La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/07/2019 | FRANCE | N°18-10580

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 03 juillet 2019, 18-10580


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société W... que sur le pourvoi incident éventuel relevé par la société du Château Baret ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 septembre 2017), que la société W... commercialisait, depuis 1964, les vins de la société du Château Baret, gérée par la société Compagnie financière calédonienne (la société Cofical), elle-même cogérée par M. T... J..., Mme Y... J..., épouse C... (Mme C...), Mme P... J..., épouse D... (Mme D...), et

M. R... J... ; que la société W... a fait, en 2010, une offre de prix pour le millésime ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société W... que sur le pourvoi incident éventuel relevé par la société du Château Baret ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 septembre 2017), que la société W... commercialisait, depuis 1964, les vins de la société du Château Baret, gérée par la société Compagnie financière calédonienne (la société Cofical), elle-même cogérée par M. T... J..., Mme Y... J..., épouse C... (Mme C...), Mme P... J..., épouse D... (Mme D...), et M. R... J... ; que la société W... a fait, en 2010, une offre de prix pour le millésime 2009, qui a été refusée par M. T... J... et Mme C... et acceptée par les deux autres cogérants ; que les parties ne sont pas parvenues à un accord, en dépit de plusieurs échanges de courriels entre juillet 2010 et juillet 2011 ; que soutenant que la société du Château Baret avait brutalement rompu la relation commerciale établie qu'elles entretenaient depuis 46 ans, en refusant de lui vendre l'entière récolte du millésime 2009, la société W... l'a assignée, ainsi que M. T... J... et Mme C..., au titre de leur responsabilité personnelle en qualité de cogérants de la société Cofical, en paiement de dommages-intérêts ; qu'en cours d'instance, M. F... a été désigné en qualité d'administrateur provisoire de la société Cofical ; que la société du Château Baret a formé une demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale établie et appelé en intervention forcée M. D..., époux de Mme P... J..., dirigeant de la société W..., aux fins de condamnation solidaire ;

Sur la recevabilité du pourvoi principal, en ce qu'il est dirigé contre M. T... J..., contestée par la défense :

Vu l'article 612 du code de procédure civile, ensemble l'article 528 du même code ;

Attendu que le 12 janvier 2018, la société W... a déclaré se pourvoir en cassation contre l'arrêt du 13 septembre 2017 ; que cet arrêt ayant été signifié le 10 novembre 2017 aux sociétés du Château Baret et Borie Manoux par M. T... J..., ce pourvoi, en tant qu'il a été formé contre celui-ci après l'expiration du délai prévu par le premier des textes susvisés, est tardif et donc irrecevable ;

Sur la recevabilité de ce pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre Mme C..., contestée par cette dernière :

Attendu que l'arrêt du 13 septembre 2017 n'a fait l'objet d'aucune signification à Mme C... ; qu'en l'absence de condamnation solidaire de M. T... J... et de Mme C..., et à défaut d'une situation d'indivisibilité entre ces derniers, le délai du pourvoi n'a pas couru contre cette dernière ; que le pourvoi est dès lors recevable ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu que la société W... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'indemnisation pour rupture brutale d'une relation commerciale établie alors, selon le moyen :

1°/ qu'en cas de relations commerciales établies, l'auteur de la rupture doit ménager un préavis à son partenaire de manière à permettre à celui-ci de se réorganiser ; qu'en l'espèce, les juges du fond ont estimé que les relations commerciales avaient cessé en juillet 2011, sachant qu'il est constant que les relations ont cessé à cette date ; qu'en refusant de considérer que la rupture était brutale, quand la brutalité se déduit de l'absence de préavis à compter du jour où il a été décidé de rompre les relations, les juges du fond, qui n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations, ont violé l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ;

2°/ que l'absence de brutalité de la décision de rompre ne peut être déduite, dès lors que la décision de rupture n'a pas été prise sans équivoque au cours de la période antérieure, de ce que des échanges ont eu lieu antérieurement à la date à laquelle l'une des parties a décidé de mettre un terme aux relations ; qu'en décidant le contraire, pour déduire des échanges ayant lieu entre juillet 2010 et juillet 2011, que la rupture n'avait pas été brutale, les juges du fond ont de nouveau violé l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ;

