LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 3 § 3 et 6 § 1 et § 2 a) de la convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par contrat du 28 août 2003, M. U... a été engagé par la société monégasque Cosmetics Laboratories (la société) dont le siège social est situé à Monaco en qualité de représentant exclusif ; que la société lui a confié la représentation de ses produits sur un secteur géographique défini par les départements français 16, 17, 28, 22, 29, 35, 36, 37, 44, 49, 50, 53, 56, 79, 85 et 86 ; que le contrat de travail stipulait que seul le droit monégasque gouvernait le contrat de travail ; que, par jugement du tribunal de première instance de Monaco du 7 mars 2013, la société a été déclarée en cessation de paiement et M. B... a été désigné en qualité de syndic ; que ce dernier a, par courrier du 4 avril 2013, prononcé la rupture du contrat de travail du salarié pour motif économique ; que le salarié a saisi le conseil des prud'hommes de Saint-Nazaire le 11 octobre 2013 ;
Attendu que pour fixer les créances dues au salarié par la liquidation judiciaire de la société à diverses sommes au titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif, de remboursement de frais de déplacement, de l'indemnité spéciale et de l'indemnité de licenciement, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que tous les éléments et informations concernant les relations contractuelles entre le salarié et la société caractérisent une activité de représentant exclusif sous statut VRP suivant les conditions prévues par la loi française du 18 juillet 1937 modifiée par celle du 7 mars 1957, que, de plus, le secteur géographique confié par la société au salarié est entièrement situé en France, que la société verse les prestations sociales à l'URSSAF, la CSG, CRDS, et les cotisations ASSEDIC aux organismes français, que la société possède un code APE et un numéro de SIRET, que c'est donc la loi française qui s'applique et, par conséquent, le droit du travail français et la convention des VRP ;
Qu'en se déterminant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le salarié et la société avaient conclu un contrat de travail prévoyant que la loi monégasque serait applicable, sans relever en quoi cette loi était moins protectrice que la loi française revendiquée par le salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il donne acte à M. C... B... de son intervention en qualité de syndic à la procédure de liquidation judiciaire de la société Cosmetics Laboratories, donne acte au CGEA de Rennes et au CGEA Faillite transnationale de leur qualité respective de représentants de l'AGS dans l'instance et les reçoit en leurs interventions, l'arrêt rendu le 15 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur les points restant en litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne M. U... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mai deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat aux Conseils, pour M. B...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé les créances dues à M. U... par la liquidation judiciaire de la société Cosmetic Laboratories à diverses sommes au titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, de remboursement de frais de déplacement, de l'indemnité spéciale et de l'indemnité de licenciement ;
AUX MOTIFS QUE Maître B..., es qualité de syndic, produit l'original du contrat signé par les parties de telle sorte que celui-ci est opposable au salarié(
) Sur la détermination de la loi applicable, la convention franco-monégasque du 13 septembre 1950, concernant la faillite et la liquidation judiciaire des commerçants et sociétés commerciales, prévoit, en son article 2, qu'une société ayant son siège social à Monaco relève en matière de faillite des juridictions monégasques, en son article 3, que les effets de la faillite ou de la liquidation judiciaire déclarée, dans l'un ou l'autre des deux pays s'étendront au territoire de l'autre pays et enfin, en son article 5, que la production et la vérification des créances nées du failli ou du débiteur admis au bénéfice de la liquidation judiciaire seront régies par la loi du tribunal qui aura déclaré la faillite ou la liquidation judiciaire. L'article 2 de la Convention franco-monégasque précitée, qui ne concerne que l'ouverture de la procédure collective et les contestations nées de cette procédure, ne modifie pas les règles de compétence édictées par l'article R. 517-1 du Code du travail applicables dans l'ordre international aux différends qui s'élèvent à l'occasion du contrat de travail. L'article 3 de la convention précitée fait que les effets de la faillite prononcée par une juridiction monégasque s'étendent automatiquement