LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. T..., engagé en qualité de conducteur d'engins le 7 juin 1978 par la société Robert, aux droits de laquelle vient la société Asten, a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 30 mai 2013 ; que contestant son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article R. 4624-31du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n° 2012-135 du 31 janvier 2012 ;
Attendu, selon ce texte, que sauf dans le cas où le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers ou lorsqu'un examen de préreprise a eu lieu dans un délai de trente jours au plus, le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste qu'après deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires ;
Attendu que pour dire le licenciement nul, l'arrêt retient que les deux avis du médecin du travail des 2 et 8 avril 2013 ne sont pas espacés de deux semaines et que l'avis d'inaptitude n'a pas été précédé d'un examen de préreprise dans le délai de trente jours, les seules visites antérieures de plus de deux semaines étant la visite de reprise du 31 janvier 2013 et la visite du 5 février 2013 organisée à la demande de l'employeur, au-delà du délai de trente jours ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les examens du salarié par le médecin du travail des 31 janvier et 5 février 2013 constituaient des examens médicaux au sens de l'article R. 4624-31 du code du travail, en sorte qu'il résultait de ses constatations que le médecin du travail avait déclaré le salarié inapte à son poste à l'issue de deux examens médicaux espacés de deux semaines, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit le licenciement nul et condamne la société Asten à payer à M. T... la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, l'arrêt rendu le 5 avril 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne M. T... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux octobre deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Asten.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Asten Le Havre à verser à M. T... conformément à l'article L. 1226-14 les sommes de 20 894 euros au titre du doublement de l'indemnité de licenciement, 4 028,52 euros au titre de l'indemnité de préavis, d'AVOIR dit que les sommes porteraient intérêts aux taux légal à compter du prononcé de la demande introductive d'instance, d'AVOIR fixé en application de l'article R. 1454-28 du code du travail, la moyenne des trois derniers mois de salaire de M. V... T... à la somme de 1 857 euros, d'AVOIR condamné la société Asten le Havre, prise en la personne de son représentant légal à remettre à M. T... ses bulletins de salaire rectifiés, ainsi que l'attestation Pôle Emploi, dûment rectifiée ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 15ème jour de retard suivant la notification du jugement, d'AVOIR condamné la société Asten le Havre à verser au salarié la somme 2 500 euros (1 500 euros en première instance et 1 000 euros en cause d'appel) au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et enfin, d'AVOIR condamné l'employeur aux dépens de première instance et d'appel ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Attendu que M. V... T..., engagé le 07/06/1978 en qualité de conducteur d'engins par la société Robert, reprise par la société Asten, a été licencié pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 30/05/2013 ;
Attendu que contestant la licéité de son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits au titre de la rupture de son contrat de travail, M. T... a saisi le conseil de prud'hommes du Havre, qui, statuant par jugement du 23/02/2015, dont appel, s'est prononcé comme indiqué précédemment ;
Attendu qu'aucun salarié ne peut être licencié pour inaptitude physique si cette inaptitude n'a pas été constatée par le médecin du travail conformément aux prescriptions de l'article R.4624-31 du code du travail alors en vigueur et, à défaut, le licenciement prononcé par l'employeur, est frappé de nullité ;
Attendu que selon les articles R.4624-31 à R.4624-33 du code du travail dans leur rédaction applicable au présent litige, le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude du salarié à son poste de travail qu'après étude de ce poste et des conditions de travail dans l'entreprise et deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires ; que sauf le cas où le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour la santé ou la sécurité de l'intéressé ou celles des tiers ou lorsqu'un examen de préreprise a eu lieu dans un délai de trente jours au plus, l'avis d'inaptitude peut être délivré en un seul examen ; qu'il peut avant d'émettre son avis, consulter le médecin inspecteur du travail ; qu'enfin, les motifs de son avis sont consignés dans le dossier médical en santé au travail du salarié ;
Qu'en l'espèce, il est produit plusieurs fiches d'aptitude médicale relatives au salarié d'où il ressort que le salarié a été déclaré :
- le 31/01/2013, lors d'une visite de reprise après accident du travail, apte avec restriction, apte chauffeur poids lourds, apte à la conduite d'engins occasionnellement (pour dépanner),
- le 05/02/2013, lors d'une visite à la demande de l'employeur, apte avec restriction, apte chauffeur poids lourds, apte à la conduite d'engins occasionnellement (pour dépanner) pas plus de 1 heure par jour, pas de port de charges lourdes de plus de 15 kg,
- le 02/04/2013, lors d'une visite à la demande de l'employeur, apte avec restriction, apte chauffeur poids lourds, apte à la conduite d'engins en alternance avec la conduite de poids lourds, pas de port de charges lourdes de plus de 15 kg,
- le 08/04/2013, lors d'une visite à la demande de l'employeur, inapte au poste mais apte à un autre poste, inapte à son poste de conducteur d'engins mais apte à un autre poste en tenant compte des restrictions (pas de port de charges lourdes de plus de 15 kg, possibilité de conduite d'engins de chantier en alternance avec la conduite de poids lourds. 2eme avis d'inaptitude (1er avis le 02/04/2013), pas de possibilité d'aménagement du poste selon le courrier de l'employeur du 02/04/2013 ;
Qu'outre le fait que l'inaptitude du salarié est d'origine professionnelle pour être en lien avec une rechute d'un accident du travail du 28/08/1991, ainsi qu'il ressort de la succession et du contenu des avis susvisés et ce que confirme au demeurant le médecin du travail dans le certificat du 07/06/2013, il y a lieu de constater que les deux avis du médecin du travail des 02 et 08/04/2013 ne sont pas espacés de deux semaines et que l'avis d'inaptitude n'a pas été précédé d'un examen de préreprise dans le délai de 30 jours ; qu'en effet, les seules visites antérieures de plus de deux semaines ont été la visite de reprise du 31/01/2013 et la visite du 05/02/2013 organisée à la demande de l'employeur, et de surcroît au-delà du délai de 30 jours ;
Qu'ainsi, à défaut d'une constatation de l'inaptitude conforme aux dispositions précitées, le jugement entrepris sera infirmé ; que le licenciement est en conséquence frappé de nullité pour avoir été prononcé à raison de l'état de santé de l'intéressé en violation de l'article L.1132-1 du code du travail ;
Attendu que M. T... a ainsi droit d'une part à une indemnité compensatrice d'un montant égal à l'indemnité de préavis prévue à l'article L.1234-5, qui n'ouvre pas droit à l'indemnité compensatrice de congés payés afférents, d'autre part, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, à une indemnité spéciale de licenciement égale au double de l'indemnité prévue par l'article L.1234-9, enfin, en l'absence de réintégration, à une indemnité au titre de la rupture dont le montant ne peut être inférieur à six mois de salaire calculé sur la moyenne des trois derniers mois de rémunération ;
Attendu que les dispositions du jugement déféré en ce qui concerne l'indemnité compensatrice précitée et de l'indemnité spéciale de licenciement ne font l'objet d'aucune contestation utile de la part de l'employeur, si bien qu'elles seront confirmées ;
Qu'en revanche, le jugement sera infirmé en ce qu'il a alloué des congés payés sur l'indemnité compensatrice qui n'a pas la nature d'un préavis et M. T... débouté de cette demande ;
Attendu qu'en considération de la situation particulière de M. T... et eu égard notamment à son âge (54 ans au moment de la rupture), à l'ancienneté de ses services (35 ans) et à ses capacités à retrouver un nouvel emploi, la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer la réparation qui lui est due à la somme de 50 000 euros ;
Attendu que le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives à la remise des documents à l'exception de l'astreinte, à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;
Attendu que la société Asten, qui succombe, sera déboutée de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile, condamnée sur ce fondement à verser à M. T... une indemnité de 1 000 euros en appel et à supporter les dépens d'appel » ;
ET AUX MOTIFS partiellement ADOPTES QUE « Sur la demande de doublement de Indemnité de licenciement et de l'indemnité compensatrice de préavis :
Attendu que, dès le premier arrêt de travail en date du 1er octobre 2012, le médecin traitant a pris la précaution d'indiquer que l'arrêt de travail de Monsieur V... T... était lié à une rechute d'accident du travail survenu le 28 août 1991.
Attendu que par la suite, la Société ASTEN LE HAVRE a écrit à la médecine du travail, le 02 avril 2013, indiquant dans son courrier : « que suite à une rechute déclarée d‘un accident du travail survenu le 28 août 1991, la durée d'arrêt de travail a été validée jusqu'au 29 janvier 2013" ;
Attendu que dès lors, la Société ASTEN LE HAVRE était dûment informée que l'inaptitude qui a pu être prononcée par la suite, était liée à une rechute d'accident du travail du 28 août 1991.
En conséquence, et conformément aux dispositions de l'article L 1226-14 du code du Travail, le Conseil dit et juge que Monsieur V... T... est bien fondé à solliciter l'indemnité spéciale de licenciement égale au double de l'indemnité prévue par l'article L1234-9 du code du Travail et condamner la Société ASTEN LE HAVRE à payer à Monsieur V... T... la somme de 20 894 euros, correspondant à l'indemnité légale de licenciement complémentaire, ainsi qu'au paiement de son préavis (2 mois), et aux congés payés sur préavis.
Sur la remise des bulletins de salaire modifiés et de Vattestation pôle emploi modifiée :
Attendu que le Conseil a dit et juge que la Société ASTEN LE HAVRE sera condamnée au paiement du doublement de l'indemnité de licenciement, au paiement du préavis et aux congés payés sur préavis.
Le Conseil fera droit à la demande de Monsieur V... T... et condamne Société ASTEN LE HAVRE à remettre à Monsieur V... T... ses bulletins de salaire, rectifiés (pour la période concernée), ainsi qu'une l'attestation pôle emploi, dûment rectifiée, ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la notification du présent jugement.
Le Conseil s'en réservera la liquidation.
Sur L'exécution provisoire :
Attendu que l'exécution provisoire est de droit sur les salaires et accessoire de salaires, le Conseil ordonnera l'exécution provisoire sur la totalité du jugement à intervenir.
Sur la demande d'article 700 du Code de Procédure Civile de Monsieur V... T...
Attendu qu'il ne serait pas équitable de laisse à la charge de Monsieur V... T... les frais exposés par lui pour assurer sa défense, le Conseil lui accordera la somme de 1 500 euros » ;
1°) ALORS QUE toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ; qu'il en découle que le juge doit motiver sa décision en des termes compatibles avec cette exigence d'impartialité ; que, pour conclure à l'origine professionnelle de l'inaptitude du salarié, la cour d'appel s'est bornée à reproduire, à l'exception de quelques adaptations de style, les conclusions du salarié qui alléguait que « Dès le premier arrêt de travail en date du 1er octobre 2012, le médecin a pris la précaution d'indiquer que l'arrêt de travail de Monsieur T... était lié à une rechute d'accident de travail survenu le 28 août 1991. Par la suite, l'employeur écrivait à la médecine du travail, le 2 avril 2013, indiquant que « suite à une rechute déclarée d'un accident de travail survenu le 28 août 1991, la durée d'arrêt de travail a été validée jusqu'au 29 janvier 2013. » Dès lors, l'employeur était dument informé que l'inaptitude qui a pu être prononcée par la suite était liée à une rechute de l'accident du travail du 28 août 1991. Dès lors et ce, conformément aux dispositions précitées et notamment à l'article L 1226-14, Monsieur T... est en droit de solliciter l'indemnité spéciale de licenciement égale au double de l'indemnité prévue par l'article L 1234-9 du Code du Travail. Dès lors, la société ASTEN devra être condamnée au paiement de la somme de 20.894 € correspondant à l'indemnité légale de licenciement complémentaire à laquelle Monsieur T... peut prétendre » ; qu'en statuant ainsi, par une apparence de motivation, incompatible avec l'exigence d'impartialité, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°) ALORS QUE les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ne s'appliquent que lorsque l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement ; qu'il appartient par ailleurs aux juges du fond d'apprécier eux-mêmes l'origine professionnelle ou non de l'inaptitude sans pouvoir se référer aux seules mentions figurant sur un avis d'inaptitude ou un arrêt de travail faisant état d'une prétendue rechute d'un accident du travail intervenu plusieurs années auparavant ; qu'en l'espèce, il était constant que l'accident du travail initial de M. T... s'était produit en 1991 et qu'il avait par la suite repris normalement son poste de travail pendant 25 ans ; que, pour conclure à l'origine professionnelle de l'inaptitude du salarié, la cour d'appel s'est fondée sur l'arrêt de travail prescrit le 1er octobre 2012, soit 25 ans après l'accident du travail subi par le salarié et indiquant que ce dernier souffrait d'une rechute de celui-ci, sur un courrier de l'employeur du 2 avril 2013 ayant indiqué que « suite à une rechute déclarée d‘un accident du travail survenu le 28 août 1991, la durée d'arrêt de travail a été validée jusqu'au 29 janvier 2013 », sur les avis d'aptitude et d'inaptitude ne faisant pourtant pas expressément mention d'un lien entre l'inaptitude constatée et les conditions de travail du salarié, ainsi que sur un courrier du médecin du travail du 7 juin 2013, postérieur au licenciement du salarié ; qu'en se fondant sur de tels éléments, la cour d'appel qui n'a pas apprécié par elle-même l'origine professionnelle de l'inaptitude du salarié, a privé sa décision de base légale au regard des articles au regard des articles L. 1226-10, L. 1226-14 et L. 1226-15 du code du travail ;
3°) ALORS QUE les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ne s'appliquent que lorsque l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement ; qu'en l'espèce, pour conclure que la société Asten avait connaissance de l'origine professionnelle de l'inaptitude du salarié, la cour d'appel s'est fondée sur l'arrêt de travail prescrit le 1er octobre 2012, soit 25 ans après l'accident du travail du salarié et indiquant que ce dernier souffrait d'une rechute de celui-ci sans précision sur la pathologie, sur un courrier de l'employeur du 2 avril 2013 ayant indiqué que « suite à une rechute déclarée d‘un accident du travail survenu le 28 août 1991, la durée d'arrêt de travail a été validée jusqu'au 29 janvier 2013 », sur les avis d'aptitude et d'inaptitude ne faisant pourtant pas expressément mention d'un lien entre l'inaptitude constatée et les conditions de travail du salarié, ainsi que sur un courrier du médecin du travail du 7 juin 2013, postérieur au lienciement du salarié ; qu'en statuant par de tels motifs impropres à caractériser que l'employeur avait connaissance de l'origine professionnelle de l'inaptitude du salarié au moment de son licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-10, L. 1226-14 et L. 1226-15 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de M. V... T... était nul, d'AVOIR condamné la société Asten le Havre à verser au salarié la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et celle de 2 500 euros (1 500 euros en première instance et 1 000 euros en cause d'appel) au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et enfin, d'AVOIR condamné l'employeur aux dépens de première instance et d'appel ;
AUX MOTIFS QUE « Attendu que M. V... T..., engagé le 07/06/1978 en qualité de conducteur d'engins par la société Robert, reprise par la société Asten, a été licencié pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 30/05/2013 ;
Attendu que contestant la licéité de son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits au titre de la rupture de son contrat de travail, M. T... a saisi le conseil de prud'hommes du Havre, qui, statuant par jugement du 23/02/2015, dont appel, s'est prononcé comme indiqué précédemment ;
Attendu qu'aucun salarié ne peut être licencié pour inaptitude physique si cette inaptitude n'a pas été constatée par le médecin du travail conformément aux prescriptions de l'article R. 4624-31 du code du travail alors en vigueur et, à défaut, le licenciement prononcé par l'employeur, est frappé de nullité ;
Attendu que selon les articles R. 4624-31 à R. 4624-33 du code du travail dans leur rédaction applicable au présent litige, le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude du salarié à son poste de travail qu'après étude de ce poste et des conditions de travail dans l'entreprise et deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires ; que sauf le cas où le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour la santé ou la sécurité de l'intéressé ou celles des tiers ou lorsqu'un examen de préreprise a eu lieu dans un délai de trente jours au plus, l'avis d'inaptitude peut être délivré en un seul examen ; qu'il peut avant d'émettre son avis, consulter le médecin inspecteur du travail ; qu'enfin, les motifs de son avis sont consignés dans le dossier médical en santé au travail du salarié ;
Qu'en l'espèce, il est produit plusieurs fiches d'aptitude médicale relatives au salarié d'où il ressort que le salarié a été déclaré :
- le 31/01/2013, lors d'une visite de reprise après accident du travail, apte avec restriction, apte chauffeur poids lourds, apte à la conduite d'engins occasionnellement (pour dépanner),
- le 05/02/2013, lors d'une visite à la demande de l'employeur, apte avec restriction, apte chauffeur poids lourds, apte à la conduite d'engins occasionnellement (pour dépanner) pas plus de 1 heure par jour, pas de port de charges lourdes de plus de 15 kg,
- le 02/04/2013, lors d'une visite à la demande de l'employeur, apte avec restriction, apte chauffeur poids lourds, apte à la conduite d'engins en alternance avec la conduite de poids lourds, pas de port de charges lourdes de plus de 15 kg,
