LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par la défense :
Attendu que la société BTSG2 soutient que le pourvoi de M. N... et du GAEC N... est irrecevable au motif que ces derniers n'auraient pas intérêt à agir puisque l'avis du ministère public, dont ils invoquent l'absence, leur aurait été en tout état de cause défavorable ;
Mais attendu que M. N... et le GAEC N... ont un intérêt légitime à se prévaloir de l'absence d'avis du ministère public dont le contenu est, par hypothèse en raison de cette absence, ignoré ;
D'où il suit que le pourvoi est recevable ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 622-10 et L. 640-1 du code de commerce ;
Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces textes que le tribunal ne peut prononcer la liquidation judiciaire, à tout moment de la période d'observation, qu'après avoir recueilli l'avis du ministère public ;
Attendu que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement entrepris qui, après avoir rejeté le plan proposé par le GAEC de N... et M. F... N..., a ouvert leur liquidation judiciaire ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le ministère public, auquel la procédure avait été communiquée, s'était borné à viser le dossier de celle-ci sans donner d'avis et n'était pas représenté aux débats, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;
Condamne la société BTSG2, en sa qualité de mandataire et liquidateur judiciaires du GAEC de N... et de M. N..., aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Delamarre et Jehannin, avocat aux Conseils, pour M. N... et le GAEC N....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit n'y avoir lieu à homologation du plan de sauvegarde présenté par le GAEC de N... et M. F... N..., constaté l'état de cessation des paiements du GAEC de N... et de M. F... N..., fixé provisoirement au 21 février 2017 la date de cessation des paiements, ouvert en application des articles L. 622-10 et suivants et R. 622-11 du code de commerce, une procédure de liquidation judiciaire à l'égard du GAEC de N... et de M. F... N..., désigné M. I... C... en qualité de juge-commissaire, Me L... B... en qualité de mandataire liquidateur, et Me I... E... en qualité de commissaire-priseur avec pour mission de procéder à l'inventaire des biens de l'entreprise prévu à l'article L. 622-6 du code de commerce et à la prisée des actifs du débiteur ;
AUX MOTIFS QUE
« Le dossier de la procédure a été communiqué au Ministère Public le 12 septembre 2017 et visa de celui-ci a été donné le 21 septembre 2017 » ;
ALORS QUE la cour d'appel ne peut confirmer un jugement ayant refusé d'homologué un plan de sauvegarde et prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire qu'après avoir recueilli l'avis du ministère public ; qu'en l'espèce, si le dossier a été, en cause d'appel, communiqué au ministère public qui l'a visé le 21 septembre 2017, il n'est établi par aucune des mentions de l'arrêt ou des pièces de la procédure qu'il aurait émis un avis sur les mérites du plan de sauvegarde proposé, ou l'opportunité d'ouvrir une procédure de liquidation judiciaire ; qu'en statuant dans ces conditions, la cour d'appel a violé l'article L. 622-10 du code de commerce.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit n'y avoir lieu à homologation du plan de sauvegarde présenté par le GAEC de N... et M. F... N..., constaté l'état de cessation des paiements du GAEC de N... et de M. F... N..., fixé provisoirement au 21 février 2017 la date de cessation des paiements, ouvert en application des articles L. 622-10 et suivants et R. 622-11 du code de commerce, une procédure de liquidation judiciaire à l'égard du GAEC de N... et de M. F... N..., désigné M. I... C... en qualité de juge-commissaire, Me L... B... en qualité de mandataire liquidateur, et Me I... E... en qualité de commissaire-priseur avec pour mission de procéder à l'inventaire des biens de l'entreprise prévu à l'article L. 622-6 du code de commerce et à la prisée des actifs du débiteur ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE
