LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 juin 2017), que M. O... a consenti un prêt à M. Y..., lequel a été mis en liquidation judiciaire le 13 février 2014 ; que M. O... l'ayant assigné le 29 février 2016 aux fins d'obtenir le remboursement de sa créance, M. Y... l'a informé, quinze jours avant l'audience, de l'existence de la procédure collective ; que M. O... a demandé à être autorisé à reprendre, après la clôture de la procédure pour insuffisance d'actif, son action individuelle ;
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de retenir qu'il a eu un comportement frauduleux à l'égard de son créancier M. O... au sens de l'article L. 643-11, IV, du code de commerce et d'autoriser en conséquence la reprise des poursuites de ce dernier alors, selon le moyen :
1°/ que le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers qui n'ont pas déclaré leur créance l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur ; que seuls les créanciers dont les créances préalablement déclarées ont été admises ou n'ont pas été vérifiées, peuvent mettre en oeuvre leur droit de poursuite individuelle ; qu'en l'espèce, la cour a constaté que M. O... n'avait pu être avisé de l'existence de la procédure collective ouverte à l'encontre de M. Y... et avait de ce fait été privé de la possibilité d'effectuer une déclaration de créance ; qu'en autorisant néanmoins la reprise des poursuites de M. O... à l'encontre de M. Y... pour recouvrer une créance qui n'avait pas été déclarée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 643-11, IV, du code de commerce, par fausse application, ensemble les articles L. 643-11, V, et L. 622-26 du même code, par défaut d'application ;
2°/ que le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur ; qu'il est fait exception à cette règle en cas de fraude du débiteur à l'égard d'un ou de plusieurs créanciers ; que la fraude suppose l'intention de nuire au créancier ; qu'en l'espèce, pour autoriser la reprise des poursuites de M. O... à l'encontre de M. Y... après la clôture de la procédure de liquidation pour insuffisance d'actif, la cour a estimé que M. Y... avait eu un comportement frauduleux à l'encontre de son créancier, en lui dissimulant l'ouverture d'une procédure de liquidation à son encontre et en omettant de mentionner la créance de M. O... dans la liste des créances remise au liquidateur ; qu'en statuant ainsi par des motifs impropres à établir la volonté de nuire de M. Y..., seule de nature à caractériser la fraude, qui ne peut résulter d'une simple dissimulation de la créance de M. O..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 643-11, IV, du code de commerce ;
Mais attendu, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 643-11, IV, du code de commerce, en cas de fraude à l'égard d'un ou plusieurs créanciers, le tribunal autorise la reprise des actions individuelles de tout créancier contre le débiteur ; que, selon l'article L. 643-11, V, alinéa 2, du même code, les créanciers qui recouvrent l'exercice individuel de leurs actions et dont les créances n'ont pas été vérifiées peuvent le mettre en oeuvre dans les conditions du droit commun ; qu'il résulte de la combinaison de ces textes, qui ne comportent aucune restriction, que même un créancier n'ayant pas déclaré sa créance est autorisé, en cas de fraude, à reprendre ses actions individuelles ; que le moyen, en sa première branche, repose donc sur un postulat erroné ;
Et attendu, d'autre part, que la fraude prévue à l'article L. 643-11, IV, du code de commerce n'impose pas que soit établie l'intention du débiteur de nuire au créancier ; que la cour d'appel a relevé que M. Y... se savait débiteur à l'égard de M. O... compte tenu d'une reconnaissance de dette qu'il avait souscrite le 1er juillet 2011, qu'il avait reçu une première demande de remboursement dès le mois de décembre 2014, qu'il avait fait la promesse de rembourser au plus tard en avril 2015 sans procéder au remboursement prévu, bien que s'étant vu rappeler à plusieurs reprises son obligation, que c'est seulement à la suite de son assignation qu'il avait informé M. O... de la procédure de liquidation dont il faisait l'objet depuis le 13 février 2014 et qu'il avait ainsi dissimulé de façon déloyale sa véritable situation tant à ce dernier qu'au liquidateur puisqu'il n'avait pas fait apparaître ce créancier sur la liste des créanciers ; qu'en l'état de ces constatations souveraines, dont elle a déduit que M. Y... avait commis une fraude à l'égard de M. O..., la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à M. O... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six juin deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour M. Y...