Mais attendu qu‘après avoir relevé, d'un côté, que la société W... imputait la responsabilité de la rupture de leur relation commerciale à la société du Château Baret qui avait refusé d'accepter son offre de prix, conforme au marché, formulée le 6 juillet 2010 pour la récolte du millésime 2009 et, de l'autre, que cette dernière reprochait à la première d'avoir rompu brutalement la relation en refusant d'acheter le millésime 2009 et de répondre à ses interrogations concernant ses tarifs, l'arrêt retient qu'il résulte des courriels et lettres échangés entre les parties que la rupture est intervenue au terme d'une période d'une année, entre juillet 2010 et juillet 2011, au cours de laquelle de longues discussions ont été menées sur la fixation du prix des vins, sans que les parties soient parvenues à un accord sur le prix du millésime 2009 ni sur celui de 2010 pour lequel elles n'ont entamé aucune négociation ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que la rupture ne pouvait être imputée à aucune des parties, la cour d'appel a pu exclure toute responsabilité sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce dans sa rédaction applicable à la cause ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen de ce pourvoi :

Attendu que la société W... fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen, qu'à supposer qu'il faille admettre que la rupture a été effective en juillet 2011 et qu'au cours de la période comprise entre juillet 2010 et juillet 2011, la société W... a été informée de ce que les relations seraient rompues, bénéficiant ainsi d'un délai de préavis lui permettant de se réorganiser, encore fallait-il déterminer à quelle date exactement la décision de rupture était intervenue, ayant pris effet en juillet 2011, à l'effet de déterminer si elle avait bénéficié d'un préavis suffisant ; que faute de s'expliquer sur ce point, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ;

Mais attendu que la cour d'appel ayant exclu toute responsabilité pour rupture brutale d'une relation commerciale établie entre les parties, le moyen tiré de l'insuffisance du préavis est inopérant ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident, qui est éventuel :

DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi principal en ce qu'il est dirigé contre M. T... J... ;

REJETTE le pourvoi principal ;

