LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 9 novembre 2017), que M. et Mme V... ont acquis de la société civile immobilière Nanol (la SCI Nanol) un appartement situé en rez-de-chaussée d'un immeuble en copropriété ; que, se plaignant d'un affaissement des planchers, ils ont assigné la venderesse en résolution de la vente pour vice caché et en indemnisation de leurs préjudices ; que la SCI Nanol a appelé le syndicat des copropriétaires en garantie ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que la SCI Nanol fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande de M. et Mme V... en résolution de la vente ;
Mais attendu qu'ayant relevé que le vice constitué par l'état du plancher avant la vente était tel qu'il était dangereux pour les usagers d'y circuler, l'appartement étant de ce fait impropre à sa destination, que sa gravité résultait de ses conséquences sur la sécurité des occupants, du coût des réparations nécessaires représentant près de 25 % du prix de vente et du fait que, touchant à des parties communes, elles ne pouvaient être réalisées sans autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que le vendeur avait remis le bien en état avec l'accord des acquéreurs, en a déduit à bon droit, sans être tenue de procéder à une recherche sur la disparition du vice que ses constatations rendaient inopérante, qu'il y avait lieu de prononcer la résolution de la vente demandée par les acquéreurs et a légalement justifié sa décision ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que la SCI Nanol fait grief à l'arrêt de rejeter son appel en garantie contre le syndicat des copropriétaires ;
Mais attendu qu'ayant retenu que, la SCI Nanol connaissant l'existence du vice de l'appartement vendu à M. et Mme V..., il lui incombait, avant la vente, soit d'agir auprès du syndicat des copropriétaires pour faire réparer le vice, soit d'informer les acquéreurs de la situation, la cour d'appel a pu en déduire que les manquements de la SCI envers les acquéreurs la rendait seule responsable du préjudice subi par ces derniers, de sorte qu'elle ne pouvait être garantie des conséquences de la résolution de la vente ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SCI Nanol aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCI Nanol et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. et Mme V... et celle de 3 000 euros au syndicat des copropriétaires de l'Immeuble Strasbourg Cronenbourg ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille dix-neuf.
Le conseiller rapporteur le president
Le greffier de chambre
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour la société Nanol
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé la résolution de la vente intervenue par acte authentique du 29 août 2007 entre la SCI Nanol et les époux V... ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ; que l'expert a mis en évidence que les solives soutenant les planchers de l'appartement acquis par les époux V... ont été consumées par les flammes d'un incendie, ce qui a modifié la résistance mécanique des planchers et compromis leur solidité ; que selon l'expert, l'appartement était de ce fait impropre à sa destination, ses occupants risquant de passer à travers le plancher, notamment dans le couloir ; que par des motifs pertinents que la cour adopte, le premier juge a considéré que les deux attestations produites par la SCI Nanol, selon lesquelles il y avait un trou dans le plancher avant la vente, sont insuffisantes à rapporter la preuve du caractère apparent du vice pour les acquéreurs ; qu'en effet, elles n'établissent pas que ce trou était visible le jour où les époux V... ont visité l'appartement, ni qu'il permettait de constater l'état des solives, ce que l'expert judiciaire n'a pu faire qu'en se rendant dans les caves situées en-dessous de l'appartement, auxquelles les époux V... n'ont pas eu accès ; que par ailleurs, le fait que V... ait été gérant d'une entreprise de peinture ne lui conférait pas la compétence requise pour apprécier l'état de solidité des planchers ; que la gravité du vice résulte de ses conséquences, mentionnées par l'expert, sur la sécurité des occupants de l'appartement, du coût des réparations nécessaires, représentant près de 25 % du prix de vente, et du fait que ces réparations, touchant à des parties communes de l'immeuble, ne pouvaient être réalisées sans autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires ; que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente ;
ALORS QUE l'acheteur d'une chose comportant un vice caché qui accepte que le vendeur procède à la remise en état de ce bien ne peut plus invoquer l'action en garantie dès lors que le vice originaire a disparu mais peut solliciter l'indemnisation du préjudice éventuellement subi du fait de ce vice ;
