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09/10/2019 | FRANCE | N°18-14872

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 octobre 2019, 18-14872


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 2242-22 du code du travail, alors applicable ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme R... a été engagée le 15 avril 2011 en qualité de secrétaire d'agence par la société Inéo Réseaux Sud-Ouest, aux droits de laquelle est venue la société Inéo Midi-Pyrénées Languedoc-Roussillon, et affectée à l'agence d'Agen ; que la société a conclu le 9 octobre 2013 avec les organisations syndicales représentatives du personnel un accord de mobilité interne qui

a été notifié à la salariée ; que cet accord prévoyait notamment : « Le présent accord s...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 2242-22 du code du travail, alors applicable ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme R... a été engagée le 15 avril 2011 en qualité de secrétaire d'agence par la société Inéo Réseaux Sud-Ouest, aux droits de laquelle est venue la société Inéo Midi-Pyrénées Languedoc-Roussillon, et affectée à l'agence d'Agen ; que la société a conclu le 9 octobre 2013 avec les organisations syndicales représentatives du personnel un accord de mobilité interne qui a été notifié à la salariée ; que cet accord prévoyait notamment : « Le présent accord sera, en fonction de son caractère expérimental et donc nécessairement limité dans sa portée, applicable aux seuls collaborateurs affectés à la date de signature des présentes à l'établissement d'Agen ([...]). Soucieuses de fixer des limites spatiales à la mobilité interne dès lors qu'elle dépasse la zone géographique d'emploi des salariés concernés, les parties s'entendent pour que les propositions de mobilité interne interviennent en direction des seuls établissements actuels de la société Inéo Réseaux Sud-Ouest (zone maximum de mobilité possible) » ; que l'employeur a adressé à la salariée une proposition de mobilité interne sur un emploi de secrétaire d'agence auprès de l'agence Aveyron Languedoc Roussillon, située à Perpignan, que l'intéressée a refusée ; qu'elle a été licenciée pour motif économique le 28 février 2014 en raison de son refus de mobilité interne et de l'impossibilité de son reclassement ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que, pour juger le licenciement de la salariée dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamner la société à lui payer une indemnité sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail et ordonner le remboursement des sommes éventuellement versées par Pôle emploi dans la limite de six mois, l'arrêt énonce qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 2242-21, L. 2242-22 et L. 2242-23 du code du travail que le licenciement d'un salarié ayant refusé l'application à son contrat de travail des stipulations de l'accord collectif relatif à la mobilité interne conclu dans son entreprise repose sur un motif économique dès lors que les conditions de forme et de fond prescrites par les textes précités ont bien été respectées et qu'ainsi cet accord lui est opposable ; qu'il ne saurait être reproché à la salariée d'avoir refusé la proposition de mobilité qui lui était faite sachant qu'il ne lui était pas possible, à la lecture de l'accord de mobilité, de savoir si cette proposition s'inscrivait dans les limites géographiques que l'accord se devait de fixer précisément en application des dispositions de l'article L. 2242-22 du code du travail ; qu'il ne relève nullement de l'évidence qu'une secrétaire d'agence à Agen ait nécessairement connaissance de la liste des établissements de la société Inéo Réseaux Sud-Ouest, dont nombre d'entre eux, aux termes des conclusions de ladite société, semblent se situer en dehors de la région géographique Sud-Ouest ; que dès lors, le licenciement de l'intéressée, intervenu sur la base d'un accord de mobilité interne qui lui est inopposable compte tenu de l'imprécision de la mention prescrite par l'article L. 2242-22 et relative aux limites géographiques de la mobilité, est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la clause de l'accord, qui prévoyait que les propositions de mobilité pourront concerner tous les établissements de l'entreprise existant à la date de sa conclusion, était précise, peu important qu'elle ne dresse pas la liste de ces établissements, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne Mme R... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf octobre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Inéo Midi-Pyrénées Languedoc-Roussillon

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Mme R..., intervenu en application des dispositions de l'article L. 2242-23 du code du travail, sur la base d'un accord de mobilité interne qui lui est inopposable, est dépourvu de cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la société Inéo Réseaux Sud-Ouest à payer à Mme R... la somme de 12.000 euros en application de l'article L. 1235-3 du code du travail et d'AVOIR ordonné le remboursement par la société Inéo Réseaux Sud-Ouest des sommes éventuellement versées par Pôle emploi à Mme R... dans la limite de six mois ;