Condamne la société W... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société du Château Baret, représentée par M. F..., en qualité d'administrateur provisoire de la société Cofical, gérante de la société du Château Baret, à M. T... J... et à Mme C... chacun, la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois juillet deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société W....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU' il a rejeté la demande de dommages et intérêts formée par la société W... sur le fondement de l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce à raison d'une rupture brutale de relations commerciales établies ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « c'est par des motifs pertinents résultant d'une juste analyse des éléments du dossier, notamment des nombreux mails et courriers échangés entre les parties, et adoptés par la cour et ce d'autant qu'aucun élément nouveau n'étant produit en cause d'appel de nature à remettre en cause l'appréciation faite par le tribunal, que les premiers juges ont rejeté les demandes réciproques en indemnisation pour rupture brutale des relations commerciales en considérant que la preuve de la brutalité de la rupture, au sens de l'article - L. 442-6, 1, 5° du code de commerce n'était pas rapportée ; qu'en effet, il résulte de l'ensemble des pièces versées aux débats dont notamment les mails et courriers échangés entre les parties examinés ci-dessus et de leur chronologie que la rupture est intervenue au terme d'une période qui s'est écoulée sur une année, entre les premières difficultés apparues dès juillet 2010 sur le prix de commercialisation du millésime 2009 et le mois de juillet 2011, date de la cessation des relations commerciales, et au cours de laquelle chacun des dirigeants respectifs des deux sociétés se sont longuement entretenus sur la fixation du prix des vins sans parvenir à un accord pour le millésime 2009 et a fortiori sur celui de 2010 pour lequel elles n'ont entamé aucune négociation, chacune des parties campant sur ses positions. La rupture ne présentait donc aucun caractère (l'imprévisibilité, de soudaineté et de violence nécessaire à caractériser la brutalité au sens de l'article L 442-6,1,5° du code de commerce. Il sera ajouté qu'à défaut de parvenir à un accord sur le millésime 2009, aucune des parties ne pouvait raisonnablement anticiper une continuité des relations commerciales pour l'avenir, ce qui est corrobore par le fait qu'elles n'avaient entamé aucune négociation pour le millésime 2010 » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' « Il est rappelé que le principe reste de la liberté de rompre une relation commerciale mais dans la limite posée par l'article précité qui prévoit que le fournisseur ne peut obtenir réparation du préjudice lié au caractère brutal de la rupture et non du préjudice découlant de la rupture elle-même, l'indemnité accordée en fonction du préavis n'étant pas par ailleurs exclusive de dommages-intérêts supplémentaires qui peuvent être alloués si la rupture a été réalisée dans des conditions particulièrement vexatoires ; que dans le litige soumis au tribunal, il n'est pas contesté par les parties l'ancienneté des relations commerciales entre la société W... et la société du château Baret, à l'époque dirigée respectivement par M. K... D..., père de M. G... D... et par M. B... J..., décédé en 1981 et époux de Mme A... J..., lesquels se sont entendus sur les modalités d'exécution de leurs relations commerciales avec exclusivité mais sans les avoir formalisées par écrit, outre le départ de M. G... D... de la SCEA va en 2011 ; que s'agissant de l'application des dispositions de l'article L 442-6 précité, il convient de constater que la discussion des parties sur l'offre d'achat des vins pour le millésime 2009, les questions posées par M. T... J... sur les conditions de distribution des vins, dans les conditions antérieures à l'effet d'apprécier l'offre discutée, ainsi que les nombreux documents produits valant échange de mail ou de courrier entre les parties, sont sans pertinence pour appréciation de l'existence du rupture brutale dans les relations commerciales existantes de nature à justifier le respect d'un préavis et l'allocation de dommages-intérêts dans les conditions rappelées ci-dessus ; qu'il est notamment produit un courrier du 6 juillet 2010, signé par M. Q... O..., à, l'entête de la société W... en effet de proposer à ce château un prix équivalent à 7,60 € la bouteille pour le grand vin rouge, de 5,60 € pour le Camparian, deuxième vin, et de 7,60 € pour le vin blanc, avec la nécessité d'obtenir une réponse rapide pour ne pas subir un trop fort préjudice commercial ; que de même, il est produit un mail adressé le 18 juillet 2011 par M. T... J..., à M. G... D..., avec communication à Mine Y... C..., faisant mention du constat qui n'ont pas réussi à trouver un accord sur le prix des vins de Baret notamment sur le millésime 2009 et qu'il lui avait proposé, avec sa soeur Y..., l'arbitrage d'un ou de plusieurs courtiers ; il est également fait mention de l'impossibilité de rester dans une situation de blocage au motif que la société Cofical subit un double préjudice en l'absence de recettes et de la nécessité de financer sa filiale, c'est-à-dire la SCEA du château Baret, en reprochant à M. G... D... de s'être engagé dans un lourd programme d'investissement de sept sociétés sans en avoir les moyens ; que ce mail mentionne encore qu'en raison notamment de l'absence de débat engagé sur le millésime 2010, si les autres gérants en sont d'accord, il lui propose de solder leurs différents et de débloquer la situation à raison de 7,50 € la bouteille les rouges et blancs de 2009 et de huit euros la bouteille pour les rouges blancs 2010, en l'informant que pour la suite il conviendra d'ouvrir une discussion entre M. G... D... et les gérants de Cofical, gérante de la SCEA, pour établir un contrat de prestations et une règle de "reporting" concernant la gestion de la propriété ;
que pour justifier d'une indemnité en application de l'article du code de commerce précité, les parties qui invoquent son application doivent justifier d'une rupture brutale c'est-à-dire imprévisible, soudaine et violente qui suppose un effet de surprise pour la victime ; qu'en l'espèce, la preuve du rupture brutale au sens de l'article L 442-6 I 5" n'est pas rapportée alors même que chacun des dirigeants des deux sociétés se sont longuement entretenu, y compris par de nombreux échanges de mails ou de courriers, sur un différend concernant principalement le prix de commercialisation des vins produits par le château Baret, géré de fait jusqu'en 2011 par M. G... D..., de sorte que la période écoulée entre les premières difficultés apparues dès juillet 2010 jusqu'en juillet 2011 ne sont pas de nature à caractériser une telle brutalité dans la cessation des relations commerciales, à défaut de pouvoir invoquer son imprévisibilité, sa soudaineté et sa violence ; que la société W... et M. G... D... seront dès lors déboutés de leurs demandes dirigées contre la SCEA Château Baret, y compris à l'encontre de M. T... J... et de Mme Y... J..., à défaut de rapporter la preuve, pour les raisons précitées, d'une faute délictuelle s'agissant de deux personnes physiques non parties au contrat concerné, ou contractuelle relativement à la société, au motif de leur opposition à l'offre de M. O... en juillet 2010, dont les demandeurs ne peuvent prétendre que la rupture des relations commerciales leur seraient entièrement imputables » ;