« Le tribunal a fait application de l'article L. 622-10 du Code de commerce, prévoyant qu'à la demande du débiteur, de l'administrateur, du mandataire Judiciaire, du ministère public ou d'office, la procédure de sauvegarde peut être convertie en un redressement judiciaire, si les conditions de l'article L. 631-1 sont réunies ou qu'il prononce la liquidation judiciaire si les conditions de l'article L 640-1 sont réunies ; que dans son rapport de sauvegarde établi en application des articles L. 620-1 et suivants du code de commerce déposé le 15 novembre 2016, le mandataire judiciaire a émis un avis réservé, compte tenu de l'absence d'éléments comptables permettant d'apprécier la faisabilité d'un plan et des deux contrats de crédit-bail en cours relatifs à un tracteur et à une moissonneuse-batteuse ; qu'il était par ailleurs amené à constater que la trésorerie était inférieure à ce qu'elle était au début de la période et que le compte du GAEC ouvert dans les livres du Crédit Mutuel présentait un solde débiteur de 30.000 euros. ; que c'est avec pertinence que le tribunal a retenu : - que le passif du GAEC N... s'élève à 851.576,05 euros, et est constitué pour 55.964,86 euros et 382.293,24 euros du passif à échoir dans le cadre des deux contrats de crédit-bail, et pour 413.327,94 euros du passif échu et à échoir lié essentiellement à neuf prêts bancaires souscrits entre 2009 et 2015 ; - que, dans le cadre du plan de sauvegarde, les débiteurs entendent, outre le versement de dividendes, poursuivre l'exécution des deux contrats de crédit-bail souscrits, l'un en date du 27 mars 2015 relatif à un tracteur pour un montant de 52.800 euros toutes taxes comprises, aux loyers annuels de 8.147,97 euros, l'autre en date du 22 juillet 2015 relatif à une moissonneuse batteuse pour un montant de 372.000 euros toutes taxes comprises, aux loyers annuels de 55.646,83 euros, soit pour une charge annuelle de 63 794,80 euros ; - qu'ils proposent de s'acquitter de versements annuels de 16.533,12 euros jusqu'en 2022, date à laquelle les contrats de crédit-bail arriveront à échéance, et de 39.266,16 euros au-delà et jusqu'à l'exécution complète du plan, soit jusqu'en 2031 ; - que les débiteurs n'avaient pas donné suite à la demande expresse du tribunal de produire une étude approfondie sur la rentabilité de la poursuite des contrats de crédit-bail eu égard au montant des loyers obérant lourdement la capacité financière du GAEC ; - que l'exploitation en 2016 de la moissonneuse-batteuse avait dégagé environ 26.700 euros et, si une augmentation était escomptée pour 2017, le chiffre d'affaires dégagé par la location de la moissonneuse-batteuse restait inférieur au montant de l'annuité due contractuellement ; - que si le GAEC était à jour de ses obligations dans le cadre du crédit-bail et n'avait généré aucune dette depuis l'ouverture de la procédure, pour la période septembre 2015-octobre 2016 correspondant à la période d'observation l'excédent brut d'exploitation s'est élevé à 11.408 euros seulement quand les dividendes, en début de plan et alors qu'ils seront à leur étiage le plus bas, s'élèveront à 16.533,12 euros, hors frais du commissaire à l'exécution du plan; que les débiteurs fondent leur demande en réformation du jugement ayant retenu l'incompatibilité du plan proposé avec les résultats dégagés par le GAEC N... et l'absence de proposition différente susceptible d'être formulée dans le cadre d'un plan de redressement : - sur un simple prévisionnel de compte de résultat établi en octobre 2016 qui, avec un chiffre d'affaires passant de 112.217 euros en 2015-2016 à 175.000 euros en 2016-2017, 182.000 euros en 2017-2018 et 190.000 euros en 2018-2019, ferait ressortir un résultat de l'exercice progressant sur les mêmes périodes de 4 625 euros à 19 625 euros, 21 705 euros et 24 180 euros et qui permettrait donc d'honorer les dividendes du plan de sauvegarde ; - sur une trésorerie au 31 décembre 2016 de 43 293,39 euros à la Banque populaire et de 4.968,16 euros au Crédit mutuel ; - sur le provisionnement fait en compte Carpa de leur conseil de versements mensuels de 1377,76 euros , pour un montant cumulé au 05 