AUX MOTIFS QUE « L'article L. 2242-21 du code du travail, issu de la loi nº 2013-504 du 14 juin 2013 prévoit que « L'employeur peut engager une négociation portant sur les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l'entreprise dans le cadre de mesures collectives d'organisation courante 100 projets de réduction d'effectifs (
) ». L'article L. 2242-22 précise que « l'accord issu de la négociation prévue à l'article L. 2242-21 comporte notamment : 1º Les limites imposées à cette mobilité au-delà de la zone géographique d'emploi du salarié, elle-même précisée par l'accord dans le respect de la vie personnelle et familiale du salarié conformément à l'article L. 1121-1 ; 2º Les mesures visant à concilier la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale et à prendre en compte les situations liées aux contraintes de handicap et de santé ; 3º Les mesures d'accompagnement à la mobilité, en particulier les actions de formation ainsi que les aides à la mobilité géographique, qui comprennent notamment la participation de l'employeur à la compensation d'une éventuelle perte de pouvoir d'achat et aux frais de transport. Les stipulations de l'accord collectif conclu au titre de l'article L. 2242-21 et du présent article ne peuvent avoir pour effet d'entraîner une diminution du niveau de la rémunération ou de la classification personnelle du salarié et doivent garantir le maintien ou l'amélioration de sa qualification professionnelle ». Enfin, l'article L. 2242-23 dispose que « L'accord collectif issu de la négociation prévue à l'article L. 2242-21 est porté à la connaissance de chacun des salariés concernés. Les stipulations de l'accord conclu au titre des articles L. 2242-21 et L. 2242-22 sont applicables aux contrats de travail. Les clauses du contrat de travail contraire à l'accord sont suspendues. Lorsque, après une phase de concertation permettant à l'employeur de prendre en compte les contraintes personnelles et familiales de chacun des salariés potentiellement concernés, l'employeur souhaite mettre en oeuvre une mesure individuelle de mobilité prévue par l'accord conclu au titre du présent article, il recueille l'accord du salarié selon la procédure prévue à l'article L. 1222-6. Lorsqu'un ou plusieurs salariés refusent l'application à leur contrat de travail des stipulations de l'accord relatives à la mobilité interne mentionnées au premier alinéa de l'article L. 2242-21, leur licenciement repose sur un motif économique, est prononcé selon les modalités d'un licenciement individuel pour motif économique et ouvre droit aux mesures d'accompagnement et de reclassement que doit prévoir l'accord, qui adapte le champ et les modalités de mise en oeuvre du reclassement interne prévu aux articles L. 1233-4 et L. 1233-4-1 ». Il résulte de ces dispositions que le licenciement d'un salarié ayant refusé l'application à son contrat de travail des stipulations de l'accord collectif relatif à la mobilité interne conclu dans son entreprise, repose sur un motif économique dès lors que les conditions de forme et de fond prescrites par les textes susvisés ont bien été respectées et qu'ainsi cet accord lui est opposable. En l'espèce, Mme R... soutient notamment qu'aucune zone géographique de mobilité n'a été définie dans l'accord, ce que conteste la société Inéo Réseaux Sud-Ouest dans ses conclusions en prétendant qu'il serait expressément prévu dans l'accord de mobilité que les propositions de mobilité interne interviendraient en direction des seuls établissements composant la société Inéo Réseaux Sud-Ouest qui comprend : - l'agence Nord Aquitaine, composée de trois établissements situés à Agen, Bergerac et Canejan, - l'agence Sud Aquitaine, composée de taux établissements situés à Dax et à Tarbes, - l'agence Midi-Pyrénées située à Toulouse, - l'agence Quercy Limousin composée de deux établissements situés à Tulle et Souillac, - l'agence Aveyron Languedoc-Roussillon composée de deux établissements situés à Millau et Perpignan. Force est cependant de constater que l'accord de mobilité interne conclu entre la direction et les partenaires sociaux le 9 octobre 2013, au chapitre « Champ d'application et garanties apportées aux mobilités géographiques et fonctionnelles », s'il précise qu'il est applicable aux seuls collaborateurs affectés à la date de signature à l'établissement d'Agen, se contente d'indiquer que «les propositions de mobilité interne interviennent en direction des seuls établissements actuels de la société Inéo Réseaux Sud-Ouest (zone maximum de mobilité possible)», sans autre précision. Dans ces conditions, il ne saurait être reproché à Mme R... d'avoir refusé la proposition de mobilité qui lui était faite en application de cet accord sachant qu'il ne lui était pas possible, à la lecture de l'accord de mobilité qui lui avait été notifié, de savoir si cette proposition s'inscrivait dans les limites géographiques que l'accord se devait de fixer précisément en application des dispositions de l'article L. 2242-22, étant observé qu'il ne relève nullement de l'évidence qu'une secrétaire d'agence à Agen ait nécessairement connaissance de la liste des établissements de la société Inéo Réseaux Sud-Ouest, dont nombre d'entre eux, aux termes des conclusions de la société, semblent se situer en dehors de la région géographique Sud-Ouest. Dès lors, le licenciement de l'intéressée - intervenu en application des dispositions de l'article L. 2242-23, sur la base d'un accord de mobilité interne qui lui est inopposable compte tenu de l'imprécision de la mention prescrite par l'article L.2242-22 et relative aux limites géographiques de la mobilité - est dépourvu de cause réelle et sérieuse » ;