ALORS QUE, premièrement, en cas de relations commerciales établies, l'auteur de la rupture doit ménager un préavis à son partenaire de manière à permettre à celui-ci de se réorganiser ; qu'en l'espèce, les juges du fond ont estimé que les relations commerciales avaient cessé en juillet 2011, sachant qu'il est constant que les relations ont cessé à cette date ; qu'en refusant de considérer que la rupture était brutale, quand la brutalité se déduit de l'absence de préavis à compter du jour où il a été décidé de rompre les relations, les juges du fond, qui n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations, ont violé l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ;

ET ALORS QUE, deuxièmement, l'absence de brutalité de la décision de rompre ne peut être déduite, dès lors que la décision de rupture n'a pas été prise sans équivoque au cours de la période antérieure, de ce que des échanges ont eu lieu antérieurement à la date à laquelle l'une des parties a décidé de mettre un terme aux relations ; qu'en décidant le contraire, pour déduire des échanges ayant lieu entre juillet 2010 et juillet 2011, que la rupture n'avait pas été brutale, les juges du fond ont de nouveau violé l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a rejeté la demande de dommages et intérêts formée par la société W... sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce à raison d'une rupture brutale de relations commerciales établies ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « c'est par des motifs pertinents résultant d'une juste analyse des éléments du dossier, notamment des nombreux mails et courriers échangés entre les parties, et adoptés par la cour et ce d'autant qu'aucun élément nouveau n'étant produit en cause d'appel de nature à remettre en cause l'appréciation faite par le tribunal, que les premiers juges ont rejeté les demandes réciproques en indemnisation pour rupture brutale des relations commerciales en considérant que la preuve de la brutalité de la rupture, au sens de l'article - L. 442-6, 1, 5° du code de commerce n'était pas rapportée ; qu'en effet, il résulte de l'ensemble des pièces versées aux débats dont notamment les mails et courriers échangés entre les parties examinés ci-dessus et de leur chronologie que la rupture est intervenue au terme d'une période qui s'est écoulée sur une année, entre les premières difficultés apparues dès juillet 2010 sur le prix de commercialisation du millésime 2009 et le mois de juillet 2011, date de la cessation des relations commerciales, et au cours de laquelle chacun des dirigeants respectifs des deux sociétés se sont longuement entretenus sur la fixation du prix des vins sans parvenir à un accord pour le millésime 2009 et a fortiori sur celui de 2010 pour lequel elles n'ont entamé aucune négociation, chacune des parties campant sur ses positions. La rupture ne présentait donc aucun caractère (l'imprévisibilité, de soudaineté et de violence nécessaire à caractériser la brutalité au sens de l'article L 442-6,1,5° du code de commerce. Il sera ajouté qu'à défaut de parvenir à un accord sur le millésime 2009, aucune des parties ne pouvait raisonnablement anticiper une continuité des relations commerciales pour l'avenir, ce qui est corrobore par le fait qu'elles n'avaient entamé aucune négociation pour le millésime 2010 » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' « Il est rappelé que le principe reste de la liberté de rompre une relation commerciale mais dans la limite posée par l'article précité qui prévoit que le fournisseur ne peut obtenir réparation du préjudice lié au caractère brutal de la rupture et non du préjudice découlant de la rupture elle-même, l'indemnité accordée en fonction du préavis n'étant pas par ailleurs exclusive de dommages-intérêts supplémentaires qui peuvent être alloués si la rupture a été réalisée dans des conditions particulièrement vexatoires ; que dans le litige soumis au tribunal, il n'est pas contesté par les parties l'ancienneté des relations commerciales entre la société W... et la société du château Baret, à l'époque dirigée respectivement par M. K... D..., père de M. G... D... et par M. B... J..., décédé en 1981 et époux de Mme A... J..., lesquels se sont entendus sur les modalités d'exécution de leurs relations commerciales avec exclusivité mais sans les avoir formalisées par écrit, outre le départ de M. G... D... de la SCEA va en 2011 ; que s'agissant de l'application des dispositions de l'article L 442-6 précité, il convient de constater que la discussion des parties sur l'offre d'achat des vins pour le millésime 2009, les questions posées par M. T... J... sur les conditions de distribution