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté que M. X... Y... a eu un comportement frauduleux à l'encontre de son créancier M. T... O... au sens de l'article L. 643-11, IV, du code de commerce et d'avoir autorisé en conséquence la reprise des poursuites de M. T... O... à l'encontre de M. X... Y... ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE M. Y... soutient que l'action de M. O... est irrecevable au motif qu'il ne justifie pas d'un titre exécutoire, que sa créance n'a pas été déclarée au passif de la procédure de liquidation judiciaire et que ladite créance n'est pas personnellement attachée à sa personne ; que selon l'article L. 643-11 du code de commerce, « le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur. Il est fait exception à cette règle : (
) ; IV - En outre, en cas de fraude à l'égard d'un ou de plusieurs créanciers, le tribunal autorise la reprise des actions individuelles de tout créancier à l'encontre du débiteur. Le tribunal statue lors de la clôture de la procédure après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur, le liquidateur et les contrôleurs. Il peut statuer postérieurement à celle-ci, à la demande de tout intéressé, dans les mêmes conditions ; V - Les créanciers qui recouvrent leur droit de poursuite individuelle et dont les créances ont été admises ne peuvent exercer ce droit sans avoir obtenu un titre exécutoire ou, lorsqu'ils disposent déjà d'un tel titre, sans avoir fait constater qu'ils remplissent les conditions prévues au présent article. Le président, saisi à cette fin, statue par ordonnance. Les créanciers qui recouvrent l'exercice individuel de leurs actions et dont les créances n'ont pas été vérifiées peuvent le mettre en oeuvre dans les conditions du droit commun » ; que pour s'opposer à la demande, l'appelant soutient que le demandeur à l'autorisation de la reprise des poursuites individuelles doit se prévaloir d'un titre exécutoire, ce dont ne dispose pas M. O... ; qu'il ajoute que la créance de M. O... n'a pas été déclarée, alors qu'elle est soumise à la règle de l'arrêt des poursuites, et que ce dernier ne peut s'en prévaloir après la clôture de la procédure de liquidation judiciaire ; que l'appelant fait en outre valoir que la créance doit être personnelle, ce qui selon lui n'est pas le cas ; qu'il convient de relever que l'article L. 643-11, IV, du code de commerce permet à un créancier victime d'une fraude du débiteur de solliciter notamment à l'audience de clôture de la procédure de la liquidation judiciaire une autorisation à reprendre les poursuites individuelles ; que le paragraphe IV visant la fraude ne pose pas de condition de titre exécutoire, et il résulte du paragraphe V que l'obtention du titre exécutoire n'est pas exigée au moment de la requête aux fins d'être autorisé à reprendre les poursuites individuelles, mais postérieurement dans la mise en oeuvre de la reprise des poursuites individuelles ; que constitue une fraude, le fait pour un débiteur de dissimuler dans la liste des créanciers remise au mandataire judiciaire, des sommes dont il est redevable, ce qui est le cas en l'espèce puisque M. Y... se savait débiteur à l'égard de M. O... compte tenu de l'engagement de remboursement pris le 1er juillet 2011 qu'il n'avait pas honoré ; que c'est dans ces circonstances que M. O... n'a pas pu être avisé de l'existence de la procédure collective et a donc, de ce fait été privé d'effectuer une déclaration de créances ; qu'il ne peut donc lui être fait grief de ne pas y avoir procédé ; que c'est en vain que M. Y... soutient que l'autorisation de reprise des poursuites ne peut être accordée au motif que la créance n'est pas personnelle, cette exigence n'étant visée qu'au paragraphe I de l'article susvisé, ce paragraphe n'étant pas applicable à la présente espèce ; que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont autorisé M. O... à reprendre ses poursuites à l'encontre de M. Y... ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE l'article L. 643-11 du code de commerce édicte que : « I. - le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur. Il est fait exception à cette règle : (