1. ALORS QUE selon l'article L. 2242-22 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, l'accord de mobilité interne doit définir les limites imposées à la mobilité du salarié au-delà de la zone géographique d'emploi ; que ce texte, qui n'impose pas de définir les limites de la mobilité par référence à une zone géographique, autorise à définir les limites de la mobilité par référence aux implantations ou établissements de l'entreprise ; qu'en conséquence, l'accord qui prévoit que les propositions de mobilité pourront intervenir à destination de tous les établissements de l'entreprise existant à la date de sa conclusion est suffisamment précis, peu important qu'il ne définisse pas une zone géographique d'application et ne dresse pas la liste de tous les établissements de l'entreprise ; que l'accord de mobilité interne conclu par la société Inéo Réseaux Sud-Ouest, le 9 octobre 2013, prévoit que « les propositions de mobilité interne interviennent en direction des seuls établissements actuels de la société Inéo Réseaux Sud-Ouest (zone maximum de mobilité possible) » ; qu'en affirmant cependant, pour dire cet accord inopposable à la salariée, que cette clause ne lui permettait pas de savoir si la proposition de mobilité interne qui lui était faite s'inscrivait dans les limites géographiques que l'accord se devait de fixer, la cour d'appel a violé l'article L. 2242-22 du code du travail ;

2. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE lorsqu'en raison de ses statuts ou de l'organisation du groupe auquel elle appartient, l'entreprise déploie son activité exclusivement sur une région géographique déterminée, l'accord de mobilité, qui limite aux seuls établissements de l'entreprise existant à la date de sa conclusion les propositions de mobilité pouvant être faites aux salariés, limite par là-même la zone géographique de mobilité à la région géographique sur laquelle l'entreprise déploie son activité ; qu'en l'espèce, il est constant que l'activité de la société Ineo Réseaux Sud-Ouest, filiale du groupe Engie, se déploie exclusivement dans la région Sud-Ouest de la France ; qu'en conséquence, en prévoyant que « les parties s'entendent pour que les propositions de mobilité interne interviennent en direction des seuls établissements actuels de la société Inéo réseaux Sud-Ouest », l'accord de mobilité limite à la région Sud-Ouest de la France la mobilité interne susceptible d'être proposée aux salariés en application de cet accord ; qu'en affirmant que cet accord n'était pas suffisamment précis, faute de préciser les limites géographiques de la mobilité interne susceptible d'être proposée aux salariés, la cour d'appel a violé l'article L. 2242-22 du code du travail ;

3. ALORS QUE l'article L. 2242-23 du code du travail impose à l'employeur de porter l'accord de mobilité interne à la connaissance des salariés concernés et d'organiser une phase de concertation lui permettant de prendre en compte les contraintes personnelles et familiales de chacun d'entre eux, avant de leur soumettre une proposition de mobilité interne ; que la proposition de mobilité interne doit être formulée selon la procédure de l'article L. 1222-6 du code du travail, ce qui implique que le salarié dispose d'un délai de réflexion d'un mois pour faire connaître sa réponse ; que ces dispositions permettent à l'employeur d'apporter au salarié, au besoin, toute précision sur le contenu et les conditions d'application de l'accord de mobilité ; qu'en l'espèce, il est constant que la société Inéo Réseaux Sud-Ouest a adressé à Mme R..., par lettre recommandée, un exemplaire de l'accord de mobilité interne, puis l'a reçue en entretien pour l'informer des conditions d'application de cet accord et connaître ses souhaits et contraintes en matière de mobilité, avant de lui adresser une proposition de mobilité sur l'agence de Perpignan, en précisant que cette proposition intervenait en application des dispositions de l'accord de mobilité ; que Mme R..., qui n'a pas sollicité d'explications complémentaires, a refusé cette proposition sans émettre la moindre réserve ; qu'en affirmant que cet accord était « inopposable » à Mme R..., dès lors qu'il n'était pas évident qu'une secrétaire d'agence à Agen ait nécessairement connaissance de la liste des établissements de l'entreprise et qu'en conséquence il ne lui était pas possible, à la seule lecture de l'accord de mobilité, de savoir si la proposition de mobilité s'inscrivait dans les limites géographiques fixées par l'accord, sans tenir compte de ce que la salariée, qui aurait pu solliciter des explications complémentaires au cours de la phase de concertation préalable ou pendant le délai réflexion pour se prononcer sur la proposition de mobilité, avait refusé sans réserve cette proposition, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2242-22 et L. 2242-23 du code du travail ;

4. ALORS QU' en retenant encore, pour dire que l'accord de mobilité interne était inopposable à la salariée, qu'aux termes des conclusions de l'employeur, nombre d'établissements de la société Inéo Réseaux Sud-Ouest semblaient se situer en dehors de la région géographique Sud-Ouest, cependant qu'elle avait constaté que la société Inéo Réseaux Sud-Ouest expliquait, dans ses conclusions d'appel, que ses établissements étaient situés à Agen, Bergerac, Canejean, Dax, Tarbes, Toulouse, Tulle, Souillac, Millau et Perpignan, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, en violation des exigences de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-14872
Date de la décision : 09/10/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Agen, 13 février 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 oct. 2019, pourvoi n°18-14872


Composition du Tribunal
Président : M. Cathala (président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.14872
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