des vins, dans les conditions antérieures à l'effet d'apprécier l'offre discutée, ainsi que les nombreux documents produits valant échange de mail ou de courrier entre les parties, sont sans pertinence pour appréciation de l'existence du rupture brutale dans les relations commerciales existantes de nature à justifier le respect d'un préavis et l'allocation de dommages-intérêts dans les conditions rappelées ci-dessus ; qu'il est notamment produit un courrier du 6 juillet 2010, signé par M. Q... O..., à, l'entête de la société W... en effet de proposer à ce château un prix équivalent à 7,60 € la bouteille pour le grand vin rouge, de 5,60 € pour le Camparian, deuxième vin, et de 7,60 € pour le vin blanc, avec la nécessité d'obtenir une réponse rapide pour ne pas subir un trop fort préjudice commercial ; que de même, il est produit un mail adressé le 18 juillet 2011 par M. T... J..., à M. G... D..., avec communication à Mine Y... C..., faisant mention du constat qui n'ont pas réussi à trouver un accord sur le prix des vins de Baret notamment sur le millésime 2009 et qu'il lui avait proposé, avec sa soeur Y..., l'arbitrage d'un ou de plusieurs courtiers ; il est également fait mention de l'impossibilité de rester dans une situation de blocage au motif que la société Cofical subit un double préjudice en l'absence de recettes et de la nécessité de financer sa filiale, c'est-à-dire la SCEA du château Baret, en reprochant à M. G... D... de s'être engagé dans un lourd programme d'investissement de sept sociétés sans en avoir les moyens ; que ce mail mentionne encore qu'en raison notamment de l'absence de débat engagé sur le millésime 2010, si les autres gérants en sont d'accord, il lui propose de solder leurs différents et de débloquer la situation à raison de 7,50 € la bouteille les rouges et blancs de 2009 et de huit euros la bouteille pour les rouges blancs 2010, en l'informant que pour la suite il conviendra d'ouvrir une discussion entre M. G... D... et les gérants de Cofical, gérante de la SCEA, pour établir un contrat de prestations et une règle de "reporting" concernant la gestion de la propriété ;
que pour justifier d'une indemnité en application de l'article du code de commerce précité, les parties qui invoquent son application doivent justifier d'une rupture brutale c'est-à-dire imprévisible, soudaine et violente qui suppose un effet de surprise pour la victime ; qu'en l'espèce, la preuve du rupture brutale au sens de l'article L 442-6 I 5" n'est pas rapportée alors même que chacun des dirigeants des deux sociétés se sont longuement entretenu, y compris par de nombreux échanges de mails ou de courriers, sur un différend concernant principalement le prix de commercialisation des vins produits par le château Baret, géré de fait jusqu'en 2011 par M. G... D..., de sorte que la période écoulée entre les premières difficultés apparues dès juillet 2010 jusqu'en juillet 2011 ne sont pas de nature à caractériser une telle brutalité dans la cessation des relations commerciales, à défaut de pouvoir invoquer son imprévisibilité, sa soudaineté et sa violence ; que la société W... et M. G... D... seront dès lors déboutés de leurs demandes dirigées contre la SCEA Château Baret, y compris à l'encontre de M. T... J... et de Mme Y... J..., à défaut de rapporter la preuve, pour les raisons précitées, d'une faute délictuelle s'agissant de deux personnes physiques non parties au contrat concerné, ou contractuelle relativement à la société, au motif de leur opposition à l'offre de M. O... en juillet 2010, dont les demandeurs ne peuvent prétendre que la rupture des relations commerciales leur seraient entièrement imputables » ;

ALORS QUE, à supposer qu'il faille admettre que la rupture a été effective en juillet 2011 et qu'au cours de la période comprise entre juillet 2010 et juillet 2011, la société W... a été informée de ce que les relations seraient rompues, bénéficiant ainsi d'un délai de préavis lui permettant de se réorganiser, encore fallait-il déterminer à quelle date exactement la décision de rupture était intervenue, ayant pris effet en juillet 2011, à l'effet de déterminer si elle avait bénéficié d'un préavis suffisant ; que faute de s'expliquer sur ce point, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-10580
Date de la décision : 03/07/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 13 septembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 03 jui. 2019, pourvoi n°18-10580


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux, SCP Foussard et Froger, SCP Richard, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.10580
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award