septembre 2017 de 9 644 euros à valoir sur un premier dividende du plan de 16.533,12 euros ; mais que : - selon le compte de résultat de la période octobre 2015-septembre 2016, le GAEC N... a réalisé un chiffre d'affaires de 146 529 euros par la vente d'animaux (117 529 euros) et de travaux de battage (25 202 euros) et, ses charges s'étant élevées à 133 001 euros, l'excédent brut d'exploitation a été limité à 11 408 euros ; - durant la même période correspondant à celle d'observation, il a enregistré une diminution des disponibilités de 2 537 euros, une diminution de ses créances de 3 003 euros et une augmentation des dettes fournisseurs et à court terme de 8 040 euros, soit un déficit de trésorerie de 18 205 euros ; - alors qu'ils en auraient eu la possibilité, les débiteurs ne produisent aucune pièce justifiant d'une évolution favorable de leur chiffre d'affaires sur la période suivante septembre 2016- septembre 2017 ; au contraire, selon les documents de la Celmar qu'ils produisent, ils ont réalisé sur toute l'année 2016, avec 91% des ventes effectivement contractualisées, des ventes de bovins pour un montant de 113.877 euros, soit 3.752 euros de moins que sur la période septembre 2015-octobre 2016, et le prévisionnel de ventes pour les sept premiers mois de l'année 2017 est de 66 129 euros, soit, sans prendre en compte les ventes qui seront effectivement contractualisées, un chiffre d'affaires mensuel moyen de 9.447 euros légèrement inférieur à celui de 2016 ; - les débiteurs ne donnent toujours aucune indication sur une amélioration attendue de la rentabilité de leur activité de battage ; - la trésorerie existante au 31 décembre 2016 pour un montant de 48.261 euros a de toute évidence été absorbée par les annuités d'un montant de 63 794,80 des deux contrats de crédit-bail venues à échéance le 20 mars 2017 et les débiteurs s'abstiennent de produire une situation actualisée des comptes bancaires ; qu'en l'état de ces constatations, il ne peut qu'être retenu, ainsi que l'ont fait les premiers juges, que les résultats dégagés par le GAEC N... ne permettent pas de poursuivre l'exécution des deux contrats de crédit-bail et de supporter en plus la charge des dividendes prévus au plan proposé et que les débiteurs ne sont pas en mesure de formuler une autre proposition dans le cadre d'un plan de redressement ; que le seul fait que les débiteurs aient versé entre les mains de leur conseil une somme à valoir sur un premier dividende ait insuffisant à remettre en cause cette appréciation ; que le jugement dont appel sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions » ;
AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE
« L'article L. 622-10 du code de commerce dispose notamment, en ses deuxième et troisième alinéas, que : « Dans les mêmes conditions, à la demande du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du ministère public ou d'office, il convertit la procédure en un redressement judiciaire, si les conditions de l'article L. 631-1 sont réunies, ou prononce la liquidation judiciaire, si les conditions de l'article L. 640-1 sont réunies. A la demande du débiteur ou, à la demande de l'administrateur, du mandataire judiciaire ou du ministère public, lorsqu'aucun plan n'a été adopté conformément aux dispositions de l'article L. 626-30-2 et, le cas échéant, de l'article L. 626-32 par les comités mentionnés à la section 3 du chapitre VI du présent titre, il décide également la conversion en redressement judiciaire si l'adoption d'un plan de sauvegarde est manifestement impossible et si la clôture de la procédure conduirait, de manière certaine et à bref délai, à la cessation des paiements » ; que l'article L. 622-11 du même code précise que : « Lorsque le tribunal prononce la liquidation, il met fin à la période d'observation et, sous réserve des dispositions de l'article L. 641-10, à la mission de l'administrateur. Dans les conditions prévues au dernier alinéa de l'article L. 622-10, il désigne une personne chargée de réaliser la prisée des actifs du débiteur » ; qu'en l'espèce, il ressort des débats, des documents comptables