à la France de telle sorte qu'en l'espèce, le jugement du tribunal de première instance de Monaco du 18 décembre 2014 qui a prononcé la liquidation de biens a donc pris effet en France dès son prononcé. L'article 5 de la Convention franco-monégasque du 13 septembre 1950, qui ne concerne que la loi applicable à la production et à la vérification des créances nées du failli ou du débiteur admis au bénéfice de la liquidation judiciaire, demeure en revanche sans effet sur les règles relatives à la détermination de la loi applicable au contrat de travail. Il en résulte que, indépendamment de la loi française applicable à la rupture du contrat de travail, la loi applicable à l'admission de la créance du salarié et à la fixation au passif d'une liquidation de bien est la loi monégasque (
) Sur l'application de la loi française, en l'espèce, les dispositions du code du travail applicables tant à la rupture du contrat de travail et qu'à son exécution n'ont pas toutes été respectées. Ainsi, s'agissant du licenciement économique, les règles afférentes à la convocation du salarié à l'entretien préalable, à la proposition, lors de cet entretien d'une convention CSP et à la motivation de la lettre de licenciement relative à l'énoncé de motifs économiques et leur incidence sur l'emploi du salarié et au reclassement du salarié n'ont pas été respectées. Le non respect de l'obligation de reclassement de même que l'absence de motivation économique suffisante privent le licenciement de cause réelle et sérieuse ; Monsieur U... est fondé à se voir allouer des dommages-intérêts que la cour fixe à la somme de 25000 €, eu égard à son ancienneté (10 ans) à son âge (57ans) au salaire perçu (3.300 € brut) et de ce qu'il ne justifie pas de sa situation actuelle, le jugement étant confirmé de ce chef (
) Monsieur U... est également fondé, en application de l'accord du 3 octobre 1975 relatif au VRP à se voir allouer la somme de 2.145 € net au titre de l'indemnité conventionnelle de rupture et de 10.340,13 € au titre de l'indemnité spéciale soit la somme totale de 14 239,80 € dont il convient de déduire la somme de 6.044,67€ déjà versée à titre d'indemnité de licenciement, les sommes allouées à ce titre par les premiers juges étant confirmées (
) En dernier lieu, Monsieur U... qui n'a pas été remboursé des frais de déplacement qu'il a avancés au nom et pour le compte de la société pour les mois de février à avril 2013 est fondé à se voir allouer pour ces frais non contestés et mentionnés sur ses bulletins de paie la somme de 3.640,60 € nets ;
1) ALORS QUE le contrat de travail est régi par la loi choisie par les parties ; qu'en l'espèce, l'article 13 du contrat de travail prévoyait que « seul le droit monégasque gouverne ce contrat » ; qu'en se bornant à affirmer que la loi française était applicable à la rupture du contrat de travail, sans rechercher, comme il lui était demandé, si les parties n'avaient pas choisi la loi monégasque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et 3 de la convention de Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles ;
2) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE la cessation d'activité complète et définitive de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement, qui visait le jugement de première instance du 7 mars 2013 ayant désigné Maître C... B... comme syndic, indiquait que « cette décision compte tenu de l'absence d'autorisation de poursuite de l'activité de la SAM Cosmetic Laboratories implique le licenciement de l'ensemble du personnel » ; qu'en considérant pourtant, pour considérer que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, que les règles afférentes et à la motivation de la lettre de licenciement relatives à l'énoncé de motifs économiques et leur incidence sur l'emploi du salarié et au reclassement du salarié n'avaient pas été respectées, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-3 et L. 1233-16 du code du travail ;
3) ALORS, ET EGALEMENT A TITRE SUBSIDIAIRE, QUE l'obligation de reclassement qui pèse sur l'employeur de rechercher tous les emplois disponibles dans l'entreprise ou parmi les entreprises appartenant au même groupe, dans lesquelles une permutation est possible, trouve sa limite dans la cessation d'activité de l'entreprise qui n'appartient pas à un groupe ; qu'il s'ensuit qu'en l'espèce, en se bornant à affirmer que l'obligation de reclassement n'avait pas été respectée, pour retenir que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, sans rechercher, comme il lui était demandé, si la société Cosmétic Laboratories n'avait pas cessé toute activité et si cette société appartenait ou non à un groupe, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail.