LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 ;
Attendu que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. A... a été engagé le 3 janvier 2011 en qualité de câbleur par la société Conception machines Faveyrial (la société) ; qu'il a été convoqué à un entretien préalable à sanction par lettre du 3 juin 2014, qui s'est déroulé le 10 juin 2014 ; qu'il a été convoqué à un entretien préalable par lettre du 23 juin 2014 et été licencié pour faute grave le 7 juillet 2014 ; que le 6 novembre 2014, il a saisi la juridiction prud'homale pour qu'elle constate l'absence de caractère réel et sérieux du licenciement ;
Attendu que pour dire le licenciement du salarié sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu que le salarié avait signalé le 2 juin 2014 à son employeur ses indisponibilités futures et avait rappelé à son responsable son indisponibilité dès qu'il avait eu connaissance de l'effectivité de sa mission qui devait se dérouler du 23 juin au 4 juillet 2014, permettant ainsi à la société de prendre ses dispositions ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que, par lettre en date du 13 juin 2014, la société avait réitéré la mise en demeure d'effectuer cette mission qu'elle avait déjà formulée lors d'un entretien préalable à une sanction le 10 juin 2014, que le salarié ne contestait pas devoir effectuer cette mission en application de son contrat de travail et avoir refusé, sans motif légitime, de l'exécuter, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;
Condamne M. A... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze septembre deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Conception machines Faveyrial
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de M. A... était dépourvu de cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la SAS Concept Machines Faveyrial à lui verser les sommes de 985,66 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied à titre conservatoire, 98,56 euros à titre de congés payés afférents, 1.240,40 euros à titre d'indemnité de licenciement, 3.544 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 354,40 euros à titre de congés payés afférents, 12.000 euros à titre de dommages et Intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'AVOIR ordonné le remboursement par l'employeur aux organismes concernés de tout ou partie des indemnités de chômage ;
AUX MOTIFS QUE « la faute grave, privative d'indemnités de licenciement, est une faute qui résulte d'un fait imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis. En l'espèce M. A... ne conteste pas qu'au regard de son contrat de travail il peut être amené à effectuer des prestations ou visites auprès de clients CMF en France comme à l'étranger et avoir refusé d'aller sur le chantier de Monceau les Mines en raison de son indisponibilité sur les semaines 26 et 27. Il indique avoir prévenu son employeur le 2 juin par l'intermédiaire de son responsable de son indisponibilité, ce qui n'est pas contesté par la société CMF. Par courrier en date du 13 juin la société CMF lui a rappelé les termes de l'entretien du 10 juin, a réitéré sa mise en demeure de se présenter sur le chantier le lundi 23 juin et ce jusqu'au 4 juillet et lui a indiqué que son absence serait considérée comme une faute grave. Le 16 juin M. A... précisait à son employeur, sans être contredit qu'"au début du mois de mai, et n'ayant pas connaissance des dates exactes du chantier pour Monceau les mines, je vous avais fait part de mon indisponibilité à partir en déplacement semaines 26 et 27, cela afin de vous permettre de vous organiser afin de palier à mon absence. Ne pouvant pas revenir sur mes obligations, je reviens aujourd'hui vous confirmer mon indisponibilité semaines 26 et 27. Suite à ma démarche je ne pense pas avoir voulu mettre en péril la société". Or si on peut déplorer qu'un salarié refuse d'exécuter une mission confiée par l'employeur, il convient en l'espèce de relever qu'avant d'avoir eu connaissance des dates de sa mission, M. A... a signalé à son employeur ses indisponibilités à venir et que dès qu'il a eu connaissance de l'effectivité de sa mission, il a rappelé à son responsable son indisponibilité permettant ainsi à l'entreprise de prendre ses dispositions. Dès lors l'employeur ne peut utilement invoquer ne pas avoir pu anticiper cette absence. D'autre part il convient de relever que nonobstant une lettre lui demandant d'être présent sur une mission à Ankara en novembre et décembre 2013 pour laquelle il avait indiqué ne pouvoir se rendre, il n'a jamais failli dans les missions qui étaient les siennes depuis son embauche, étant souligné que dans ce courrier il est rappelé qu'il a participé à de nombreux déplacements et missions y compris à l'étranger.
