LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 12 décembre 2017), que M. C... a été engagé le 29 octobre 2004 par la société Alma services en qualité de directeur Alma Île-de-France suivant contrat de travail à durée indéterminée, prévoyant un forfait de 217 jours par an ; que les parties ont conclu une rupture conventionnelle homologuée le 15 juillet 2013 ; que le 23 décembre 2013, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes notamment à titre d'heures supplémentaires effectuées de janvier 2010 à 2013 ;
Sur le moyen unique :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement de certaines sommes à titre d'heures supplémentaires, de congés payés afférents, de contrepartie des droits à repos et de dommages-intérêts pour dépassement des durées de travail et privation de durée de repos, alors, selon le moyen :
1°/ que, d'une part, sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l'entreprise et qui, du fait de la réunion de ces critères cumulatifs, participent à la direction de l'entreprise ; qu'en retenant, pour écarter la qualification de cadre dirigeant, qu'il n'était pas démontré que M. C... aurait pris part aux décisions les plus importantes de la stratégie de l'entreprise ni qu'il bénéficiait de l'un des salaires les plus élevés parmi tous les cadres quand il lui appartenait d'examiner la situation de M. C... au regard des trois critères précités afin de déterminer si il participait ou non à la direction de l'entreprise, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L.3111-2 du code du travail ;
2°/ que, d'autre part, le juge ne peut dénaturer le sens clair et précis des pièces de la procédure ; que pour justifier de la qualité de cadre dirigeant de M. C..., la société Alma services, dans ses conclusions visées par le greffier auxquelles se réfère l'arrêt (p. 3 al.3), faisait valoir que celui-ci percevait la 4ème rémunération la plus élevée de l'entreprise se prévalant des extraits de bilan avec rémunérations qui figuraient comme tels sur son bordereau de pièces communiquées ; qu'en énonçant que la société Alma services s'abstenait de fournir le moindre élément de comparaison permettant de se convaincre qu'il bénéficiait de l'un des salaires les plus élevés parmi tous les cadres, la cour d'appel a dénaturé les conclusions et le bordereau des pièces communiquées précités, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
3°/ qu'en outre, la société Alma services avait fait valoir que M. C..., s'était vu confier, selon sa fiche de définition de fonction signée, des responsabilités avec prise de décisions autonomes, qu'il organisait librement son temps de travail, qu'il percevait la 4ème rémunération la plus élevée de l'entreprise et qu'il était membre du comité de direction ; qu'en retenant à l'appui de sa décision qu'il n'était pas démontré que M. C... aurait pris part aux décisions les plus importantes de la stratégie de l'entreprise ni qu'il bénéficiait de l'un des salaires les plus élevés parmi tous les cadres sans répondre à ces écritures la cour d'appel, qui a privé sa décision de motifs, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ qu'en tout état de cause, en application de l'article L. 3245-1 du code du travail issu de la loi n° 2013-504, entrée en vigueur le 16 juin 2013, lorsque le contrat de travail est rompu, l'action en paiement ou en répétition du salaire peut porter sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat ; que, pour faire droit aux demandes salariales de M. C... sur la période 2008-2013 et rejeter ainsi le moyen tiré de la prescription soulevé par la société Alma services, la cour d'appel a énoncé que ni à la date du 14 juin 2013, date d'entrée en vigueur de la loi nouvelle, ni à celle de l'introduction de l'instance le 18 décembre 2013, la prescription quinquennale n'était acquise, qu'en statuant de la sorte quand la rupture du contrat de travail était intervenue le 15 juillet 2013 de sorte que la réclamation de M. C... ne pouvait porter que sur la période du 15 juillet 2010 au 15 juillet 2013, la cour d'appel a violé l'article susvisé ;
Mais attendu, d'abord, que la conclusion d'une convention de forfait ultérieurement déclarée illicite ne permet pas à l'employeur de soutenir que le salarié relevait de la catégorie des cadres dirigeants ;
Et attendu que la cour d'appel ayant constaté que le contrat de travail du salarié comportait un forfait de 217 jours par an et retenu que cette convention de forfait devait être annulée, en sorte que l'employeur ne pouvait invoquer à l'encontre du salarié les dispositions applicables aux cadres dirigeants, le moyen pris en ses trois premières branches, en ce qu'il se fonde sur lesdites dispositions, est inopérant ;
Attendu, ensuite, qu'aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi du n° 2013-504 du 14 juin 2013, entrée en vigueur le 16 juin 2013, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, que la demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat ; que selon l'article 21-V de la loi du 14 juin 2013, les dispositions du nouvel article L. 3245-1 du code du travail s'appliquent aux prescriptions en cours à compter du 16 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, soit cinq ans ;
Et attendu qu'ayant constaté, par référence aux écritures oralement soutenues du salarié, que la demande de rappel de salaire portait sur la période de janvier 2010 à 2013 et que la nouvelle prescription de trois ans avait commencé à courir à compter du 16 juin 2013, avant d'être interrompue par la saisine de la juridiction prud'homale le 23 décembre 2013, de sorte que la durée totale de la prescription n'avait pas excédé cinq ans, la cour d'appel en a exactement déduit que les créances antérieures au 15 juillet 2010 n'étaient pas prescrites ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Alma services aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Alma services à payer à M. C... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juin deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour la société Alma services
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la SAS ALMA SERVICES à payer à Monsieur C..., avec intérêts au taux légal à compter du 23décembre 2013, la somme de 221 215, 23 € au titre des heures supplémentaires celle de 22 121, 52 € pour les congés payés afférents et la somme de 116 089, 65 € à titre de contrepartie des droits à repos ainsi que la somme de 1000 €, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt, à titre de dommages et intérêts pour dépassement des durées de travail et privation de durée de repos, outre à remettre des bulletins de salaire conformes à l'arrêt.