qu'en l'espèce, la SCI Nanol avait fait valoir que le vice allégué n'avait nullement eu pour conséquence de rendre le bien impropre à sa destination et que le vice ayant été réparé, la résolution ne pouvait pas être prononcée (conclusions d'appel p. 7); qu'en conséquence, en prononçant la résolution de la vente litigieuse, sans rechercher, comme elle y avait été invitée, si le vice ayant disparu, les époux V... pouvaient toujours prétendre à la résolution de la vente la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1644 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté l'appel en garantie de la SCI Nanol à l'encontre du syndicat des copropriétaires de l'immeuble Strasbourg Cronenbourg ;
AUX MOTIFS QUE l'expertise judiciaire a démontré que les désordres affectant les planchers de l'appartement acquis par les époux V... trouvaient leur origine dans une dégradation des solives supportant ces planchers, en partie consumées lors d'un incendie survenu avant 1995 ; que les solives étant des parties communes de l'immeuble, la responsabilité du syndicat des copropriétaires est susceptible d'être engagée, sur le fondement de l'article ²14 de la loi du 10 juillet 1965, non pour vice de construction, puisque ce n'est pas la construction de l'immeuble qui est en cause, mais pour défaut d'entretien, les travaux de réparation réalisés en 1995 par le syndicat des copropriétaires s'étant révélés insuffisants ; que l'action de la SCI Nanol contre le syndicat n'est pas prescrite, car le délai de prescription, d'une durée de dix ans, n'a commencé à courir qu'à compter de la date de manifestation des désordres ; qu'or, cette date est ignorée ; qu'en effet, la date de l'incendie, antérieure à 1995, n'est pas connue ; que de plus, les désordres consistent en un affaissement des planchers de l'appartement de la SCI Nanol, dont la date d'apparition est ignorée, étant observé que cet affaissement a été progressif et qu'il a été partiellement masqué par les travaux de réparation réalisés en 1995 par le syndicat des copropriétaires ; que si le recours de la SCI Nanol contre le syndicat des copropriétaires est recevable, il n'est cependant pas fondé ; qu'en effet, la SCI Nanol connaissait l'existence du vice avant la vente de l'appartement aux époux V... ; que ceci résulte, en premier lieu, du fait que la SCI Nanol avait pour gérant M. Y..., marchand de biens, lequel, ayant acquis l'immeuble dans son entier avec son épouse en 1989 pour constituer une copropriété et le revendre par lots, était nécessairement au courant du sinistre ayant endommagé les planchers, dont les séquelles étaient visibles dans les caves ; qu'en second lieu, les désordres, consistant en un affaissement des planchers, se sont manifestés progressivement et ne sont pas apparus subitement après la vente, de sorte que la SCI Nanol en avait connaissance lors de la vente ; qu'en troisième lieu, en soutenant que les désordres étaient apparents pour les acquéreurs, la SCI Nanol admet implicitement, mais nécessairement, qu'ils étaient apparents pour elle-même ; que dès lors, il incombait à la SCI Nanol, soit d'agir auprès du syndicat des copropriétaires, avant la vente, pour faire réparer le vice, soit d'informer de la situation les acquéreurs lors de la vente ; que compte tenu de ses propres manquements, elle est la seule responsable du préjudice subi par les acquéreurs et n'est pas fondée à exercer un recours contre le syndicat des copropriétaires pour être garantie des conséquences de la résolution de la vente ; que le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la SCI Impute la faute au syndicat de n'avoir pas dans la conservation de l'immeuble qui lui incombait réalisé les travaux de réfection du plancher de l'appartement qui au moins partiellement est une partie commune ; mais que les condamnations prononcées contre la SCI trouvent leur fondement dans le vice caché connu d'elle présenté par la chose qu'ils ont vendue aux époux V... de sorte qu'il ne tenait qu'à elle d'exiger du syndicat des travaux concernant les parties communes avant cette vente et ils ne justifient d'aucune demande en ce sens alors qu'elle avait connaissance du vice au plus tard en 1995 ; que les condamnations intervenus contre la SCI n'ont aucun lien de causalité avec le manquement allégué du syndicat ;
ALORS QUE le syndicat des copropriétaires est responsable des dommages résultant d'un vice de construction ou d'un défaut d'entretien des parties communes, et ce, quand bien même aurait-il ignoré les défectuosités à l'origine de ces dommages ; qu'en l'espèce, il était acquis aux débats que les désordres à l'origine des dommages consistaient « en un affaissement des planchers », résultant de l'absence de modification des solives, parties communes ; que dès lors, en retenant, pour débouter la SCI Nano de son appel en garantie contre le syndicat des copropriétaires, qu'il incombait à celle-ci d'agir auprès du syndicat avant la vente pour faire réparer le vice, quand il appartenait au syndicat de procéder, par lui-même, indépendamment de toute sollicitation d'un copropriétaire, aux vérifications nécessaires quant au bon état des parties communes de l'immeuble, la cour d'appel a violé l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965.
Le greffier de chambre