) ; IV. - En outre, en cas de fraude à l'égard d'un ou de plusieurs créanciers, le tribunal autorise la reprise des actions individuelles de tout créancier à l'encontre du débiteur. Le tribunal statue lors de la clôture de la procédure après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur, le liquidateur et les contrôleurs. Il peut statuer postérieurement à celle-ci, à la demande de tout intéressé, dans les mêmes conditions ; V. - Les créanciers qui recouvrent leur droit de poursuite individuelle et dont les créances ont été admises ne peuvent exercer ce droit sans avoir obtenu un titre exécutoire ou, lorsqu'ils disposent déjà d'un tel titre, sans avoir fait constater qu'ils remplissent les conditions prévues au présent article. Le président, saisi à cette fin, statue par ordonnance. Les créanciers qui recouvrent l'exercice individuel de leurs actions et dont les créances n'ont pas été vérifiées peuvent le mettre en oeuvre dans les conditions du droit commun » ; que le conseil de M. T... O... a souhaité que sa requête soit examinée en même temps que la demande de clôture ; qu'il résulte des pièces jointes à la requête que M. T... O... a prêté le 12 juillet 2011 une somme de 50.000 € à M. X... Y... qui lui a signé une reconnaissance de dette le 1er juillet 2011 indiquant que la somme produirait des intérêts à hauteur de 5 % l'an et que le prêt était pour une durée d'un mois renouvelable tacitement de mois en mois ; que par un courrier daté du 18 janvier 2015, M. T... O... rappelait à M. Y... sa demande à être remboursé qu'il lui avait faite à son cabinet le 4 décembre 2014 et par retour M. Y... lui confirmait son remboursement au plus tard la première quinzaine d'avril 2015 ; que par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 mars 2015, le conseil de M. T... O... mettait en demeure M. X... Y... de payer la somme de 50.000 euros outre les intérêts ayant couru ; que cette lettre est revenue avec la mention postale « n'habite plus à l'adresse indiquée » ; que le conseil de M. O... lui adressait un nouveau courrier recommandé le 19 juin 2015 à sa nouvelle adresse qu'il a reçu le 25 juin 2015, ainsi que cela figure sur l'accusé de réception ; que ce n'est qu'à la suite de son assignation en référé que M. Y... a informé M. T... O... et son conseil qu'il faisait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire depuis le 13 février 2014 ; que Me P... L..., liquidateur désigné dans la procédure, a confirmé que M. X... Y... n'avait pas déclaré la créance de M. T... O... ; que par ailleurs, M. X... Y..., alors qu'il était radié du tableau de l'ordre des avocats depuis le 13 février 2014, n'en a pas informé M. T... O... en continuant ainsi à s'occuper de sa procédure de divorce ; que M. X... Y..., avocat de M. T... O..., a donc dissimulé : - à M. O..., qu'une procédure de liquidation judiciaire était ouverte depuis le 13 février 2014, alors que la demande de remboursement lui avait été faite dès le mois de décembre 2014 et qu'il avait fait la promesse de rembourser au plus tard en avril 2015, dissimulant ainsi sa véritable situation ; - au liquidateur, qu'il avait comme créancier, M. T... O..., en ne le faisant pas apparaître sur la liste de ses créanciers ; que M. X... Y... a donc eu un comportement tout à fait déloyal vis-à-vis de son ami et client M. T... O..., comportement qui caractérise la fraude visée par l'article L. 643-11, IV ; qu'il convient donc de faire droit à la requête ;
ALORS QUE, D'UNE PART, le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers qui n'ont pas déclaré leur créance l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur ; que seuls les créanciers dont les créances préalablement déclarées ont été admises ou n'ont pas été vérifiées, peuvent mettre en oeuvre leur droit de poursuite individuelle ; qu'en l'espèce, la cour a constaté que M. O... n'avait pu être avisé de l'existence de la procédure collective ouverte à l'encontre de M. Y... et avait de ce fait été privé de la possibilité d'effectuer une déclaration de créance ; qu'en autorisant néanmoins la reprise des poursuites de M. T... O... à l'encontre de M. Y... pour recouvrer une créance qui n'avait pas été déclarée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 643-11, IV, du code de commerce, par fausse application, ensemble les articles L. 643-11, V, et L. 622-26 du même code, par défaut d'application.
ALORS QUE, D'AUTRE PART, le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur ; qu'il est fait exception à cette règle en cas de fraude du débiteur à l'égard d'un ou de plusieurs créanciers ; que la fraude suppose l'intention de nuire au créancier ; qu'en l'espèce, pour autoriser la reprise des poursuites de M. T... O... à l'encontre de M. Y... après la clôture de la procédure de liquidation pour insuffisance d'actif, la cour a estimé que M. X... Y... avait eu un comportement frauduleux à l'encontre de son créancier, en lui dissimulant l'ouverture d'une procédure de liquidation à son encontre et en omettant de mentionner la créance de M. T... O... dans la liste des créances remise au liquidateur ; qu'en statuant ainsi par des motifs impropres à établir la volonté de nuire de M. Y..., seule de nature à caractériser la fraude, qui ne peut résulter d'une simple dissimulation de la créance de M. O..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 643-11, IV, du code de commerce.