Dans ces circonstances, il ne peut être retenu que le refus de M. A... sur la mission de Monceau les mines constitue une faute grave ou même une cause réelle et sérieuse de licenciement. En conséquence le jugement entrepris sera confirmé » ;
ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, EN LES SUPPOSANT ADOPTES, QUE « l'article L. 1232-1 du code du travail dispose «tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre. Il est justifié par une cause réelle et sérieuse. » ; que la faute grave est définie comme celle résultant de tout fait (ou ensemble de faits), non déjà sanctionné, imputable au salarié (Cour de cassation, 23 février 2005) constituant une violation des obligations découlant de son contrat ou de sa fonction d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de l'employé dans la société concernée pendant la durée du préavis théorique (Cour de cassation, 26 février 1991) ; que la faute grave, qui peut seule justifier une mise à pied conservatoire, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise (Cass. Soc.27 septembre 2007, n° 06-43867 ; qu'elle doit être prouvée par l'employeur (Cour de cassation, 5 mars 1981) ; que le doute profite au salarié (Cour de cassation, 11 décembre 1986) ; que la lettre de licenciement fixe les termes et les limites du litige (Cass. Soc. 12 février 2014, n° 12-11554) ; qu'en l'espèce, il est reproché à M. A... d'avoir refusé de se rendre sur un chantier important pour l'entreprise du 23 juin au 4 juillet 2014 ; que la lettre de licenciement est rédigée notamment en ces termes « votre refus à réaliser la prestation de travail chez. le client, sans raison apparente et avancée, n'est pas acceptable car elle remet en cause notre fonctionnement, le service et la bonne marche des prestations apportées au client, voire notre crédibilité » ; que M. A... affirme avoir averti son responsable dés le 2 juin 2014 qu'il ne pouvait partir en déplacement les semaines 26 et 27, ce qui est confirmé dans le courrier du 3 juin 2014 adressé à M. A... par la SAS CMF ; Qu'ainsi la SAS CMF avait 3 semaines pour s'organiser et remplacer M. A... ; Que même si un contrat de travail prévoit des déplacements en France et à l'étranger, un salarié peut se trouver dans l'impossibilité de se déplacer ; que lorsque ce dernier prévient son employeur de son indisponibilité, 3 semaines avant le déplacement, on ne peut considérer qu'il a manqué à ses obligations contractuelles ; Par conséquent, le licenciement de M. A... est dépourvu de cause réelle et sérieuse. (
) que l'article L. 1332-3 du code du travail dispose « Lorsque les faits reprochés au salarié ont rendu indispensable une mesure conservatoire de mise à pied à effet immédiat, aucune sanction définitive relative à ces faits ne peut être prise sans que la procédure prévue à l'article L. 1332-2 ait été respectée. » ; que la faute grave, qui peut seule justifier une mise à pied conservatoire, est celle qui rend impossible le maintien dû salarié dans l'entreprise (Cass.Soc. 27 septembre 2007, n° 06-43867" ; qu'en l'espèce, le licenciement de M. A... étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, il n'y avait aucune raison valable de lui infliger une mise à pied à titre conservatoire ; Par conséquent, il sera fera droit à la demande de M. A.... La SAS CMF sera condamnée à lui payer et porter la somme de 985,66 € outre 98,56 € au titre des congés payés afférents ; (
) que l'article L. 1234-9 du code du travail dispose : « Le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement. Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire. » ; qu'en l'espèce M. A... n'a pas été réglé de cette indemnité à laquelle il peut prétendre, son licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse ; Attendu que selon l'article R. 1234-2 du code du travail : « L'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté, auquel s'ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de dix ans d'ancienneté » ; qu'en l'espèce, lors de son licenciement, M. A... avait acquit une ancienneté de 3 ans et 6 mois ; Par conséquent, la SAS CMF sera condamnée à lui payer et porter la somme de 1240,40 € à titre d'indemnité de licenciement ; (