- le 08/04/2013, lors d'une visite à la demande de l'employeur, inapte au poste mais apte à un autre poste, inapte à son poste de conducteur d'engins mais apte à un autre poste en tenant compte des restrictions (pas de port de charges lourdes de plus de 15 kg, possibilité de conduite d'engins de chantier en alternance avec la conduite de poids lourds. 2eme avis d'inaptitude (1er avis le 02/04/2013), pas de possibilité d'aménagement du poste selon le courrier de l'employeur du 02/04/2013 ;
Qu'outre le fait que l'inaptitude du salarié est d'origine professionnelle pour être en lien avec une rechute d'un accident du travail du 28/08/1991, ainsi qu'il ressort de la succession et du contenu des avis susvisés et ce que confirme au demeurant le médecin du travail dans le certificat du 07/06/2013, il y a lieu de constater que les deux avis du médecin du travail des 02 et 08/04/2013 ne sont pas espacés de deux semaines et que l'avis d'inaptitude n'a pas été précédé d'un examen de préreprise dans le délai de 30 jours ; qu'en effet, les seules visites antérieures de plus de deux semaines ont été la visite de reprise du 31/01/2013 et la visite du 05/02/2013 organisée à la demande de l'employeur, et de surcroît au-delà du délai de 30 jours ;
Qu'ainsi, à défaut d'une constatation de l'inaptitude conforme aux dispositions précitées, le jugement entrepris sera infirmé ; que le licenciement est en conséquence frappé de nullité pour avoir été prononcé à raison de l'état de santé de l'intéressé en violation de l'article L.1132-1 du code du travail ;
Attendu que M. T... a ainsi droit d'une part à une indemnité compensatrice d'un montant égal à l'indemnité de préavis prévue à l'article L.1234-5, qui n'ouvre pas droit à l'indemnité compensatrice de congés payés afférents, d'autre part, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, à une indemnité spéciale de licenciement égale au double de l'indemnité prévue par l'article L.1234-9, enfin, en l'absence de réintégration, à une indemnité au titre de la rupture dont le montant ne peut être inférieur à six mois de salaire calculé sur la moyenne des trois derniers mois de rémunération ;
Attendu que les dispositions du jugement déféré en ce qui concerne l'indemnité compensatrice précitée et de l'indemnité spéciale de licenciement ne font l'objet d'aucune contestation utile de la part de l'employeur, si bien qu'elles seront confirmées ;
Qu'en revanche, le jugement sera infirmé en ce qu'il a alloué des congés payés sur l'indemnité compensatrice qui n'a pas la nature d'un préavis et M. T... débouté de cette demande ;
Attendu qu'en considération de la situation particulière de M. T... et eu égard notamment à son âge (54 ans au moment de la rupture), à l'ancienneté de ses services (35 ans) et à ses capacités à retrouver un nouvel emploi, la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer la réparation qui lui est due à la somme de 50 000 euros ;
Attendu que le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives à la remise des documents à l'exception de l'astreinte, à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;
Attendu que la société Asten, qui succombe, sera déboutée de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile, condamnée sur ce fondement à verser à M. T... une indemnité de 1 000 euros en appel et à supporter les dépens d'appel » ;
ALORS QUE le médecin du travail peut constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste après deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines, et ce, peu important la qualification ou non de visite de reprise attribué auxdits examens ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt que dès le 31 janvier 2013, lors de la reprise du travail, le médecin du travail s'était prononcé sur l'aptitude du salarié en le déclarant apte avec restrictions, que ce dernier avait ensuite subi deux autres examens médicaux les 5 février et 2 avril 2013 le déclarant apte avec restrictions, et que par un avis du 8 avril 2013, le salarié avait finalement été déclaré inapte à son poste ; que dès lors, en jugeant que la constatation de l'inaptitude par le médecin du travail n'était pas conforme aux prescriptions légales, quand il résultait de ses propres constatations que le salarié avait fait l'objet de quatre examens médicaux entre le 31 janvier et le 8 avril 2013, le dernier donnant lieu à un avis d'inaptitude, la cour d'appel a violé l'article R. 4624-31 du code du travail dans sa version applicable au litige.