immeuble, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil et du principe de réparation intégrale du préjudice.