versés ainsi que du projet de plan de sauvegarde que les débiteurs entendent, outre le versement des dividendes du plan, poursuivre l'exécution des deux contrats de crédit-bail souscrits, l'un en date du 27 mars 2015 relatif à un tracteur pour un montant de 52 800 euros TTC et aux loyers annuels de 8 147,97 euros, l'autre en date du 22 juillet 2015 relatif à une moissonneuse batteuse pour un montant de 372 000 euros TTC et aux loyers annuels de 55 646,83 euros ; que par ailleurs, il apparaît que dans le cadre du plan de sauvegarde, les débiteurs proposent de s'acquitter des versements annuels de 16 533,12 euros jusqu'en 2022, date à laquelle les contrats de crédit-bail arriveront à échéance, et 39 266,16 euros au-delà et jusqu'à l'exécution complète du plan, soit en 2031 ; que toutefois, les débiteurs n'ont pas donné suite à la demande expresse du tribunal de produire une étude approfondie sur la rentabilité de la poursuite des contrats de crédit-bail eu égard au montant des loyers obérant lourdement la capacité financière du GAEC ; qu'il ressort simplement des débats qu'en 2016 l'exploitation de la moissonneuse-batteuse a dégagé environ 26 700 euros et qu'une augmentation est escomptée pour 2017 les conditions climatiques de l'année passée n'ayant pas été favorables ; qu'or, le chiffre d'affaires dégagé par la location de la moissonneuse-batteuse est inférieur, en l'état, au montant de l'annuité due contractuellement ; que par ailleurs, si les débiteurs font observer que le GAEC est à jour de ses obligations dans le cadre du crédit-bail et n'a généré aucune dette depuis l'ouverture de la procédure, il apparaît que pour la période correspondant à la période d'observation, l'excédent brut d'exploitation s'est élevé à 11 408 euros, quand les dividendes, en début de plan et alors qu'ils seront à leur étiage le plus bas, s'élèveront à 16 533,12 euros, hors frais du commissaire à l'exécution du plan ; que le passif du GAEC N... s'élève en effet à 851 576,05 euros, constitué pour 55 964,86 euros et 382 293,24 euros du passif à échoir dans le cadre des deux contrats de crédit-bail, et pour 413 327,94 euros du passif échu et à échoir lié essentiellement à neuf prêts bancaires souscrits entre 2009 et 2015 ; qu'en conséquence, il n'y a pas lieu d'homologuer le plan présenté, celui-ci apparaissant incompatible avec les résultats dégagés par le GAEC N... pendant la période d'observation ; que ledit projet de plan apparaissant selon les débiteurs, l'unique moyen de faire face aux difficultés économiques qui sont les leurs, il apparait qu'ils ne seront pas en mesure de proposer des modalités différentes dans le cadre d'un plan de redressement ; qu'il y a donc lieu d'ordonner la liquidation judiciaire du GAEC de N... et F... N... en application de l'article L. 622-10 du code de commerce ; que le GAEC de N... et F... N... disposent de biens immobiliers ; qu'il n'y a en conséquence pas lieu d'ouvrir une procédure de liquidation judiciaire simplifiée » ;
ALORS QUE pendant la période d'observation, le tribunal ne peut convertir la procédure de sauvegarde en une liquidation judiciaire que si le débiteur est en état de cessation des paiements, et que le redressement de l'entreprise est manifestement impossible ; que l'état de cessation des paiements résulte de l'impossibilité pour le débiteur de faire face à son passif exigible avec son actif disponible ; que pour prononcer l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard du GAEC N... et de M. F... N..., la cour d'appel a retenu que « les résultats dégagés par le GAEC N... ne permettent pas de poursuivre l'exécution des deux contrats de crédit-bail et de supporter en plus les charges des dividendes prévus au plan proposé et que les débiteurs ne sont pas en mesure de formuler une autre proposition dans le cadre d'un plan de redressement » (arrêt, p. 5, alinéa 6) ; qu'en se prononçant ainsi, par des motifs impropres à établir l'état de cessation des paiements du GAEC N... et de M. F... N..., la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 622-10, L. 631-1 et L. 640-1 du code de commerce.