) l'article L. 1234-1 du code du travail dispose : «Lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit : 1° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession ; 2° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d'un mois ; 3° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois. Toutefois, les dispositions des 2° et 3° ne sont applicables que si la loi, la convention ou l'accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d'ancienneté de services plus favorable pour le salarié. » Attendu qu'en l'espèce, lors de son licenciement M. A... avait acquis une ancienneté supérieure à 2 ans, il a droit à un préavis de 2 mois. Attendu que l'article L. 1234-5 du code du travail dispose : « Lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice. L'inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise. L'indemnité compensatrice de préavis se cumule avec l'indemnité de licenciement et avec l'indemnité prévue à l'article L. 1235-2, » ; qu'en l'espèce, M. A... n'a pas effectué son préavis et que celui-ci ne lui a pas été rémunéré ; Par conséquent la SAS CMF sera condamnée à lui verser la somme de 3 544,00 € à ce titre outre 354,40 € au titre des congés payés afférents (
) l'article L. 1235-3 du code du travail dispose « Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9 » ; qu'en l'espèce, le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, la SAS CMF sera condamnée à payer et porter à M. A... la somme de 12 000,00 € » ;
1. ALORS QUE le refus délibéré d'un salarié, non-justifié et réitéré malgré de nombreuses mises en demeure de l'employeur, d'exécuter sa prestation dans les conditions prévues par le contrat de travail constitue un manquement rendant impossible son maintien dans l'entreprise ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté que le contrat de M. A... prévoyait qu'il serait amené à effectuer des prestations auprès de clients de la société en France comme à l'étranger et que le salarié avait refusé un déplacement de deux semaines qui entrait dans ses obligations contractuelles, ce dont elle aurait dû déduire l'existence d'un manquement de nature à rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'en écartant la faute grave, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du Code du travail ;
2. ALORS QUE la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que l'absence non justifiée d'un salarié pendant deux semaines résultant d'une opposition de ce dernier à l'exercice par l'employeur de son pouvoir de direction est constitutive d'une faute grave, peu important que le salarié ait préalablement averti l'employeur qu'il serait absent aux dates où il était attendu sur un chantier ; qu'en retenant, pour écarter la faute grave, que le salarié avait signalé son indisponibilité à l'employeur trois semaines avant les dates de sa mission cependant qu'elle constatait que le salarié ne s'était pas présenté sur les lieux d'une mission, d'une durée de deux semaines, confiée par l'employeur et qui s'inscrivait dans le cadre de son activité habituelle, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif inopérant, a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du Code du travail ;
3. ALORS QUE le refus délibéré d'un salarié, réitéré malgré plusieurs mises en demeure de l'employeur d'exécuter sa prestation dans les conditions prévues par le contrat de travail constitue une faute grave à moins qu'il ne soit en mesure d'établir l'existence d'un motif légitime de nature à la justifier ; qu'en écartant la faute grave sans rechercher si l'indisponibilité du salarié était justifiée par des motifs légitimes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du Code du travail ;
4. ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU' en admettant même que le simple fait pour le salarié de prévenir l'employeur de son indisponibilité pour accomplir une mission sur un chantier important qui entrait dans les prévisions du contrat de travail soit susceptible d'atténuer la gravité du refus persistant opposé par l'intéressé, le manquement ainsi constaté n'en constitue pas moins une inexécution fautive du contrat de travail qui constitue une cause réelle et sérieuse ; qu'en se bornant à affirmer que le refus opposé par M. A... à la société CMF ne constituait pas une faute grave ni même une cause réelle et sérieuse, sans aucun motif propre à justifier cette absence de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1232-1 du Code du travail.