LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Mme S... K...,
contre l'arrêt n° 18/72 de la cour d'appel de PAU, chambre correctionnelle, en date du 8 février 2018, qui, pour tapage nocturne, l'a condamnée à deux amendes de 100 euros et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 22 mai 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme Slove, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de Mme le conseiller Slove, les observations de la société civile professionnelle FABIANI, LUC-THALER et PINATEL, la société civile professionnelle ZRIBI et TEXIER, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général MORACCHINI ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que Mme S... K..., propriétaire du domaine de [...] à [...], a installé sur sa propriété un chapiteau pour l'organisation de soirées événementielles ; que le 22 mai 2016 à 3 heures 20 et le 19 juin à 1 heure, à la suite d'un signalement de tapage nocturne, les gendarmes se sont rendus sur ce domaine ; que Mme K..., poursuivie pour bruit ou tapage nocturne troublant la tranquillité d'autrui, la juridiction de proximité a retenu sa culpabilité ; que la prévenue, le ministère public et les parties civiles ont relevé appel de la décision ;
En cet état
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-1 et R. 623-2 du code pénal, 2, 3, 427, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mme K... coupable de tapage nocturne ;
"1°) alors que nul n'est pénalement responsable que de son propre fait ; qu'en se bornant, pour déclarer l'exposante coupable de tapage nocturne, à relever d'une part que lors de leurs interventions des 22 mai 2016 à 3 heures 20 et 19 juin 2016 à 1 heure, les gendarmes ont perçu un bruit musical provenant du chapiteau de l'Eurl Florence Evênements, d'autre part que le niveau de bruit résultant de l'activité de réception exercée sous le chapiteau installé par Mme K... a troublé la tranquillité des voisins, enfin que la prévenue devait prendre toutes les mesures utiles avant même de lancer son activité pour s'assurer que le bruit résultant des rassemblements dansants et musicaux qu'elle envisageait d'accueillir sur sa propriété ne soit pas susceptible de troubler la tranquillité de ses voisins, sans relever à l'encontre de l'exposante le moindre acte susceptible de caractériser sa participation personnelle aux faits de la prévention, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article R. 623-2 du code pénal ;
"2°) alors que si, même en l'absence de toute volonté de nuire, et même si les bruits résultent de l'exercice d'une profession, la contravention de tapage nocturne est caractérisée lorsque le prévenu a eu conscience du trouble causé au voisinage par l'installation dont il est responsable et n'a pris aucune mesure pour y remédier, seul peut être poursuivi de ce chef l'exploitant de ladite installation ; qu'en l'espèce, il résulte des propres énonciations de l'arrêt attaqué que le bruit litigieux constaté par les gendarmes provenait « du chapiteau de l'Eurl Florence Evênements » ; que, dès lors, en déclarant Mme K..., prévenue poursuivie en son nom personnel et non ès-qualités de gérante de l'Eurl Florence Evênements, coupable des faits visés à la prévention, quand seule la personne morale susvisée, signataire des contrats de mise à disposition des lieux conclus avec les clients, exploite l'installation litigieuse, peu important à cet égard que la prévenue soit propriétaire des lieux, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 121-1 du code pénal, ensemble l'article 121-2 du même code ;
"3°) alors, subsidiairement, que la personne qui n'est pas l'auteur principal d'un tapage nocturne ne peut être poursuivie sur le fondement de l'article R. 623-2 du code pénal qu'à la condition qu'elle ait sciemment facilité, par aide ou assistance, la préparation ou la consommation de cette contravention ; qu'en l'espèce, il est constant que les nuisances visées à la prévention n'ont pas été commises par Mme K... mais par les clients de l'Eurl Florence Evênements ayant installé sur les lieux des appareils diffusant de la musique ; que pour juger que l'infraction visée à la prévention était caractérisée à la charge de Mme K..., la cour d'appel s'est notamment déterminée par la circonstance que l'exposante aurait dû, avant même de lancer son activité, prendre toutes les mesures utiles pour s'assurer que le bruit résultant des rassemblements qu'elle envisageait d'accueillir sur sa propriété ne soit pas susceptible de trouble la tranquillité de ses voisins ; qu'en l'état de ces énonciations d'où il ne résulte pas que Mme K... ait sciemment facilité la consommation de la contravention, la cour d'appel qui se détermine par une motivation inopérante a privé sa décision de toute base légale au regard du texte susvisé" ;
Attendu que, pour confirmer le jugement et retenir la culpabilité de Mme K... l'arrêt retient notamment qu'il ressort des procès-verbaux de transport et de constatations que les gendarmes, lors de leurs interventions du 22 mai 2016 à 3 heures 20 et du 19 juin 2016 à 1 heure, ont perçu un bruit musical provenant du chapiteau de l'Eurl Florence Evénements ; que le 22 mai 2016, à 200 mètres à vol d'oiseau du chapiteau, ils ont pu entendre distinctement depuis leur véhicule, vitres ouvertes, les morceaux de musique diffusés ; que lors de leur intervention du 19 juin 2016 qui a duré un peu plus de 20 minutes, les gendarmes ont constaté du bruit musical qu'ils ont considéré comme acceptable, soulignant néanmoins qu'à un moment, une personne avait parlé dans le micro, provoquant un peu plus de bruit pendant une dizaine de secondes ; que Mme K... a confirmé que pendant quelques secondes, une intervention au micro a pu être un peu forte, estimant cependant qu'à aucun moment on ne pouvait parler de tapage nocturne ; qu'il est établi que deux de ses voisins ont vu leur tranquillité troublée durant la nuit, à deux reprises, sur la période de la prévention ;
Qu'en l'état de ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine, la cour d'appel, qui a constaté que lors des faits Mme K... s'était présentée comme la responsable du chapiteau et des événements qui s'y produisaient, a, dès lors que la responsabilité pénale des personnes morales n'exclut pas celle des personnes physiques auteurs des mêmes faits, par des motifs dénués d'insuffisance comme de contradiction, caractérisé en tous ses éléments la contravention de tapage nocturne dont elle a déclaré la prévenue coupable ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-1 et R. 623-2 du code pénal, 1382 du code civil, devenu l'article 1240 du même code, 2, 3, 427, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué, qui a déclaré Mme K... coupable de tapage nocturne, a condamné l'exposante à payer à l'association Anti-bruit de voisinage la somme de 100 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral ;
" alors que l'action civile en réparation du dommage causé par une infraction n'appartient qu'à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ; qu'en l'espèce, il est constant que la prévenue a été déclarée coupable de tapage nocturne ayant troublé la tranquillité des voisins du Domaine de [...] ; qu'en allouant à l'association Anti-bruit de voisinage, qui n'est pas un voisin dudit Domaine de [...], une somme de 100 euros en réparation de son préjudice moral, sans indiquer en quoi les faits dont l'exposante a été déclarée coupable ont causé directement un préjudice moral à l'intéressée, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 2 du code de procédure pénale et de l'article 1240 nouveau du code civil" ;
Attendu qu'il ne résulte ni des conclusions déposées devant la cour d'appel, ni des notes d'audiences, ni des pièces du dossier que Mme K... ait expressément présenté un moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande de l'association Anti-bruit de voisinage ;
D'où il suit que le moyen, nouveau et mélangé de fait et de droit, est irrecevable ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 1000 euros la somme globale que Mme K... devra payer aux consorts I... en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-neuf juin deux mille dix-neuf ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.