AUX MOTIFS QUE « la SAS ne peut prospérer en son moyen tiré de la qualité prétendue de Monsieur C... de cadre dirigeant en s'abstenant de fournir le moindre élément de comparaison permettant de se convaincre qu'il aurait pris part aux décisions les plus importantes de la stratégie de l'entreprise, ni qu'il bénéficiait de l'un des salaires les plus élevés parmi tous les cadres ; qu'au moyen de ses feuilles de temps et d'explications très circonstanciées sur les demandes que lui faisait la SAS pour que notamment même pendant des arrêts pour cause de maladie il continue à fournir des prestations Monsieur C... effectue des relevés très précis au jour le jour des heures effectivement travaillées par lui qui sont de nature à ouvrir à l'employeur la possibilité de justifier des horaires, ce qui satisfait à l'obligation d'étayer la demande ; que l'employeur sauf à émettre des critiques sur la valeur probante de ces décomptes ne justifie pas des horaires, et du reste les motifs d'annulation de la convention de forfait ont suffisamment mis en exergue l'absence de contrôle et donc de justification des horaires ; que la SAS, ainsi que le remarque Monsieur C..., oppose vainement une prescription pour les créances antérieures au 15 juillet 2010, alors que la loi du 14juin 2013 réduisant la prescription à 3 ans s'est appliquée immédiatement aux prescriptions en cours et qui à cette date ni au 18 décembre 2013 date d'introduction de l'instance la prescription quinquennale n'était acquise pour aucune des réclamations ; que les exacts calculs de Monsieur C... détaillés dans ses conclusions fondent outre congés-payés sa demande salariale à hauteur de 221 215,23 € que de même il fait ressortir les heures exécutées au-delà du contingent de 220 heures et il réclame à ce titre exactement à titre de contrepartie des droits à repos la somme de 116 089,65 € Attendu que par ailleurs la SAS ne prouve pas - et sur ce point elle en supporte exclusivement la charge - de ce qu'elle a respecté les durées maximales de repos quotidiens et hebdomadaires en sorte que la somme de 1000 € réparera intégralement le préjudice consécutivement subi par Monsieur C...; Attendu que la SAS sera condamnée au paiement de ces sommes ; » (cf. arrêt p. 4) ;
1°/ ALORS QUE, d'une part, sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l'entreprise et qui, du fait de la réunion de ces critères cumulatifs, participent à la direction de l'entreprise ; qu'en retenant, pour écarter la qualification de cadre dirigeant, qu'il n'était pas démontré que M. C... aurait pris part aux décisions les plus importantes de la stratégie de l'entreprise ni qu'il bénéficiait de l'un des salaires les plus élevés parmi tous les cadres quand il lui appartenait d'examiner la situation de M. C... au regard des trois critères précités afin de déterminer si il participait ou non à la direction de l'entreprise, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L.3111-2 du code du travail ;
2°/ ALORS QUE, d'autre part, le juge ne peut dénaturer le sens clair et précis des pièces de la procédure ; que pour justifier de la qualité de cadre dirigeant de M. C..., la société ALMA SERVICES, dans ses conclusions visées par le greffier auxquelles se réfère l'arrêt (p. 3 al.3), faisait valoir que celui-ci percevait la 4ème rémunération la plus élevée de l'entreprise se prévalant des extraits de bilan avec rémunérations qui figuraient comme tels sur son bordereau de pièces communiquées (conclusions p.10 al. 3, pièces produites 24, 25 et 26) ; qu'en énonçant que la société ALMA SERVICES s'abstenait de fournir le moindre élément de comparaison permettant de se convaincre qu'il bénéficiait de l'un des salaires les plus élevés parmi tous les cadres, la cour d'appel a dénaturé les conclusions et le bordereau des pièces communiquées précités, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
3°/ ALORS QUE, en outre, la société ALMA SERVICES avait fait valoir que M. C..., s'était vu confier, selon sa fiche de définition de fonction signée, des responsabilités avec prise de décisions autonomes, qu'il organisait librement son temps de travail, qu'il percevait la 4ème rémunération la plus élevée de l'entreprise et qu'il était membre du comité de direction (conclusions p. 9-10) ; qu'en retenant à l'appui de sa décision qu'il n'était pas démontré que M. C... aurait pris part aux décisions les plus importantes de la stratégie de l'entreprise ni qu'il bénéficiait de l'un des salaires les plus élevés parmi tous les cadres sans répondre à ces écritures la cour d'appel, qui a privé sa décision de motifs, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ ALORS QUE, en tout état de cause, en application de l'article L. 3245-1 du code du travail issu de la loi n°2013-504, entrée en vigueur le 16 juin 2013, lorsque le contrat de travail est rompu, l'action en paiement ou en répétition du salaire peut porter sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat ; que, pour faire droit aux demandes salariales de M. C... sur la période 2008-2013 et rejeter ainsi le moyen tiré de la prescription soulevé par la société Alma Services, la cour d'appel a énoncé que ni à la date du 14 juin 2013, date d'entrée en vigueur de la loi nouvelle, ni à celle de l'introduction de l'instance le 18 décembre 2013, la prescription quinquennale n'était acquise, qu'en statuant de la sorte quand la rupture du contrat de travail était intervenue le 15 juillet 2013 de sorte que la réclamation de M. C... ne pouvait porter que sur la période du 15 juillet 2010 au 15 juillet 2013, la cour d'appel a violé l'article susvisé.